RAPPORT sur la demande de défense de l'immunité et des privilèges d'Aldo Patriciello

1.4.2009 - (2008/2323(IMM))

Commission des affaires juridiques
Rapporteur: Aloyzas Sakalas

Procédure : 2008/2323(IMM)
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A6-0196/2009
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A6-0196/2009
Débats :
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PROPOSITION DE DÉCISION DU PARLEMENT EUROPÉEN

sur la demande de défense de l'immunité et des privilèges d'Aldo Patriciello

(2008/2323(IMM))

Le Parlement européen,

–   vu la demande d'Aldo Patriciello en vue de la défense de son immunité dans le cadre de la procédure pénale engagée à son encontre par le tribunal de district de Campobasso, en date du 11 novembre 2008, communiquée en séance plénière le 20 novembre 2008,

–   ayant entendu Aldo Patriciello, conformément à l'article 7, paragraphe 3, de son règlement,

–   vu les articles 9 et 10 du Protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes, du 8 avril 1965, ainsi que l'article 6, paragraphe 2, de l'Acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct, du 20 septembre 1976,

–   vu les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes du 12 mai 1964, du 10 juillet 1986 et du 21 octobre 2008[1],

–   vu l'article 6, paragraphe 3, et l'article 7 de son règlement,

–   vu le rapport de la commission des affaires juridiques (A6‑0196/2009),

A. considérant qu'Aldo Patriciello est député au Parlement européen et que ses pouvoirs ont été vérifiés par le Parlement le 15 juin 2006,

B.  considérant que, selon la Cour de justice, le Parlement européen et les autorités juridictionnelles nationales doivent coopérer aux fins d’éviter tout conflit dans l’interprétation et l’application des dispositions du protocole et que dès lors, lorsqu’une action a été engagée contre un député européen devant une juridiction nationale et que celle-ci est informée qu’une procédure de défense des privilèges et immunités de ce même député, telle que prévue à l’article 6, paragraphe 3, du règlement intérieur, est déclenchée, ladite juridiction doit suspendre la procédure juridictionnelle et demander au Parlement qu’il émette son avis dans les meilleurs délais[2],

C. considérant qu'en vertu de l'article 10 du Protocole, pendant la durée des sessions du Parlement européen, les membres de celui-ci bénéficient, sur leur territoire national, des immunités reconnues aux membres du parlement de leur propre pays, que l'immunité ne peut être invoquée dans le cas de flagrant délit, et qu'enfin elle ne peut non plus mettre obstacle au droit du Parlement européen de lever l'immunité d'un de ses membres[3],

D. considérant par conséquent que la disposition applicable en l'espèce est l'article 68, deuxième alinéa, de la Constitution italienne, qui permet d'intenter des poursuites pénales à l'encontre de membres du Parlement sans formalité particulière, dès lors que sans l’autorisation de la Chambre à laquelle il appartient, aucun membre du Parlement ne peut être soumis à une fouille corporelle ou à une perquisition domiciliaire, ni être arrêté ou autrement privé de sa liberté personnelle, ou maintenu en détention, hormis en exécution d’une condamnation irrévocable ou s’il est appréhendé au moment où il commet un délit ou un crime pour lequel est prévue l’arrestation obligatoire en flagrant délit,

E.  considérant que, dans sa rédaction actuelle, le Protocole n'offre pas au Parlement européen les moyens de prendre des mesures contraignantes pour protéger Aldo Patriciello,

1.  décide par conséquent de ne pas défendre l'immunité et les privilèges d'Aldo Patriciello;

2.  charge son Président de transmettre immédiatement la présente décision et le rapport de sa commission compétente aux autorités intéressées de la République italienne.

  • [1]  Affaire 101/63, Wagner/Fohrmann et Krier, Recueil 1964, p. 383, affaire 149/85, Wybot/Faure et autres, Recueil 1986, p. 2391, et affaires jointes C‑200/07 et C‑201/07 Marra/De Gregorio et Clemente, encore non publiées au Recueil.
  • [2]  Arrêt dans les affaires jointes C‑200/07 et C-201/07 Marra, paragraphes 42 et 43.
  • [3]  Article 10 du Protocole.

EXPOSÉ DES MOTIFS

I.         LES FAITS

Au cours de la séance du 20 novembre 2008, le Président du Parlement a annoncé qu'il avait reçu, par lettre du 11 novembre 2008, une demande de défense de l'immunité parlementaire d'Aldo Patriciello, et qu'il l'avait renvoyée à la commission des affaires juridiques en vertu de l'article 6, paragraphe 3, du règlement.

La demande a trait à une procédure pénale engagée par le Bureau du procureur auprès du tribunal de Campobasso contre M. Patriciello et qui est actuellement pendante (affaire n° 106/2004 r.g.n.r.).

M. Patriciello est accusé pour les délits visés aux articles 81, deuxième alinéa, 323, premier et deuxième alinéas, 640 bis, 56, 640, deuxième alinéa, paragraphe 1, 56 et 316 bis du code pénal ainsi que pour les motifs d'infraction visés aux articles 31, 32, premier et troisième alinéa, et 44, point c), du texte unique sur la construction (Testo Unico sull’Edilizia).

