RAPPORT sur l'application du principe de durabilité dans les pêcheries de l'Union européenne au moyen du rendement maximal durable

23.7.2007 - (2006/2224(INI))

Commission de la pêche
Rapporteur: Carmen Fraga Estévez

Procédure : 2006/2224(INI)
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A6-0298/2007
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A6-0298/2007
Textes adoptés :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN

sur l'application du principe de durabilité dans les pêcheries de l'Union européenne au moyen du rendement maximal durable

(2006/2224(INI))

Le Parlement européen,

–   vu le règlement du Conseil (CE) n°2371/2002 du 20 décembre 2002 relatif à la conservation et à l'exploitation des ressources halieutiques dans le cadre de la politique commune de la pêche[1],

–   vu la convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982,

–   vu la déclaration du Sommet de Johannesburg, qui a eu lieu à l'occasion du Sommet mondial sur le développement durable organisé du 2 au 4 septembre 2002,

–   vu la communication de la Commission au Conseil et au Parlement sur l'application du principe de durabilité dans les pêcheries de l'Union européenne au moyen du rendement maximal durable (COM(2006)0360),

–   vu les rapports du Comité des régions et du Comité économique et social européen[2] sur la communication de la Commission,

–   vu l'article 45 de son règlement,

–   vu le rapport de la commission de la pêche (A6‑0298/2007),

A. considérant que la majeure partie des ressources halieutiques communautaires présentant une valeur commerciale élevée sont surexploitées ou proches de la surexploitation,

B.  considérant que la durabilité des ressources halieutiques est fondamentale pour garantir à long terme l’activité de pêche et la viabilité du secteur de la pêche,

C. considérant que le système de conservation et de gestion communautaire fondé sur les totaux admissibles des captures (TAC) et sur les quotas n'a pas permis une exploitation rationnelle des ressources et qu'au contraire, du fait de sa rigidité et de sa soumission à des impératifs politiques et non biologiques, il s'est opposé à une gestion raisonnable, en compliquant le contrôle et en favorisant les rejets,

D. considérant que le système de conservation et de gestion communautaire doit reposer sur la recherche scientifique dans le domaine de la pêche et disposer d’informations statistiques dignes de foi, détaillées et relatives à une longue période,

E.  considérant que les différents changements et ajustements successifs du système de gestion de la PCP, qui superposait le régime des TAC et des quotas à l'effort de pêche, ont abouti à l'établissement de divers plans de reconstitution qui ont obtenu des résultats très disparates et à la définition d'une suite de mesures en vue de la démolition de la flotte qui n'ont pas donné non plus les résultats escomptés et qui ont eu des répercussions négatives au niveau économique et social,

F.  considérant que les ajustements mentionnés n'ont abouti, pour la plupart, qu'à une baisse de la rentabilité et de la compétitivité de la flotte communautaire, tant à l'intérieur de l'UE qu'à l'échelle internationale, ce qui a rendu l'application de la législation de la pêche de plus en plus difficile pour le secteur, qui se heurte à des normes d'une complexité croissante et en constante mutation sans avoir la moindre possibilité de planifier son activité à moyen et long termes, et que cette approche n'a pas eu de répercussions significatives sur l'amélioration des ressources,

G. considérant que l'UE s'est engagée, lors du Sommet de Johannesburg de 2002, à faire en sorte que les stocks halieutiques communautaires atteignent des niveaux permettant d'obtenir un rendement maximal durable (RMD) avant 2015,

H. considérant que selon la communauté scientifique dans son ensemble, la formulation originale de l'approche RMD est désormais dépassée en raison de la difficulté de transposer dans la pratique la gestion d'un modèle mathématique à caractère théorique, qui exige une connaissance détaillée de la dynamique de la population des stocks et de longues séries historiques de données pour être formulé avec précision, conçu pour des exploitations fondées sur une seule espèce, et que toute faille, erreur ou incertitude dans le modèle conduit inévitablement à un niveau de pêche excédant le RMD,

