RAPPORT portant recommandations à la Commission sur les successions et testaments

16.10.2006 - (2005/2148(INI))

Commission des affaires juridiques
Rapporteur: Giuseppe Gargani
(Initiative – article 39 du règlement)

Procédure : 2005/2148(INL)
Cycle de vie en séance
Cycle relatif au document :  
A6-0359/2006

PROPOSITION DE RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN

portant recommandations à la Commission sur les successions et testaments

(2005/2148(INI))

Le Parlement européen,

–   vu le Livre vert sur les successions et testaments présenté par la Commission le 1er mars 2005 (COM(2005)0065) et son annexe (SEC(2005)0270),

–   vu l'avis du Comité économique et social du 26 octobre 2005[1],

–   vu l'article 192, deuxième alinéa, du traité CE,

–   vu les articles 39 et 45 de son règlement,

–   vu le rapport de la commission des affaires juridiques (A6‑0359/2006),

A. considérant que, selon l'étude réalisée en 2002 par le Deutsches Notarinstitut à la demande de la Commission, il s'ouvre chaque année sur le territoire de l'Union européenne entre 50 000 et 100 000 successions présentant des aspects internationaux,

B.  considérant que ce chiffre sera inévitablement revu à la hausse en raison de l'adhésion récente de dix nouveaux États membres à l'Union européenne et dans la perspective des prochains élargissements,

C. considérant qu'il subsiste actuellement de profondes différences entre les systèmes de droit international privé et de droit substantiel des États membres en matière de successions et testaments,

D. considérant que, dans la mesure où elles peuvent occasionner pour les ayants droit des difficultés et des frais pour entrer en possession de leur héritage, ces différences se traduisent par des obstacles à l'exercice de la liberté de circulation et d'établissement évoquée dans les articles 39 et 43 du traité CE et à celui du droit à la propriété en tant que principe général du droit communautaire,

E.  considérant qu'il importe d'élaborer un instrument de droit communautaire portant sur le droit international privé dans le domaine des successions pour cause de décès ainsi que des testaments, comme l'indiquaient déjà le Plan d'action de Vienne de 1998[2], le Programme de mesures sur la mise en œuvre du principe de reconnaissance mutuelle des décisions en matière civile et commerciale, adopté par le Conseil et par la Commission en 2000[3], le Programme de La Haye, du 4 novembre 2004, visant à renforcer la liberté, la sécurité et la justice dans l'Union européenne et le Plan d'action du Conseil et de la Commission mettant en œuvre le Programme de La Haye visant à renforcer la liberté, la sécurité et la justice dans l'Union européenne[4],

F.  considérant que la prise d'initiatives législatives en matière de successions et testaments est cohérente avec les objectifs du droit communautaire, qui interdit les discriminations fondées sur la nationalité et vise à promouvoir l'intégration sociale de tous les individus dont le principal lieu de vie et les intérêts se situent dans l'un des États membres, indépendamment de leur nationalité,

G. considérant que l'harmonisation du droit substantiel des successions et testaments dans les États membres n'entre pas dans les compétences de la Communauté européenne, alors que, en vertu de l'article 65, point b), du traité CE, l'adoption de mesures visant à "favoriser la compatibilité des règles applicables dans les États membres en matière de conflits de lois et de compétence" relève de ses compétences,

H. considérant que, conformément à l'article 67, paragraphe 5, deuxième tiret, du traité CE, un acte communautaire en matière de successions et testaments doit être adopté selon la procédure visée à l'article 251 du traité,

I.   considérant qu'en matière de successions testamentaires, on ne peut faire abstraction du respect de certains principes fondamentaux d'ordre public qui imposent des limites à la liberté testamentaire dans l'intérêt de la famille du testateur ou de ses autres ayants droit,

1.  demande à la Commission de présenter au Parlement, dans le courant de l'année 2007, une proposition législative, sur la base de l'article 65, point b), et de l'article 67, paragraphe 5, deuxième tiret, du traité CE, en matière de successions pour cause de décès ainsi que de testaments, à élaborer dans le cadre d'un débat interinstitutionnel et conformément aux recommandations détaillées énoncées dans l'annexe;

2.  invite la Commission, dans le cadre des délibérations en cours sur le programme de financement de la justice civile pour la période 2007‑2013, à lancer un appel à propositions pour une campagne d'information sur les successions et les testaments transfrontaliers destinée aux praticiens du droit en cette matière;

