RAPPORT sur l'intégrité des jeux d'argent en ligne
17.2.2009 - (2008/2215(INI))
Commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs
Rapporteure: Christel Schaldemose
PROPOSITION DE RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN
sur l'intégrité des jeux d'argent en ligne
Le Parlement européen,
– vu l'article 49 du traité CE,
– vu le protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, annexé au traité CE,
– vu la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes[1],
– vu la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur[2] (directive sur les services),
– vu la directive 2007/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2007 modifiant la directive 89/552/CEE du Conseil visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle[3] (directive sur les services de médias audiovisuels),
– vu la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur[4] (directive sur le commerce électronique),
– vu la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme[5],
– vu sa résolution du 8 mai 2008 sur le Livre blanc sur le sport[6],
– vu la question orale posée le 16 octobre 2006 à la Commission par la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs, sur les jeux d'argent et les paris sportifs dans le marché intérieur[7], vu le débat qui en a découlé le 14 novembre 2006 au sein de ladite commission et vu la réponse fournie par le membre de la Commission,
– vu le document d'information sur les jeux d'argent en ligne, centré en particulier sur la question de l'intégrité et sur un code de conduite en la matière, réalisé au nom du Parlement européen par Europe Economics Research Ltd,
– vu l'étude sur les jeux de hasard dans le marché intérieur de l'Union européenne, en date du 14 juin 2006, réalisée au nom de la Commission par l'Institut suisse de droit comparé (ISDC),
– vu l'article 45 de son règlement,
– vu le rapport de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs (A6‑0064/2009),
A. considérant que les jeux d'argent en ligne, qui ont généré des revenus bruts de l'ordre de 2 à 3 milliards d'euros en 2004, représentent à l'heure actuelle près de 5 % de l'ensemble du marché des jeux d'argent dans l'Union européenne, d'après l'étude précitée de l'ISDC, et que leur croissance rapide semble inévitable,
B. considérant que les jeux d'argent publics ou autorisés par l'État constituent de loin la source la plus importante de revenus des organisations sportives dans de nombreux États membres,
C. considérant que, traditionnellement, en vertu du principe de subsidiarité, les jeux d'argent, notamment en ligne, sont strictement réglementés dans tous les États membres, afin de protéger les consommateurs contre la dépendance et la fraude, d'empêcher le blanchiment d'argent et les autres actes de criminalité financière, ainsi que le trucage de matchs, et de préserver l'ordre public; que la Cour de justice des Communautés européennes admet des restrictions à la liberté d'établissement et à la liberté de prestation de services à la lumière de ces objectifs d'intérêt général, à condition que ces restrictions soient proportionnées et non discriminatoires,
D. considérant que les divers États membres appliquent des restrictions différenciées selon le type de service de jeu concerné, notamment en ce qui concerne les jeux de casino, les paris sportifs, les loteries ou les paris sur les courses de chevaux; que la majorité des États membres interdit l'exploitation – même par des opérateurs locaux – des jeux de casino en ligne, et qu'un nombre significatif en fait de même avec l'exploitation des paris sportifs et des loteries en ligne,
E. considérant que les jeux d'argent ont été exclus du champ d'application des directives 2006/123/CE (sur les services), 2007/65/CE (sur les services de médias audiovisuels) et 2000/31/CE (sur le commerce électronique), et que le Parlement a, dans sa résolution du 8 mai 2008 sur le Livre blanc sur le sport, fait part de la préoccupation que lui inspire l'éventuelle déréglementation des jeux d'argent,
F. considérant que les États membres ont réglementé leurs marchés traditionnels des jeux d'argent pour protéger les consommateurs contre la dépendance, la fraude, le blanchiment d'argent et les matchs truqués; que ces objectifs politiques sont plus difficiles à atteindre dans le domaine des jeux d'argent en ligne,
G. considérant que la Commission a ouvert des procédures d'infraction contre dix États membres afin de vérifier si les mesures nationales qu'ils ont prises pour limiter la prestation transfrontalière de services de jeux d'argent en ligne, principalement les paris sportifs, sont compatibles avec le droit communautaire; que ces procédures ne remettent pas en cause, comme l'a souligné la Commission, l'existence de monopoles ou de loteries nationales à proprement parler et qu'elles n'ont aucune incidence sur la libéralisation des marchés des jeux d'argent en général,
