RAPPORT sur Euratom: bilan de 50 ans de politique européenne dans le domaine de l'énergie nucléaire
4.4.2007 - (2006/2230(INI))
Commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie
Rapporteur: Eugenijus Maldeikis
PROPOSITION DE RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN
sur Euratom: bilan de 50 ans de politique européenne dans le domaine de l'énergie nucléaire
Le Parlement européen,
– vu le traité instituant une Communauté européenne de l'énergie atomique signé à Rome le 25 mars 1957 ("traité Euratom"),
– vu le Préambule dudit traité, rappelant sa vocation initiale de constituer "une Communauté Européenne de l'Énergie Atomique (Euratom) créant les conditions de développement d'une puissante industrie nucléaire, source de vastes disponibilités d'énergie et d'une modernisation des techniques, ainsi que de multiples autres applications contribuant au bien-être [des] peuples",
– vu la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes et notamment sa délibération du 14 novembre 1978[1], son arrêt du 22 avril 1999[2] et son arrêt du 10 décembre 2002[3],
– vu la Communication de la Commission du 10 janvier 2007 "Une politique de l'énergie pour l'Europe" (COM(2007)0001),
– vu la Communication de la Commission "Programme indicatif nucléaire, présenté pour avis au Comité économique et social, sur la base de l'article 40 du traité Euratom" (COM(2006)0844),
– vu sa résolution du 14 décembre 2006 sur une stratégie européenne pour une énergie sûre, compétitive et durable – Livre Vert[4],
– vu sa résolution du 23 mars 2006 sur la sécurité de l'approvisionnement énergétique de l'Union européenne[5],
– vu sa position du 14 décembre 2006 sur la proposition de règlement du Conseil instituant un instrument relatif à l'assistance en matière de sûreté et de sécurité nucléaires[6],
– vu sa position du 5 juillet 2006 sur la proposition de directive du Conseil relative à la surveillance et au contrôle des transferts de déchets radioactifs et de combustible nucléaire usé[7],
– vu sa position du 15 juin 2006 sur la proposition de décision du Conseil relative au septième programme-cadre de la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom) pour des activités de recherche et de formation en matière nucléaire (2007-2011)[8],
– vu sa position du 30 novembre 2006 sur la proposition de règlement du Conseil (Euratom) définissant les règles de participation des entreprises, des centres de recherche et des universités pour la mise en œuvre du septième programme-cadre de la Communauté européenne de l'énergie atomique et fixant les règles de diffusion des résultats de la recherche (2007-2011)[9],
– vu sa position du 30 novembre 2006 sur la proposition de décision du Conseil concernant le programme spécifique mettant en œuvre le septième programme-cadre (2007-2011) de la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom) pour des activités de recherche et de formation en matière nucléaire[10],
– vu sa position du 30 novembre 2006 sur la proposition de décision du Conseil concernant le programme spécifique à mettre en œuvre au moyen d'actions directes par le Centre commun de recherche au titre du septième programme-cadre (2007-2011) de la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom) pour des activités de recherche nucléaire et de formation[11],
– vu sa position du 16 novembre 2005 sur la proposition de règlement du Conseil relatif à la mise en œuvre du protocole n° 9 annexé à l'Acte relatif aux conditions d'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de l'Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie, concernant la centrale nucléaire de Bohunice V1 en Slovaquie[12],
– vu sa résolution du 16 novembre 2005 sur l'utilisation des ressources financières destinées au démantèlement des centrales nucléaires de puissance[13],
– vu les délibérations de l'audition publique organisée par sa commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie sur le sujet, le 1er février 2007,
– vu l'article 45 de son règlement,
– vu le rapport de la commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie et l'avis de la commission des affaires constitutionnelles (A6-0129/2007),
A. considérant que les traités ont été profondément remaniés à plusieurs reprises pour répondre à de nouveaux besoins et à de nouveaux défis, mais que, tout au long des cinquante ans de son histoire, le traité Euratom n'a subi qu'une seule modification[14], alors que ses dispositions centrales et sa substance demeuraient toutefois dans leur version d'origine,
B. considérant que, si le traité Euratom a été peu modifié au cours des 50 dernières années, il est en revanche à l'origine d'une abondante législation dérivée dans la même période et a fait l'objet d'un nombre important d'arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes, qui ont notamment permis d'élargir de manière substantielle son champ d'application initial,
C. considérant que le traité Euratom a introduit des normes élevées de sécurité pour le traitement des éléments combustibles et des déchets radioactifs dans l'Union européenne, qu'il établit des normes uniformes de sécurité pour la protection de la santé des travailleurs et de la population ainsi que des procédures pour l'application de ces normes et qu'il s'oppose à toute prolifération de matières nucléaires à des fins militaires,
D. considérant que le traité Euratom offre un encadrement juridique global et cohérent pour l'utilisation dans des conditions sûres de l'énergie nucléaire en Europe, au bénéfice de tous les États membres,
E. considérant que plusieurs États membres n'ont jamais développé l'option nucléaire, que d'autres ont adopté une politique active d'abandon progressif et que d'autres encore continuent à soutenir leur secteur nucléaire,
F. considérant que, dans son projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe (le Traité constitutionnel), la Convention a proposé que le traité Euratom soit retiré de la structure juridique de la Constitution future, et considérant que la Convention, dans ses travaux sur l'avenir de l'Union européenne, et la signature du Traité constitutionnel ont maintenu en l'état les dispositions du traité Euratom sous la forme d'un protocole annexé,
G. considérant que l'Allemagne, l'Irlande, l'Autriche, la Hongrie et la Suède ont annexé au Traité constitutionnel une déclaration indiquant qu'une mise à jour des dispositions essentielles du traité Euratom est nécessaire et qu'il conviendrait à cet effet de convoquer "dès que possible" une conférence de révision,
H. considérant que les récents élargissements ont augmenté la diversité du paysage de l'Union européenne dans le domaine de l'énergie nucléaire et la nécessité d'une action communautaire dans le domaine nucléaire,
I. considérant que le cinquantième anniversaire du traité Euratom offre au Parlement l'occasion d'en examiner le contenu et la pertinence et de faire part de ses préoccupations quant au fait que les dispositions essentielles du traité Euratom n'ont pas été modifiées depuis son entrée en vigueur, il y a cinquante ans,
J. considérant que ces réflexions sur la permanence du traité Euratom sont indissociables des objectifs poursuivis par la Commission en faveur d'une politique européenne de l'énergie plus sûre, plus durable, plus compétitive, et contribuant à la lutte contre le changement climatique, tels qu'ils ressortent de la récente Communication précitée de la Commission du 10 janvier 2007,
Bilan de 50 ans de traité Euratom