3.  invite la Commission à inscrire au nombre des priorités du programme de financement de la justice civile pour la période 2007‑2013, la création d'un réseau de praticiens du droit civil, afin de développer la confiance et la compréhension mutuelle entre professionnels de ce domaine, de partager l'information et de mettre au point des bonnes pratiques;

4.  constate que les recommandations figurant en annexe respectent le principe de subsidiarité et les droits fondamentaux des citoyens;

5.  est d'avis que la proposition demandée n'a pas de conséquences financières pour le budget communautaire;

6.  charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission ainsi qu'aux parlements et aux gouvernements des États membres.

  • [1]  JO C 28 du 3.2.2006, p. 1.
  • [2]  JO C 19 du 23.1.1999, p. 1.
  • [3]  JO C 12 du 15.1.2001, p. 1.
  • [4]  JO C 198 du 12.8.2005, p. 1.

ANNEXE À LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION:

RECOMMANDATIONS DÉTAILLÉES SUR LE CONTENU DE LA PROPOSITION DEMANDÉE

Recommandation 1 (sur la forme et sur le contenu minimal de l'instrument à adopter)

Le Parlement européen estime que l'acte législatif à adopter devra comprendre une réglementation, qui tendra à l'exhaustivité, du droit international privé en matière de successions pour cause de décès et procéder simultanément:

–   à l'harmonisation des normes concernant la compétence judiciaire, la loi applicable (les "règles de conflits de juridiction"), ainsi que la reconnaissance et l'exécution des décisions et des actes publics étrangers, à l'exception du droit positif et du droit procédural des États membres;

–   à l'institution d'un "certificat européen de succession".

Recommandation 2 (sur les critères de compétence et les critères de rattachement)

Le Parlement européen estime que l'acte législatif à adopter devra, en principe, assurer la coïncidence entre forum et ius, ce qui réduira les difficultés d'application de la législation étrangère.

Pour ces raisons, le Parlement européen est enclin à préférer, aussi bien pour critère de compétence principal que pour critère de rattachement objectif, le lieu habituel de résidence du défunt au moment du décès.

Recommandation 3 (sur l'espace à reconnaître à l'autonomie de la volonté individuelle)

Le Parlement européen estime que l'acte législatif à adopter devra accorder une marge pour l'exercice autonome de la volonté individuelle, en particulier en permettant:  

–   aux parties en cause de choisir, sous des conditions déterminées, le juge compétent, sur le modèle des dispositions des articles 23 et 24 du règlement (CE) n44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale,

–   au testateur de choisir, en ce qui concerne la loi régissant la succession, entre sa propre loi nationale et la loi du pays de résidence habituelle au moment du choix, ce choix devant être exprimé dans une déclaration ayant la forme d'une disposition testamentaire.

Recommandation 4 (sur la loi applicable à la forme des testaments)

Le Parlement européen est d'avis que l'acte législatif à adopter devra prévoir des règles appropriées en ce qui concerne la loi applicable à la forme des dispositions testamentaires, lesquelles devront, quant à la forme, être considérées valides si elles sont considérées comme telles par la loi de l'État dans lequel le testateur a disposé; ou par la loi de l'État où le testateur avait sa résidence habituelle, au moment où il a disposé ou au moment de son décès; ou par la loi d'un des États membres dont le testateur avait la nationalité, au moment où il a disposé ou au moment de son décès.

Recommandation 5 (sur la loi applicable aux contrats de succession)

Le Parlement européen estime que l'acte législatif à adopter devra prévoir des règles appropriées en ce qui concerne la loi applicable aux contrats de succession, lesquels devront être réglementés:

a) dans le cas où ils concernent la succession d'une seule personne, par la loi de l'État dans lequel cette personne a sa résidence habituelle au moment de la conclusion du contrat;

b) dans le cas où ils concernent la succession de plusieurs personnes, par chacune des lois des États dans lesquels chacune de ces personnes a sa résidence habituelle au moment de la conclusion du contrat.