I.   considérant en revanche que dans un système de gestion des pêcheries, il est nécessaire d'admettre un certain degré d'incertitude scientifique ainsi que des écarts ou erreurs dans la définition d'un modèle, en raison entre autres des failles entachant la sélection des espèces ou des variations environnementales, ce qui conduit inéluctablement soit à des définitions erronées du RMD, soit à une non-réalisation de l'objectif,

J.   considérant que depuis les premières formulations du RMD, le monde scientifique a présenté de nouvelles approches de ce modèle en essayant de corriger ses défauts et de pallier ses insuffisances,

K. considérant que l'application du RMD est liée à une extrême complexité dans la gestion des pêcheries multi-espèces, qui représentent la majorité de celles qui sont exploitées par la flotte communautaire, et qu'il ne s'agit pas d'un modèle applicable aux pêcheries pélagiques,

L.  considérant qu'une application stricte du RMD aboutirait à court terme à une diminution considérable, voire draconienne, de l'activité, de l’emploi et des revenus de la flotte communautaire,

M. considérant que la gestion de la pêche doit prendre en compte les analyses les plus complètes sur les effets naturels et autres effets des interrelations entre espèces, en plus des effets découlant de l’activité humaine, qui contribuent à la pollution marine et à la destruction des écosystèmes marins,

N. considérant en revanche que la flotte communautaire a impérativement besoin d'un système de gestion qui, tout en équilibrant l'effort de pêche par rapport aux ressources disponibles, lui confère une stabilité commerciale accrue et lui permette de mieux planifier son activité, sachant que toute période de transition vers un nouveau modèle nécessite des mesures d'accompagnement financier,

1.  accueille avec grand intérêt la communication de la Commission; apprécie tout particulièrement le fait que celle‑ci reconnaisse l'échec de l'actuelle politique de gestion de la pêche et se félicite de son intention de créer un nouveau modèle de gestion permettant de rétablir les ressources, d'adapter l'effort de pêche à la réalité des pêcheries et d'atteindre une rentabilité et une stabilité accrues de la flotte de pêche;

2.  souligne la nécessité que toutes les futures mesures de modification de l’actuel système de conservation et de gestion communautaire soient prises avec la pleine participation des pêcheurs et fondées sur la recherche scientifique dans le domaine de la pêche;

3.  rappelle la nécessité de renforcer les montants destinés à la recherche scientifique sur la pêche dans le septième programme-cadre de recherche et de développement technologique, comme moyen de contribuer à l’amélioration du système communautaire de conservation de la pêche, au niveau du développement de modèles théoriques de gestion de la pêche, de leur application, d’une meilleure analyse de l’état des ressources, des effets naturels et d’autres relations inter-espèces, ainsi qu’au niveau de l’amélioration des engins de pêche;

4.  prend note de l'intention de la Commission d'atteindre ces objectifs à travers l'instauration du RMD comme paramètre de référence pour la gestion des pêcheries mais avertit néanmoins que pour une large majorité du corps scientifique, dont la FAO, le modèle classique du RMD est dépassé par d'autres approches avant-gardistes qui tiennent compte de l'écosystème dans son ensemble et intègrent entre autres les critères environnementaux, les interactions entre les populations et les aspects économiques et sociaux;

5.  note que des scientifiques éminents ont, au cours des dernières années, mis au point de nouvelles méthodes, fondées sur des simulations informatiques de la pêche, qui émulent l’approche RMD tout en ne la considérant pas comme un objectif explicite et tiennent dument compte des aléas, des facteurs environnementaux et des interactions possibles entre les espèces, méthodes qui pourraient en principe être étendues pour tenir compte de facteurs sociaux et économiques spécifiques;

6.  prévient des difficultés liées à l'application du modèle RMD aux pêcheries multi-espèces, majoritaires dans l'UE, car en cas d'utilisation du RMD de l'espèce principale, il pourrait en résulter une surexploitation pour les autres alors qu'en cas d'utilisation, comme il paraîtrait logique, du RMD de l'espèce en voie d'épuisement, il faudrait renoncer aux captures d'espèces présentant un bon état biologique, avec les pertes qui s'ensuivent sur le plan économique ainsi qu'en termes d'emploi et de compétitivité, ce qui est, par ailleurs, en contradiction totale avec l'obtention du rendement maximal durable comme tel;