1. souligne que, depuis 1957 et la signature du traité Euratom, l'Union européenne est devenue le leader mondial de l'industrie nucléaire et l'un des principaux acteurs de la recherche nucléaire dans les domaines de la fission et de la fusion thermonucléaires contrôlées; note que l'industrie européenne est présente sur la totalité du cycle du combustible nucléaire et a su développer des technologies autochtones, dont certaines, telles la technologie d'enrichissement par ultracentrifugation, sont le fruit de partenariats à l'échelle européenne;
2. constate que la maîtrise par le secteur nucléaire de l'Union européenne de la quasi-totalité du cycle du combustible offre à celle-ci, en ces temps de réflexion sur sa dépendance énergétique, des garanties d'indépendance d'un point de vue industriel et technologique, notamment en matière d'enrichissement du combustible;
3. rappelle que, grâce notamment au traité Euratom, l'énergie nucléaire produisait fin 2006, à partir de 152 réacteurs répartis dans 15 États membres, 32% de l'électricité européenne, soit la part la plus importante de l'électricité non carbonée de l'Union européenne et l'une des plus compétitives, de nature à contribuer aux objectifs d'une politique de l'énergie pour l'Europe tels que définis par la communication précitée de la Commission du 10 janvier 2007;
4. précise que, du point de vue de la lutte contre le changement climatique, la Commission, dans son Livre Vert "Vers une stratégie européenne de sécurité d'approvisionnement énergétique" (COM(2000)769), évaluait que l'énergie nucléaire éviterait plus de 300 millions de tonnes d'émissions de CO2 en 2010, "soit la production d'un parc automobile de 100 millions d'unités"; rappelle que dans sa communication du 10 janvier 2007, à l'annexe I, la Commission estime que le nucléaire est la source d'énergie qui produit le moins de carbone après l'éolien offshore et la petite hydraulique;
5. note que les pays fondateurs d'Euratom ont prévu une série de dispositions réparties en dix chapitres visant à encadrer strictement le développement de l'énergie nucléaire au sein de l'Union, dispositions toujours d'application qui ont été constamment enrichies au fil de la législation adoptée sur la base du traité Euratom et contribuent largement à l'exploitation sûre des centrales atomiques en Europe;
6. fait observer que le consensus de 1957 sur l'énergie nucléaire n'existe plus entre États membres;
7. constate que les attentes à l'égard de l'énergie nucléaire formulées il y a cinquante ans dans le traité Euratom ont évolué; note qu'elles portent désormais davantage sur la nécessité de disposer, par le traité Euratom, d'un encadrement juridique solide pour contrôler l'exploitation de l'énergie nucléaire dans l'Union européenne et pour accompagner l'intégration dans l'UE de pays ayant recours au nucléaire, par l'absorption de l'acquis communautaire Euratom; reconnaît que, dans le titre deuxième du traité Euratom, d'importants chapitres ont permis de protéger les hommes, les travailleurs et l'environnement des rayonnements ionisants (Chapitre III), de développer la recherche dans les domaines de la gestion des déchets et de la sûreté des installations (Chapitre I) et de mettre en place un système de contrôle de sécurité pour les matières fissiles en Europe (Chapitre VII);
8. rappelle que les premières activités de recherche ont d'abord été développées dans le cadre du traité Euratom (Chapitre I) et que celui-ci a par ailleurs donné naissance au Centre commun de recherche, première institution de recherche de l'Union européenne; demande instamment l'inclusion d'un programme de recherche et de développement en matière d'énergie nucléaire dans le budget du programme-cadre général de recherche, programme qui serait soumis au même contrôle et à la même obligation de responsabilité publique que tous les autres programmes de recherche;
9. considère que la législation développée dans le cadre du Chapitre III du traité Euratom (la protection sanitaire) doit demeurer sous la responsabilité de l'Union européenne afin de garantir que les normes de base en matière de protection des travailleurs et du public sont appliquées et étendues à l'environnement et qu'elle prend en compte de façon évolutive les résultats des études scientifiques internationales;
10. souligne que la portée de cette législation ne se limite pas aux territoires sur lesquels des centrales nucléaires exercent leurs activités, mais que désormais, elle intègre également la protection des États membres riverains et des États tiers, grâce aux contrôles permanents mis en œuvre sur les rejets d'effluents radioactifs et à l'adoption de réglementations sur les transferts de combustibles usés et de déchets radioactifs, sur la protection de la chaîne alimentaire, et sur les situations d'urgence radiologique;
11. note que le Chapitre IV du traité Euratom (les investissements) visait à obtenir une information précise, à l'échelle communautaire, des projets d'investissements des États membres;
12. note toutefois que la Commission, lors de la publication de ses Programmes indicatifs nucléaires (PINC), n'a pas réellement estimé les besoins en investissements nucléaires au regard notamment des problématiques de sécurité d'approvisionnement énergétique, de lutte contre le changement climatique et de compétitivité de l'Union européenne, dans un contexte de relance mondiale du secteur;
13. se félicite cependant de l'existence dans le traité Euratom de l'obligation de communiquer tout nouvel investissement en Europe dans le domaine nucléaire, permettant ainsi d'avoir une cartographie complète des activités nucléaires de l'Union européenne, obligation propre à l'industrie nucléaire européenne;
14. estime que les entreprises communes (Chapitre V du traité Euratom) auront été de précieux outils de mise en œuvre des politiques publiques, notamment dans le domaine de la recherche, où cet instrument juridique a été utilisé à de nombreuses reprises, avec notamment la constitution en 1978 du Joint European Torus à Culham et, plus récemment, la mise en place de l'European Legal Entity pour mettre en œuvre le projet de Réacteur International Thermonucléaire Expérimental (ITER);
15. estime que le traité Euratom, avec la création d'une Agence (Chapitre VI) qui veille à l'approvisionnement des utilisateurs au sein de l'Union européenne selon le principe d'égal accès aux matières, dispose d'un instrument essentiel en ces temps de réflexion sur la sécurité de l'approvisionnement énergétique;
16. considère que les contrôles de sécurité (Chapitre VII) représentent l'un des succès majeurs de l'application du traité Euratom et donnent à la Commission les moyens de connaître très précisément les stocks et les flux de matières nucléaires dans l'Union européenne;
17. note que ces contrôles de sécurité donnent également une réelle garantie aux États fournisseurs de matières nucléaires quant à l'utilisation de ces matières, en complémentarité avec les contrôles de non-prolifération de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA);
18. constate que, sur la base du Chapitre X du traité Euratom (les relations extérieures), l'adhésion d'Euratom à plusieurs conventions internationales, notamment la Convention sur la sûreté nucléaire et la Convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs, a permis à la Communauté de participer à l'effort international sur ces sujets et de promouvoir les avancées importantes réalisées dans l'Union européenne;
