RAPPORT sur la radiodiffusion de service public à l'ère du numérique: l'avenir du système double

11.10.2010 - (2010/2028(INI))

Commission de la culture et de l'éducation
Rapporteur: Ivo Belet

Procédure : 2010/2028(INI)
Cycle de vie en séance
Cycle relatif au document :  
A7-0286/2010

PROPOSITION DE RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN

sur la radiodiffusion de service public à l'ère du numérique: l'avenir du système double

(2010/2028(INI))

Le Parlement européen,

–    vu les articles 14 et 106, paragraphe 2, du traité UE,

–    vu le protocole n° 29, annexé au traité sur l'Union européenne, sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres[1],

–    vu l'article 11, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne[2],

–    vu la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 10 mars 2010 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive Services de médias audiovisuels)[3],

–    vu sa résolution du 19 septembre 1996 sur le rôle de la télévision de service public dans une société plurimédiatique[4],

–    vu sa résolution du 25 septembre 2008 sur la concentration et le pluralisme des médias dans l'Union européenne[5],

–    vu sa résolution du 16 décembre 2008 sur la compétence médiatique dans un monde numérique6,

–    vu la communication de la Commission du 2 juillet 2009 concernant l'application aux services publics de radiodiffusion des règles relatives aux aides d'État[6],

–    vu le document de travail des services de la Commission intitulé "le pluralisme des médias dans les États membres de l'Union européenne" (SEC(2007)0032),

–    vu la recommandation n° R (96) 10 du 11 septembre 1996 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe aux États membres concernant la garantie de l'indépendance du service public de la radiodiffusion,

–    vu la résolution du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil du 25 janvier 1999, concernant le service public de radiodiffusion[7],

–    vu la recommandation n° CM/Rec(2007)2 du 31 janvier 2007 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe aux États membres sur le pluralisme des médias et la diversité du contenu des médias,

–    vu la recommandation n° CM/Rec(2007)3 du 31 janvier 2007 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe aux États membres sur la mission des médias de service public dans la société de l'information,

–    vu la recommandation n° 1878 (2009) du 25 juin 2009 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur le financement de la radiodiffusion de service public,

–    vu la déclaration du 27 septembre 2006 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe sur la garantie de l'indépendance du service public de radiodiffusion dans les États membres,

–    vu l'article 48 de son règlement,

–    vu le rapport de la commission de la culture et de l’éducation (A7-0286/2010),

A.  considérant que, dans une société européenne démocratique, la participation des citoyens au débat public et leur accès à l'information dans le monde du numérique dépendent de l'existence d'un secteur audiovisuel et d’une presse écrite vivants et compétitifs,

B.   considérant que les organismes de radiodiffusion figurent parmi les sources d'information les plus importantes dont disposent les citoyens dans les États membres de l'Union européenne et que, en tant que tels, ils constituent un facteur important dans la constitution des valeurs et des opinions de la population,

C.  considérant que les services de radiodiffusion tant publics que privés ont un rôle capital à jouer en ce qui concerne la production audiovisuelle européenne, la diversité et l'identité culturelles, le pluralisme, la cohésion sociale, la promotion des libertés fondamentales et le fonctionnement de la démocratie,

D.  considérant que les diffuseurs de service public jouent un rôle de pionniers en stimulant et en utilisant l'évolution technologique dans le but d'offrir leurs contenus au public au moyen de techniques médiatiques et de distribution innovantes,

E.   considérant que le paysage audiovisuel de l'UE revêt un caractère unique et est caractérisé par ce qui a été décrit comme un "système double", reposant sur un véritable équilibre entre diffuseurs de service public et commerciaux,

F.   considérant qu'un système double efficace, comportant un véritable équilibre entre diffuseurs de service public et diffuseurs commerciaux, relève de l'intérêt général,