7.  se doit donc de regretter l'absence d'analyse et de solutions dans la communication de la Commission sur ces aspects en particulier et d'une évaluation plus approfondie des implications d'un modèle RMD en général, de ses insuffisances et de ses modalités d'application particulières ainsi que des risques liés à toute faille du modèle; déplore en particulier l'absence d'analyse sur l'évolution du RMD et des avantages que pourraient engendrer les différentes approches;

8.  comprend par conséquent qu'une proposition visant à instaurer le RMD n'est pas encore parvenue à maturité et qu'il convient d'approfondir et d'améliorer l'analyse des problèmes, des insuffisances et des objectifs de la politique de conservation et de gestion communautaire elle‑même afin de décider, en faisant preuve de courage politique, des mesures adaptées pour mener à bien le changement le plus impératif dans l'actuelle PCP;

9.  tient à manifester, compte tenu de ce qui précède, sa perplexité devant les mesures que la Commission a récemment élaborées pour se conformer au modèle RMD, comme le règlement spécifique aux TAC et aux quotas pour 2007[3], alors que la Commission a elle-même reconnu, dans le cadre de divers débats et forums, la nécessité de disposer d'un plus grand nombre d'études sur différents aspects de l'application du RMD;

10. est préoccupé par le fait que dans la perspective de l'objectif ambitieux consistant à changer l'approche du système de conservation et de gestion de la PCP, l'occasion ne soit pas saisie pour définir avec clarté le système d'accès aux ressources et que soit maintenu le régime superposant TAC, quotas et effort de pêche; estime que la Commission ne doit pas laisser passer cette occasion pour établir un système d'accès aux ressources qui favorise la durabilité, rende les rejets plus difficiles, simplifie les mesures techniques, élimine les discriminations et la concurrence exacerbée pour capturer les ressources, accorde la nécessaire flexibilité et améliore la compétitivité du secteur;

11. souligne que toute modification du système de gestion doit nécessairement s'appuyer sur des mécanismes de compensation adaptés et suffisants d'un point de vue financier et qu'il convient ainsi de disposer d'une étude sur les incidences socio‑économiques de la proposition finale, et demande à la Commission de mettre au point ces mesures en même temps que le nouveau système de gestion et, si possible, de les intégrer;

12. souligne que tant l’état lamentable des stocks de poisson dans les eaux européennes ainsi que les difficultés rencontrées par le secteur de la pêche de l’UE signifient que des mesures doivent être prises dès que possible, et que de nouveaux retards ne peuvent qu’entraîner un regain de difficulté pour le secteur et retarder son retour à la rentabilité;

13. demande que ces démarches soient entreprises avant qu'une décision ne soit arrêtée et appelle donc à un débat ouvert et majoritaire où seront analysées les diverses approches de gestion afin de dégager le plus large consensus possible sur les modifications qu'il convient d'apporter à la politique de gestion communautaire;

14. plaide en fin de compte pour l'instauration progressive d'un système susceptible de déboucher sur une politique de la pêche de plus en plus adaptée à la capacité biologique des ressources en phase de reconstitution, de telle sorte que la durabilité des pêcheries communautaires devienne davantage une garantie qu'une préoccupation et qu'elle soit perçue comme telle quand circulent, dans une quelconque partie du monde, des produits de la pêche communautaire; souhaite que ce système confère à la flotte une certaine stabilité et lui permette de planifier correctement son activité à une échéance de plus en plus lointaine et qu'il en résulte un régime d'accès aux ressources stable dans lequel les TAC ou les quotas n'aient à être modifiés que ponctuellement et de manière semi‑automatique, au lieu de l'être d'une année sur l'autre et selon des critères différents des considérations purement scientifiques;

15. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission.

  • [1]  JO L 358 du 31.12.2002, p. 59.
  • [2]  CESE 1503/2006.
  • [3]  Règlement (CE) n° 41/2007 du Conseil du 21 décembre 2006 établissant, pour 2007, les possibilités de pêche et les conditions associées pour certains stocks halieutiques et groupes de stocks halieutiques, applicables dans les eaux communautaires et, pour les navires communautaires, dans les eaux soumises à des limitations de capture (JO L 15 du 20.1.2007, p. 1).