19. constate également que c'est sur la base du Chapitre X du traité Euratom que la Communauté européenne de l'énergie atomique a conclu de nombreux accords de collaboration dans le domaine de la recherche, a participé aux projets internationaux tels que le Forum Génération IV sur les filières de réacteurs du futur et a mené les négociations internationales sur le projet ITER;
Débat institutionnel
20. fait observer que les dispositions essentielles du traité Euratom n'ont pas été modifiées depuis son entrée en vigueur, le 1er janvier 1958;
21. confirme que, conformément au principe de subsidiarité, il appartient à chacun des États membres de décider d'utiliser, ou de ne pas utiliser, l'énergie nucléaire;
22. note d'ailleurs que certains États membres ouvertement opposés au nucléaire et qui ont adhéré aux Communautés (Communauté européenne et Euratom) ne se sont jamais vu imposer, de quelques manières que ce soit, de développer l'énergie nucléaire sur leur territoire; constate donc que, depuis de longues années, il est admis que la promotion de l'énergie nucléaire par le traité Euratom n'impose aucune obligation mais instaure un cadre juridique applicable à tous;
23. souligne que le traité Euratom ne constitue pas une entrave au développement d'un marché intérieur de l'électricité et encore moins un obstacle au principe de libre circulation des biens, des personnes et des capitaux; rappelle qu'en la matière, le droit commun du traité instituant la Communauté européenne (traité CE) s'applique aux activités nucléaires et note, à titre d'exemple, que la circulation des matières, équipements et technologies nucléaires au sein et en dehors de l'Union européenne relève d'une réglementation du contrôle des biens dits à "double usage", adoptée sur le fondement de la politique commerciale du traité CE; ajoute que la législation Euratom est soumise au droit de la concurrence et aux règlements sur les aides d'État tels que précisés au Titre VI du traité CE; conclut dès lors que le traité Euratom ne constitue en aucun cas un cadre protectionniste pour l'énergie nucléaire;
24. constate que le traité Euratom offre aux pays ayant choisi l'option nucléaire les instruments pour son développement (entreprises communes, soutien à la recherche et au développement, prêts Euratom) mais accompagne la mise à disposition de ces instruments d'un cadre juridique dense (protection sanitaire, contrôle de sécurité, approvisionnement), de nature à rassurer les États membres n'ayant pas choisi cette option;
25. note que le cadre juridique Euratom s'applique également, pour le bien de la Communauté, aux États membres ne produisant pas d'énergie nucléaire, mais ayant sur leur sol des réacteurs de recherche nucléaire, et propose à ces États membres des instruments (tels les programmes-cadres de recherche et de développement Euratom) leur permettant de bénéficier de financements, par exemple dans le domaine de la recherche médicale;
26. estime que, indépendamment de la diversité des points de vue prévalant quant à l'énergie nucléaire, les dispositions du traité Euratom qui ont contribué à empêcher la prolifération de matières nucléaires et celles qui traitent de la santé, de la sécurité et de la prévention de la contamination radioactive ont été hautement bénéfiques et doivent être soigneusement coordonnées avec les dispositions du traité CE relatives à la santé et à la sécurité;
Lacunes
27. regrette que l'évolution des pouvoirs du Parlement européen, et notamment l'extension de la procédure de codécision à la majeure partie de la législation européenne, n'ait pas été prise en compte dans le traité Euratom; estime que, en dépit de la technicité dudit traité, le Parlement est en droit d'être formellement associé à l'établissement des textes dont la base juridique est le traité Euratom;
28. perçoit un déficit démocratique inacceptable dans le fait qu'il est quasiment exclu du processus législatif lié à l'Euratom et qu'il n'est invité à donner son avis, et pas davantage, que pour un seul des dix chapitres dudit traité;
29. note cependant que, par la voie d'un Accord interinstitutionnel, le Parlement est associé aux négociations sur le Programme-cadre Euratom (2007–2011) pour des activités de recherche et de formation en matière nucléaire (PC Euratom); constate également, au regard des derniers textes examinés en Commission de l´industrie, de la recherche et de l´énergie du Parlement européen (PC Euratom, directive sur la surveillance et le contrôle des déchets radioactifs et du combustible usé[15], Instrument d'assistance nucléaire etc.) que, malgré une procédure prévoyant la seule consultation du Parlement, les amendements proposés par le Parlement aux textes Euratom sont régulièrement, en tout ou partie, pris en compte par le Conseil; ceci ne saurait cependant être considéré comme suffisant;
30. mesure le grand intérêt de l'article 203 du traité Euratom, qui offre une flexibilité au traité Euratom pour entreprendre, comme c'est le cas pour la création de l'Instrument de Coopération nucléaire, des initiatives législatives non prévues initialement dans le traité Euratom; estime que la manière d'utiliser l'article 203, pour développer de nouvelles initiatives comme pour éventuellement procéder à des ajustements dans le traité Euratom, doit être examinée;
31. regrette l'absence de corpus législatif en matière de normes harmonisées, présentant une véritable valeur ajoutée, en particulier par comparaison avec le cadre international existant, dans le domaine de la sûreté nucléaire, de la gestion des déchets radioactifs et du démantèlement des installations nucléaires;
32. invite la Commission à s'inspirer de l'expérience tirée de la mise en œuvre des conventions régies par l'AIEA (Convention sur la sûreté nucléaire et Convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs) et à prendre en compte les évaluations des pratiques nationales les plus avancées dans le domaine de la gestion des déchets radioactifs, conduites par l'Agence pour l'énergie nucléaire de l'OCDE (AEN); note que les initiatives concertées, telles celles menées par l'association Western Europe Nuclear Regulators Association (WENRA), visant à développer une approche commune de la sûreté nucléaire, sont susceptibles de contribuer à l'élaboration d'un socle législatif;
33. remarque que, comme confirmé par l'arrêt précité de la Cour de Justice dans l'affaire C–29/99, Commission contre Conseil, la Commission dispose de compétences dans les domaines de la sûreté nucléaire en vertu du traité Euratom et qu'elle est habilitée à soumettre des propositions en la matière;
Les orientations pour le futur
34. estime que, malgré ses imperfections, le traité Euratom reste, pour le moment, un cadre juridique indispensable, tant pour les États membres qui veulent développer leur filière nucléaire que pour les États membres qui souhaitent seulement bénéficier d'un arsenal juridique protecteur pour eux-mêmes, pour leurs populations et pour leur environnement;
35. relève que les dispositions du traité Euratom sont au cœur du débat sur les questions industrielles, en lien avec la Stratégie de Lisbonne, et sur les questions énergétiques sous l'angle notamment de l'approvisionnement, au moment où l'Union européenne cherche à définir un bouquet énergétique européen peu carboné, compétitif et le plus possible "domestique";
36. répète, à cet égard, que l'énergie nucléaire fournit à l'Union européenne, aujourd'hui, 32% de son électricité, considérée par la Commission dans sa communication du 10 janvier 2007 comme l'une des principales sources d'énergie exemptes de CO2 en Europe et la troisième source d'énergie la moins chère en Europe, sans internalisation des coûts du CO2; estime dès lors que l'Union européenne doit défendre, dans le respect du traité Euratom, son leadership du point de vue industriel et technologique face à des acteurs relançant avec vigueur leurs activités nucléaires (Russie, États-Unis) et à l'émergence de nouveaux acteurs mondiaux du nucléaire (Chine et Inde), futurs concurrents de l'Union européenne à moyen terme;
