RAPPORT sur les finances publiques dans l'Union économique et monétaire (UEM)

4.5.2006 - (2005/2166(INI))

Commission des affaires économiques et monétaires
Rapporteur: Dariusz Rosati

Procédure : 2005/2166(INI)
Cycle de vie en séance
Cycle relatif au document :  
A6-0162/2006

PROPOSITION DE RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN

sur les finances publiques dans l'Union économique et monétaire (UEM)

(2005/2166(INI))

Le Parlement européen,

–   vu la communication de la Commission sur les finances publiques dans l'UEM - 2005 (COM(2005)0231)),

–   vu la communication de la Commission sur les lignes directrices intégrées pour la croissance et l'emploi (2005-2008) (COM(2005)0141),

     vu les prévisions économiques de l'automne 2005, de la Commission[1],

–   vu le règlement (CE) n° 1056/2005 du Conseil du 27 juin 2005 modifiant le règlement (CE) n° 1467/97 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs[2],

–   vu la recommandation du Conseil à l'Italie, du 12 juillet 2005, visant à ce que soit mis un terme à la situation de déficit public excessif[3],

–   vu la décision du Conseil du 22 septembre 2005 abrogeant la décision 2005/136/CE du 2 juin 2004 sur l'existence d'un déficit excessif aux Pays-Bas[4],

–   vu la recommandation du Conseil du 7 octobre 2005 visant à ce que soit mis un terme à la situation de déficit public excessif au Portugal[5],

–   vu la décision du Conseil du 8 novembre 2005 établissant, conformément à l'article 104, paragraphe 8, du traité instituant la Communauté européenne, que l'action menée par la Hongrie en réponse à la recommandation émise par le Conseil le 8 mars 2005 en vertu de l'article 104, paragraphe 7, du traité s'avère inadéquate[6],

–   vu la décision du Conseil du 24 janvier 2006 sur l'existence d'un déficit excessif au Royaume-Uni[7],

–   vu le rapport annuel 2005 de l'Institut syndical européen sur la coordination des négociations collectives en Europe,

–   vu les perspectives de l'économie mondiale du FMI sur la mondialisation et les déséquilibres extérieurs, d'avril 2005,

–   vu l'article 45 de son règlement,

–   vu le rapport de la commission des affaires économiques et monétaires (A6‑0162/2006),

1.  exprime son inquiétude, premièrement, devant la persistance d'une croissance lente en Europe depuis 2002, le rythme de la croissance ne s'étant que progressivement accéléré dans la zone euro pour passer de 0,6 % en 2003 à 1,3 % en 2005, ce qui contraste avec le taux de croissance de 3,5 % affiché par les États-Unis en 2005 et le rebond de l'économie japonaise, induit par la demande intérieure finale privée, deuxièmement, devant la persistance d'un taux de chômage élevé, atteignant 9 % dans l'UE‑25 et 8,1 % dans l'UE‑15 et, troisièmement, quant à l'écart de production qui atteint actuellement ‑1 % du PIB, ce qui prouve que la croissance économique de l'UE, entravée par des rigidités structurelles, une demande intérieure faible et l'absence d'un dosage équilibré des politiques macroéconomiques, reste bien en deçà de son potentiel à long terme; relève que la croissance potentielle de l'économie européenne demeure trop faible, qu'elle se situe autour de 2 %, chiffre qui est très inférieur à ceux enregistrés dans les autres zones du monde; estime que ce potentiel de croissance est insuffisant pour créer des emplois, réduire les taux de chômage et développer une Europe élargie;

2.  insiste sur le risque d'ajustements rapides aux déséquilibres internationaux qui pourraient conduire à une contraction de la demande aux États-Unis, entraînant ainsi un fléchissement des exportations et un ralentissement de la croissance dans l'UE, et souligne que cet effet pourrait être accentué par des fluctuations du taux de change de l'euro vis-à-vis du dollar des États-Unis;

