RAPPORT sur la délinquance juvénile: le rôle des femmes, de la famille et de la société

7.6.2007 - (2007/2011(INI))

Commission des droits de la femme et de l'égalité des genres
Rapporteur: Katerina Batzeli

Procédure : 2007/2011(INI)
Cycle de vie en séance
Cycle relatif au document :  
A6-0212/2007

PROPOSITION DE RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN

sur la délinquance juvénile: le rôle des femmes, de la famille et de la société

(2007/2011(INI))

Le Parlement européen,

–   vu la convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, du 20 novembre 1989, et notamment ses articles 37 et 40,

–   vu l'ensemble de règles minima des Nations unies concernant l'administration de la justice pour mineurs ou "Règles de Beijing" de 1985, telles que celles-ci ont été adoptées par l'Assemblée générale dans sa résolution 40/33 du 29 novembre 1985,

–   vu les principes directeurs des Nations unies pour la prévention de la délinquance juvénile ou "Principes directeurs de Riyad" de 1990, tels que ceux-ci ont été adoptés par l'Assemblée générale dans sa résolution 45/112 du 14 décembre 1990,

–   vu les règles des Nations unies pour la protection des mineurs privés de liberté, telles que celles-ci ont été adoptées par l'Assemblée générale dans sa résolution 45/113 du 14 décembre 1990,

–   vu la convention européenne du Conseil de l'Europe sur l'exercice des droits des enfants, du 25 janvier 1996, et notamment son article 1er et ses articles 3 à 9,

–   vu la recommandation du Comité des ministres du Conseil de l'Europe aux États membres concernant les nouveaux modes de traitement de la délinquance juvénile et le rôle de la justice des mineurs (Rec(2003)20), du 24 septembre 2003,

–   vu la recommandation du Comité des ministres du Conseil de l'Europe sur les réactions sociales à la délinquance juvénile (Rec(87)20), du 17 septembre 1987,

–   vu la recommandation du Comité des ministres du Conseil de l'Europe sur les réactions sociales au comportement délinquant des jeunes issus de familles migrantes (Rec(88)6), du 18 avril 1988,

–   vu le traité sur l'Union européenne, et notamment son article 6, ainsi que les dispositions de son titre VI relatif à la coopération policière et judiciaire en matière pénale,

–   vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son titre XI sur la politique sociale, l'éducation, la formation professionnelle et la jeunesse, spécialement son article 137,

–   vu le programme-cadre concernant la coopération policière et judiciaire en matière pénale (AGIS), parvenu à expiration le 31 décembre 2006, ainsi que le règlement (CE) n° 168/2007 du Conseil du 15 février 2007 portant création d'une Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne[1],

–   vu sa position du 30 novembre 2006 sur la proposition de décision du Conseil autorisant l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne à exercer ses activités dans les domaines visés au titre VI du traité sur l'Union européenne[2],

–   vu la position commune arrêtée par le Conseil le 5 mars 2007 en vue de l'adoption d'une décision du Parlement européen et du Conseil établissant pour 2007-2013 un programme spécifique visant à prévenir et à combattre la violence envers les enfants, les jeunes et les femmes et protéger les victimes et les groupes à risque (programme "Daphne III") dans le cadre du programme général "Droits fondamentaux et justice",

–   vu la communication de la Commission intitulée "Vers une stratégie européenne sur les droits de l'enfant (COM(2006)0367)",

–   vu sa résolution du 8 juillet 1992 sur la charte européenne des droits de l'enfant[3], et notamment ses paragraphes 8.22 et 8.23,

–   vu la décision 2001/427/JAI du Conseil du 28 mai 2001 instituant un réseau européen de prévention de la criminalité[4],

–   vu l'avis du Comité économique et social européen du 15 mars 2006 sur "La prévention de la délinquance juvénile, les modes de traitement de la délinquance juvénile et le rôle de la justice des mineurs dans l'Union européenne"[5],

–   vu les conclusions de la conférence qui s'est tenue à Glasgow dans le cadre de la présidence du Conseil par le Royaume-Uni, du 5 au 7 septembre 2005, sur le thème "Jeunesse et criminalité: une approche européenne",

–   vu les derniers rapports annuels de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies,

–   vu l'article 45 de son règlement,

–   vu le rapport de la commission des droits de la femme et de l'égalité des genres (A6‑0212/2007),

A. considérant que le comportement délinquant des mineurs fait peser des risques bien plus considérables que celui des adultes, dans la mesure où il touche une couche de la population particulièrement vulnérable au stade de la construction de sa personnalité en exposant de très bonne heure des mineurs aux dangers de l'exclusion sociale et de la stigmatisation,

B.  considérant que, à la lumière des études nationales, européennes et internationales qui ont été réalisées, le phénomène de la délinquance des mineurs accuse, depuis deux décennies, une hausse alarmante,

C. considérant que la délinquance des mineurs devient préoccupante par le caractère massif qu'elle revêt aujourd'hui en raison du rajeunissement de l'âge d'entrée dans la délinquance, l'augmentation du nombre des délits commis par des enfants de moins de 13 ans et le fait que leurs agissements dénotent une cruauté toujours plus grande,

D. considérant que la façon de collecter et de présenter, à l'heure actuelle, les statistiques relatives à la délinquance des mineurs ne répondent pas aux besoins réels ni aux conditions actuelles, ce qui rend d'autant plus impérieuse la nécessité de disposer de statistiques nationales fiables,

E.  considérant qu'il est malaisé de catégoriser dans l'absolu les causes qui conduisent un mineur à adopter un comportement délinquant, dans la mesure où le parcours qui l'amène à des types de comportements socialement déviants et finalement délinquants s'explique dans chaque cas par des circonstances individuelles et spécifiques qui correspondent à son vécu et aux pôles essentiels autour desquels se développe chaque enfant et chaque adolescent, à savoir la famille, l'école, l'environnement amical, ainsi que, sur un plan plus large, l'environnement socioéconomique dans lequel il vit,