37. considère que l'absence du cadre juridique que constitue le traité Euratom engendrerait une re-nationalisation de la politique nucléaire en Europe, ce qui déboucherait sur une régression de l'acquis communautaire, et génèrerait un risque d'insécurité juridique pour l'ensemble des 27 États membres;
38. demande que les principes de concurrence loyale et des conditions égales pour des sources d'énergie différentes soient respectés;
39. considère également que la suppression d'un ou plusieurs chapitres du traité Euratom ou la fusion de certaines dispositions dans le traité CE déséquilibrerait l'ensemble du traité Euratom, en affaiblissant les fonctions d'encadrement de l'exploitation de l'énergie nucléaire en Europe; ajoute que l'absence d'un cadre juridique cohérent compliquerait énormément l'absorption par de futurs États membres de l'acquis communautaire Euratom;
40. estime que l'encadrement de l'exploitation en Europe de l'énergie nucléaire, au vu des caractéristiques très spécifiques de cette source d'énergie, nécessite le maintien d'un cadre juridique dédié comme le traité Euratom qui, depuis 50 ans, a démontré l'utilité de l'ensemble de ses dispositions; ajoute que son absorption partielle dans un hypothétique chapitre "Énergie" du traité CE affaiblirait l'ensemble de l'encadrement juridique du nucléaire en Europe et gommerait les procédures de contrôles spécifiques au nucléaire que contient aujourd'hui le traité Euratom;
41. estime néanmoins qu'il est nécessaire de réformer dans une certaine mesure le traité Euratom;
42. considère que, indépendamment de la possibilité d'effectuer des ajustements à court terme, une révision complète du traité Euratom est nécessaire pour remédier au déficit démocratique et placer les questions de sûreté et de sécurité communes au centre des activités nucléaires de l'Union et de ses États membres;
43. demande qu'une jouvence des procédures décisionnelles incluses dans le traité Euratom soit effectuée, qui permettrait d'associer étroitement le Parlement aux procédures législatives dans le domaine nucléaire pour parvenir à une plus grande transparence et à une implication totale des citoyens de l'Union; invite par conséquent le Conseil et la Commission à aborder le problème du déficit démocratique inhérent au traité Euratom et à étendre la procédure de codécision à la législation adoptée en vertu de ce traité;
44. considère que ces modifications peuvent être effectuées au moyen de l'article 203 du traité Euratom, sans nécessairement bouleverser la structure et le contenu dudit traité; invite le Conseil à considérer cette opportunité;
45. relève que, dans le contexte de nécessaire adaptation de la politique énergétique européenne et d'extension des durées de vie des centrales, il est urgent de développer une législation robuste et d'adopter des mesures concrètes, au plan communautaire, dans les domaines de la sûreté nucléaire, de la gestion des déchets radioactifs et du démantèlement des installations nucléaires; souligne qu'il est également urgent de prendre des mesures pour garantir que la recherche et le développement qui encouragent l'utilisation sûre de l'énergie nucléaire bénéficient d'autant d'attention et de soutien que possible; invite la Commission à revoir les avant-projets pertinents de sa proposition législative et à présenter de nouvelles propositions de directives sur la sûreté des installations nucléaires, sur le traitement des déchets et sur la fermeture et le déclassement de ces installations, en tenant compte du principe du "pollueur-payeur";
46. demande instamment à la Commission et au Conseil d'examiner rapidement cette question et d'y travailler en concertation étroite avec le Parlement;
47. invite à développer les programmes d'enseignement et de formation dans le domaine nucléaire à l'échelle européenne et à assurer le financement de programmes de recherche ambitieux permettant de répondre aux enjeux dans les domaines de la fission (sûreté, gestion des déchets, réacteurs du futur) et de la radioprotection et de garantir le nécessaire maintien des compétences et des ressources humaines appropriées afin de préserver l'option nucléaire ouverte sur la base d'une industrie européenne pérenne et compétitive;
48. demande que soit développé un mécanisme européen de coordination des meilleures pratiques nationales en matière de radioprotection des travailleurs et du public, afin de parachever l'harmonisation à laquelle le traité Euratom est déjà parvenu dans ce domaine;
49. encourage vivement la Commission à élaborer régulièrement, ainsi que le prévoit le traité Euratom, des PINC réellement prospectifs en matière d'objectifs de production et d'investissements nucléaires dans le contexte mondial de renforcement de la concurrence sur ce secteur et qui prendraient également en considération les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre; rappelle à ce sujet que le recours à l'ensemble des autres sources d'énergie relève lui aussi de la compétence nationale et que, néanmoins, des objectifs (parfois même contraignants) sont fixés au niveau communautaire, comme c'est le cas pour les énergies renouvelables;
50. invite le Conseil, en gardant à l'esprit les objectifs de sécurité de l'approvisionnement et de réduction des émissions de CO2, à définir une politique coordonnée qui encourage l'investissement, dans le respect total des exigences de sûreté, et vise à allonger la durée de vie des réacteurs existants, à améliorer leur performance et à investir dans de nouvelles capacités;
51. prend acte de l'initiative du Conseil d'envisager l'institution d'un Groupe européen de haut niveau pour la sûreté, la sécurité et la gestion des déchets nucléaires;
52. se félicite de l'initiative visant à mettre en place un forum atomique européen qui permettrait l'organisation d'un débat à haut niveau entre les responsables politiques, l'industrie et la société civile;
53. appelle à réactiver le rôle de l'Agence d'approvisionnement d'Euratom et à utiliser pleinement les pouvoirs étendus qui lui sont conférés par le traité Euratom; considère que ce rôle doit moins être regardé du point de vue d'une pénurie d'uranium que de celui de la compétitivité et de la sécurité des approvisionnements, y compris l'approvisionnement de combustible nucléaire fabriqué; estime que les dispositions du traité Euratom lui donnent les moyens d'être un véritable observatoire de l'énergie dans le domaine nucléaire et encourage dans ce sens les réflexions en cours sur l'amélioration du statut de l'Agence d'approvisionnement d'Euratom;
54. invite à la poursuite d'une coopération internationale intense, telle que le traité Euratom a pu en jeter les bases, et appelle à un renforcement continu de la coopération avec l'AIEA, pour éviter toute redondance dans les actions respectives de cette dernière et d'Euratom, et pour assurer le plus haut degré de protection dans les domaines de la radioprotection, de la sûreté, et de la non-prolifération nucléaires;
55. invite à poursuivre à haut niveau la collaboration internationale en matière de recherche et de développement comme sur le projet ITER ou dans le cadre du Forum international sur les réacteurs de 4e génération;
° °
°
56. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission.