H. considérant que la Cour de justice des Communautés européennes est saisie d'un nombre croissant de demandes de décisions préjudicielles dans des affaires relatives aux jeux d'argent, ce qui met clairement en exergue le flou des modalités d'interprétation et d'application de la législation communautaire dans ce domaine,
I. considérant que, au sens de la présente résolution, l'intégrité implique un engagement visant à empêcher non seulement la fraude et la criminalité, mais aussi la dépendance au jeu et l'accès des mineurs d'âge aux jeux d'argent, et ce dans le respect de la législation protégeant les consommateurs et du droit pénal, afin de ne pas exposer les compétitions sportives à une influence illicite quelconque des paris sportifs,
J. considérant que les jeux d'argent en ligne cumulent plusieurs facteurs de risque associés à la dépendance, comme, entre autres, la facilité d'accès, la disponibilité d'un large éventail de jeux et le peu de contraintes sociales[8],
K. considérant que les paris sportifs et les autres jeux en ligne se sont multipliés rapidement et de manière incontrôlée (notamment dans leur dimension transfrontalière à travers l'internet), la menace omniprésente de matchs truqués et l'émergence de paris "en lay" sur des manifestations sportives bien précises exposent tout particulièrement le sport aux paris illicites,
Un secteur transparent qui protège l'intérêt général et les intérêts des consommateurs
1. souligne qu'en vertu du principe de subsidiarité et de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, les États membres ont intérêt et sont habilités à réglementer et à contrôler leur marché des jeux d'argent, dans le respect de leurs traditions et de leur culture, afin de protéger les consommateurs contre la dépendance, la fraude, le blanchiment d'argent et le trucage de compétitions sportives, et afin de protéger les structures reconnues qui financent des activités sportives et d'autres causes sociales sur leur territoire; ajoute que tous les autres acteurs concernés ont également intérêt à ce que le marché des jeux d'argent soit réglementé et contrôlé; souligne aussi que les opérateurs de jeux d'argent en ligne sont tenus de se conformer à la législation de l'État membre où ils fournissent leurs services et où résident les consommateurs de ces services;
2. souligne qu'il y a lieu de voir dans les services de jeux d'argent une activité économique de nature bien spécifique au regard des aspects tant sociaux que d'ordre et de santé publics qui y sont liés, et qu'une concurrence dans ce domaine ne se traduit pas par une meilleure affectation des ressources, d'où la nécessité d'une approche fondée sur plusieurs piliers; souligne qu'une approche purement axée sur le marché intérieur ne convient pas dans un domaine aussi sensible que celui ci et demande à la Commission d'accorder une attention particulière aux avis de la Cour de justice des Communautés européennes sur le sujet;
3. soutient les travaux entamés au Conseil sous la Présidence française pour relever les défis que posent les jeux d'argent et les paris traditionnels et en ligne; invite le Conseil à continuer d'organiser des discussions formelles en vue d'aboutir à une solution politique qui permette de circonscrire et de résoudre les problèmes dus aux jeux d'argent en ligne; demande à la Commission de soutenir ce processus et de réaliser des études et de formuler des propositions qui puissent être utiles au Conseil dans la concrétisation d'objectifs communs dans ce domaine;
4. demande aux États membres de coopérer étroitement afin de résoudre les problèmes sociaux et relatifs à l'ordre public qu'occasionnent les jeux d'argent transfrontaliers en ligne, comme le phénomène de dépendance et l'exploitation abusive des données à caractère personnel ou des données des cartes de crédit; invite les institutions communautaires à coopérer étroitement avec les États membres dans la lutte contre tous les services de jeux d'argent en ligne non autorisés et illicites, à protéger les consommateurs et à empêcher la fraude; souligne la nécessité d'une position commune européenne sur la manière d'atteindre ces objectifs;
5. souligne que les acteurs concernés par les jeux d'argent en ligne, comme les opérateurs de jeux, les autorités réglementaires, les associations de consommateurs, les organismes sportifs, les organisations professionnelles et les médias, partagent la responsabilité de garantir l'intégrité des jeux d'argent en ligne et d'informer les consommateurs de leurs possibles effets négatifs;
La lutte contre la fraude et les autres formes de criminalité