Selon les charges prononcées contre lui par le parquet territorial, M. Patriciello, qui, "au moment des faits était vice-président et assesseur de la région Molise" et "référence influente et puissante, appui politique ainsi que réel "propriétaire" et créateur, point de référence morale et économique, de Neuromed", aurait concouru aux délits susmentionnés avec l'ancien président et administrateur délégué de l'Institut neurologique méditerranéen (Neuromed), l'ancien représentant légal de la Fondation Paola Pavone, l'ancien directeur général de la direction "Politiques sanitaires et sécurité sociale" de la région Molise et l'ancien directeur général de l'autorité sanitaire de Campobasso.

En particulier, M Patriciello aurait joué le rôle de metteur en scène, de contrôleur et de promoteur des actes posés par le président de Neuromed et par le représentant légal de la Fondation Paola Pavone, qui, le 11 septembre 2000, ont signé un contrat pour la libre utilisation de l'institut "incriminé", situé dans la commune de Salcito, entre la Fondation Paola Pavone (propriétaire et constructrice de l'immeuble en question) et Neuromed, afin de permettre à ce dernier établissement d'aide et de recherche "de gérer à son profit comme "centre de pointe en matière de réhabilitation" sous un régime d'accréditation (provisoire) avec la région, à l'exclusion de toute prestation sociale et d'assistance"; en outre, l'établissement en question aurait déjà "réalisé notamment grâce à l'octroi par la région d'un financement solide (1 400 000 000 LIT) lié au fonctionnement de cette structure (également) comme structure sociosanitaire d'aide" et il serait géré "comme une entreprise privée et selon un système clientéliste, tendant par ailleurs, à travers l'"induit" inévitablement lié au fonctionnement d'une telle structure (engagement de personnel, affaires pour des commerces locaux, prestations et firmes diverses, etc.), à obtenir et/ou à consolider le consensus politique, surtout au niveau local, et à détourner le financement déjà obtenu en l'affectant dès lors à des finalités bien différentes et tout à fait incompatibles avec celles pour lesquelles celuici avait été octroyé."

"L'institut aurait réalisé en outre d'autres profits considérables dérivant des prestations effectuées et remboursées largement par la région Molise, au préjudice à la fois de l'organe et de la collectivité tout entière".

M. Patriciello est également accusé pour les motifs d'infraction indiqués plus haut d'ordre urbanistique, parce que, de concert avec les autres prévenus, il aurait procédé à un "changement de destination d'un immeuble à usage de maison de repos et de soins pour en faire un centre de pointe en matière de réhabilitation" sans obtenir l'aval administratif nécessaire et aurait utilisé une structure "qui n'était plus bénéficiaire d'un titre "habilitant", parce qu'autorisée par concession gratuite pour la destination sociale initiale, devenue obsolète".

II        TEXTES ET CONSIDÉRATIONS GÉNERALES SUR L'IMMUNITÉ DES DÉPUTÉS AU PARLEMENT EUROPÉEN

Les articles 9 et 10 du Protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes, du 8 avril 1965, disposent que:

Article 9

Les membres du Parlement européen ne peuvent être recherchés, détenus ou poursuivis en raison des opinions ou votes émis par eux dans l'exercice de leurs fonctions.

Article 10

Pendant la durée des sessions du Parlement européen, les membres de celui-ci bénéficient:

a) sur leur territoire national, des immunités reconnues aux membres du parlement de leur pays,

b) sur le territoire de tout autre État membre, de l'exemption de toute mesure de détention et de toute poursuite judiciaire.

L'immunité les couvre également lorsqu'ils se rendent au lieu de réunion du Parlement européen ou en reviennent.

L'immunité ne peut être invoquée dans le cas de flagrant délit et ne peut non plus mettre obstacle au droit du Parlement européen de lever l'immunité d'un de ses membres.

Au Parlement européen, la procédure est régie par les articles 6 et 7 du règlement, qui disposent que:

Article 6 - Levée de l'immunité

1. Dans l'exercice de ses pouvoirs relatifs aux privilèges et aux immunités, le Parlement vise avant tout à conserver son intégrité en tant qu'assemblé législative démocratique et à assurer l'indépendance des députés dans l'accomplissement de leurs tâches.

(...)

3. Toute demande adressée au Président par un député ou un ancien député en vue de défendre l'immunité et les privilèges est communiquée en séance plénière et renvoyée à la commission compétente.

(...)

Article 7 - Procédures relatives à l'immunité

1. La commission compétente examine sans délai et dans l'ordre dans lequel elles ont été présentées les demandes de levée de l'immunité ou de défense de l'immunité et des privilèges.

2. La commission présente une proposition de décision qui se limite à recommander l'adoption ou le rejet de la demande de levée de l'immunité ou de défense de l'immunité et des privilèges.

3. La commission peut demander à l'autorité intéressée de lui fournir toutes informations et précisions qu'elle estime nécessaires pour déterminer s'il convient de lever ou de défendre l'immunité. Les députés concernés se voient offrir la possibilité de s'expliquer; il peuvent présenter autant de documents et d'éléments d'appréciation écrits qu'ils jugent pertinents. Chacun d'eux peut être représenté par un autre député.