F.  considérant que, au nombre des principaux facteurs de la délinquance des mineurs figurent l'absence de repères, le manque de communication et de mise en valeur de modèles appropriés au sein de la famille du fait, souvent, de l'absence des parents, les problèmes psychopathologiques liés à des mauvais traitements ou à un harcèlement sexuel de la part de personnes de leur entourage, les carences des systèmes éducatifs quant à la transmission de valeurs sociales, la pauvreté, le chômage, l'exclusion sociale et le racisme; soulignant que, parmi ces facteurs décisifs, figurent également la tendance marquée au mimétisme des jeunes au stade de la construction de leur personnalité, les troubles de la personnalité liés à la consommation d'alcool et de stupéfiants et la mise en valeur, par les médias, certains sites internet, et jeux vidéos de modèles adeptes d'une violence déplacée, excessive et infondée,

G. considérant qu'un comportement déviant chez les jeunes ne trouve pas systématiquement son origine dans le contexte familial,

H. considérant que l'augmentation de la consommation de cannabis et d'autres drogues et/ou d'alcool par les adolescents est à mettre en corrélation avec la croissance de la délinquance juvénile,

I.   considérant que les migrants, et notamment les mineurs, sont beaucoup plus exposés au contrôle social, ce qui peut laisser croire que les problèmes de délinquance juvénile touchent en priorité les milieux des migrants et non l'ensemble de la société, approche qui est non seulement erronée mais socialement dangereuse,

J.   considérant que les deux formes "actuelles" de la délinquance juvénile résident dans la constitution de "gangs de jeunes" ainsi que dans la recrudescence de la violence en milieu scolaire, phénomènes qui revêtent une ampleur particulière dans certains États membres et dont l'étude, aussi bien que les remèdes éventuels, s'avèrent complexes,

K. considérant que l'ampleur de phénomènes comme celui des gangs de jeunes ont conduit certains États membres à renforcer la sévérité du droit pénal des mineurs et à revenir à des peines traditionnelles d'enfermement dans des établissements pénitentiaires,

L.  considérant que, dans certains États membres, les abords et même les cours des écoles, y compris dans les quartiers favorisés, sont devenus des zones de non-droit (offre de drogues, violences avec parfois l'utilisation d'armes blanches, rackets divers et développement de jeux dangereux – voir le phénomène du "happy slapping", avec publication sur des sites internet de photos de scènes de violence prises par téléphone portable),

M. considérant que l'on observe, depuis quelques années, une réforme graduelle des législations pénales nationales concernant les mineurs, qui devrait être axée sur des mesures de rééducation ainsi sur la réhabilitation et la thérapie, et pas seulement sur l'enfermement, lequel - à supposer qu'il soit jugé nécessaire - devrait être une mesure prise en dernier ressort; qu'il convient néanmoins de souligner que la mise en place de ces nouvelles mesures se trouve souvent concrètement entravée par l'absence d'une infrastructure matérielle et technique moderne et adaptée ainsi que d'un personnel spécialement formé, par le caractère limité de la participation sociale et par un financement insuffisant,

N. considérant que les législations nationales tendent à pénaliser les actions et les attitudes de mineurs, quand bien même celles-ci ne sont pas considérées comme délictuelles lorsqu'elles sont le fait d'adultes, ce qui renforce d'autant le contrôle pénal et social au détriment des mineurs, mais conduit également à pénaliser abusivement la pauvreté, l'exclusion sociale et les difficultés circonstancielles d'insertion sociale des jeunes,

O. considérant que l'avalanche d'images de scènes d'une violence extrême et de matériel pornographique diffusées par des moyens de communication et audiovisuels tels que les jeux, la télévision et l'internet, de même que l'exploitation, par les médias, de l'image de mineurs délinquants et victimes, frôlent souvent la violation des droits fondamentaux de l'enfant et contribuent à propager une banalisation de la violence,

P.  considérant que, dans le cadre du Réseau européen de prévention de la criminalité (REPC) fondé en 2001, un groupe de travail spécifique a été mis en place pour lutter contre la délinquance juvénile, lequel a entrepris d'élaborer une étude comparative approfondie dans les 27 États membres, qui sera appelée à constituer la base des développements futurs de la politique de l'Union dans ce domaine,

1.  souligne que, si l'on souhaite véritablement remédier au phénomène de la délinquance des mineurs, il importe de mettre en place une stratégie intégrée à l'échelon national mais également européen, laquelle devra combiner des mesures autour des trois lignes directrices suivantes: mesures de prévention, mesures d'insertion sociale de tous les jeunes et mesures législatives de gestion;

Politiques nationales

2.  souligne que, lors de l'élaboration et de la mise en œuvre d'une stratégie nationale intégrée, une importance décisive devrait être dévolue à la participation sociale directe de tous les acteurs de la société, à savoir l'État considéré comme gestionnaire central, les responsables des collectivités régionales et locales, les responsables de la communauté scolaire, la famille, les ONG, et notamment celles axées sur les jeunes, la société civile et tous les particuliers; soutient que, pour la mise en œuvre des actions visant à lutter radicalement contre la délinquance des mineurs, il est indispensable de pouvoir disposer de ressources financières suffisantes;

3.  souligne que, si l'on veut remédier fondamentalement à la délinquance des mineurs, il est indispensable de mettre en œuvre une politique intégrée et efficace sur les plans scolaire, social, familial et éducatif, qui contribue à la transmission des valeurs sociales et civiques et à la socialisation précoce des jeunes; considère qu'il est par ailleurs nécessaire de définir une politique axée sur une meilleure cohésion économique et sociale visant à réduire les inégalités sociales et à lutter contre l'exclusion sociale et la pauvreté avec une attention particulière pour la pauvreté des enfants;

4. considère que la prévention dans le domaine de la délinquance juvénile doit être envisagée sur trois plans fondamentaux à savoir: la prévention primaire, qui s'adresse à tous les citoyens, la prévention secondaire, qui s'adresse à des délinquants mineurs occasionnels ou potentiels et, enfin, la prévention tertiaire, qui s'adresse aux mineurs qui persistent à adopter un comportement délinquant et vise à mettre un terme à ce dernier;

5.  considère qu'il est nécessaire d'établir une série de limites et repères concrets que les familles, les éducateurs et la société doivent transmettre aux jeunes dès leur plus jeune âge;

6.  considère que la prévention de la délinquance juvénile exige également des politiques publiques dans d'autres domaines, y inclus ceux du logement, de l'emploi, de la formation professionnelle, des loisirs et des échanges de jeunes;