3.  prend note des incidences négatives de l'instabilité et des hausses du prix du pétrole sur la demande interne et la croissance dans l'UE, ainsi que du risque d'effets secondaires en découlant; se félicite du comportement responsable adopté par les acteurs sociaux et économiques afin de prévenir ces effets, malgré la faiblesse de la consommation des ménages; souligne qu'une politique macroéconomique stable, tournée vers l'extérieur et concurrentielle est un préalable nécessaire à la conduite d'une politique de finances publiques soutenables;

4.  se dit préoccupé par le manque de dynamisme de la consommation privée, surtout dans certains États membres, lequel a contribué aux faibles taux de croissance observés dans l'UE et, partant, aux déséquilibres mondiaux actuels, et est dû au climat d'incertitude prévalant quant à l'emploi et aux pensions ainsi qu'à la persistance d'un taux de chômage élevé et à la faible croissance des salaires réels; rappelle l'importance attachée, dans la ligne directrice intégrée 4, à la promotion de salaires nominaux et de coûts du travail qui soient compatibles avec la stabilité des prix et l'évolution de la productivité à moyen terme;

5.  se félicite du redémarrage des dépenses d'investissement, dû à la reprise de la confiance parmi les entrepreneurs et à la stabilité actuelle des marges bénéficiaires, comme indiqué dans les prévisions économiques de l'automne 2005 du FMI et de la Commission; estime qu'il reste possible et nécessaire d'accélérer encore l'activité d'investissement et préconise dès lors la mise en place de réformes structurelles et de mesures complémentaires qui soient de nature à améliorer durablement le climat d'investissement et à stimuler les investissements;

6.  demande un recentrage des dépenses publiques sur l'accumulation de capital physique et humain et l'instauration de partenariats public-privé opérant dans les domaines de l'innovation, des énergies renouvelables, de l'éducation et de la formation, de la recherche, des technologies de l'information, des réseaux de télécommunications et de transports, etc;

7.  déplore que les perspectives financières de l'UE pour la période 2007-2013 ne tiennent pas suffisamment compte de la priorité donnée aux dépenses liées aux objectifs de la stratégie de Lisbonne; souligne que les contributions au budget européen devraient être mises en regard des gains à venir, compte tenu de leurs effets positifs d'entraînement et de levier, pour autant que le budget de l'UE soit suffisamment axé sur des dépenses porteuses d'une valeur ajoutée évidente;

8.  relève que des finances publiques saines ne sont pas un objectif en soi mais un moyen, pour les États membres, de s'acquitter de leurs missions publiques; souligne l'importance que l'assainissement des positions budgétaires revêt pour la croissance, la création d'emplois et la stratégie de Lisbonne, mais relève que, en raison de l'application déficiente du Pacte de stabilité de croissance malgré le cadre budgétaire mis en place, aucune amélioration des positions budgétaires des États membres n'a été observée depuis l'an dernier; constate que la plupart des États membres, qu'ils participent ou non à la zone euro, n'ont pas encore atteint les objectifs à moyen terme concernant leurs balances des paiements; relève que le déficit a atteint, en 2005, 2,9% du PIB dans la zone euro et 2,7% dans l'UE, que onze États membres, parmi lesquels les quatre plus grandes économies de l'UE, à savoir la France, l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni, accusent des déficits dépassant 3 % du PIB, et que, depuis l'été 2004, dix États membres ont fait l'objet d'une procédure de déficit excessif;

9.  souligne l'importance de mesures destinées à faire face aux pressions qui s'exercent constamment sur les budgets; se félicite de l'élaboration, par les autorités nationales, de politiques visant à réduire les déficits budgétaires, et des engagements publics pris dans ce sens;