G.  considérant que la coexistence entre diffuseurs de service public et commerciaux a assuré l’existence d’un éventail de programmes diversifié librement accessible, ce qui profite à tous les citoyens de l'UE et contribue au pluralisme des médias, à la diversité culturelle et linguistique, à la concurrence éditoriale (sur le plan de la qualité et de la diversité des contenus) et à la liberté d'expression,

H.  considérant que l'Union européenne attache une importance spéciale au rôle du système double dans la production et la diffusion de contenus européens,

I.    considérant que les changements intervenus dans le paysage audiovisuel au cours des dernières années, en raison du développement des technologies numériques et des plateformes propriétaires payantes et de l'apparition de nouveaux acteurs des médias en ligne, ont eu des effets sur le double système de radiodiffusion traditionnel et sur la concurrence éditoriale (sur le plan de la qualité et de la diversité),

J.    considérant que la diffusion des nouvelles technologies a modifié la manière dont les citoyens européens accèdent aux médias et à l'information,

K.  considérant que les frontières traditionnelles internes au secteur des médias ne peuvent plus être maintenues dans l'environnement en ligne, puisque les médias traditionnels ne peuvent survivre sans évoluer vers de nouvelles plateformes (telles que les services SMS, les pages Web et les applications de téléphonie "intelligente"), conformément aux objectifs de l'Agenda numérique de l'Union européenne,

L.   considérant que les journaux et les revues sont, et doivent rester, des éléments essentiels d'un paysage médiatique européen pluraliste et diversifié,

M.  considérant que les fournisseurs de services de télécommunications, les fournisseurs de services en ligne et les moteurs de recherche jouent un rôle sans cesse croissant dans le nouvel environnement médiatique,

N.  considérant que, à l'ère numérique, qui se caractérise par un choix accru pour le consommateur, mais également par un risque de fragmentation de l'audience, le renforcement de la concentration des médias, l'émergence d'entreprises médiatiques verticalement intégrées, une évolution vers des services payants et cryptés, la radiodiffusion de service public contribue, et doit contribuer, au maintien d'une sphère publique fournissant des programmes de haute qualité, socialement valables, et une information objective,

O.  considérant que, dans certains États membres, la radiodiffusion de service public n'est pas encore suffisamment enracinée socialement et ne dispose pas de ressources adéquates,

P.   considérant que les radiodiffuseurs publics sont confrontés dans certains États membres à des problèmes majeurs, qui mettent en cause leur indépendance politique, leur viabilité et même leur base financière, menaçant directement l'existence même du double système,

Q.  considérant que la télévision commerciale a connu récemment des difficultés économiques du fait de la réduction de la publicité,

R.   considérant qu'il est de la compétence exclusive des États membres de définir la mission du service public et de veiller au financement de leurs diffuseurs de service public, conformément aux principes du protocole d'Amsterdam,

S.   considérant que les médias de service public ont besoin de financements publics suffisants, d'une participation aux nouvelles technologies et plateformes importantes ainsi que d'un cadre réglementaire stable et prévisible pour être en mesure de s'acquitter de leur mission en offrant un contenu culturel et informatif de haut niveau et, par conséquent, d'améliorer clairement la compétence médiatique, au bénéfice du public,

T.   considérant qu'il est possible d'améliorer la radiodiffusion de service public par le biais de l'échange d'expériences et de meilleures pratiques entre les États membres,

U.  considérant que le respect des normes européennes en matière de liberté d'expression, de pluralisme des médias, et en ce qui concerne l'indépendance, la mission et le financement des médias de service public, doit constituer une priorité pour les États membres,

V.  considérant que l'Union ne dispose pas actuellement des instruments appropriés pour contrôler, et réagir à, des menaces contre les médias de service public et le double système dans des États membres ou des régions spécifiques de l'Union,

1.   réaffirme son attachement au double système de radiodiffusion, dans lequel médias privés et de service public jouent leur rôle respectif indépendamment des pressions politiques et économiques, et demande que l'accès à la radiodiffusion du plus haut niveau soit assuré indépendamment de la situation financière des consommateurs et utilisateurs;