7.  rappelle que les familles aussi bien que les écoles et la société en général doivent collaborer à la lutte contre le phénomène croissant de la violence des jeunes;

8.  attire l'attention des États membres sur le rôle spécifique dévolu à la famille à chacune des étapes du combat contre la délinquance juvénile et leur demande de mettre en place un soutien approprié aux parents;

9.  encourage les États membres à prévoir dans leurs politiques nationales l'institution d'un congé parental d'un an, permettant aux familles qui le souhaitent de privilégier ainsi la prime éducation de leur enfant, laquelle revêt une importance capital dans son développement affectif;

10. invite les États membres à accorder un soutien particulier aux familles qui se trouvent confrontées à des problèmes économiques et sociaux; souligne que l'adoption de mesures visant à couvrir les besoins essentiels en matière de logement et d'alimentation, un accès garanti pour tous les membres de la famille, à commencer par les enfants, à l'éducation de base et aux soins de santé, de même que des actions visant à garantir un accès équitable des membres de ces familles au marché du travail et à la vie sociale, économique et politique, contribueront à garantir un environnement familial sain et juste pour le développement et la première socialisation des enfants;

11. invite les États membres à mettre à disposition les ressources nécessaires à l'extension d'un service d'aide efficace en matière de conseil psychologique et social, et incluant des points de contact pour les familles à problèmes concernées par la délinquance juvénile;

12. souligne le rôle particulier dévolu à l'école et à la communauté scolaire dans la construction de la personnalité des enfants et des adolescents; souligne que deux caractéristiques essentielles de l'école d'aujourd'hui, à savoir la diversité culturelle et l'accentuation des différences de classes sociales sont susceptibles, en l'absence des structures qui s'imposent au sein du système éducatif en matière d'intervention, de soutien et d'approche des élèves, de conduire à des phénomènes de violence en matière scolaire et à l'instauration d'un environnement hostile entre des élèves agressifs qui endossent le rôle du bourreau et des élèves victimes;

13. invite, dans ce contexte, les États membres à formuler, à l'intention des autorités scolaires, les lignes d'orientation qui s'imposent en faveur d'une procédure moderne de règlement des conflits en milieu scolaire grâce à des instances de médiation auxquelles seront conjointement associés élèves, parents, enseignants et services compétents des responsables locaux;

14. estime qu'il est absolument indispensable d'offrir une formation appropriée aux enseignants, afin que ceux-ci soient en mesure de gérer le caractère hétérogène des classes, de mettre en œuvre une pédagogie qui ne soit pas moraliste mais préventive et fondée sur la solidarité, et de prévenir la stigmatisation et la marginalisation aussi bien des mineurs délinquants que de ceux de leurs condisciples qui en sont les victimes;

15. demande en outre aux États membres d'intégrer à leur politique d'éducation l'octroi d'un soutien psychologique et de conseils particulièrement destinés aux enfants qui sont confrontés à des problèmes de socialisation, la possibilité de dispenser des soins médicaux dans chaque établissement scolaire, la désignation d'un travailleur social affecté dans chaque cas à un nombre restreint d'établissements scolaires, d'un sociologue-criminologue, d'un pédopsychiatre et d'experts en matière de délinquance infantile, un contrôle strict en matière de consommation d'alcool et d'usage de stupéfiants par les élèves, la lutte contre les discriminations de toute nature à l'encontre de membres de la communauté scolaire, la désignation d'un médiateur communautaire, lequel fera le lien entre l'école et la communauté, ainsi que la coopération entre les différentes communautés scolaires pour ce qui est de l'élaboration et de la mise en œuvre de programmes contre la violence;

16. demande aux États membres et aux autorités réglementaires compétentes sur les plans national et régional de veiller strictement au respect absolu de la législation communautaire et nationale relative à la signalisation du contenu des émissions télévisuelles et autres programmes susceptibles de comporter des scènes particulièrement violentes ou déconseillées aux mineurs; demande en outre aux États membres d'arrêter, avec les responsables des médias, une "feuille de route" visant à protéger les droits de l'enfant ainsi que, en particulier, ceux des mineurs délinquants pour ce qui est de l'interdiction de diffuser des scènes de violence extrême à certaines heures de la journée et de révéler l'identité des mineurs impliqués dans des actes de délinquance;

17. recommande aux États membres de renforcer le rôle et la valorisation qualitative des centres de jeunesse considérés comme un espace d'échanges pour les jeunes gens et souligne que l'insertion des jeunes délinquants dans ces lieux contribuera à leur socialisation et renforcera leur sentiment d'appartenance à une catégorie normale de la société;

18. souligne que les médias peuvent jouer un rôle considérable au regard de la prévention de la délinquance juvénile en prenant des initiatives en matière d'information et de sensibilisation du public et en diffusant des émissions de haute qualité qui mettront en valeur la contribution positive des jeunes dans la société tout en contrôlant, à l'inverse, la diffusion de scènes violentes, pornographiques et de consommation de stupéfiants, et ce sur la base d'accords qui seront intégrés à la "feuille de route" visant à protéger les droits des enfants;

19. demande aux États membres de moderniser les mesures judiciaires et législatives de gestion de la criminalité des mineurs dans le sens d'une décriminalisation, d'une dépénalisation, d'une déjudiciarisation et d'une désinstitutionalisation; recommande, dans ce contexte, de minimiser les mesures accompagnant une privation de la liberté et l'enfermement total ou partiel du mineur concerné, en les remplaçant par des mesures de remplacement à caractère pédagogique, auxquelles pourront largement recourir les juges nationaux: offre de travaux d'utilité publique, réhabilitation et intermédiation avec les victimes, cours de formation professionnelle et cours de conduite, stages spécialement destinés à ceux qui sont narcodépendants ou alcooliques;

20. invite les États membres à adopter de nouvelles mesures innovantes visant à apporter une réponse judiciaire comme la participation directe des parents et tuteurs du mineur à la procédure pénale, du stade de l'action en justice jusqu'à celui de l'application de mesures, assortie d'une rééducation et d'un soutien psychologique intensif, le choix d'une famille d'accueil chargée, le cas échéant, d'éduquer le mineur et le soutien, en matière de conseils et d'informations, aux parents, aux enseignants et aux élèves, en cas de comportement violent manifesté par des mineurs en milieu scolaire;