L'acte législatif à adopter devra, en ce qui concerne aussi les contrats de succession, reconnaître un certain espace à l'autonomie de la volonté individuelle en permettant aux parties de décider, par une déclaration expresse, de soumettre le contrat de succession à la loi de l'État dans lequel la personne ou une des personnes visées par la succession a sa résidence habituelle au moment de la conclusion du contrat ou dont elle possède la nationalité à ce moment‑là;

Recommandation 6 (sur les questions à caractère général en matière de loi applicable) 

Le Parlement européen estime que l'acte législatif à adopter devra réglementer aussi les questions à caractère général en matière de loi applicable.

En particulier, le Parlement européen estime:

–   que la loi désignée par l'acte législatif à adopter devra être compétente pour régler, indépendamment de la nature et de la localisation des biens, toute la succession, de son ouverture jusqu'à la transmission de l'héritage aux ayants droit;

–   que le futur instrument devra avoir un caractère erga omnes, c'est‑à‑dire qu'il sera aussi applicable dans le cas où la loi désignée par lui est la loi d'un État tiers;

–   qu'aux fins de coordination du système de conflit communautaire sur les successions avec ceux des États tiers, le futur acte devra prévoir des règles appropriées en matière de renvoi et établir que, la où la loi applicable à la succession est la loi d'un État tiers et où les normes de conflit de cet État désignent la loi d'un État membre ou la loi d'un autre État tiers lequel, au sens de son propre système de droit international privé, appliquerait au cas d'espèce sa propre loi, c'est la loi de cet autre État membre ou, respectivement, la loi de cet autre État tiers, qui devra être appliquée;

–   que l'acte législatif à adopter devra indiquer les modes et moyens par lesquels les autorités appelées à appliquer une loi étrangère devront constater son contenu, ainsi que les solutions à apporter en cas de non-constatation;

–   que l'acte législatif à adopter devra soumettre la procédure de la question préliminaire à la loi désignée par les normes de conflit compétentes de la loi applicable à la succession, et préciser que la solution n'aura d'efficacité que par rapport à la procédure dans le cadre de laquelle la question préliminaire a été posée;

–   que l'acte législatif à adopter devra prévoir que l'application d'une disposition de la loi applicable pourra être exclue si cette application produit un effet manifestement incompatible avec l'ordre public du lieu de juridiction.

–   que l'acte législatif à adopter devra prévoir, au cas où un État possède en matière de successions et testaments deux systèmes de loi ou ensembles de règles, ou davantage, qui s'appliquent à différentes unités territoriales, que chacune de ces unités territoriales doit être considérée comme un pays quand il s'agit de déterminer la loi applicable à une succession. En outre, l'acte législatif à adopter devra préciser, en ce qui concerne un tel État:

a) que toute référence à un lieu habituel de résidence en cet État doit être interprétée comme se référant à un lieu habituel de résidence dans une unité territoriale;

b) que toute référence à une nationalité doit être interprétée comme se référant à l'unité territoriale désignée par la loi de cet État. En l'absence de telles dispositions, la référence doit être interprétée comme se référant au système de loi auquel la personne concernée était le plus étroitement rattachée.

Recommandation 7 (sur le "certificat européen d'héritier")

Le Parlement européen estime que le futur instrument devra avoir pour objectif la simplification des procédures que les héritiers et les légataires doivent suivre pour entrer en possession des biens composant la succession, en particulier par:  

–   la mise en place de règles de droit international privé visant à coordonner efficacement les systèmes juridiques en matière d'administration, de liquidation et de transmission des héritages, ainsi qu'en matière de détermination des héritiers, et disposant que ces aspects de la succession, sauf exceptions dues à la nature ou à la localisation de biens déterminés, soient réglementés par la loi applicable à la succession; que si cette dernière loi prévoit l'intervention d'une autorité indiquée par la loi elle‑même, ou nommée conformément à celle‑ci, ses pouvoirs soient reconnus dans tous les États membres; que si la loi applicable à la succession est la loi d'un État membre, les pouvoirs de ces autorités s'étendent, sauf indications contraires du testateur, à tous les biens compris dans une succession, où qu'ils soient situés, même si, selon la loi applicable à la succession, ces pouvoirs sont limités aux biens mobiliers; que les mesures relatives à l'activité de ces autorités, qui sont prescrites par la loi applicable à la succession, peuvent être demandées auprès des tribunaux de l'État membre dont la loi est applicable à la succession ou sur le territoire duquel le défunt avait sa résidence habituelle au moment du décès ou sur le territoire duquel se trouvent les biens composant la succession;