2.   souligne , en particulier, le rôle fondamental d'un double système européen réellement équilibré dans la promotion de la démocratie, de la cohésion sociale et de l'intégration et de la liberté d'expression, en mettant l'accent sur la préservation et le développement du pluralisme médiatique, de la compétence médiatique, de la diversité culturelle et linguistique et de la conformité avec les normes européennes en matière de liberté de la presse;

3.   constate que la coexistence des médias de service public et des médias privés a grandement contribué à l'innovation et à la diversification sur le plan des contenus et a eu un impact positif sur la qualité;

4.   réaffirme la nécessité de maintenir un service public de radiodiffusion indépendant fort et vivant tout en l'adaptant aux demandes de l'ère numérique et insiste sur les mesures concrètes à mettre en place pour réaliser cet objectif;

5.   met l'accent, dans ce cadre, sur le fait que, à l'ère du numérique, la radiodiffusion de service public a pour mission spécifique de maintenir une sphère publique en produisant des contenus médiatiques de haute qualité d'intérêt public, universellement accessibles sur toutes les plateformes pertinentes;

6.   invite les États membres à prévoir des ressources suffisantes pour permettre aux radiodiffuseurs de service public de tirer parti des nouvelles technologies numériques, de manière à garantir que le grand public bénéficie des avantages liés aux services audiovisuels modernes;

7.   invite à cet égard les radiodiffuseurs de service public à se structurer de manière à proposer des contenus attractifs et de qualité en ligne afin de toucher les jeunes qui accèdent presque exclusivement aux médias à travers l'internet;

8.   invite les États membres à lutter contre la fracture numérique - par exemple entre la ville et la campagne - et à s'assurer que, avec la numérisation, tous les individus dans toutes les régions auront un accès égal à la radiodiffusion de service public;

9.   exhorte les États membres à envisager la possibilité de faciliter le passage des consommateurs du système de télévision analogique au système numérique;

10. invite instamment les États membres à définir les missions des radiodiffuseurs de service public, afin que ceux-ci puissent conserver leur spécificité en s'engageant à fournir une production audiovisuelle originale ainsi qu'une programmation et un travail journalistique de grande qualité, dégagés de toute considération commerciale ou influence politique, ce qui est précisément leur marque distinctive; fait observer que ces missions doivent être définies d'une manière aussi précise que possible, mais en tenant dûment compte de l'autonomie des radiodiffuseurs en matière de programmation;

11. rappelle que, conformément au principe de la neutralité technologique, les radiodiffuseurs de service public doivent pouvoir, dans le cadre de la mission qui leur est assignée, offrir leurs services, y compris de nouveaux services, sur toutes les plateformes;

12. souligne que l'absence, dans certains États membres, de dispositions juridiques relatives aux activités de radiodiffusion de service public sur internet sont susceptibles d'affecter la capacité de ce secteur à s'élargir à de nouvelles plateformes;

13. rappelle que les plateformes terrestres de radiodiffusion reposant sur des normes ouvertes, permettant l'interopérabilité, jouent un rôle central dans le système double de radiodiffusion et constituent l'instrument idéal pour fournir aux utilisateurs des services de médias audiovisuels libres, aisément accessibles, qui sont mieux adaptés à la fragmentation des marchés locaux et peuvent donc mieux répondre aux attentes culturelles et sociales locales;

14. prend acte de la communication de la Commission sur la radiodiffusion de juillet 2009[8] , qui reconnaît le droit des radiodiffuseurs de service public d'être présents sur toutes les plateformes de diffusion pertinentes et qui réaffirme qu'il est de la compétence des États membres de définir la mission, le financement et l'organisation de la radiodiffusion de service public, tout en reconnaissant la responsabilité de la Commission en ce qui concerne la maîtrise des erreurs manifestes, et invite les États membres à maintenir un équilibre parmi les services de médias numériques offerts, de manière à garantir une concurrence loyale entre radiodiffuseurs de service public et médias privés et à préserver ainsi un paysage médiatique vivant dans l'environnement en ligne;