- [1] Délibération dans l'affaire 1/78, Recueil 1978, p. 2151.
- [2] Affaire C-161/97, Kernkraftwerke Lippe-Ems Gmbh contre Commission des Communautés européennes, Recueil 1999, p. I-02057.
- [3] Affaire C-29/99, Commission des Communautés européennes contre Conseil de l'Union européenne, Recueil 2002, p. I-11221.
- [4] Textes adoptés de cette date, P6_TA(2006)0603.
- [5] JO C 292E du 1.12.2006, p. 112.
- [6] Textes adoptés de cette date, P6_TA(2006)0599.
- [7] Textes adoptés de cette date, P6_TA(2006)0300.
- [8] Textes adoptés de cette date, P6_TA(2006)0266.
- [9] Textes adoptés de cette date, P6_TA(2006)0517.
- [10] Textes adoptés de cette date, P6_TA(2006)0524.
- [11] Textes adoptés de cette date, P6_TA(2006)0523.
- [12] JO C 280E du 18.11.2006, p.108.
- [13] JO C 280E du 18.11.2006, p.117.
- [14] Avec le traité sur l'Union européenne, signé à Maastricht le 7 février 1992.
- [15] Directive 2006/117/Euratom du Conseil du 20 novembre 2006 relative à la surveillance et au contrôle des transferts de déchets radioactifs et de combustible nucléaire usé (JO L 337 du 5.12.2006, p. 21).
EXPOSÉ DES MOTIFS
Après cinquante ans d'application du traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique (ci-après dénommé "Traité"), et alors que des réflexions sont en cours sur la définition d'une politique énergétique européenne, votre rapporteur est invité à examiner si le Traité est aujourd'hui adapté à la situation actuelle de l'énergie nucléaire dans l'Union européenne et s'il offre les outils nécessaires pour répondre aux défis énergétiques futurs.
En première analyse, le cadre Euratom apparaît dépassé dans sa forme, car son organisation institutionnelle n'a pas suivi l'évolution de l'Union européenne. Conçu à l'origine comme un instrument d'"intégration fonctionnelle", il peut dans une certaine mesure, apparaître également dépassé sur le fond, certaines de ses dispositions étant tombées en désuétude ou n'étant pas appliquées conformément aux intentions initiales du Traité.
Pour autant, votre rapporteur estime que les limites du Traité ne sauraient faire oublier que certaines de ses dispositions sont plus que jamais d'actualité et qu'elles ont été à l'origine de l'adoption d'une réglementation dérivée abondante. Loin d'en faire un traité "promotionnel", cette réglementation encadre de façon contraignante le fonctionnement de l'industrie nucléaire. C'est pourquoi, le présent rapport examinera en quoi le Traité reste le cadre juridique adapté pour renforcer la règlementation dans des domaines encore en friche – adoption de normes de sûreté communes et gestion des déchets radioactifs – et s'il peut contribuer à la compétitivité économique de l'Europe, à son indépendance énergétique et à la sécurité de ses approvisionnements.
I – Le Traité est un cadre éprouvé et équilibré pour le développement d'une industrie nucléaire compétitive:
· 50 ans d'initiatives et de réalisations ambitieuses démontrent l'équilibre et l'efficacité de ce Traité.
– Le Traité a permis que l'énergie nucléaire constitue une composante importante de la palette énergétique en Europe, par ailleurs aujourd'hui reconnue comme évitant l'émission de quelque 312 Mt de CO2/an (7% du total des émissions de gaz à effet de serre de l'UE).
Avec une production d'origine nucléaire de plus de 920 TWh en 2005, l'UE représente le 1/3 des capacités électronucléaires mondiales, estimées à 2470 TWh. La moyenne communautaire s'établit à 32% d'électricité d'origine nucléaire et recouvre des situations très disparates: 15 États membres sont dotés de centrales nucléaires, qui constituent pour certains d'entre eux la principale source d'électricité. L'industrie européenne couvre la totalité du cycle du combustible, avec le développement de technologies autochtones (enrichissement du combustible, designs de réacteurs, traitement-recyclage du combustible usé). C'est aux yeux du rapporteur un élément notable du paysage nucléaire européen, surtout dans le contexte des discussions internationales en cours sur les "approches multilatérales du cycle".
– Sur le volet de la recherche, l'effet incitatif des six PCRD Euratom a permis de maintenir la recherche européenne à l'avant-garde mondiale particulièrement dans le domaine de la fusion contrôlée.
· De nombreuses dispositions du Traité témoignent de sa vitalité et de son adaptabilité.