10. se dit préoccupé quant aux perspectives de soutenabilité budgétaire à long terme, sachant que les ratios d'endettement public ont augmenté, passant de 69,2 % en 2002 à 71,7 % en 2005 dans la zone euro et de 61,4 % en 2002 à 64,1 % en 2005 dans l'UE-25, en raison de la faible croissance du PIB et du manque d'efforts résolus en vue de réduire les déséquilibres budgétaires au travers de réformes structurelles;

11. fait observer que, dans le contexte d'une UE où la confiance des consommateurs et des investisseurs est faible, la correction des déficits publics est fondamentale; signale que l'évolution récente des finances publiques est décevante, puisque les États membres ont toujours des déficits fortement supérieurs à ceux requis par l'économie européenne; relève que, pour justifier ces déficits, les gouvernements utilisent le prétexte de la faible croissance, bien que ces déficits nuisent à la reprise économique et aggravent le cercle vicieux; demande une réduction des déficits publics en 2006, qui soit beaucoup plus ambitieuse qu'un simple ajustement économique opéré en prévision d'une croissance européenne plus soutenue;

12. demande plus de transparence dans les finances publiques des États membres, y compris en ce qui concerne les charges implicites telles que les engagements en matière de pension dans le secteur public, lesquels vont sensiblement alourdir l'endettement du secteur public au cours des prochaines années;

13. rappelle qu'il a demandé que l'on évite de conduire des politiques pro-cycliques; insiste sur l'importance d'entreprendre des réformes structurelles et fiscales et, dans le même temps, souligne qu'il importe de prêter toute l'attention voulue pour que ces réformes interviennent au bon moment;

14. encourage à étudier de manière plus approfondie les différents types et les différentes mesures de réforme structurelle et macroéconomique ainsi que leur interaction et leur impact réciproque à différentes phases du cycle économique afin d'identifier le meilleur moyen de renforcer les finances publiques tout en réalisant la stratégie de Lisbonne;

15. souligne que l'absence de volonté politique de contenir la dépense publique, l'établissement de projections de recettes excessivement optimistes, le recours à des artifices comptables et une rationalisation des finances publiques s'appuyant principalement sur des mesures ponctuelles ont largement contribué au dérapage budgétaire et à la faiblesse du cadre budgétaire;

16. recommande d'explorer la possibilité d'établir un calendrier uniforme pour les procédures budgétaires dans l'ensemble de l'UE, éventuellement sur une base semestrielle; estime que la programmation budgétaire des États membres doit reposer sur des hypothèses uniformes concernant les principaux paramètres économiques, comme l'évolution du prix du pétrole ou des taux de change; demande dès lors que les principaux paramètres économiques soient évalués et définis de manière uniforme à l'échelle de l'UE;

17. invite les États membres à s'employer d'urgence à relever le défi lié au vieillissement de la société et à s'attaquer à la dynamique d'endettement, en particulier dans les États membres qui sont confrontés à de sérieux risques en termes de soutenabilité à long terme;

18. préconise de mettre davantage l'accent sur la durabilité dans les réformes budgétaires, pour ce qui est des mesures concernant tant les dépenses que les recettes, pour préserver des positions budgétaires soutenables et l'offre adéquate de services publics, en tenant compte également de la discipline budgétaire et des risques liés aux engagements conditionnels explicites et implicites;

19. se félicite des efforts consentis par la Commission et le Conseil en vue de renforcer la gouvernance statistique en améliorant la communication des données budgétaires moyennant une recommandation adressée aux États membres, portant sur des normes applicables à l'échelle de l'UE concernant les instituts statistiques, et énonçant également des principes visant l'indépendance professionnelle, la confidentialité, la fiabilité et l'actualité des données, l'adéquation des ressources des instituts statistiques ainsi que le renforcement des pouvoirs de surveillance de la Commission;

20. estime qu'il est possible d'améliorer la comptabilité des actifs publics et des engagements implicites afin d'accroître la transparence, d'améliorer la comparabilité et de fournir une base plus saine pour la prise de décisions; estime que la Commission devrait lancer une initiative dans ce domaine;