EXPOSÉ DES MOTIFS

1.        Introduction

À l’échelle mondiale, la plupart des principales pêcheries d’espèces de valeur commerciale sont surexploitées, ce qui est dû en grande partie au décalage entre les prévisions des évaluations scientifiques et la précision de l’aménagement et de la gestion des pêcheries.

La Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982, et en particulier ses articles 61 à 64, fournissent les critères fondamentaux pour l’aménagement des populations de pêche dans les zones économiques exclusives (ZEE). Leur objectif est la conservation de ces populations de manière à permettre une utilisation optimale des ressources de pêche.

La gestion de la pêche a utilisé ce que l’on appelle les points de référence, qui aident le gestionnaire à prendre des décisions afin d’éviter des situations qui s’avèrent dangereuses pour la ressource. Les premiers points de référence ont été intégrés dans les dénommés "points cibles de référence" (PRO), c’est-à-dire, ceux qui fixent un objectif à atteindre dans la gestion de la pêche. Néanmoins, en raison des risques que comporte le dépassement de ces objectifs, il est apparu nécessaire de fixer des "points limites de référence" (PRL), c'est-à-dire des seuils qui empêchent que l’on arrive à des situations de surpêche.

Le changement de points de référence fondés sur des maxima mathématiques en d’autres points à visée de conservation ou de protection, qui marquent la limite entre l’exploitation rationnelle et l’exploitation non durable, nécessite des décisions sur le niveau de risque acceptable, niveau qui doit prendre en compte tant l'incertitude biologique que l’incertitude qui est due à des erreurs de mesure et d'élaboration et d'application des modèles. Cette décision sur le risque acceptable est aussi inévitable qu’essentielle dans le processus de prise de décision par les gestionnaires.

2.        Le rendement maximal durable

Le rendement maximal durable (RMD) est un point de référence dont l’objectif est de maximiser le rendement économique d’une pêcherie par rapport à la capacité biologique d’une ressource.

Sa représentation est un point théorique sur une courbe sur laquelle une coordonnée représente la dimension de la biomasse et l’autre la mortalité, c’est-à-dire l’effort de pêche (F) plus la mortalité naturelle de l’espèce et c’est le point immédiatement antérieur à celui où une population commence à décliner.

Théoriquement, en-dessous de ce point, la ressource serait en bon état biologique, mais la pêcherie n’atteindrait pas sa rentabilité maximale, car la ressource ne serait pas pleinement exploitée. En revanche, dépasser ce point signifierait que la ressource commence à être exploitée au-dessus de sa capacité de régénération, cette rentabilité attirerait plus de pêcheurs à l'exploitation et la ressource commencerait à s’épuiser, ce qui entraînerait progressivement une perte accélérée de la rentabilité. C’est la phase de surpêche, qui est normalement accompagnée du facteur de surcapacité.

Au moment d’appliquer ce modèle à la gestion pratique, l’estimation du RMD requiert un ajustement statistique du modèle aux données historiques, en supposant que les conditions passées ont une probabilité similaire d’être récurrentes à l’avenir. Néanmoins, lors d’une série d'années avec de mauvais recrutements, une mortalité FRMD produit une capture très en-deçà de ce qu'indique le modèle et ainsi, la tentative de capturer le RMD pronostiqué dans le modèle nécessiterait de pêcher au-dessus du FRMD. Il convient de tenir compte du fait qu’un recrutement relativement constant année après année par rapport à une ressource est davantage l'exception que la règle. De même, il est erroné de supposer qu’un niveau donné d’effort de pêche/mortalité permettra de maintenir indéfiniment une certaine production excédentaire sans tenir compte des facteurs environnementaux.

Au fil du temps, le RMD a eu des dimensions différentes qui ont visé à éviter les écueils du modèle principalement à travers une dimension de précaution, c'est‑à‑dire en le considérant davantage comme un PRL que comme un PRO, afin d'éviter qu’il n’y ait une surexploitation de la ressource en cas de dépassement du point RMD. Cela s’est traduit par la fixation d’un niveau d’effort qui correspond aux deux-tiers de l’effort nécessaire pour obtenir le RMD, ce qui permet une capture de 80 % environ du RMD

Une interprétation plus rationnelle du RMD pour une population sujette à des variations dans le recrutement se traduirait par la capture qui pourrait être obtenue à perpétuité avec une probabilité acceptable de ne pas menacer la ressource. Le  CIEM a examiné cette interprétation comme la dimension la plus adéquate à long terme pour la gestion des pêcheries.