21. rappelle que, en matière de délinquance juvénile, le déroulement de la procédure judiciaire et sa durée, le choix de la mesure à adopter ainsi que son exécution ultérieure doivent être guidés par le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant et le respect du droit procédural; souligne à cet égard que toute mesure d'incarcération ne doit intervenir qu'en dernier ressort et être exécutée dans des infrastructures adaptées aux mineurs délinquants;

22. demande aux États membres de prévoir, dans le cadre d'une approche intégrée de la délinquance des mineurs, des crédits budgétaires spécifiques et autonomes en vue de l'adoption de mesures préventives contre la délinquance juvénile, un renforcement des crédits alloués au titre des programmes d'insertion sociale et professionnelle des jeunes et un accroissement des ressources axées sur la revalorisation et la modernisation des structures d'accueil des mineurs délinquants à l'échelon central et régional, aussi bien que sur la formation spécialisée et la formation continue de tous les professionnels et responsables concernés;

Vers une stratégie européenne

23. recommande aux États membres, en collaboration avec la Commission, de procéder sans tarder, au chapitre de la délinquance des mineurs, à l'élaboration et à l'adoption de certains modèles et certaines orientations a minima, communs à tous les États membres et axés sur les quatre piliers fondamentaux que constituent la prévention, la réhabilitation, l'intégration et la réinsertion sociale et les mesures judiciaires ou extrajudiciaires, sur la base des principes reconnus à l'échelle internationale que constituent les règles de Beijing et les principes directeurs de Riyad, la convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, mais également d'autres conventions internationales adoptées dans ce domaine

24. considère que l'objectif d'une approche européenne commune doit être l'élaboration de modèles d'intervention visant à remédier à la délinquance des mineurs et à gérer celle-ci, le recours à des mesures d'enfermement et à des sanctions pénales ne devant intervenir qu'en tout dernier recours et lorsque cela est jugé absolument nécessaire;

25. estime que l' intégration et la participation des jeunes à toutes les questions et décisions qui les concernent sont indispensables si l'on veut définir des solutions communes qui soient couronnées de succès; considère que c'est la raison pour laquelle, au stade de l'intervention des assesseurs des tribunaux pour enfants, il convient de veiller à ce que ceux-ci ne disposent pas seulement d'une expérience dans le domaine de l'éducation des jeunes, mais qu'ils aient également reçu une formation les sensibilisant au problème de la violence et des jeunes;

26. demande à la Commission de définir à l'intention de tous les États membres des critères concrets concernant la collecte d'éléments statistiques nationaux afin de garantir leur comparabilité et, partant, leur utilité au stade de l'élaboration d'un éventail européen de mesures; invite les États membres à participer activement à la tâche de la Commission à travers la mise en circulation et la fourniture d'informations en provenance de toutes les autorités compétentes sur les plans national, régional et local ainsi que des associations, des ONG et autres organisations de la société civile œuvrant dans ce domaine;

27. invite la Commission et les autorités nationales et locales des États membres à s'inspirer des meilleures pratiques ayant cours dans les pays de l'Union, propres à mobiliser l'ensemble de la société et comprenant des actions et interventions positives de la part des associations de parents d'élèves et d'ONG dans les écoles et d'habitants de quartiers ainsi qu'à tirer le bilan des expériences menées dans les États Membres portant sur des accords de coopération entre autorités policières, établissements scolaires, autorités locales, organisations de jeunes et services sociaux à l'échelon local en respectant la règle du secret partagé, et des stratégies nationales et programmes de soutien des jeunes à l'échelle nationale; invite les États membres à s'inspirer des meilleures pratiques ayant cours parmi eux pour lutter contre le développement inquiétant de la consommation de drogues par les mineurs et de la délinquance qui y est liée, ainsi que des meilleures solutions à appliquer en cas de consommation problématique, notamment en matière de soins médicaux;

28. se félicite des initiatives nationales comprenant des actions positives d'intégration, à l'instar de "l'animateur extrascolaire" qui opère d'ores et déjà dans des régions comme la Rioja;

29. demande à la Commission et aux États membres de commencer par tirer parti des moyens et programmes européens existants en y intégrant des actions visant à lutter contre la délinquance des mineurs et à prévenir ce phénomène, ainsi qu'à assurer une réinsertion normale dans la société des délinquants et des victimes; attire, à cet égard, l'attention sur:

-    le programme spécifique "Prévenir et combattre la criminalité" (2007-2013), essentiellement axé sur la prévention de la criminalité et la protection des victimes,

-    le programme spécifique "Justice pénale" (2007-1013), visant à promouvoir la coopération judiciaire en matière pénale sur la base de la reconnaissance et de la confiance mutuelles, du renforcement des contacts et de l'échange d'informations entre les autorités nationales compétentes,

-    le programme DAPHNE III sur la lutte contre la violence contre les enfants et les jeunes,

-    le programme "Jeunesse en action" (2007-2013), dont l'une des priorités principales est le soutien aux jeunes disposant de moins d'opportunités ou issus d'un milieu moins favorisé,

-    les actions du Fonds social européen et du programme Equal sur le renforcement de l'intégration sociale et la lutte contre les discriminations et sur la facilitation de l'accès au marché du travail pour les personnes moins favorisées,

-    le programme d'initiative Urbact soutenu par l'Union, lequel est axé sur l'échange des meilleures pratiques entre les villes européennes dans la perspective d'un environnement plus viable pour les habitants et comprend des actions visant à la création d'un environnement urbain plus sûr pour les jeunes, ainsi que des actions d'insertion sociale pour les jeunes les moins favorisés, axées sur leur socialisation et leur participation;

-    des programmes d'initiative interétatiques tels que "Let bind safe net for children and youth at risk", lesquels sont centrés sur l'adoption de mesures en faveur des enfants et des jeunes en danger ou placés dans des conditions d'exclusion sociale, et auxquels peuvent et doivent participer des partenaires en provenance du plus grand nombre possible d'États membres,