21. recommande que la Commission élabore une étude sur les meilleures pratiques concernant la gouvernance statistique en matière de notification des données budgétaires et de comptabilisation des actifs et des engagements publics dans les États membres;

22. préconise l'établissement de rapports nationaux sur la viabilité à long terme des finances publiques afin d'améliorer la connaissance et la crédibilité des engagements nationaux et estime que les parlements nationaux devraient être associés à cet exercice;

23. souligne qu'il importe que les politiques budgétaires des nouveaux États membres permettent de rattraper les niveaux moyens de revenus et de développement financier de l'UE, et ce au travers de politiques fiscales et de dépense caractérisées par l'efficacité, la transparence et la fiabilité, et axées sur un renforcement de la croissance, sur la durabilité ainsi que sur la modernisation et la stabilisation de l'économie;

24. déplore le manque de coordination politique au sein de la zone euro; attire l'attention sur la divergence des politiques budgétaires des États membres à l'intérieur de la zone euro et se dit inquiet quant aux effets contraires possibles d'un tel manque de coordination;

25. déplore les déficiences du cadre actuel de coordination macroéconomique au sein du Conseil Ecofin, ainsi que le manque de coordination entre les États membres; invite la Commission à entreprendre une étude sur les avantages et les limites économiques d'une coordination renforcée de la politique économique; préconise un dialogue macroéconomique plus actif, dans le cadre du processus de Cologne, entre le Conseil Ecofin, la BCE et les partenaires sociaux européens;

26. invite le Conseil à adapter le calendrier de la coordination macroéconomique en sorte que le Parlement dispose d'un délai suffisant pour soumettre sa contribution;

27. invite le président de l'Eurogroupe à soumettre, pour la durée de son mandat, un plan d'action détaillé définissant clairement ses objectifs et son action; s'attend à ce qu'il lui soit fait régulièrement rapport sur le niveau de réalisation atteint;

28. demande aux États membres d'assumer l'obligation leur incombant, en vertu de l'article 99 du traité, de considérer leurs politiques économiques comme une question d'intérêt commun et de coordonner ces politiques; rappelle aux États membres qu'une meilleure coordination et un meilleur dosage des politiques permettrait d'améliorer le résultat global des politiques conduites; demande que l'on se montre plus sensible à l'impact de la politique économique nationale au niveau de l'UE ainsi qu'à l'obligation de considérer la politique économique comme une question d'intérêt commun et de coordonner cette politique;

29. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission ainsi qu'aux parlements des États membres et aux partenaires sociaux européens.

  • [1]  Économie européenne, n° 5/2005.
  • [2]  JO L 174 du 7.7.2005, p. 5.
  • [3]  11124/05, ECOFIN 242.
  • [4]  11898/05, ECOFIN 269.
  • [5]  12401/05, ECOFIN 289.
  • [6]  14101/05, ECOFIN 337.
  • [7]  5366/06, ECOFIN 11.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le traité de Maastricht établit clairement que l'évolution des finances publiques dans les États membres doit faire l'objet d'un suivi étroit au niveau de l'UE. Étant donné qu'elles ont d'importantes incidences pour la croissance, l'emploi et la stabilité macroéconomique, et qu'elles jouent un rôle décisif quant au contexte dans lequel s'inscrit le fonctionnement de la monnaie unique, les finances publiques devraient être considérées comme une question d'intérêt commun par tous les États membres de l'UE. Les dispositions du traité visant à garantir des finances publiques saines et soutenables ont été mises en œuvre par plusieurs règlements du Conseil et soutenues par des rapports de la Commission. Les documents essentiels à cet égard sont, notamment, le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) et les textes qui en ont par la suite modifié les dispositions, et les rapports de la Commission, assortis d'évaluations et de recommandations adressées aux États membres. Le Parlement européen évalue ces documents à la lumière des développements macroéconomiques et budgétaires observés dans les États membres, et adopte ses propres rapports annuels sur les finances publiques dans l'UE.