Pour conclure cette brève analyse des points de référence, il convient d’indiquer qu’en général, dans le domaine de l’aménagement de la pêche, les objectifs vont au-delà de la simple maximisation du rendement, d’où le fait que beaucoup d’auteurs considèrent l'absence d’objectifs d’aménagement clairement définis comme l’un des principaux obstacles dans l’établissement et l’adhésion aux points de référence. Aussi est‑il indispensable que les bénéficiaires d’une pêcherie soient d’accord avec les objectifs d’aménagement pour cette pêcherie. Jusqu’à présent, il y a très peu d’exemples où les objectifs multiples auraient été formellement introduits dans une stratégie d’aménagement et encore moins liés à un simple point de référence technique. Cette méthodologie qui quantifie et pondère les objectifs des bénéficiaires semble être une manière raisonnable d'aboutir à des accords lorsque l'on fixe une multiplicité d'objectifs.

Enfin, il convient de signaler qu’il existe une tendance croissante à l’inclusion des concepts d’écosystème comme base pour établir les limites à l’exploitation. Bien que ces concepts ne soient pas suffisamment développés par rapport à ceux fondés sur une seule espèce, ils devraient servir de guide pour l'avenir de l'aménagement de la pêche.

3.        Résumé de la Communication de la Commission

Dans sa communication, la Commission européenne propose de modifier l’aménagement de la pêche par un changement de modèle de gestion qui permette l’utilisation durable des ressources de pêche afin de garantir la viabilité du secteur, selon les termes de la Commission, un modèle de gestion "cherchant davantage à renouer avec la prospérité plutôt qu’à éviter la faillite". Pour ce faire, elle prend comme point de départ l’engagement politique de l’UE et de ses États membres au Sommet de Johannesburg de réaliser le RMD avant l’année 2015.

Selon la Commission, les clés du système de gestion par le RMD sont:

§ Un système de gestion à long terme qui garantit la durabilité ainsi qu'une exploitation optimale du potentiel de production;

§ Les bénéfices du système ne peuvent être obtenus que si l'on restreint davantage la pêche durant une période transitoire;

§ L’aide financière prévue dans le Fonds européen de la pêche (FEP) contribuera à atténuer les répercussions socioéconomiques de ces restrictions.

Les principaux avantages qui, selon la Commission, découleront de ce nouveau modèle de gestion sont:

§ L’inversion de la situation actuelle de diminution des populations, en permettant en outre la constitution de populations plus importantes et en augmentant les garanties de revenus plus élevés pour les pêcheurs;

§ La réduction des rejets dus à la réduction de la mortalité par pêche.

Afin d’obtenir des améliorations par rapport au modèle actuel et dans le but de situer une population de poissons à un niveau donné pour obtenir une activité extractive durable et constante, la Commission propose des actions comme l’établissement d’une stratégie à long terme, la définition du niveau de captures adapté à chaque espèce en se fondant sur les meilleurs rapports scientifiques, la réduction de l'effort et des captures et la modification des mesures techniques ; et ce, avec la participation du secteur au processus et en tenant compte des indubitables répercussions sociales, économiques et environnementales.

L’un des aspects les plus importants de la Communication, en raison de ses répercussions, concerne la gestion de l’ajustement de l’effort de pêche. La Commission indique qu’il y a deux solutions: la réduction de la capacité de pêche, des investissements et de l’emploi jusqu’aux niveaux strictement nécessaires pour pêcher au niveau qui permette d’obtenir le RMD ou le maintien des niveaux d’emploi actuels au prix d’inefficiences économiques, ce qui revient à maintenir la taille des flottes, mais en imposant des contraintes au nombre de jours de pêche en mer.