-    la ligne européenne pour les enfants disparus, au nombre desquels figurent les victimes de la délinquance juvénile;

30. souligne que l'un des éléments de prévention et de lutte contre la délinquance des mineurs consiste dans le développement d'une politique de communication qui permette de sensibiliser le public aux problèmes , l'extirpation de la violence des médias et le soutien des médias audiovisuels dont la programmation n'est pas exclusivement centrée sur des programmes violents; par conséquent, demande que soient fixées des normes européennes visant à limiter la diffusion de la violence tant dans les médias audiovisuels que dans la presse écrite;

31. souligne que la directive 89/552/CEE dite "Télévision sans frontières"[6] fixe des limites concrètes à la projection d'images violentes et, plus généralement, d'images déconseillées pour la rééducation des enfants, ce qui constitue une mesure adéquate de prévention de la violence par des mineurs et au détriment des mineurs; demande à la Commission de prendre des actions complémentaires en ce sens en étendant les obligations au secteur de la téléphonie mobile et à l'internet, lesquelles actions devront constituer des priorités politiques fondamentales dans le cadre de la communication précitée de la Commission sur les droits de l'enfant;

32. se félicite de l'entrée en vigueur d'un cadre européen d'autorégulation des entreprises européennes en faveur d'une utilisation plus sûre des téléphones portables par les adolescents et les enfants et souligne que l'information et la sensibilisation relatives à une navigation sûre sur l'internet et à une utilisation sûre des téléphones portables doivent par conséquent faire l'objet, de la part de la Commission, de propositions concrètes et contraignantes à l'échelon européen;

33. demande à la Commission de procéder sans délai à la création d'un Observatoire européen de la délinquance des mineurs, dont l'objectif devra être la collecte et l'évaluation comparative des statistiques provenant de tous les États membres, l'échange d'expériences et de bonnes pratiques, l'élaboration et la promotion d'initiatives et programmes innovants à l'échelon interétatique, interrégional et communautaire, la fourniture d'une assistance-conseil, l'organisation de séminaires avec la participation des autorités nationales et, enfin, une coopération technique et scientifique au chapitre de la formation des personnels et de l'échange de professionnels; souligne que, si l'on veut garantir l'efficacité de l'action de l'observatoire européen en question, il est indispensable de veiller à la mobilisation et au fonctionnement des observatoires nationaux dotés de compétences analogues;

34. demande à la Commission d'encourager la mise en place d'un numéro vert européen pour les enfants et les adolescents à problèmes, dans la mesure où ces numéros verts peuvent contribuer dans une large mesure à prévenir la délinquance juvénile;

35. demande à la Commission de proposer, pour autant que les études indispensables auront été achevées à l'échelon européen, un programme-cadre communautaire intégré prévoyant des actions communautaires de prévention, de soutien aux initiatives des ONG et aux coopérations interétatiques, le financement de programmes-pilotes à l'échelon régional et local, lesquels seront fondés sur les meilleures pratiques nationales et s'attacheront à les promouvoir à l'échelle européenne, mais également à couvrir les besoins en matière d'infrastructures sociales et pédagogiques;

36. souligne que, au niveau des actions communautaires, les politiques fondamentales à prendre en considération dans les plus brefs délais sont au nombre de deux:

–   insertion des actions de financement au chapitre de la prévention dans les programmes communautaires d'ores et déjà existants, et création d'une nouvelle ligne budgétaire affectée à des actions intégrées et aux réseaux de lutte contre la délinquance des mineurs,

–   publication d'une étude et, par la suite, d'une communication de la Commission sur l'ampleur du phénomène en Europe et préparation appropriée, par l'intermédiaire du réseau des experts nationaux,de l'élaboration d'un programme-cadre intégré visant à lutter contre la délinquance des mineurs;

37. invite, dans ce contexte, la Commission à entreprendre l'élaboration d'un programme qui sera assorti d'actions cofinancées et qui comprendra:

–   la recherche des meilleures pratiques de prévention, et notamment de modèles de partenariat entre responsables publics et privés,

–   la mesure et une analyse de l'efficacité, à long terme, de certains systèmes, récemment mis en œuvre, de traitement des mineurs délinquants, à l'instar de la "justice réparatrice",

–   l'échange des meilleures pratiques à l'échelon international, national et local, en tenant compte des expériences très positives recueillies dans le cadre du programme Daphné contre la violence, lequel peut-être érigé en exemple de "meilleures pratiques" au travers de ses nombreux projets efficaces contre la violence,

–   l'assurance que ces pratiques et services seront prioritairement axés sur la protection des droits des enfants et des jeunes, ainsi qu'un soutien approprié aux parents,

–   la mise en place d'un modèle européen pour la protection de la jeunesse, qui n'a pas comme but principal l'application de sanctions mais qui est essentiellement axé sur la prévoyance sociale et l'éducation en faveur des jeunes ainsi que sur la promotion des valeurs de respect et d'égalité ainsi que sur celle des droits et obligations pour tous,

–   l'élaboration de programmes d'éducation et de formation professionnelle des mineurs afin de faciliter leur insertion sociale et l'instauration d'une véritable égalité des chances à travers l'apprentissage tout au long de la vie pour tous; une formation qui soit d'emblée efficace pour tous et la réalisation des objectifs de Barcelone, qui constituent une condition préalable à toute prévention efficace de la violence; le soutien aux initiatives existantes menées, dans ce contexte, par les organisations de jeunesse,

–   un programme coordonné de formation continue des médiateurs nationaux, des organes de police, des fonctionnaires de la justice, des organes nationaux compétents et des autorités de surveillance,

–   la mise en réseau des services compétents des collectivités locales et régionales, des organisations de jeunesse ainsi que de la communauté scolaire;

38. recommande à la Commission, dans le cadre des travaux préliminaires de l'Observatoire européen de la délinquance des mineurs et du programme-cadre correspondant, de proposer sans délai les mesures suivantes de promotion et de diffusion des expériences et du savoir-faire:

     –   la recherche collective et la diffusion des résultats des politiques nationales,

–   l'organisation de conférences et de forums avec la participation d'experts nationaux,

–   la promotion de la communication et de l'information entre les autorités compétentes et les acteurs sociaux grâce à l'internet et à la création d'un site web consacré à ces questions,

     –   la fondation d'un centre d'excellence international;

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39. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission ainsi qu'au Comité économique et social européen et au Comité des régions.