Le principal message véhiculé dans le rapport de cette année tend à faire valoir que, dans la plupart des États membres, la situation budgétaire reste précaire et que pratiquement aucune amélioration n'est intervenue depuis l'an dernier. Si le déficit des administrations publiques s'est légèrement tassé, passant de 3 % du PIB en 2003 à 2,6 % en 2004 dans l'UE-25, et de 3 % à 2,7 % dans la zone euro, cette baisse tient essentiellement à des développements cycliques plutôt qu'à des politiques délibérées d'ajustement. Par la suite, sur fond de croissance faible, le déficit global a augmenté en 2005 pour atteindre 2,7 % dans l'UE-25 et 2,9 % dans la zone euro. Depuis 2003, onze États membres de l'UE accusent des déficits qui dépassent le seuil de 3 % du PIB et, depuis l'été 2004, dix États membres ont fait l'objet d'une procédure concernant les déficits excessifs (PDE) conformément à l'article 104 du traité. Qui plus est, quatre grandes économies de l'UE (France, Allemagne, Italie et Royaume-Uni) figuraient parmi les pays faisant l'objet d'une PDE. Le cas de la Grèce est particulièrement préoccupant, non seulement parce que le déficit y a dépassé 6 % du PIB en 2004 et a été le plus élevé de l'UE, mais aussi du fait que les données budgétaires grecques ont fait l'objet d'importantes révisions à la hausse, ce qui fait peser des doutes sur leur fiabilité. Cette situation a amené le Conseil à adresser une mise en demeure à la Grèce conformément à l'article 104, paragraphe 9, démarche qui constitue la dernière étape de la procédure avant des sanctions.

Les déficiences affectant l'application des règles budgétaires sont clairement illustrées par le fait que, dans le cas de certains États membres, les PDE, bien qu'ouvertes depuis plusieurs années, s'avèrent largement inefficaces pour ce qui est d'aider les États membres concernés à mettre leur situation budgétaire en conformité avec les dispositions du PSC. Cette situation globale prouve non seulement que les États membres ont été incapables de réduire les déséquilibres budgétaires, mais aussi que les mécanismes correctifs du PSC n'opèrent pas comme ils le devraient. Votre rapporteur exprime de sérieuses préoccupations quant à la persistance de ce laxisme budgétaire et à l'incapacité manifeste de corriger les déséquilibres budgétaires dans la plupart des États membres de l'UE.

Par suite de la faiblesse de la croissance et du rythme très lent de mise en œuvre des ajustements budgétaires nécessaires, les ratios d'endettement public ont systématiquement augmenté, passant de 61,4 % du PIB en 2002 à 64,1 % en 2005 dans l'UE-25, et de 69,2 % à 71,7 % dans la zone euro. Cette tendance à l'accroissement des ratios de dette pose de sérieux problèmes pour la viabilité budgétaire à long terme de l'ensemble de l'UE, notamment dans un contexte caractérisé par l'augmentation des engagements explicites et implicites à long terme, en ce compris les pensions. La situation est particulièrement difficile dans certains des États membres les plus endettés (Grèce, Italie), où les ratios de dette restent supérieurs à 100 % du PIB.