- Une préoccupation de protection sanitaire devenue prioritaire:
Le traité prévoit que la CEEA doit "établir des normes de sécurité uniformes pour la protection sanitaire de la population et des travailleurs, et veiller à leur application". Ce chapitre a donné lieu à une abondante législation dérivée qui constitue le cadre des réglementations nationales des États membres dans le domaine de la radioprotection: adoption de "normes de base" communes, fixation de niveaux maxima admissibles de contamination radioactive pour les denrées alimentaires, modalités d'échange d'informations et situations d'urgence radiologique, contrôle de la radioactivité dans l'environnement et contrôle des rejets radioactifs des installations nucléaires, protection des équipages dans l'aviation civile.
- Le contrôle de sécurité des matières nucléaires complémentaire de l'action menée par l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA):
Le chapitre VII met en place un système très complet de contrôles destinés à s'assurer que les minerais et matières fissiles spéciales ne sont pas détournés des usages auxquels leurs utilisateurs ont déclaré les destiner.
Ce contrôle de sécurité, qui repose sur un système déclaratif de la comptabilité des matières détenues par les opérateurs, s'articule avec le régime des "garanties" ("Safeguards") appliqué par l'AIEA dans le cadre d'accords tripartites conclus avec les États membres et la Communauté Euratom. Dans le cadre du renforcement du régime de non-prolifération avec la conclusion en 1998 de Protocoles additionnels à ces accords de garanties, Euratom transmet régulièrement à l'AIEA les relevés comptables des matières nucléaires détenues par les États membres. Votre rapporteur estime que ces deux systèmes ont fait la preuve de leur complémentarité et que si des améliorations doivent être recherchées, elles doivent l'être de façon pratique dans la mutualisation des méthodes d'investigation et le déroulement des inspections, pour éviter toute redondance.
- Une politique extérieure intense qui de façon pragmatique, a pallié les insuffisances du Traité Euratom:
Euratom, dans le cadre de sa compétence, a développé un réseau étoffé d'accords internationaux:
– avec des organisations internationales: Euratom a adhéré à la plupart des conventions adoptées sous l'égide de l'AIEA. Cette complémentarité se traduit par le fait que les recommandations, traités et accords élaborés par l'AIEA concourent aux politiques correspondantes d'Euratom, dont le statut d'observateur auprès de l'AIEA a permis d'instaurer des relations nourries de partenariat actif.
– de façon bilatérale: historiquement, les relations d'Euratom ont été concentrées sur les accords avec ses trois grands fournisseurs de matières et technologies nucléaires: Canada, Australie, États-Unis, accords étendus par la suite aux domaines de la sûreté et de la recherche nucléaire. Ces accords sont aujourd'hui davantage des accords de coopération réciproque (avec le Japon, l'Argentine, le Kazakhstan, l'Ukraine) dans les domaines de la sûreté, du contrôle des matières nucléaires, de la lutte contre leur trafic, et de la recherche en matière de fusion nucléaire contrôlée (édifice juridique d'ITER). C'est également grâce au chapitre relatif aux relations extérieures qu'Euratom a pu jouer un rôle très actif lors des élargissements successifs (programme PHARE).
Votre rapporteur considère qu'il s'agit là d'un des volets majeurs de l'édifice Euratom, qui, par sa vitalité même, témoigne de l'actualité du Traité.
II – Une insuffisante adaptation juridique et des lacunes sont cependant à l'origine des faiblesses apparentes d'Euratom.
- Le déficit démocratique:
Le déséquilibre institutionnel doit être rééquilibré en faveur du Parlement européen et celui-ci doit se voir reconnaître un pouvoir de codécision dans les matières relevant du Traité. Le rapporteur souligne l'importance non négligeable de la contribution du Parlement européen. S'il n'est que consulté, son intervention dans les débats s'est toutefois montrée à plusieurs reprises déterminante, que cela soit face aux situations de blocage lors de l'adoption du 7ème PCRD Euratom, ou dans les négociations sur la Directive "Transferts" ou par les amendements à l'Instrument de Coopération Nucléaire.
- L'adoption de normes de sûreté standards au sein de l'UE, la gestion des déchets radioactifs et la sécurisation du financement des charges de long terme:
Une proposition de réglementation a été présentée dès 2003 qui visait à définir des principes d'organisation permettant une gestion adéquate de la sûreté et à mobiliser les ressources financières adéquates pendant l'exploitation et le démantèlement des installations. En l'absence de consensus, le Conseil a adopté en 2004 un processus de convergence pour un Plan d'Action d'ici 2006, reposant sur un Groupe ad hoc sur la sûreté nucléaire (WPNS).
Votre rapporteur note que les préconisations issues de ce groupe rejoignent les recommandations du projet de PINC communiqué le 10 janvier 2007 et estime qu'à tout le moins, l'idée d'instituer un Groupe à haut niveau sur la sûreté nucléaire doit être soutenue. Légiférer dans ces domaines ne nécessite pas de révision en profondeur du Traité, son article 203 offrant la base juridique suffisante à l'adoption de nouvelles mesures.
III – Le Traité EURATOM doit permettre de répondre aux défis énergétiques futurs
Si les outils devant assurer le développement de l'énergie nucléaire n'ont pas fonctionné comme l'espéraient les fondateurs du Traité, votre rapporteur considère que le Traité n'est pas en cause et qu'il s'agit désormais de donner leur plein effet à des dispositifs existants:
- Les programmes indicatifs nucléaires communs (PINC):
Plusieurs PINC ont été publiés par la Commission européenne en 1966, 1972, 1984, 1990 et 1997. Votre rapporteur déplore que le caractère volontariste et programmatique du PINC ait disparu et que ce programme n'ait pas joué le rôle attendu.
Votre rapporteur note que le dernier projet de PINC ne semble pas davantage dresser une vision prospective de l'adaptation des capacités industrielles nucléaires aux objectifs de la politique énergétique communautaire, ni des investissements nécessaires aux structures de R&D dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la gestion des déchets radioactifs. Au besoin, votre rapporteur préconise que cette estimation prospective puisse aussi envisager les outils nécessaires à sa réalisation (notamment au moyen des prêts Euratom).
- Les pouvoirs de l'Agence d'Approvisionnement doivent être réactivés dans un contexte de libéralisation des marchés:
Euratom a pour objectif de veiller à l'approvisionnement régulier et équitable de tous les utilisateurs de la Communauté en minerais et combustibles nucléaires (droit exclusif d'Euratom de conclure des contrats portant sur la fourniture de matières nucléaires, droit d'option sur les minerais et matières fissiles produites sur le territoire des États membres, organisation sur une base commerciale de l'Agence d'approvisionnement).