6. fait observer qu'il est possible d'établir un lien entre, d'une part, les activités criminelles que sont le blanchiment d'argent et les économies souterraines et, d'autre part, les jeux d'argent et leur impact sur l'intégrité des manifestations sportives; note que la menace qui pèse sur l'intégrité du sport et sur les compétitions sportives porte un coup sérieux au vecteur incontournable de santé publique et d'intégration sociale qu'est la participation des acteurs de base; estime que ce phénomène risque d'effriter la confiance du public si celui-ci voit dans un sport donné un terrain de manipulation procurant des avantages financiers aux joueurs, aux officiels ou à des tiers, plutôt qu'une activité organisée, pour le plus grand plaisir de ses supporters, selon les valeurs et les règles qui la gouvernent;
7. est d'avis que la croissance du secteur des jeux d'argent en ligne accroît les risques de pratiques illégales, telles que la fraude, le trucage des compétitions, les syndicats illicites de parieurs et le blanchiment d'argent, car les sites de jeux d'argent en ligne peuvent se créer et se démanteler très rapidement, et parce que les opérateurs extraterritoriaux ont proliféré; demande à la Commission, à Europol et aux autres institutions nationales et internationales de suivre de près la situation et de faire rapport sur leurs conclusions à cet égard;
8. estime que la protection de l'intégrité des manifestations et des compétitions sportives nécessite une coopération entre les détenteurs de droits sportifs, les opérateurs de paris en ligne et les pouvoirs publics aux niveaux national, européen et international;
9. demande aux États membres de veiller à ce que les organisateurs de compétitions sportives, les opérateurs de paris sportifs et les autorités réglementaires coopèrent à l'élaboration de mesures visant à faire face aux risques liés aux paris illicites et au trucage de matchs dans le monde du sport, et d'étudier la mise en place d'un cadre réglementaire viable, équitable et durable visant à protéger l'intégrité du sport;
10. insiste sur le fait que les paris sportifs constituent une forme d'exploitation commerciale des compétitions sportives; recommande aux États membres de protéger celles-ci contre toute utilisation commerciale non autorisée, en particulier en reconnaissant les droits des organisateurs de ces compétitions, et de mettre en place toutes les conditions requises pour assurer des rentrées d'argent propre à tous les niveaux du sport professionnel et amateur; invite la Commission à étudier la possibilité de conférer un droit de propriété intellectuelle (une sorte de "droit de portrait") sur les compétitions sportives à leurs organisateurs;
Prévenir les préjudices occasionnés aux consommateurs
11. estime que la possibilité potentiellement omniprésente qu'offre l'internet de jouer à des jeux d'argent en ligne en privé, avec l'obtention de résultats immédiats et la possibilité de miser de fortes sommes d'argent, crée de nouveaux risques de dépendance au jeu; ajoute toutefois que tous les effets, sur les consommateurs, des formes spécifiques de services de jeux d'argent en ligne sont encore méconnus et devraient faire l'objet d'études plus approfondies;
12. attire l'attention sur les préoccupations croissantes suscitées par la possibilité pour les jeunes d'accéder à des jeux d'argent en ligne, licites ou illicites, et souligne la nécessité de contrôler plus efficacement l'âge des joueurs et d'empêcher les joueurs mineurs d'âge d'avoir un accès en ligne à des démonstrations gratuites sur des sites internet;
13. fait valoir que les très jeunes gens, en particulier, peuvent avoir des difficultés à faire la différence entre des notions telles que la chance, le destin, le risque et la probabilité; exhorte les États membres à s'intéresser aux principaux facteurs de risque susceptibles d'accroître la probabilité pour une personne (jeune) de développer une addiction au jeu et les invite instamment à trouver les instruments permettant de cibler de tels facteurs;
14. s'inquiète de la multiplication des combinaisons entre la télévision interactive, les téléphones mobiles et les sites internet, qui proposent des jeux d'argent à distance ou en ligne et qui visent en particulier les mineurs d'âge; estime que cette évolution posera de nouveaux défis sur les plans de la réglementation et de la protection sociale;
15. estime que les jeux d'argent en ligne sont susceptibles d'exposer les consommateurs à des risques et que, par conséquent, les États membres devraient être en droit de limiter la liberté de prestation de services de jeux d'argent en ligne afin de protéger les consommateurs;
16. souligne qu'il est de la responsabilité des parents d'empêcher l'accès des mineurs d'âge aux jeux d'argent et de prévenir l'addiction des mineurs aux jeux;