Les principales raisons sous-tendant ces performances budgétaires médiocres résident dans la persistance d'une croissance économique faible en Europe et dans l'absence de réformes structurelles visant à renforcer les finances publiques à long terme. La croissance économique s'est ralentie, passant de 2,4 % en 2004 à 1,5 % en 2005 dans l'UE-25, et de 2,1 % à 1,3 % dans la zone euro. À ce rythme, la croissance de l'UE est inférieure à son potentiel, et sensiblement plus lente que celle d'autres grandes économies, comme les États-Unis et le Japon, ou que celle de la Chine, de l'Inde et d'autres économies émergentes. Cette croissance faible est due à l'absence de réformes structurelles et au manque de dynamisme de la demande intérieure, reflétant une incertitude persistante quant à l'emploi, à la protection sociale et aux pensions parmi les consommateurs, et quant aux perspectives futures de la demande parmi les investisseurs. Les déficits budgétaires tendent à s'alourdir dans un contexte de croissance faible, dont l'impact pro-cyclique se fait sentir sur les recettes fiscales et les dépenses de sécurité sociale. Le niveau élevé des prix de l'énergie, l'instabilité sur les marchés du pétrole et du gaz et l'existence de déséquilibres internationaux massifs, engendrés par les importants déficits budgétaire et commercial des États-Unis et se traduisant par la persistance d'excédents des comptes courants dans la plupart des pays asiatiques, ont contribué à amoindrir encore la confiance des entreprises en Europe.

Les politiques économiques conduites dans l'UE ont été incapables de surmonter ces obstacles à la croissance. D'une manière générale, des politiques budgétaires peu rigoureuses n'ont pas permis d'engager les économies de l'UE sur la voie d'une croissance plus soutenue, les effets keynésiens de la demande finale additionnelle dans un contexte de fortes rigidités structurelles ayant probablement été plus que compensés par les effets négatifs non keynésiens qui ont maintenu les dépenses d'investissement à de bas niveaux et ajouté à l'incertitude générale. En outre, la structure des dépenses publiques est restée largement inchangée, seule une part limitée des ressources étant consacrée à l'accumulation de capital physique et humain, au soutien de l'innovation et à la recherche et développement, et autres objectifs axés sur la croissance. En revanche, les politiques monétaires sont restées restrictives dans un contexte caractérisé par une croissance médiocre du PIB et la persistance d'un euro fort. Le dosage politique en résultant a donc été loin d'être optimal et le maintien de la stabilité des prix a engendré des coûts macroéconomiques élevés. Votre rapporteur préconise un dosage plus équilibré des politiques, avec une politique budgétaire plus disciplinée permettant la conduite d'une politique monétaire moins restrictive.

L'une des raisons majeures de l'incapacité à améliorer la situation budgétaire réside dans la lenteur des réformes structurelles nécessaires. Faute des réformes nécessaires, la croissance et l'emploi ont connu un ralentissement, et les finances publiques ont été mises à rude épreuve. Les économies de l'UE souffrent de nombreuses rigidités sur les marchés du travail et des services, d'une réglementation excessive et coûteuse des activités des entreprises et de la faiblesse des incitations à innover. La stratégie de Lisbonne lancée en 2000 prévoyait un programme global de réformes, mais sa mise en œuvre dans les différents États membres a été hésitante et accuse un retard par rapport au calendrier fixé. Votre rapporteur invite les États membres à redoubler d'efforts en vue de mettre en œuvre l'Agenda de Lisbonne. À cet effet, il convient de consacrer plus de ressources au renforcement de l'activité de travail et de la compétitivité, y compris au profit de mesures visant par exemple à faciliter l'accès à l'éducation et à l'apprentissage tout au long de la vie, à assouplir les règles en matière d'emploi, à soutenir l'innovation et à réduire les contraintes administratives pesant sur les entreprises. L'adoption des mesures de Lisbonne contribuerait à stabiliser les finances publiques en stimulant la croissance et l'emploi. Dans le cadre de ce processus, il est important de mettre en place des réformes des régimes de pensions, qui permettent de faire face aux incidences budgétaires négatives du vieillissement démographique et de maîtriser la dynamique de la dette publique.