Dans les faits, les pouvoirs de l'Agence ont été réduits quant à son droit exclusif de conclure des accords et certains États ont mis en place des procédures simplifiées avec l'Agence, de sorte que celle-ci se trouve aujourd'hui cantonnée à un rôle de greffier. Le rôle de l'Agence doit être réactivé, dans la perspective de la sécurisation des approvisionnements énergétiques.
Comme plusieurs autres chapitres du traité, son évolution est rendue possible de manière spécifique, car il comprend son propre mécanisme de révision. Votre rapporteur y voit là l'occasion d'en faire un véritable Observatoire de l'énergie nucléaire, à l'image de ce que préconise la Commission pour la politique énergétique européenne.
Conclusions sur le débat institutionnel et l'avenir du Traité:
Pour l'ensemble de ces raisons, le rapporteur estime que:
Ø le Traité doit être consolidé, avant tout parce qu'il a fait la preuve de son efficacité et qu'il est nécessaire de prendre en compte dans les différents scénarii énergétiques européens la contribution de l'énergie nucléaire à la sécurité d'approvisionnement et à la lutte contre le changement climatique;
Ø l'édifice institutionnel d'Euratom doit remettre le Parlement européen au cœur des négociations;
Ø la mise en œuvre du Traité doit couvrir d'urgence de nouveaux champs d'activité et les fondements de tels aménagements existent d'ores et déjà dans le Traité;
Ø le Traité doit assurer les conditions nécessaires au financement de la R&D dans les domaines de la sûreté, de la gestion des déchets radioactifs et des filières de réacteurs du futur, et développer les programmes d'enseignement et de formation, gages de la place du nucléaire dans le bouquet énergétique;
Ø le Traité doit contribuer à la définition d'une politique coordonnée et incitative d'investissements: il dispose en effet des outils adaptés pour assurer l'observation du marché et faire les recommandations pour le maintien des conditions nécessaires à la réalisation de la politique énergétique de l'UE.
AVIS de la commission des affaires constitutionnelles (23.3.2007)
à l'intention de la commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie
sur Euratom: bilan de 50 ans de politique européenne dans le domaine de l'énergie nucléaire
(2006/2230(INI))
Rapporteur pour avis: Johannes Voggenhuber
SUGGESTIONS
La commission des affaires constitutionnelles invite la commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie, compétente au fond, à incorporer dans la proposition de résolution qu'elle adoptera les suggestions suivantes:
A. considérant que les traités communautaires ont été profondément remaniés à plusieurs reprises pour répondre à de nouveaux besoins et à de nouveaux défis, mais que, tout au long des cinquante ans de son histoire, le traité Euratom n'a subi qu'une seule modification[1], alors que ses dispositions centrales et sa substance demeuraient toutefois dans leur version d'origine,
B. considérant que, si le traité Euratom a été peu modifié au cours des 50 dernières années, il est en revanche à l'origine d'une abondante législation dérivée dans la même période et a fait l'objet d'un nombre important d'arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes, qui ont notamment permis d'élargir de manière substantielle son champ d'application initial,
C. considérant que les récents élargissements ont accentué la diversification du paysage de l'Union européenne dans le domaine de l'énergie nucléaire et renforcé la nécessité d'une action communautaire dans le domaine nucléaire; que, sur les vingt-sept États membres, onze n'ont jamais eu de centrales nucléaires sur leur territoire; que l'Italie a renoncé à la production d'électricité nucléaire et que la Belgique, l'Allemagne, les Pays-Bas et la Suède ont décidé de sortir du nucléaire,
D. considérant que, dès le 18 juin 1998, dans sa résolution sur la communication de la Commission, intitulée "Énergie pour l'avenir: les sources d'énergie renouvelables – Livre blanc établissant une stratégie et un plan d'action communautaires", le Parlement invitait déjà le Conseil "à intégrer dans le traité sur l'Union européenne, lors d'une prochaine révision de ce dernier, un chapitre consacré à l'énergie, qui tiendra dûment compte de la promotion des sources d'énergie renouvelables afin de garantir la mise en œuvre, à l'échelon européen, d'une politique énergétique durable et compatible avec la protection de l'environnement"[2],
E. considérant que, dans son projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe (le Traité constitutionnel), la Convention a proposé que le traité Euratom soit retiré de la structure juridique de la Constitution future, et considérant que la Convention, dans ses travaux sur l'avenir de l'Union européenne, et la signature du Traité constitutionnel ont maintenu en l'état les dispositions du traité Euratom sous la forme d'un protocole annexé,
F. considérant que, dans sa résolution du 24 septembre 2003 intitulée "résolution du Parlement européen sur le projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe et portant avis du Parlement européen sur la convocation de la Conférence intergouvernementale", il s'est félicité de ce que le traité Euratom ait été séparé de la structure juridique de la future Constitution et a demandé instamment à la Conférence intergouvernementale de "convoquer une conférence de révision du traité afin d'abroger les dispositions obsolètes et dépassées du traité, surtout celles relatives à l'encouragement de l'énergie nucléaire et s'agissant de l'absence de procédures de prise de décision démocratiques"[3],
G. considérant que l'Allemagne, l'Irlande, la Hongrie, l'Autriche et la Suède ont annexé au Traité constitutionnel une déclaration indiquant qu'une mise à jour des dispositions essentielles du traité Euratom est nécessaire et qu'il conviendrait à cet effet de convoquer "dès que possible" une conférence de révision,
H. considérant que le traité Euratom a introduit des normes élevées de sécurité pour le traitement des éléments combustibles et des déchets radioactifs dans l'Union européenne, qu'il établit des normes uniformes de sécurité pour la protection de la santé des travailleurs et de la population ainsi que des procédures pour l'application de ces normes et qu'il s'oppose à toute prolifération de matières nucléaires à des fins militaires,
1. constate que les attentes à l'égard de l'énergie nucléaire formulées il y a cinquante ans dans le traité Euratom ont évolué; note qu'elles portent désormais davantage sur la nécessité de disposer, par le traité Euratom, d'un encadrement juridique solide pour contrôler l'exploitation de l'énergie nucléaire dans l'Union européenne et pour accompagner l'intégration dans l'UE de pays ayant recours au nucléaire, par l'absorption de l'acquis communautaire Euratom; reconnaît que, dans le titre deuxième du traité Euratom, d'importants chapitres ont permis de protéger les hommes, les travailleurs et l'environnement des rayonnements ionisants (Chapitre III), de développer la recherche dans les domaines de la gestion des déchets et de la sûreté des installations (Chapitre I) et de mettre en place un système de contrôle de sécurité pour les matières fissiles en Europe (Chapitre VII);