La Commission européenne penche en faveur de la réduction de la capacité, qu'elle justifie par le simple argument que d’autres stratégies ont créé des problèmes d’acceptation sociale et de mise en œuvre.

Les premières étapes seront l’établissement de plans pour des groupes de populations capturés conjointement, où seront établis les paramètres d’effort de pêche (ce qui permettrait des TAC pluriannuelles), ainsi que de nouvelles mesures techniques, le cas échéant. Les plans seraient actualisés tous les cinq ans. La Commission consultera les conseils consultatifs régionaux.

4. Analyse critique de la communication de la Commission

Face à un défi comme celui du changement du modèle de gestion de la pêche communautaire, la Communication de la Commission est malheureusement quelque peu simpliste, car elle n’explique pas clairement la nécessité de ce changement d’orientation et ne détaille pas le type de modèle qui sera retenu, car comme nous l’avons vu, le concept de RMD a beaucoup évolué, il a été appliqué de différentes manières et fait l’objet d’interprétations diverses. Par ailleurs, le modèle est entaché d’une série de problèmes graves qui ne sont pas analysés dans la Communication, mais qui, logiquement, ont un lien avec la réussite ou l’échec futurs de son application.

La Commission justifie la nouvelle proposition par les engagements pris par l’UE au Sommet du développement durable de Johannesburg de 1992, fondé lui-même sur la Déclaration de Rio de Janeiro de 1982, qui repose sur la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUMD). Il convient de souligner que la CNUMD utilise ce concept davantage comme une orientation à suivre dans la gestion de la pêche que comme un impératif et cette interprétation du RMD est plus proche de celle du développement durable que du strict concept de modèle mathématique, puisqu'il tient compte de facteurs environnementaux et économiques ainsi que de l'interrelation des ressources. Par ailleurs, l'engagement de Johannesburg est un accord de nature politique, qui n’est pas contraignant juridiquement.

Le modèle RMD plus classique, formulé par Gordon‑Schaeffer, caractéristique des années 60 et 70, est un modèle attrayant parce qu'il nécessite un nombre très limité de données, les données de capture et l'effort de pêche et en outre se caractérise par le fait qu’il est un modèle d’une seule espèce, mais ne serait-ce que pour cette raison, il n'est pas applicable aux pêcheries multi-espèces, qui sont majoritaires dans l'UE. Par ailleurs, le RMD est un modèle spécifique de production, aussi son efficacité sera-t-elle fonction de son degré de proximité par rapport à la réalité.

Les principaux arguments utilisés contre le RMD se fondent principalement sur le manque de certitude par rapport aux données, parce qu’il ne considère aucun changement substantiel de la structure de la population. Si des changements se produisent, ils invalident leur utilisation comme point de référence, car en s’écartant des valeurs réelles, il peut conduire à une situation de surexploitation des ressources. Aussi, certains auteurs plaident‑ils en faveur de l'application d'une limite de précaution aussi au RMD, équivalente aux 2/3 de l'effort de pêche du calcul fixé pour le RMD.

Nous voyons comment, en partant d’un schéma simple, une application réaliste du modèle devient de plus en plus complexe. En effet, le calcul du RMD est déjà, en soi, compliqué, car il se fonde sur la connaissance de la croissance nette de l’espèce, c’est-à-dire, la différence entre mortalité et reproduction, très difficile à établir, comme les populations ont un comportement historique de moins en moins constant, en raison des importantes incidences environnementales.

Comme l’a démontré l’audition menée en commission de la pêche, la notion de RMD n’est pas empirique mais théorique, et donc le débat se focalise sur l’utilité de l’utiliser ou non comme un instrument de gestion des ressources, en particulier celles qui se trouvent en mauvais état. Dans ces cas, selon la CNUDM, l’objectif primordial doit être d’améliorer leur situation et d’écarter tout danger de surexploitation. La discussion doit donc se concentrer sur la réalisation d'un système de gestion qui garantisse cette récupération, sans que cela n’entraîne d’obligation d’utiliser un modèle mathématique donné.

Le professeur Sidney H. Holt a déclaré, y compris lors de cette audition, que des études indépendantes utilisant des simulations très perfectionnées ont montré leur inefficacité pour réaliser le RMD, y compris lorsque les présomptions et estimations sont virtuellement parfaites.