Compte tenu de la médiocrité générale des résultats obtenus dans le domaine budgétaire, des problèmes rencontrés par les États membres pour réaliser des positions budgétaires proches de l'équilibre ou excédentaires et du manque de discipline dans l'application des mesures prévues dans le cadre du PSC, ce dont témoigne le grand nombre des procédures de déficit excessif en cours, votre rapporteur demande que des efforts plus concertés et plus résolus soient consentis afin d'améliorer l'efficacité des mesures préventives et correctives pour renforcer et consolider les finances publiques dans l'UE. Les dispositions prévues dans le PSC réformé sont plus réalistes, comportent plus d'incitations à réaliser des réformes structurelles et sont davantage axées sur la soutenabilité de la dette à long terme. Elles permettent également de tenir compte de facteurs nationaux, comme les niveaux réels d'endettement et les réformes structurelles en cours, ce qui constitue une base plus saine et moins controversée pour l'évaluation des positions budgétaires et des politiques mises en œuvre par les États membres. Ces règles révisées devraient être strictement respectées et rigoureusement appliquées, la Commission et le Conseil prenant des décisions rapides et transparentes vis-à-vis des États membres qui ne s'y conforment pas. Cela contribuerait à rétablir la crédibilité du PSC, ce qui est nécessaire si l'on veut que le pacte joue effectivement le rôle de discipline et de stabilisation qui est le sien.

Parallèlement aux réformes structurelles et à l'amélioration du cadre de surveillance et de contrôle des développements intéressant les finances publiques au travers du PSC, votre rapporteur encourage les États membres de l'UE à coopérer étroitement et à prendre des mesures visant à améliorer la gouvernance au niveau des statistiques dans le domaine budgétaire et la qualité des données budgétaires, à établir des règles communes et transparentes de comptabilité des actifs et des engagements implicites des budgets publics et à éviter tout artifice comptable. Pour éviter que les projections budgétaires ne soient excessivement optimistes, les États membres devraient être encouragés à utiliser les prévisions de la Commission comme base commune pour l'établissement des projections concernant les recettes et les dépenses. Une autre solution consisterait à déléguer la tâche d'établissement des prévisions budgétaires à une institution indépendante.

Un moyen important d'améliorer l'efficacité des mesures visant à rétablir l'équilibre des finances publiques serait de sensibiliser l'opinion publique et de renforcer la crédibilité des engagements nationaux en matière de déficit et de dette. À cet effet, votre rapporteur préconise l'établissement de rapports nationaux de haut niveau sur la viabilité à long terme des finances publiques, qui mettraient en évidence les risques encourus et proposeraient d'autres options. Il serait également utile de considérer les avantages liés à l'établissement d'institutions indépendantes nationales chargées de déterminer les niveaux annuels de déficit compatibles avec l'objectif à moyen terme d'équilibre du budget. Ces organes nationaux (commissions de politique budgétaire) seraient composés de personnes désignées, présentant des antécédents professionnels de premier ordre, qui seraient politiquement indépendantes et chargées du maintien de la stabilité budgétaire dans une perspective à moyen terme. La mise en place d'une telle institution permettrait de prendre des décisions portant sur la taille du déficit budgétaire en dehors des débats politiques à court terme, les questions capitales d'économie politique que sont le niveau et la structure des recettes et des dépenses budgétaires restant de la compétence des organes politiques.

Votre rapporteur se dit préoccupé par le manque de coordination entre les États membres dans le domaine de la politique budgétaire. La coordination politique revêt une importance particulière dans la zone euro où la position de la monnaie commune dépend de manière déterminante de la ligne budgétaire suivie par les différents États membres, et où il existe un risque élevé de "resquillage". Une réforme structurelle engagée dans un État membre de la zone euro profite à l'ensemble de la zone dans la mesure où elle renforce la position de la monnaie commune et réduit les taux d'intérêt à long terme. Réciproquement, l'incapacité à entreprendre les réformes nécessaires dans un ou plusieurs États membres affecte négativement les autres États membres au travers d'un affaiblissement de la monnaie commune et d'un relèvement des taux d'intérêt. La coordination politique est dès lors nécessaire pour obtenir d'importantes synergies au travers de réformes et éviter tout comportement contraire de la part des États membres.