  • [1]  JO L 53 du 22.2.2007, p. 1.
  • [2]  Textes adoptés de cette date, P6_TA(2006)0510.
  • [3]  JO C 241 du 21.9.1992, p. 67.
  • [4]  JO L 153 du 8.6.2001, p. 1.
  • [5]  JO C 110 du 9.5.2006, p. 75.
  • [6]  JO L 298 du 17.10.1989 p. 23.

EXPOSÉ DES MOTIFS

L'idée selon laquelle la délinquance des mineurs accuse une hausse continue et revêt un caractère de plus en plus dangereux est aujourd'hui largement répandue dans la plupart des sociétés européennes, ce que confirment d'ailleurs les données statistiques nationales et les enquêtes et études internationales.

Approche explicative de la délinquance juvénile moderne

Il est particulièrement difficile de définir les causes du comportement délinquant d'un mineur, parce que celui-ci agit précisément dans le cadre d'un processus complexe de socialisation et de contrôle social. Cependant, il est possible de constater avec certitude deux faits: premièrement, le mineur délinquant n'est, en aucun cas, un "malade social", dont le comportement serait imputable à des anomalies physiques, mentales ou psychiques. Deuxièmement, nous devrons, pour analyser le comportement des mineurs, délinquants ou non, nous baser sur l'environnement familial, scolaire, amical et social dans lequel ils grandissent.

C'est pourquoi il convient de rechercher les causes ou facteurs à l'origine du comportement délinquant d'un mineur en gardant à l'esprit ces deux constatations. Toutefois, répétons-le, il convient de se pencher tout particulièrement sur les causes réelles d'un tel comportement: ainsi, ce n'est pas forcément parce que ses parents sont souvent absents ou parce qu'il vit dans une famille monoparentale qu'un mineur est délinquant, mais parce que les parents sont purement et simplement incapables de faire face à aux obligations qui leur incombent en matière de garde de leurs enfants ou parce qu'il n'existe pas de relations saines et de qualité entre les parents et les enfants ou entre les parents eux-mêmes, en raison de problèmes financiers, sociaux et/ou interpersonnels. Ce n'est pas l'échec de l'élève lui-même qui le stigmatise et le marginalise, mais l'incapacité du système scolaire à éviter que cela ne se produise. Enfin, ce n'est pas l'identité du migrant, mais sa marginalisation, qui contribue à en faire un délinquant.

Pourtant, il existe également, particulièrement à notre époque, des facteurs extérieurs relatifs à l'environnement du mineur, tels que l'incursion des médias, de la technologie et notamment d'internet dans sa vie, qui font qu'il se trouve brutalement propulsé dans le monde des adultes, ce qui est souvent à l'origine de sa réaction violente.

Modèles de gestion de la délinquance des mineurs

En règle générale, des évolutions considérables ont été constatées au niveau de la gestion de la délinquance des mineurs et de son contrôle social: on est ainsi parti du modèle protecteur, où les adultes déterminaient les droits du mineur délinquant et les façons d'"améliorer" son comportement, pour passer ensuite au modèle de la responsabilité, conférant au mineur, à priori, des droits précis et reconnus; dans ce dernier cas, les mesures adoptées pour faire face à son comportement délinquant étaient axées sur l'"éducation par le biais de la responsabilité". Aujourd'hui, on tente d'intégrer cette gestion au modèle de responsabilité proposé par la "justice réparatrice", qui vise à faire participer la victime elle-même à la procédure et à la réconciliation des parties au moyen de l'indemnisation du dommage.

Une question particulièrement grave n'en demeure pas moins posée quant à la gestion de la délinquance des mineurs et aux modèles actuels. En général, le mineur se trouve dans une position inconfortable dans le système officiel de contrôle social, car il est plus vulnérable à ce contrôle de par son âge et le développement limité de sa personnalité aussi bien que de par son incapacité à s'assumer financièrement.

On observe cependant, particulièrement dans le domaine de la gestion pénale, une hyperpénalisation de tout ce qui a trait au comportement des mineurs, de telle sorte que l'indiscipline sociale du mineur, qui ne revêt pourtant pas un caractère criminel, mais aussi des phénomènes sociaux comme la pauvreté et l'exclusion sociale, quand elles caractérisent les actes de mineurs, sont qualifiés de délinquance, alors que ce n'est pas le cas pour les adultes. De plus, même des actes dénotant un comportement enclin à la délinquance et/ou des situations qui risquent simplement d'y mener (comme la fugue de la maison et la recherche d'autonomie) sont assimilés, sans raison, à un comportement délinquant.

La législation et les mesures de gestion applicables aux mineurs doivent être libérales, tout en étant les plus compréhensives et les plus tolérantes possible envers le mineur et ses problèmes, sans imputer ceux-ci à des situations propres à créer une pathogénie sociale et dont il est victime ou qui taxent de "délinquance" toutes les tentatives qu'il fait pour se forger sa propre personnalité et se gérer lui-même.

Il faut également que le modèle moderne de gestion continue d'évoluer après le remplacement graduel des mesures de réclusion par des mesures alternatives (désinstitutionalisation et "déjuridictionnalisation"), pour pouvoir passer à une décriminalisation et à une dépénalisation des actes des mineurs. Dans ce cas, des peines ne doivent plus être appliquées dans la majorité des cas et, dans le même temps, les organismes de socialisation doivent être renforcés et des mesures de prévention pure prises.

Ce ne sont pas les lois ni certaines dispositions pénales qui sont responsables de l'évolution des mœurs et des comportements; ce sont l'éducation des jeunes "dans la liberté" et la participation sociale la plus large possible, qui renforceront les relations de confiance entre les générations, la famille, la communauté scolaire, l'État, le quartier, les amis et la société dans son ensemble.