–   l'institution d'un "certificat européen d'héritier" indiquant de manière contraignante, jusqu'à preuve du contraire, les bénéficiaires de l'héritage, les sujets chargés de son administration et les pouvoirs correspondants ainsi que les biens composant la succession, la délivrance de ce certificat étant confiée à un sujet habilité, dans chacun des systèmes juridiques, à lui conférer une valeur officielle,

Le certificat, qui devra indiquer la loi applicable à la succession, sera rédigé selon un modèle standard prévu par le futur instrument et constituera le titre approprié pour la transcription de l'acquisition par héritage dans les registre publics de l'État membre où les biens sont situés, tout en respectant des normes de ce dernier État en ce qui concerne le fonctionnement de ces registres et les effets des informations qu'ils contiennent.

En outre, le futur instrument devra assurer protection au tiers de bonne foi qui a contracté à titre onéreux avec la personne qui semble légitimée à disposer des biens composant la succession sur la base du certificat, en prévoyant donc la sauvegarde de l'acquisition que ledit tiers aura faite, à moins qu'il ne sache que les indications du certificat sont inexactes ou que l'autorité compétente a procédé à l'annulation ou à la modification de ce certificat.

Recommandation 8 (sur le principe "lex loci rei sitae" et le principe de la réserve héréditaire)

Le Parlement européen estime que le futur instrument devra:     

–   assurer la coordination de la loi applicable à la succession avec les dispositions de la loi du lieu où se trouvent les biens constituant l'héritage, de manière à rendre celle-ci applicable en particulier à ce qui concerne les modes d'acquisition du patrimoine composant la succession et de tout autre droit tangible sur celui-ci, l'acceptation et la renonciation à la succession et les formalités publicitaires correspondantes;

–   veiller à ce que la loi applicable à la succession n'affecte pas l'application de dispositions de l'État dans lequel certains biens immobiliers, entreprises ou autres catégories spécifiques de biens sont situés et dont la réglementation institue une régime particulier d'héritage concernant de tels biens au motif de considérations économiques, familiales ou sociales;

–   éviter qu'avec la faculté de choisir la loi applicable ne soient violés les principes fondamentaux d'attribution de la réserve héréditaire aux plus proches parents établis par la loi applicable à la succession à titre objectif;

Recommandation 9 (sur les trusts)

Le Parlement européen rappelle que le régime de la propriété relève des Etats membres, conformément à l’article 295 du traité, et demande en conséquence que l'acte législatif à adopter ne s’applique pas aux trusts. Pour autant, le futur instrument devra prévoir que lorsqu’un trust est créé par disposition à cause de mort, l'application à la succession de la loi désignée par l'instrument ne fait pas obstacle à l'application d'une autre loi pour régir le trust et que, réciproquement, l'application au trust de la loi qui le régit ne fait pas obstacle à l'application à la succession de la loi qui la régit en vertu de l'acte législatif à adopter.

Recommandation 10 (sur l'exequatur)

Le Parlement européen suggère à la Commission que l'acte législatif à adopter reprenne, pour la reconnaissance et l'exécution des décisions, le système mis en place par le règlement (CE) n44/2001, qui n'exige l'exequatur que dans le cas où la décision prononcée par les juges d'un État membre ne doit être exécuté que sur la base d'une procédure exécutoire dans un autre État membre.  

Toutefois, quand une décision est destinée à être transcrite dans des registres publics, il faudra, eu égard à la grande disparité des règles en vigueur dans les différents États membres, que la décision même soit accompagnée d'un certificat de conformité à l'ordre public et aux règles impératives de l'État membre sollicité, délivré – selon un formulaire standard – par une autorité juridictionnelle locale.

Recommandation 11 (sur les actes publics)

Le Parlement européen estime qu'il convient de réglementer les mêmes effets d'actes publics en matière de successions, qui devront notamment être reconnus par tous les États membres en ce qui concerne la preuve des faits et des déclarations que l'autorité qui les a établis certifie s'être produits en sa présence, pour autant que la loi de l'État membre d'origine le prévoie.