Une véritable coordination politique passe par la volonté politique d'agir de manière concertée. Votre rapporteur estime que cette tâche peut être facilitée par l'introduction de certaines mesures techniques qui contribueraient à améliorer le cadre de la coordination des politiques budgétaires au niveau de l'UE, en ce compris des mesures telles qu'un accord sur un calendrier uniforme pour les procédures budgétaires dans tous les États membres, encourageant les États membres à préparer des budgets sur une base semestrielle et à utiliser, dans leurs procédures budgétaires nationales, le concept de déficit corrigé des variations conjoncturelles. Votre rapporteur demande à la Commission d'entreprendre une étude d'évaluation d'impact portant sur les gains et avantages économiques d'une véritable coordination des politiques budgétaires à travers l'UE et sur le coût d'opportunité, pour l'UE, de l'absence de coordination.

Votre rapporteur souligne que des politiques budgétaires saines revêtent une importance particulière dans les nouveaux États membres qui s'emploient à rattraper les niveaux moyens de revenus et de prospérité de l'UE. Étant donné que le niveau de l'épargne nationale est généralement faible dans la plupart des nouveaux États membres, des ratios de déficit budgétaire comparables à ceux observés dans l'UE-15 laissent proportionnellement moins de ressources pour l'investissement privé et affectent négativement la croissance. Cela plaide en faveur de la poursuite de réformes budgétaires et structurelles en sorte que les taux de croissance dans les nouveaux États membres soient suffisamment élevés pour permettre une convergence réelle et nominale avec le reste de l'UE.

Votre rapporteur souligne l'importance que des finances publiques saines et soutenables revêtent pour parvenir à une croissance plus soutenue et créer plus d'emplois dans l'UE. Votre rapporteur invite les États membres à assumer l'obligation leur incombant en vertu de l'article 99 du traité CE de considérer leurs politiques économiques comme une question d'intérêt commun et de mieux coordonner ces politiques. Le Parlement est déterminé à jouer un rôle important et constructif dans ce processus, conformément à ses compétences et prérogatives.

PROCÉDURE

Titre

Finances publiques dans l'Union économique et monétaire (UEM)

Numéro de procédure

2005/2166(INI)

Commission compétente au fond
  Date de l'annonce en séance de l'autorisation

ECON
29.9.2005

Commission(s) saisie(s) pour avis
  Date de l'annonce en séance

BUDG
29.9.2005

 

 

 

 

Avis non émis
  Date de la décision

BUDG
15.3.2006

 

 

 

 

Rapporteur(s)
  Date de la nomination

Darius Rosati
4.7.2005

 

Examen en commission

28.11.2005

20.3.2005

25.4.2005

 

 

Date de l'adoption

25.4.2005

Résultat du vote final

+:

–:

0:

37

2

1

Membres présents au moment du vote final

Zsolt László Becsey, Pervenche Berès, Sharon Bowles, Udo Bullmann, Ieke van den Burg, David Casa, Jan Christian Ehler, Elisa Ferreira, Jean-Paul Gauzès, Robert Goebbels, Karsten Friedrich Hoppenstedt, Sophia in 't Veld, Othmar Karas, Wolf Klinz, Christoph Konrad, Guntars Krasts, Kurt Joachim Lauk, Astrid Lulling, Gay Mitchell, Cristobal Montoro Romero, Joseph Muscat, John Purvis, Alexander Radwan, Bernhard Rapkay, Dariusz Rosati, Eoin Ryan, Peter Skinner, Margarita Starkevičiūtė, Ivo Strejček, Sahra Wagenknecht, John Whittaker

Suppléant(s) présent(s) au moment du vote final

Jorgo Chatzimarkakis, Harald Ettl, Satu Hassi, Ján Hudacký, Werner Langen, Jules Maaten, Thomas Mann, Corien Wortmann-Kool

Suppléant(s) (art. 178, par. 2) présent(s) au moment du vote final

Íñigo Méndez de Vigo

Date du dépôt

4.5.2006