2. perçoit un déficit démocratique inacceptable dans le fait qu'il est quasiment exclu du processus législatif lié à l'Euratom et qu'il n'est invité à donner son avis, et pas davantage, que pour un seul des dix chapitres dudit traité;
3. relève que, malgré la tonalité promotionnelle de son préambule, le traité Euratom n'impose à aucun État membre de développer sur son sol l'option nucléaire, respectant ainsi le droit souverain des États membres à développer leur propre bouquet énergétique;
4. renvoie au traité d'Amsterdam de mai 1999, qui garantit l'importance du droit de codécision du Parlement européen; regrette que le développement des pouvoirs du Parlement européen, et notamment leur extension à la codécision pour la majeure partie des procédures législatives communautaires, n'ait pas été pris en compte dans le traité Euratom; estime que, en dépit de la technicité dudit traité, le Parlement européen devrait être formellement associé sur les textes dont la base juridique est le traité Euratom;
5. souligne que le traité Euratom ne constitue pas une entrave au développement d'un marché intérieur de l'électricité et encore moins un obstacle au principe de libre circulation des biens, des personnes et des capitaux; rappelle qu'en la matière, le droit commun du traité instituant la Communauté européenne (traité CE) s'applique aux activités nucléaires et note, à titre d'exemple, que la circulation des matières, équipements et technologies nucléaires au sein et en dehors de l'Union européenne relève d'une réglementation du contrôle des biens dits à "double usage", adoptée sur le fondement de la politique commerciale du traité CE; ajoute que la législation Euratom est soumise au droit de la concurrence et aux règlements sur les aides d'État tels que précisés au Titre VI du traité CE; conclut dès lors que le traité Euratom ne constitue en aucun cas un cadre protectionniste pour l'énergie nucléaire;
6. réaffirme sa demande qu'une conférence intergouvernementale soit convoquée en vue d'une révision générale du traité Euratom afin d'en supprimer les dispositions obsolètes, de maintenir le régime réglementaire de l'industrie nucléaire au niveau de l'UE, d'en réviser les autres parties dans la perspective d'une politique énergétique moderne et durable et de les transférer dans un chapitre consacré à l'énergie dans le traité établissant une Constitution pour l'Europe;
7. estime que, indépendamment de la diversité des points de vue prévalant quant à l'énergie nucléaire, les dispositions du traité Euratom qui ont contribué à éviter la prolifération de matières nucléaires et celles qui traitent de la santé, de la sécurité et de la prévention de la contamination radioactive ont été hautement bénéfiques et doivent être soigneusement coordonnées avec les dispositions du traité CE relatives à la santé et à la sécurité;
PROCÉDURE
Titre |
Euratom: bilan de 50 ans de politique européenne dans le domaine de l'énergie nucléaire |
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Références |
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Commission compétente au fond |
ITRE |
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Commission(s) saisie(s) pour avis |
AFCO |
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Coopération renforcée |
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Rapporteur(s) |
Johannes Voggenhuber |
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Rapporteur(s) remplacé(s) |
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Examen en commission |
22.1.2007 |
1.3.2007 |
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Date de l'adoption |
19.3.2007 |
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Résultat du vote final |
pour: contre: abstentions: |
17 0 2 |
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Membres présents au moment du vote final |
Philip Dimitrov Dimitrov, Andrew Duff, Maria da Assunção Esteves, Bronisław Geremek, Anneli Jäätteenmäki, Sylvia-Yvonne Kaufmann, Jo Leinen, Íñigo Méndez de Vigo, Rihards Pīks, Johannes Voggenhuber |
||||||
Suppléants (présents au moment du vote final |
Pervenche Berès, Georgi Bliznashki, Elmar Brok, Carlos Carnero González, Gérard Onesta, Georgios Papastamkos, Bogdan Pęk, György Schöpflin, Alexander Stubb |
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Suppléants (art. 178, par. 2) présents au moment du vote final |
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Observations (disponibles dans une seule langue) |
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PROCÉDURE
Titre |
Euratom: bilan de 50 ans de politique européenne dans le domaine de l'énergie nucléaire |
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Numéro de procédure |
2006/2230 (INI) |
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Commission compétente au fond |
ITRE |
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Commission(s) saisie(s) pour avis |
AFCO 12.10.2006 |
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Avis non émis |
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Coopération renforcée |
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Rapporteur(s) |
Eugenijus Maldeikis |
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Rapporteur(s) remplacé(s) |
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Examen en commission |
19.12.2006 |
30.1.2007 |
26.2.2007 |
26.3.2007 |
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Date de l'adoption |
27.3.2007 |
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Résultat du vote final |
+ - 0
|
41 4 4 |
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Membres présents au moment du vote final |
John Attard-Montalto, Jan Březina, Philippe Busquin, Jerzy Buzek, Giles Chichester, Jorgo Chatzimarkakis, Silvia Ciornei, Pilar del Castillo Vera, Den Dover, Lena Ek, Nicole Fontaine, Adam Gierek, Norbert Glante, András Gyürk, Fiona Hall, Rebecca Harms, Erna Hennicot-Schoepges, Ján Hudacký, Mary Honeyball, Anne Laperrouze, Romana Jordan Cizelj, Eugenijus Maldeikis, Angelika Niebler, Reino Paasilinna, Atanas Paparizov, Francisca Pleguezuelos Aguilar, Miloslav Ransdorf, Vladimír Remek, Herbert Reul, Mechtild Rothe, Paul Rübig, Andres Tarand, Britta Thomsen, Radu Ţîrle, Patrizia Toia, Catherine Trautmann, Claude Turmes, Nikolaos Vakalis, Alejo Vidal-Quadras |
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Suppléant(s) présent(s) au moment du vote final |
Alexander Alvaro, Konstantin Dimitrov, Avril Doyle, Robert Goebbels, Satu Hassi, Edit Herczog, Eija-Riitta Korhola, Esko Seppänen, Hannes Swoboda, Lambert van Nistelrooij |
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Suppléant(s) (art. 178, par. 2) présent(s) au moment du vote final |
Gintaras Didžiokas |
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Date du dépôt |
4.4.2007 |
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Observations (données disponibles dans une seule langue) |
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