17. invite parallèlement les États membres à dégager des aides financières suffisantes en faveur de la recherche sur les problèmes créés par les jeux d'argent en ligne, ainsi qu'en faveur de la prévention et du traitement de ces problèmes;
18. estime que les profits générés par les jeux d'argent doivent être utilisés à des fins d'utilité publique, notamment pour le financement permanent de l'éducation, de la santé, du sport professionnel et amateur et de la culture;
19. soutient l'élaboration de normes sur les jeux d'argent en ligne, quant aux limites d'âge, à l'interdiction du crédit et des systèmes de primes afin de protéger les joueurs vulnérables, aux informations sur les conséquences possibles des jeux d'argent, aux informations sur les possibilités d'obtenir de l'aide en cas de dépendance, au risque de dépendance inhérent à certains jeux, etc.;
20. demande à toutes les parties prenantes de s'intéresser au risque d'isolement social que provoque l'addiction aux jeux d'argent en ligne;
21. estime que l'autoréglementation quant à la publicité, à la promotion et à l'offre de jeux d'argent en ligne n'est pas suffisamment efficace et insiste par conséquent sur la nécessité d'une réglementation et d'une coopération entre le secteur et les pouvoirs publics;
22. exhorte les États membres à coopérer au niveau européen pour prendre des mesures visant à contrer les publicités ou les ventes agressives de jeux d'argent en ligne par des opérateurs publics ou privés, y compris de jeux en démonstration gratuite, afin de protéger en particulier les joueurs et les consommateurs vulnérables, comme les enfants et les jeunes;
23. suggère d'étudier la possibilité de fixer le montant maximal qu'une personne serait autorisée à miser par mois dans des jeux d'argent en ligne ou d'obliger les opérateurs de ces jeux à faire usage de cartes prépayées qui seraient vendues dans le commerce;
Code de conduite
24. estime qu'un code de conduite pourrait encore être un instrument complémentaire utile pour atteindre certains objectifs publics (et privés) et pour prendre en considération les progrès technologiques, l'évolution des préférences des consommateurs ou celle des structures du marché;
25. souligne cependant qu'un code de conduite relève en fin de compte d'une démarche d'autoréglementation émanant du secteur concerné et qu'il ne peut donc se concevoir que comme un complément à la législation, à laquelle il ne saurait se substituer;
26. souligne également que l'efficacité d'un code de conduite dépendra largement de son acceptation par les autorités réglementaires nationales et par les consommateurs, ainsi que de son degré de mise en œuvre;
Surveillance et recherches
27. invite les États membres à rassembler des informations sur la taille et l'évolution de leur marché des jeux d'argent en ligne, ainsi que sur les défis que pose ce secteur;
28. invite la Commission à entreprendre des recherches sur les jeux d'argent en ligne et sur le risque de développer une dépendance, par exemple sur le rôle de la publicité à cet égard, sur la possibilité de créer une classification des jeux en fonction de leurs risques de dépendance et sur les mesures préventives et curatives qui pourraient être prises;
29. demande à la Commission d'examiner en particulier le rôle de la publicité et du marketing (y compris sous la forme de jeux de démonstration gratuits placés en ligne), qui incitent directement ou implicitement les mineurs d'âge à jouer en ligne;
30. demande à la Commission, à Europol et aux autorités nationales de recueillir et de mettre en commun des informations sur l'ampleur des fraudes et autres formes de criminalité dans le secteur des jeux d'argent en ligne, entre autres parmi les acteurs concernés;
31. demande enfin à la Commission d'étudier, en étroite coopération avec les gouvernements nationaux, les effets économiques et non économiques de la prestation de services transfrontaliers de jeux d'argent en ligne eu égard à l'intégrité, à la responsabilité sociale, à la protection des consommateurs et à la fiscalité;
32. souligne l'importance pour l'État membre de résidence du consommateur d'être en mesure de contrôler efficacement, de limiter et de surveiller les services de jeux d'argent fournis sur son territoire;
33. invite la Commission et les États membres à clarifier la place de la fiscalité dans les activités de jeux d'argent en ligne;
°
° °
21. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission.
- [1] Schindler 1994 (C-275/92), Läärä 1999 (C-124/97), Zenatti 1999 (C-67/98), Anomar 2003 (C-6/01), Gambelli 2003 (C-243/01), Lindman 2003 (C-42/02), Placanica 2007 (C-338/04), Unibet 2007 (C-432/05), UNIRE 2007 (C-260/04).
- [2] JO L 376 du 27.12.2006, p. 36.
- [3] JO L 332 du 18.12.2007, p. 27.