15. se félicite de la reconnaissance du principe de neutralité technologique et de la nécessité de respecter l'indépendance éditoriale des radiodiffuseurs de service public en tenant dûment compte de leur besoin de financement stable et sûr;

16. fait toutefois remarquer que les coûts considérables des tests préventifs (existants) sont considérables et souligne qu'il est favorable à des évaluations proportionnées;

17. rappelle l'importance des recommandations et déclarations du Conseil de l'Europe, auxquelles ont souscrit tous les États membres de l'UE et qui établissent des normes européennes en matière de liberté d'expression, de liberté de la presse, de pluralisme médiatique et d'indépendance, d'organisation, de mission et de financement des médias de service public, en particulier dans la société de l'information, préservant ainsi la crédibilité de la radiodiffusion de service public;

18. rappelle aux États membres qu’ils se sont engagés à respecter ces normes européennes et leur recommande de doter les médias de service public d’un financement approprié, proportionné et stable, afin de leur permettre de s'acquitter de leur mission, de garantir l'indépendance politique et économique et de contribuer à une société de l'information et de la connaissance sans exclusion, disposant de médias représentatifs et de grande qualité accessibles à tous;

19. invite la Commission à encourager les États membres à échanger les bonnes pratiques à différents niveaux (autorités nationales des médias, parties concernées, organismes de gestion des radiodiffuseurs de service public, régulateurs indépendants et représentants des téléspectateurs et des consommateurs);

20. invite les États membres à intensifier la coopération entre les autorités de régulation nationales des médias au sein de la plate-forme européenne des autorités de régulation (EPRA) et à renforcer l'échange d'expériences et de bonnes pratiques concernant leurs systèmes nationaux respectifs de radiodiffusion;

21. rappelle aux États membres que les membres des conseils d'administration des radiodiffuseurs de service public doivent être nommés sur la base de leur compétence et de leur connaissance du secteur des médias;

22. invite la Commission et les États membres à donner à l'Observatoire européen de l'audiovisuel le mandat – assorti des ressources nécessaires – de collecter des données et de mener des recherches sur la manière dont les États membres ont appliqué ces normes, afin d'examiner si les normes ont permis d'obtenir les résultats souhaités, et demande instamment que les États membres soient tenus pour responsables en cas de non-respect de ces engagements;

23. invite la Commission à accorder une priorité plus importante au double système, en tant que partie de l'acquis de l’Union, dans le cadre des négociations d'adhésion, et demande instamment que les progrès accomplis en la matière par les pays candidats à l'adhésion soient vérifiés;

24. invite en outre les États membres à traiter de manière pertinente le problème du financement insuffisant des radiodiffuseurs de service public, en prenant notamment en considération la mission spécifique des médias publics, qui consiste à être accessibles au plus grand nombre possible de téléspectateurs et d'auditeurs sur toutes les nouvelles plateformes médiatiques;

25. constate que le caractère transparent de la propriété des radiodiffuseurs privés doit être garanti dans tous les États membres et invite la Commission à vérifier et à soutenir les progrès en ce sens;

26. demande aux États membres de mettre fin aux ingérences politiques dans les contenus des services offerts par les radiodiffuseurs de service public;

27. se félicite des conclusions de l'étude indépendante menée, à la demande de la Commission, sur la définition d'indicateurs mesurant le pluralisme des médias de l'Union européenne;

28. préconise la mise en place de l'Observatoire du pluralisme des médias, outil efficace pour diagnostiquer des menaces pesant sur le pluralisme des médias;

29. rappelle l’existence des instruments financiers offerts par la BEI et encourage les radiodiffuseurs de service public confrontés à des difficultés financières à demander à la BEI des prêts à des conditions avantageuses afin de renouveler leurs infrastructures, en particulier en ce qui concerne la numérisation et l'innovation;