Une autre critique essentielle de ce modèle, et qui, nous l’avons déjà signalé, touche en particulier les eaux communautaires, est justement le fait que ce sont des modèles orientés vers une seule espèce et qui par conséquent ne sont pas adaptés aux pêcheries multi‑espèces. En effet, si un même modèle de RMD s’applique à certaines espèces, le point RMD de l’espèce principale peut conduire à une surexploitation des autres espèces. Par conséquent, dans ces conditions, le modèle devrait être établi sur la base du RMD de l'espèce qui se trouve dans la plus mauvaise situation, ce qui entraînerait des coûts économiques et sociaux élevés, car il faudrait réduire la pêche des autres espèces alors que celles-ci n’auraient pas de raison de se trouver dans un mauvais état biologique. Aussi, pour des zones comme par exemple la Méditerranée, le modèle ne serait pas la meilleure solution, l’adoption d’une approche multi-cible, destinée à l’optimisation en tenant compte de la préservation des différentes ressources, étant peut-être plus intéressante.

Le modèle ne s’adapte pas bien non plus aux espèces pélagiques, l’état de l'équilibre de la population étant un élément essentiel, ce qui, en général, n’est pas une caractéristique de la dynamique de ces populations.

Enfin, la Commission elle‑même reconnaît qu’il faudrait établir des contrôles plus rigoureux, avoir de meilleures connaissances scientifiques, des mécanismes adéquats de compensation et une meilleure participation du secteur au processus décisionnel, thèmes qu’elle laisse ouverts, sans proposer d’alternative pour les mener à bien, se reportant au fait que l’implantation du RMD comme modèle de gestion nécessite encore de nombreuses études et discussions.

Par ailleurs, l’application du RMD étant un modèle de gestion beaucoup plus restrictif que le modèle actuel, il faudrait établir des mécanismes de dédommagement du secteur après une évaluation des répercussions économiques, car votre rapporteur comprend qu’avec le financement prévu pour la période de programmation actuelle 2007‑2013, et les fonds plus que limités du FEP, il sera très difficile de disposer de mécanismes adéquats pour faire face aux pertes, mécanismes qui, une fois de plus, ne peuvent se limiter uniquement au déclassement, les différentes flottes concernées devant pouvoir décider en fonction plusieurs options.

PROCÉDURE

Titre

Application du principe de durabilité dans les pêcheries de l'Union européenne au moyen du rendement maximal durable

Numéro de procédure

2006/2224(INI)

Commission compétente au fond

Date de l'annonce en séance de l'autorisation

PECH
28.9.2006

Commission(s) saisie(s) pour avis
  Date de l'annonce en séance

ENVI

28.9.2006

 

 

 

 

Avis non émis
  Date de la décision

ENVI
3.10.2006

 

 

 

 

Coopération renforcée
  Date de l'annonce en séance

 

 

 

 

 

Rapporteur(s)
  Date de la nomination

Carmen Fraga Estévez
27.9.2006

 

Rapporteur(s) remplacé(s)

 

 

Examen en commission

10.4.2007

11.6.2007

 

 

 

Date de l'adoption

17.7.2007

Résultat du vote final

+:

−:

0:

22

3

0

Membres présents au moment du vote final

Alfonso Andria, Elspeth Attwooll, Iles Braghetto, Paulo Casaca, Zdzisław Kazimierz Chmielewski, Emanuel Jardim Fernandes, Carmen Fraga Estévez, Duarte Freitas, Ioannis Gklavakis, Pedro Guerreiro, Ian Hudghton, Heinz Kindermann, Rosa Miguélez Ramos, Marianne Mikko, Philippe Morillon, James Nicholson, Seán Ó Neachtain, Willi Piecyk, Joop Post, Struan Stevenson, Catherine Stihler, Daniel Varela Suanzes-Carpegna

Suppléant(s) présent(s) au moment du vote final

Carl Schlyter, Thomas Wise

Suppléant(s) (art. 178, par. 2) présent(s) au moment du vote final

Francesco Ferrari

Date du dépôt

23.7.2007

Observations (données disponibles dans une seule langue)