- [4] JO L 178 du 17.7.2000, p. 1.
- [5] JO L 309 du 25.11.2005, p. 15.
- [6] Textes adoptés, P6_TA(2008)0198.
- [7] O-0118/2006.
- [8] Avis de l'avocat général Bot du 14 octobre 2008 dans l'affaire C-42/07; voir aussi l'étude précitée de l'ISDC, p. 1450; Valentine, G., Literature review of children and young people's gambling (étude commandée par la commission britannique des jeux d'argent), septembre 2008.
EXPOSÉ DES MOTIFS
I. Introduction
Les activités de jeux d'argent impliquent des enjeux de mises ayant une valeur monétaire dans des jeux de hasard, y compris les loteries et les transactions portant sur des paris.
Les jeux d'argent en ligne existent depuis 1996, date à laquelle le premier jeu de ce type a été proposé en Finlande. Depuis lors, ce marché s'est développé considérablement. Des estimations indiquent qu'en 2003, le marché commercial des jeux d'argent en ligne dans les vingt-cinq États membres de l'Union européenne a généré des revenus bruts (les bénéfices des opérateurs moins les lots distribués) de 51,5 milliards d'euros. Actuellement, les jeux d'argent en ligne via l'internet, la téléphonie mobile ou la télévision interactive représentent près de 5 % du marché total des jeux d'argent dans l'Union européenne; cela équivalait, en 2004, à des revenus bruts annuels de l'ordre de 2 à 3 milliards d'euros. Ce marché européen devrait afficher un rythme de croissance annuel allant de 8,4 % au minimum (en Autriche et en Hongrie) à 17,6 % au maximum (en Italie)[1].
Les États membres sont donc contraints de s'adapter et d'élaborer une réglementation qui suive les préférences des consommateurs et les services proposés par les opérateurs. Or, la nature particulière des jeux d'argent en ligne pose certaines difficultés aux responsables politiques nationaux. En premier lieu, ils impliquent un élément transfrontalier, qui permet aux opérateurs de fournir leurs services à des consommateurs situés dans d'autres États membres que celui où ils sont installés. Les consommateurs ne savent donc pas forcément dans quel pays leur fournisseur de services est établi. Deuxièmement, les opérateurs de jeux d'argent en ligne ne sont pas non plus censés avoir les moyens de vérifier l'identité des consommateurs, car la personne qui utilise une carte de crédit n'en est pas forcément le détenteur légitime. Troisièmement, la rapidité de mise en place d'un site de jeux d'argent en ligne permet aux opérateurs malintentionnés de se présenter sur le marché et d'en disparaître en un bref laps de temps. Quatrièmement, contrairement aux jeux d'argent traditionnels, il est difficile pour les opérateurs de jeux d'argent en ligne de vérifier si leurs clients sont mineurs, sont sous l'effet de l'alcool ou d'autres substances ou ont un comportement suspect. En outre, la facilité d'accès aux services de jeux d'argent en ligne est telle que les utilisateurs peuvent y recourir seuls, sans le contrôle et les contraintes sociales qui s'exercent à travers la présence d'autres personnes.
II. Réglementation
En vertu du principe de subsidiarité, les marchés européens des jeux d'argent en ligne sont réglementés au niveau national. Il en résulte que les cadres réglementaires pour les marchés des jeux d'argent traditionnels et en ligne dans l'Union européenne sont très hétérogènes. Vingt États membres autorisent les jeux d'argent en ligne, tandis que les sept autres les interdisent. Treize États ont un marché libéralisé, six ont des monopoles publics et un autre a agréé un monopole privé[2].
Les États membres qui interdisent purement et simplement les jeux d'argent en ligne ou qui les autorisent uniquement dans des conditions de monopole justifient ces restrictions en invoquant l'ordre social et l'ordre public. Cette situation a toutefois donné lieu à de sérieux litiges quant aux monopoles nationaux sur les jeux d'argent. La Commission européenne a été saisie de nombreuses plaintes déposées par des entreprises de jeux d'argent, des particuliers et des entreprises du secteur des médias, qui accusent certains États membres de protéger illégalement leur marché des jeux d'argent et les revenus qu'ils tirent de leurs monopoles. À la suite de ces plaintes, la Commission a ouvert des procédures d'infraction contre dix États membres afin de vérifier si les mesures nationales qu'ils ont prises pour limiter la prestation transfrontalière de services de jeux d'argent en ligne sont compatibles avec le droit communautaire[3].