30. encourage les différentes parties concernées à intensifier leur coopération pour sauvegarder le système double et, en particulier, encourage les radiodiffuseurs de service public et privés à coopérer mutuellement ainsi qu'avec des éditeurs en matière de partage de contenus et de mise en place de projets innovants et à établir des partenariats;

31. demande à la Commission de prendre une initiative rassemblant différents acteurs du secteur des médias afin de contribuer à définir des domaines éventuels de coopérations, de faciliter les échanges de bonnes pratiques et de traiter les questions pertinentes;

32. rappelle, dans ce contexte, que les radiodiffuseurs locaux ou associatifs sont confrontés, en particulier lorsqu'il s'agit de petites communautés, à des problèmes de financement à long terme (par exemple par la publicité); estime que les nouvelles possibilités offertes par la numérisation peuvent être utilisées dans ce cadre pour mettre en place sur l'ensemble d'une région une radiodiffusion locale ou associative;

33. encourage la Commission à adapter les droits d'auteur à la nouvelle ère numérique, en permettant aux radiodiffuseurs de continuer de fournir un large éventail de contenus européens de qualité, et à étudier des moyens spécifiques pour faciliter la réutilisation de contenus d'archives et pour mettre en place des systèmes de licences collectives étendus et des systèmes de guichet unique, aisément accessibles, pour l'acquittement des droits;

34. attend avec impatience le rapport d'exécution relatif aux dispositions de la directive Service de médias audiovisuels (SMA) concernant le temps de diffusion réservé aux programmes européens, eu égard au fait que certains États membres n'ont pris aucune mesure à cet égard;

35. demande instamment à la Commission de veiller à ce que les agrégateurs de contenu se conforment au cadre juridique existant et l'invite à étudier des moyens permettant aux moteurs de recherche et aux fournisseurs de services en ligne de contribuer au financement de la création de contenus;

36. souligne l'importance de l'éducation aux médias pour une utilisation responsable des services fournis par les agrégateurs de contenu;

37. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission ainsi qu'aux gouvernements et aux parlements des États membres.

  • [1]  JO C 83 du 30.3.2010, p. 312.
  • [2]  JO C 83 du 30.3.2010, p. 394.
  • [3]  JO L 95 du 15.4.2010, p. 1.
  • [4]  JO C 320 du 28.10.1996, p. 180.
  • [5]  JO C 8E du14.1.2010, p. 85.
  • [6]  JO C 257 du 27.10.2009, p. 1.
  • [7]  JO C 30 du 5.2.1999, p. 1.
  • [8]  JO C 257 du 27.10.2009, p. 1.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le secteur de la radiodiffusion est unique. Il exerce une influence sur les valeurs et les opinions des gens et demeure la source principale d'information pour la grande majorité des citoyens de l'Union européenne. Par conséquent, il apparaît d'une importance toute particulière pour la protection et la mise en valeur des libertés fondamentales et de la démocratie – cohésion sociale y compris.

1. Un système double, partie intégrante de l'acquis de l'Union européenne

Comme la directive "Services de médias audiovisuels"[1], l'a souligné le paysage audiovisuel de l'Union européenne est caractérisé par ce qui a été décrit comme un "système double". La coexistence de radiodiffuseurs publics et commerciaux a assuré l'existence d'un éventail de programmes diversifié. Elle contribue au pluralisme des médias, à la diversité culturelle et linguistique, à la concurrence éditoriale (en termes de qualité des contenus et de diversité), ainsi qu'en termes de liberté d'expression.

L'existence d'un système de radiodiffusion de service public fort, viable et bien doté financièrement constitue une partie de ce système. Dans un système double qui fonctionne de façon satisfaisante, le service public de radiodiffusion peut contribuer à améliorer les normes sur le marché.

2. L'engagement de l'Union européenne en ce qui concerne le rôle des services publics de radiodiffusion

Dans le protocole 29 du traité UE2, l'Union européenne s'est engagée en faveur d'un système public de radiodiffusion dans les États membres, en estimant "qu'elle est directement liée aux besoins démocratiques, sociaux et culturels de chaque société ainsi qu'à la nécessité de préserver le pluralisme dans les médias."