Conformément aux dispositions de l'article 57 du règlement (CE) 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000, l'acte public devra présenter toutes les conditions nécessaires à son authenticité prévues dans l'État membre d'origine et ne sera pas reconnu si sa reconnaissance produit un effet manifestement incompatible avec l'ordre public de l'État membre sollicité.

En outre, quand un acte public est destiné à être transcrit dans des registres publics, par analogie avec ce qui a été dit à propos des décisions judiciaires, il devra être prévu que l'acte même soit accompagné d'un certificat de conformité à l'ordre public et aux règles impératives de l'État membre sollicité, délivré – selon un formulaire standard – par l'autorité qui aurait été compétente pour établir l'acte dans ce dernier État.

Recommandation 12 (sur le système européen d'enregistrement des testaments)

Enfin, le Parlement européen souhaite la création d'un réseau européen d'enregistrement des testaments par l'interconnexion des registres nationaux afin de simplifier la recherche et la constatation des dispositions correspondant aux dernières volontés du défunt.

EXPOSÉ DES MOTIFS

I. Introduction

Selon l'Étude de droit comparé sur les règles de conflits de juridictions et de conflits de lois relatives aux testaments et successions réalisée en 2002 par le Deutsches Notarinstitut à la demande de la Commission, il s'ouvre chaque année dans l'Union européenne entre 50 000 et 100 000 successions présentant des aspects internationaux, chiffre qui sera inévitablement revu à la hausse en raison de l'adhésion récente de dix nouveaux États membres à l'Union et dans la perspective des prochains élargissements.

L'utilité d'un instrument communautaire en matière de successions ne résulte pas seulement de cette donnée statistique, mais aussi et surtout de la nécessité de supprimer les difficultés rencontrées par les ayants droit pour entrer en possession de leur héritage. Ces difficultés sont dues aux profondes différences existant actuellement entre les systèmes de droit international privé et de droit substantiel des États membres, qui se traduisent par des obstacles à l'exercice de la liberté de circulation et à celui du droit à la propriété. Il ne faut pas oublier que ce dernier est un principe général du droit (Cour de justice, affaire C‑368/96, Generics (Royaume‑Uni) et autres, recueil 1998, page I‑7967, point 79, et jurisprudence citée dans ce point), outre qu'il a été rangé parmi les droits fondamentaux par la charte de Nice.

Il est clair que la manière la plus efficace de résoudre ces problèmes serait de procéder à l'harmonisation du droit substantiel en matière de successions; cet objectif est toutefois extrêmement difficile à atteindre et, surtout, il ne relève pas des compétences communautaires.

L'article 65, point b), du traité CE, reconnaît en revanche à la Communauté européenne la compétence pour adopter des mesures visant à "favoriser la compatibilité des règles applicables dans les États membres en matière de conflits de lois et de compétence".

II. Position du rapporteur

Il est en fait possible de tracer les orientations selon lesquelles le législateur communautaire doit procéder en matière de successions et testaments:

a) en premier lieu, le futur instrument devra contenir des règles de droit international privé simples et claires, qui tiennent compte des spécificités et des traditions des grandes familles de systèmes juridiques existant dans les États membres, de manière à viser la coordination efficace des systèmes juridiques nationaux impliqués dans une succession donnée;

b) en second lieu, il devra prévoir des instruments communautaires nouveaux et fiables qui tendent vers une simplification supplémentaire.

En ce qui concerne le premier point, le futur instrument communautaire devra procéder, avant tout, à l'harmonisation des critères de compétence en matière de successions.

Parmi ceux-ci mérite sans aucun doute de figurer la résidence habituelle du défunt au moment du décès, qui permet d'attribuer la compétence pour régler les conflits relatifs à l'héritage au juge de l'État dans lequel le de cujus a vécu et sur le territoire duquel, en règle générale, se trouve la majeure partie de ses biens et résident ses héritiers.

À ce critère de compétence, on pourrait adjoindre, pour fournir une alternative, afin d'éviter que la nouvelle procédure soit excessivement rigide et coûteuse, le critère de la résidence habituelle de l'intéressé.

Imaginons par exemple le cas d'un citoyen allemand qui, après sa retraite, quitte l'Allemagne pour le sud de l'Espagne (où il passe les dix dernières années de sa vie) et qui y meurt, laissant deux enfants résidents en Allemagne et un héritage qui se compose de biens situés en Allemagne; dans un cas de ce genre, si la compétence judiciaire était déterminée uniquement sur la base du pays de résidence habituelle du défunt au moment de la mort, les héritiers ‑ a fortiori si, dans l'intervalle, un conflit les avait opposés ‑ seraient contraints de porter l'affaire devant le juge espagnol.