La réglementation des marchés européens des jeux d'argent, qu'il s'agisse des jeux traditionnels ou des jeux en ligne, est fort épineuse, mais il existe une réelle nécessité de clarifier le cadre réglementaire des jeux en ligne. À l'heure actuelle, plusieurs affaires pendantes devant la Cour européenne de justice ont trait aux jeux d'argent. Cette situation mécontente la Cour autant que les États membres, les consommateurs et les opérateurs du secteur.
Parmi les nombreuses affaires portées devant la Cour, beaucoup restent ouvertes, mais plusieurs ont déjà été tranchées: Schindler 1994 (C-275/92), Läärä 1999 (C-124/97), Zenatti 1999 (C-67/98), Anomar 2003 (C-6/01), Gambelli 2003 (C-243/01), Lindman 2003 (C-42/02), Placanica 2007 (C-338/04), Unibet 2007 (C-432/05) et UNIRE 2007 (C-260/04).
La Cour a affirmé, dans cette jurisprudence, que le principe de la libre prestation de services (article 49 du traité CE) s'applique aussi aux jeux d'argent. Cependant, elle a également déclaré que les jeux d'argent peuvent impliquer des considérations d'ordre moral, religieux et culturel, comporter des risques élevés de délit ou de fraude et avoir des conséquences individuelles et sociales dommageables[4].
Les restrictions peuvent par conséquent se justifier si elles sont nécessaires pour protéger les consommateurs, préserver l'ordre public (prévention de la fraude et de la criminalité) et l'ordre social (culture et éthique) et empêcher que les jeux d'argent ne deviennent une source d'enrichissement privé[5], mais à condition qu'elles limitent les activités de paris d'une manière cohérente et systématique, qu'elles soient appliquées sans discrimination et qu'elles n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif poursuivi[6].
Il importe également de tenir compte de la réponse apportée par le commissaire McCreevy, le 14 novembre 2006, à la question orale sur les jeux d'argent, posée en session plénière du Parlement à Strasbourg par Mme Arlene McCarthy, présidente de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs. Le commissaire a déclaré à l'époque qu'une harmonisation communautaire de la législation réglementant les jeux d'argent était peu probable.
III. Intégrité
L'objet principal du présent rapport est l'intégrité des jeux d'argent en ligne. Cette notion englobe avant tout un ensemble de valeurs destinées à empêcher les fraudes, tant de la part des opérateurs de services de jeux d'argent en ligne vis-à-vis des consommateurs que vice-versa ou de la part des consommateurs au détriment d'autres consommateurs. Dans ce sens, elle inclut également tous les moyens visant à éviter la perpétration d'activités criminelles, comme le blanchiment d'argent. Aux fins du présent rapport, l'intégrité est aussi analysée sous l'angle du comportement des opérateurs de services de jeux d'argent en ligne, raison pour laquelle ce document traite de la dépendance au jeu et de l'accès des mineurs d'âge auxdits services.
Si la plupart des consommateurs sont en mesure de se livrer à des jeux d'argent sans risquer une dépendance psychologique, il n'en reste pas moins qu'une frange non négligeable risquent de devenir des joueurs pathologiques. L'Organisation mondiale de la santé définit le jeu pathologique comme étant le jeu excessif entraînant des problèmes d'ordre financier, social et/ou pathologique[7]. Le risque d'une addiction au jeu est, d’une manière générale, aggravé par la permanence de l’offre de jeu, la fréquence des gains, leur caractère alléchant ou attractif, la possibilité de miser des sommes importantes, la faculté de disposer d’un crédit pour jouer, l’implantation des jeux dans des endroits où les personnes peuvent répondre à une impulsion de jouer et l’absence de campagne d’information sur les risques liés aux jeux[8].
Les jeux d'argent en ligne cumulent plusieurs des facteurs de risque susceptibles de créer une dépendance au jeu. Les opérateurs sont par exemple en mesure de proposer un large éventail de jeux (paris, roulette, poker, machines à sous, etc.) et d'en ajouter régulièrement de nouveaux, en recourant à de nouvelles techniques de commercialisation et de ciblage, fondées sur les dernières technologies d'étude des comportements des clients (notamment en matière de dépenses), de manière à maintenir le consommateur "captif" devant son écran d'ordinateur. Un aspect préoccupant réside dans les interactions grandissantes entre les services multimédias, comme la télévision, la téléphonie et la technique des textos et les sites internet, qui proposent des jeux à distance ou en ligne et qui rendent la participation à ces jeux aisée et socialement acceptable, en particulier pour les jeunes.