Le triptyque: prévention, réinsertion sociale et mesures législatives de gestion

a. Mécanismes de prévention

La prévention doit constituer l'objectif premier, essentiel, de toute stratégie visant à lutter contre la délinquance des mineurs. Si la "répression" a prévalu par le passé, alors qu'à ce jour, c'est le traitement pénal qui a le plus de poids, c'est d'une part parce que les politiques de prévention sont des politiques à long terme et que leurs résultats ne sont pas directement perceptibles, privant ainsi les gouvernements et les personnages politiques de bénéfices politiques directs, et d'autre part parce que les politiques de prévention ont un coût particulièrement élevé. Il est évidemment beaucoup plus coûteux de mobiliser l'État providence en temps opportun, avant l'apparition d'un comportement délinquant, pour soutenir la famille et le mineur, que d'infliger une peine ou dispenser une éducation civique. Mais c'est encore bien plus coûteux lorsque la stratégie de prévention doit être mise en œuvre à un niveau intersectoriel, les organismes impliqués étant dans ce cas coresponsables et participant socialement à cette stratégie, de manière directe et indirecte.

Dans ce contexte, l'adoption de codes de prévention et de solidarité sociales en faveur des mineurs (auteurs et victimes d'actes de délinquance), dissociés des systèmes de justice pénale, constituerait une avancée importante pour la société, mais aussi pour l'État, tant au niveau national qu'au niveau communautaire.

b. Mécanismes de réinsertion sociale

Si les études sont principalement centrées, aujourd'hui, sur les raisons qui poussent à la délinquance et sur les façons dont on devient délinquant, il n'est pas moins important de s'intéresser à ce qui permet de s'en sortir.

Comme cela a déjà été signalé, dans le meilleur des cas, la procédure pénale (ne serait-ce que sous sa forme pédagogique) ne suffit pas. Dans le pire des cas, elle n'est pas jugée appropriée pour assurer la réinsertion et la réintégration normale du délinquant mineur dans le corps social de la famille, de l'école ou de l'environnement, ensemble que le mineur, par son comportement, a essayé de rejeter.

Rétablir la confiance du mineur dans son environnement social direct et plus large, et lui permettre d'avoir à nouveau le sentiment qu'il appartient à cet environnement, constitue le meilleur moyen de le sortir de la délinquance. Et ce ne sont pas des peines et des mesures disciplinaires qui permettront d'atteindre cet objectif, mais en intégrant le mineur à toutes les facettes de son entourage social et à tous les actes que ce dernier accomplit pour garantir son éducation, permettre son entrée normale sur le marché du travail, protéger son droit d'expression et lui permettre de participer activement à des processus de prise de décision aux niveaux local et national, en lui donnant la possibilité de participer à des activités créatives et d'avoir des loisirs.

c. Mesures législatives de gestion

Comme cela a été mentionné plus haut, l'approche législative la mieux adaptée pour aborder le problème passe par la promotion de quatre concepts:

- décriminalisation: les actes tels que les comportements délinquants ou les délits de moindre importance ne sont plus considérés comme des crimes,

- dépénalisation: des peines cessent d'être appliquées pour la majorité des crimes et sont remplacées par des mesures d'éducation et de réinsertion,

- "déjuridictionnalisation": ce ne sont plus les tribunaux qui rendent la justice mais des médiateurs sociaux qui peuvent, en fonction du type de comportement délinquant, être des commissions scolaires (professeurs, élèves et parents), des associations locales ou de quartier (médiateur municipal, par exemple), des assistants sociaux, etc.,

- désinstitutionalisation: éviter les condamnations à des peines de réclusion dans des maisons de correction ou des centres de redressement.

Le rôle de la famille

- La famille en tant que facteur et cause: l'influence des conditions familiales extérieures (relatives à la composition de la famille) et intérieures (relatives à son fonctionnement) est décisive. Le manque de surveillance et de contrôle de la part des parents, mais aussi le comportement délinquant des parents eux-mêmes, sont considérés comme des facteurs particulièrement aggravants.

- La famille dans le cadre des politiques de prévention: la famille, considérée comme agent de socialisation, contribue, de son côté, à apprendre à obéir aux lois et à les respecter.

- La famille pendant le processus de réinsertion sociale: l'effort de réinsertion débute principalement par l'intégration dans l'ensemble familial et par le rétablissement des relations avec les parents et les autres membres de la famille. Ensuite, la fourniture, à ce stade, d'un soutien financier, social et psychologique au mineur joue un rôle déterminant dans la réussite de son effort.

- La famille au stade de la procédure pénale: il est particulièrement important que l'enfant demeure en contact avec les membres de sa famille dans le cas d'une réclusion dans un centre éducatif, alors qu'il est indispensable que les parents surveillent et gardent le mineur dans le cas de mesures alternatives. De plus, il est nécessaire, aussi bien au cours de la procédure d'audition des témoins que lors de l'accomplissement de la peine, non seulement que les parents assurent une présence active, mais qu'ils reçoivent aussi une formation et des informations qui leur permettront de soutenir l'enfant de manière appropriée.

Le rôle de l'école

- L'école comme lieu d'expression du comportement délinquant: la violence scolaire constitue une forme particulière de délinquance des mineurs qui permet à ces derniers soit d'exprimer des hostilités engendrées d'emblée dans l'environnement scolaire, soit de transférer dans cet environnement des problèmes qui se produisent ou au niveau de la famille ou du quartier à une plus vaste échelle ou encore de la communauté.

- L'école comme catalyseur: l'école moderne est largement multiculturelle et marquée par les différences de classes. Quand les professeurs et les parents échouent à mettre en lumière les différences entre les camarades de classe et à enseigner la tolérance et le respect de l'"autre", de l'"étranger", les élèves incapables d'intégrer ces concepts dans leur culture réagissent et se comportent violemment, en endossant, selon les circonstances, le rôle du bourreau ou celui de la victime.

- L'école comme vecteur de lutte contre ce phénomène: l'école et ses employés doivent intervenir de manière corrective et stimulante, sans considérer un mineur comme un cas irrécupérable, ce qui conduit à sa marginalisation. Le professeur doit replacer l'agressivité de ses élèves dans un contexte social, en insistant sur les côtés positifs des élèves agressifs. De plus, l'école constitue le premier lieu de mise en œuvre de plans innovants pour lutter contre la délinquance des mineurs: voir le système scolaire de règlement des conflits (dans lequel les élèves sont eux-mêmes médiateurs), la justice réparatrice (dans laquelle l'élève assume la réparation des dommages qu'il a causés), ou la coopération entre écoles dans des programmes de lutte contre la violence.