L'harmonisation des règles en matière de compétence judiciaire n'est pas suffisante pour parvenir à la simplification des procédures pour les successions internationales et pour éviter le phénomène du forum shopping.

En effet, ce résultat ne pourra être atteint que si toutes les autorités ayant compétence pour intervenir en ce qui concerne une succession donnée, même si elles appartiennent à des États membres différents, appliquent les mêmes règles de droit substantiel. Ce qui ne pourra être le cas que si l'on procède simultanément à l'harmonisation des règles en matière de conflit de lois, c'est-à-dire des règles qui établissent quelle est la loi applicable à un cas d'espèce donné.

Un consensus suffisant s'est formé au niveau international quant à la nécessité de s'en remettre à une seule loi pour le règlement de tous les aspects d'une succession, de l'ouverture de la succession jusqu'à la transmission de l'héritage, quelles que soient la nature et la localisation des biens qui composent celui-ci.

Votre rapporteur estime que cette loi doit être la loi du pays de résidence habituelle du défunt au moment de son décès; de cette manière, il y aura, dans de nombreux cas, coïncidence entre le tribunal compétent et la loi applicable, ce qui favorisera le règlement rapide et efficace des conflits en matière de successions.

À côté de ce critère, il semble toutefois nécessaire de conférer au de cujus la faculté de choisir, en ce qui concerne la loi régissant la succession, entre sa propre loi nationale et la loi du pays de résidence habituelle au moment du choix.

Mais le futur instrument devra également assurer l'effectivité de la loi applicable à la succession et coordonner les prescriptions de cette loi avec les dispositions de la loi du lieu où se trouvent les biens.

En ce qui concerne le premier point, il faut souligner que les lois de certains États membres (par exemple la loi britannique et la loi autrichienne) confient à un sujet indiqué par la loi elle-même ou désigné par une autorité publique la liquidation et/ou la transmission de l'héritage. Or, actuellement, ces sujets rencontrent des difficultés dans l'exercice de pouvoirs spécifiques dans des États membres différents de ceux dont la loi est applicable pour la succession.

Le futur instrument communautaire devra donc prévoir expressément que les pouvoirs de ces sujets devront être reconnus dans tous les États membres et étendus à tous les biens compris dans une succession, quelles que soient leur nature et leur localisation.

En ce qui concerne le deuxième point, le futur instrument ne pourra omettre de prendre en considération la manière de procéder de la lex rei sitae, laquelle, on le sait, a par nature vocation à organiser les procédures de transfert des biens.

Afin d'éviter des redoublements d'activité inutiles, l'instrument devra préciser que, pour l'acquisition et la jouissance des biens héréditaires situés dans un État membre autre que celui dont la loi est applicable à la succession, il ne faudra appliquer les dispositions de la loi du lieu où les biens sont situés que dans le cas où celle-ci exige des formalités ou des actes supplémentaires par rapport à la loi applicable à la succession.

Par exemple, l'administration et la transmission d'une source de revenus seront régies par la lex rei sitae lorsque celle-ci exige à cette fin l'intervention de ses autorités, étant entendu que ces dernières, ou les personnes nommées par elles, devront appliquer, pour la détermination des droits de succession, la lex successionis.

De même, si la loi applicable à la succession est la loi française – qui, comme on le sait, prescrit en la matière le système de la saisine (en vertu duquel les héritiers revêtent automatiquement cette qualité à l'ouverture de la succession) – alors que certains biens compris dans l'ensemble de la succession sont situés en Italie, il conviendra de respecter les prescriptions de la loi italienne, laquelle, à la différence de la loi française, exige, pour revêtir la qualité d'héritier, l'acceptation de l'héritage.

L'influence de la lex rei sitae est particulièrement forte lorsque, parmi les biens qui composent l'héritage, figurent des biens inscrits dans des registres publics (principalement les biens immobiliers).

Les conséquences qui résultent de l'inscription des données relatives aux biens dans les registres publics impliquent que ne peuvent être inscrits dans ces registres que les types d'actes indiqués par la loi de l'État sous l'autorité duquel le registre est tenu et à condition que ces actes aient le contenu exigé par cette loi.