- [1] PricewaterhouseCoopers, Global Entertainment and Media Outlook: 2008-2012, p. 623. La croissance équivaut à l'augmentation cumulée des recettes annuelles générées par les jeux d'argent.
- [2] Online Gambling, document d'information pour le Parlement européen, Europe Economics, octobre 2008.
- [3] http://ec.europa.eu/internal_market/services/gambling_fr.htm
- [4] Arrêt Schindler, C-275/92.
- [5] ISDC (2006), p. xxvi.
- [6] Arrêt Gambelli, C-243/01.
- [7] Classification CIM-10 des troubles mentaux et du comportement, OMS, Genève, 1992. On utilise aussi couramment les notions de jeu compulsif et de dépendance au jeu.
- [8] Avis de l'avocat général Bot du 14 octobre 2008 dans l'affaire C-42/07; voir aussi ISDC (2006), p. 1450.
OPINION MINORITAIRE
exprimée en vertu de l'article 48, paragraphe 3, du règlement
Malcolm Harbour, Colm Burke, Charlotte Cederschiöld, Giles Chichester, Bill Newton Dunn, Małgorzata Handzlik, Christopher Heaton-Harris, Zita Pleštinská, Salvador Domingo Sanz Palacio, Andreas Schwab, Marian Zlotea
Nous constatons avec inquiétude que la teneur de ce rapport va au-delà de l'intention initiale de l'initiative, qui devait se concentrer sur la transparence du marché des jeux d'argent en ligne, sur l'intégrité des opérateurs actifs sur ce marché et sur les préjudices que ce secteur risque d'occasionner aux consommateurs.
Nous estimons que ce rapport porte atteinte à quelques-uns des principes du marché intérieur, qu'il risque de créer des malentendus autour d'aspects fondamentaux du marché des jeux d'argent en ligne et qu'il reflète mal la situation dans les différents États membres. En effet, dans certains États membres, ce marché est bien réglementé, fonctionne correctement et permet aux consommateurs de jouer dans un environnement en ligne fiable et sécurisé.
Nous reconnaissons que la popularisation de l'internet pose des défis à long terme dans le domaine de la protection des consommateurs, mais nous estimons que ces défis peuvent être relevés par une réglementation efficace, sans imposer d'interdits. Nous signalons à cet égard les travaux effectués par des opérateurs européens responsables en vue d'améliorer les normes et de garantir la sécurité des consommateurs.
Nous tenons à souligner les avancées déjà réalisées par certaines juridictions dans l'élaboration de régimes réglementaires, ainsi que les avantages potentiels de marchés plus ouverts, mais réglementés efficacement. Nous attirons enfin l'attention sur les limites d'ordre pratique et juridique des méthodes proposées pour bloquer la fourniture de services en ligne.
RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION
Date de l’adoption |
11.2.2009 |
|
|
|
||
Résultat du vote final |
+: –: 0: |
32 10 0 |
||||
Membres présents au moment du vote final |
Mogens Camre, Charlotte Cederschiöld, Gabriela Creţu, Janelly Fourtou, Evelyne Gebhardt, Martí Grau i Segú, Małgorzata Handzlik, Malcolm Harbour, Anna Hedh, Edit Herczog, Pierre Jonckheer, Kurt Lechner, Lasse Lehtinen, Toine Manders, Catiuscia Marini, Arlene McCarthy, Nickolay Mladenov, Catherine Neris, Bill Newton Dunn, Zita Pleštinská, Karin Riis-Jørgensen, Zuzana Roithová, Heide Rühle, Leopold Józef Rutowicz, Salvador Domingo Sanz Palacio, Christel Schaldemose, Eva-Britt Svensson, Jacques Toubon, Bernadette Vergnaud, Barbara Weiler |
|||||
Suppléant(s) présent(s) au moment du vote final |
Emmanouil Angelakas, André Brie, Colm Burke, Giles Chichester, Joel Hasse Ferreira, Filip Kaczmarek, Andrea Losco, Manuel Medina Ortega, José Ribeiro e Castro |
|||||
Suppléant(s) (art. 178, par. 2) présent(s) au moment du vote final |
Daniel Hannan, Alexandru Nazare, Giovanni Rivera |
|||||