- L'école comme agent de prévention: l'école crée des structures de soutien qui évitent la stigmatisation et permettent aux élèves de se sentir acceptés; elle fonctionne également comme un "lieu de dialogue" et doit se montrer lucide, disponible et réceptive.

- La participation sociale à la lutte contre la violence à l'école: les actions de lutte contre la violence à l'école constituent un exemple caractéristique de participation sociale à grande échelle, impliquant de nombreux acteurs sociaux (professeurs, psychologues, associations de parents, médiateurs municipaux et autorités), qui, tous, se partagent les responsabilités et travaillent de concert.

La dimension européenne

Le principal argument avancé contre le déploiement d'efforts visant, au niveau de l'UE, à élaborer des normes et des méthodes communes pour lutter contre la délinquance des mineurs a trait à la divergence des réglementations pénales nationales dans ce domaine, surtout lorsqu'il s'agit de définir à quel âge un enfant est considéré comme mineur et quels actes constituent un comportement délinquant.

D'un autre côté, les études réalisées au niveau national concernant les causes, la recrudescence de certaines formes de comportement délinquant et le recul d'autres formes de délinquance, mais aussi le fait que des sanctions alternatives soient désormais préférées aux systèmes pénaux (réclusion des mineurs dans des maisons de correction, par exemple), présentent des similitudes particulièrement frappantes.

Ces similitudes nous conduisent à deux conclusions. D'une part, les modèles conventionnels et traditionnels de gestion pénale, qui ne permettent plus de faire face aux défis qui se posent actuellement dans la plupart des États membres, ont désormais atteint leurs limites. D'autre part, ces défis, mais aussi les méthodes retenues par les États membres pour y faire face, accusent de fortes similitudes d'un État membre à l'autre.

Ce sont certainement ces similitudes qui, aujourd'hui, rendent possibles et justifient la création d'un projet et la mise en œuvre de mesures au niveau européen. Qui plus est, compte tenu de la possibilité offerte aux jeunes de circuler librement à l'intérieur de l'UE et de l'utilisation étendue d'internet, ainsi que des nouvelles technologies et des nouvelles formes de communication qui élargissent significativement la notion de localisation d'un délit, l'approche européenne n'apparaît plus seulement comme possible et justifiée, mais comme indispensable.

Quant aux meilleures pratiques nationales, les traditions et les expériences dans ce domaine sont d'ores et déjà considérables. Citons, entre autres:

- l'exemple des régions des Asturies et de la Rioja en Espagne, et plus particulièrement celui du programme "Mediador Escolar" destiné à la communauté scolaire, les programmes du service communautaire "Servicio de Atencion a la Familia" (SAF) qui bénéficient d'un financement communautaire et visent à former des professionnels compétents, le programme d'orientation, de formation et d'emploi mis en œuvre par la maison de correction de Sogradio;

- les procédés d'analyse des personnes et des régions à haut risque, basés sur un système électronique d'enregistrement en Bavière (liste "PROPER"), qui pose cependant un certain problème concernant le rôle de la police et une violation éventuelle des droits des mineurs;

- l'organisation d'une "journée de la sécurité à l'école" en Lettonie, durant laquelle des policiers se rendent dans des écoles pour informer les élèves;

- l'organisation d'excursions regroupant élèves et délinquants mineurs, qui peuvent ainsi se sentir plus proches dans un environnement social convivial et organisé;

- l'élaboration, par des commissions spécifiques dont le siège se situe dans des communes ou des communautés d'Irlande, de programmes d'agrément, pour permettre aux jeunes de renoncer à des comportements antisociaux ou délinquants ("Garda Youth Diversion Projects");

- l'instauration du "Children's Reporter" et d'accords volontaires entres les familles, les mineurs et les autorités locales, connus sous le nom de "Acceptable Behaviour Contracts" (ABCs) en Écosse; et

- le protocole d'accord passé entre le ministère grec de la santé et les ONG concernant un partage des compétences entre les autorités officielles et les ONG et le rôle de chacune d'entre elles.

L'UE doit coordonner et promouvoir des politiques de réforme, qui ne viseront pas seulement à l'adoption immédiate de mesures de lutte contre la délinquance des mineurs, mais aussi, et surtout, à des mesures et politiques complémentaires axées sur l'instauration d'un équilibre entre la politique familiale, la politique de socialisation de l'éducation, la lutte – essentielle – contre la pauvreté et l'exclusion sociale, l'intégration sociale totale et normale des migrants et la création de principes culturels communs.

Les enfants "méchants" ne sont que trop souvent des enfants "tristes". C'est à nous de leur faire retrouver le sourire.

PROCÉDURE

Titre

La délinquance juvénile: le rôle des femmes, de la famille et de la société

Numéro de procédure

2007/2011(INI)

Commission compétente au fond
  Date de l'annonce en séance de l'autorisation

FEMM
18.1.2007

Commission(s) saisie(s) pour avis
  Date de l'annonce en séance



 

 

 

Avis non émis
  Date de la décision


 

 

 

 

Coopération renforcée
  Date de l'annonce en séance


 

 

 

 

Rapporteur(s)
  Date de la nomination

Katerina Batzeli
20.12.2006

 

Rapporteur(s) remplacé(s)

 

 

Examen en commission

2.5.2007

5.6.2007

 

 

 

Date de l'adoption

5.6.2007

Résultat du vote final

+:

–:

0:

15

0

3

Membres présents au moment du vote final

Katerina Batzeli, Edite Estrela, Věra Flasarová, Lissy Gröner, Zita Gurmai, Esther Herranz García, Lívia Járóka, Astrid Lulling, Marie Panayotopoulos-Cassiotou, Christa Prets, Karin Resetarits, Teresa Riera Madurell, Eva-Britt Svensson, Anna Záborská

Suppléant(s) présent(s) au moment du vote final

Lidia Joanna Geringer de Oedenberg, Mary Honeyball, Maria Petre

Suppléant(s) (art. 178, par. 2) présent(s) au moment du vote final

Evangelia Tzampazi

Date du dépôt

7.6.2007

Observations (données disponibles dans une seule langue)

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