De manière générale, il n'y pas lieu de s'écarter, en matière de reconnaissance et d'exécution des décisions et actes publics, des principes qui découlent du droit communautaire en vigueur, lequel, comme on le sait, n'exige l'exequatur que dans le cas où ces actes forment la base d'une procédure exécutoire dans un autre État membre (cf. articles 38 et suivants et 57 et suivants du règlement (CE) no 44/2001).

Néanmoins, la constatation que les décisions et actes publics pourront, en matière de successions plus que dans d'autres domaines, avoir pour objet des biens inscrits dans des registres publics, ainsi que la nécessité de préserver la cohérence des actes susceptibles d'être transcrits dans ces registres, suggèrent de soumettre la transcription ou l'inscription à un contrôle préalable effectué par une autorité de l'État membre de destination.

Ce contrôle pourrait être exercé au travers de la délivrance d'un certificat, dont le contenu sera fixé par le futur instrument, certificat par lequel l'autorité publique attesterait la conformité de la décision ou de l'acte aux dispositions impératives de la loi de l'État membre de destination.

Quant à la deuxième orientation évoquée plus haut, on rappellera que, si les citoyens européens pouvaient disposer d'un document standard qui déterminerait, avec effet obligatoire pour tous les États membres, la loi applicable à la succession, les biens inclus dans une succession, ainsi que les bénéficiaires et les administrateurs de l'héritage, ils pourraient exercer leurs droits dans tous les États membres, d'une manière encore plus simple, sûre et efficace.

Il est donc vivement souhaitable que le futur instrument institue un "certificat européen d'héritier" ayant ce contenu et qu'il charge de sa délivrance une autorité habilitée à lui conférer une valeur officielle.

Enfin, on obtiendrait une simplification supplémentaire et non négligeable si ce certificat était considéré comme un titre approprié pour la transcription de l'acquisition par héritage dans les registres publics et s'il impliquait en particulier la sauvegarde de l'achat des biens héréditaires par un tiers de bonne foi à la personne qui, sur la base du certificat, paraissait être l'héritier ou le sujet pouvant légitimement disposer de l'héritage.

En conclusion, il s'agit à l'évidence d'un sujet fort compliqué et comportant de nombreux aspects. Néanmoins, votre rapporteur estime que, dans l'intérêt des citoyens, il est indispensable d'accomplir un effort de réforme qui, tenant compte – dans la mesure du possible – des idées soumises jusqu'ici, puisse assurer à tous les intéressés un cadre réglementaire clair et efficace.

PROCÉDURE

Titre

Successions et testaments

Numéro de procédure

2005/2148(INI)

Commission compétente au fond

JURI

Date de l'annonce en séance de l'autorisation (art. 45)

8.9.2005

Date de l'annonce en séance de l'autorisation (art. 39)

8.9.2005

Commission saisie pour avis
  Date de l'annonce en séance

LIBE
8.9.2005

 

 

 

 

Avis non émis
  Date de la décision

LIBE
13.10.2005

 

 

 

 

Rapporteur
  Date de la nomination

Giuseppe Gargani
20.6.2005

 

Examen en commission

14.9.2005

21.11.2005

30.1.2006

3.10.2006

 

Date de l'adoption

3.10.2006

Résultat du vote final

+ :
– :
0 :

15
7
0

Membres présents au moment du vote final

Maria Berger, Rosa Díez González, Bert Doorn, Monica Frassoni, Giuseppe Gargani, Piia-Noora Kauppi, Klaus-Heiner Lehne, Katalin Lévai, Antonio López-Istúriz White, Hans-Peter Mayer, Achille Occhetto, Aloyzas Sakalas, Francesco Enrico Speroni, Andrzej Jan Szejna, Diana Wallis, Rainer Wieland, Nicola Zingaretti, Jaroslav Zvěřina, Tadeusz Zwiefka

Suppléants présents au moment du vote final

Jean-Paul Gauzès, Luis de Grandes Pascual, Kurt Lechner, Toine Manders, Marie Panayotopoulos-Cassiotou

Suppléant (art. 178, par. 2) présent au moment du vote final

Maria Badia I Cutchet

Date du dépôt

16.10.2006