(...)

6. Dans les cas de défense d'un privilège ou d'une immunité, la commission précise si les circonstances constituent une entrave d'ordre administratif ou autre à la liberté de déplacement des députés se rendant au lieu de réunion du Parlement ou en revenant, d'une part, ou à l'expression d'une opinion ou d'un vote dans l'exercice de leur mandat, d'autre part, ou encore si elles sont assimilables aux aspects de l'article 10 du protocole sur les privilèges et immunités qui ne relèvent pas du droit national, et présente une proposition invitant l'autorité concernée à tirer les conclusions qui s'imposent.

7. La commission peut émettre un avis motivé sur la compétence de l'autorité en question et sur la recevabilité de la demande, mais ne se prononce en aucun cas sur la culpabilité ou la non-culpabilité du député ni sur l'opportunité ou non de le poursuivre au pénal pour les opinions ou actes qui lui sont imputés, même dans le cas où l'examen de la demande permet à la commission d'acquérir une connaissance approfondie de l'affaire.

(...)

S'agissant de l'applicabilité de l'article 9 du Protocole, il convient de noter que les charges retenues contre M. Patriciello ne concernent pas des opinions exprimées ou des votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions en tant que député au Parlement européen, pour la raison évidente que le détournement de fonds publics ou des infractions aux règles d'urbanisme ne sauraient être considérés comme une "opinion" ou un "vote".

En ce qui concerne l'article 10, étant donné que les charges retenues contre M. Patriciello concernent des faits commis en Italie, pays dont il avait la nationalité à l'époque, la seule partie du texte applicable est celle selon laquelle "pendant la durée des sessions du Parlement européen, les membres de celui-ci bénéficient: a) sur leur territoire national, des immunités reconnues aux membres du parlement de leur pays".

La portée de l'immunité parlementaire en Italie est très similaire à celle applicable au Parlement européen, sur la base du Protocole.

L'article 68, deuxième alinéa, de la Constitution italienne dispose que:

Article 68, deuxième alinéa

Sans l’autorisation de la Chambre à laquelle il appartient, aucun membre du Parlement ne peut être soumis à une fouille corporelle ou à une perquisition domiciliaire, ni être arrêté ou autrement privé de sa liberté personnelle, ou maintenu en détention, hormis en exécution d’une condamnation irrévocable ou s’il est appréhendé au moment où il commet un délit ou un crime pour lequel est prévue l’arrestation obligatoire en flagrant délit.

En d'autres termes, en vertu de la Constitution italienne, des poursuites peuvent être engagées contre des membres du Parlement sans formalité particulière, sauf dans certains cas où une autorisation est nécessaire.

III. JUSTIFICATION DE LA PROPOSITION DE DÉCISION

Sur la base de ce qui précède et des documents disponibles, force est de conclure que, d'un point de vue juridique, le cas de M. Patriciello ne peut être considéré comme une affaire d'immunité que le Parlement européen aurait à défendre. En dernière analyse, il relève entièrement de la législation italienne.

En l'état d'avancement de la procédure pénale contre M. Patriciello, l'article 68, deuxième alinéa, de la Constitution italienne ne remet pas en cause ses prérogatives en tant que parlementaire: tout comme les membres du Parlement italien, il ne bénéficie pas en tant que tel de l'immunité en cas de poursuites pénales.

Par conséquent, il n'est pas contestable que, dans son libellé actuel, l'article 10, alinéa a), du Protocole sur les privilèges et immunités, qui lie la protection des membres du Parlement européen à la législation de leur pays, n'offre pas au Parlement européen les moyens de prendre des mesures contraignantes pour protéger M. Patriciello en l'espèce.

IV. CONCLUSIONS

Compte tenu de ce qui précède, la commission des affaires juridiques, après avoir entendu M. Patriciello et examiné les raisons qui militent pour ou contre la défense de son immunité, considère que, dans sa rédaction actuelle, le Protocole n'offre pas au Parlement européen les moyens de prendre des mesures contraignantes pour protéger Aldo Patriciello.

ANNEXE: Article 68, deuxième alinéa, de la Constitution italienne

L'article 68, deuxième alinéa, de la Constitution italienne est ainsi conçu:

"Sans l’autorisation de la Chambre à laquelle il appartient, aucun membre du Parlement ne peut être soumis à une fouille corporelle ou à une perquisition domiciliaire, ni être arrêté ou autrement privé de sa liberté personnelle, ou maintenu en détention, hormis en exécution d’une condamnation irrévocable ou s’il est appréhendé au moment où il commet un délit ou un crime pour lequel est prévue l’arrestation obligatoire en flagrant délit."

RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION

Date de l’adoption

31.3.2009

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

8

0

0

Membres présents au moment du vote final

Carlo Casini, Monica Frassoni, Giuseppe Gargani, Klaus-Heiner Lehne, Manuel Medina Ortega, Hartmut Nassauer, Aloyzas Sakalas, Francesco Enrico Speroni, Diana Wallis