L'importance du service public de radiodiffusion a été réaffirmée dans la résolution du Conseil concernant le service public de radiodiffusion[2] et son rôle dans la promotion de la diversité culturelle a été reconnu par la convention de l'Unesco de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

Les États membres se sont également entendus dans le cadre du forum du Conseil de l'Europe sur un ensemble de recommandations4.

3. Le système double à l'ère du numérique: un système sous pression

Le paysage européen de la radiodiffusion est, hélas, fort éloigné de la situation idéale où un système de radiodiffusion, double et équilibré, s'appuierait sur deux piliers de force équivalente:

Les médias de service public et le système double à un point de non-retour

Dans le contexte transformationnel des médias numériques, les radiodiffuseurs publics de certains États membres sont confrontés à des problèmes fondamentaux et qui mettent en cause leur existence même, tant d'un point de vue financier que politique. "Dans les pays où le contrôle est le plus fort, les services publics de radiodiffusion pâtissent de la montée en puissance de la politisation et des pressions, de modèles de financement déficients et de réputations mises à mal (…)"[3].

Parallèlement à cette évolution, la sincérité de plusieurs radiodiffuseurs privés a été mise en question en raison de leurs relations étroites avec des conglomérats économiques puissants, ou parce que l'origine de leur ressources financières semblait douteuse.

En vertu du protocole 29 du traité UE, le financement du service public de radiodiffusion relève des autorités nationales. Toutefois, nous sommes arrivés à un moment crucial. Les médias publics, et par conséquent le système double, sont parvenus, dans certains États membres, à un point limite de leur existence. La politique audiovisuelle de l'Union européenne ne saurait limiter son intervention aux cas de surcompensation. Si nous respectons scrupuleusement notre engagement en faveur du système double, nous devons examiner aussi bien les problèmes posés par les carences en matière de financement que les problèmes d’importance éditoriale et managériale des services publics de radiodiffusion.

Passage d'un système double à un environnement caractérisé par une multiplicité d'acteurs

En 2010, la politique à l'égard des médias ne saurait se limiter au maintien de l'équilibre entre radiodiffusion commerciale et services publics de radiodiffusion. Dans le contexte médiatique actuel, de nouveaux acteurs puissants, tels que les fournisseurs de services de télécommunication et d'internet ou les moteurs de recherche jouent un rôle de plus en plus important. Le journalisme citoyen et les contenus produits par les utilisateurs constituent également un défi pour les acteurs traditionnels des médias. Le système double de radiodiffusion a évolué dans le sens d'un environnement médiatique réunissant une multiplicité d'acteurs.

Vers une nouvelle écologie médiatique

Dans le nouvel environnement numérique, l’offre publique et gratuite des services publics de radiodiffusion constitue une épine dans le pied de nombreux acteurs médiatiques commerciaux. Cette situation entraîne une hostilité croissante de la part des éditeurs à l'égard des services en ligne offerts par les fournisseurs de média de service public. Par conséquent, l'établissement, dans un avenir proche, d'un modèle de coexistence équilibré sur internet constitue une des priorités majeures pour toute action menée au niveau national et européen en matière de médias.

Dans sa communication révisée sur la radiodiffusion1, la Commission estime que "les organismes publics de radiodiffusion devraient pouvoir tirer parti des possibilités offertes par la numérisation et la diversification des plateformes de distribution sur une base technologiquement neutre, ce dont l'ensemble de la collectivité profitera".

La communication vise à favoriser la coexistence des différents acteurs médiatiques. À cette fin, elle demande, lorsque les services publics de radiodiffusion envisagent de mettre en place de nouveaux services audiovisuels d'une certaine ampleur, que leur mission soit modifiée en conséquence ou qu'une évaluation ex ante soit engagée (de manière à évaluer la valeur apportée par le service public par rapport à son impact sur le marché).

4. Suggestions pour l'avenir

Il est extrêmement difficile de formuler des recommandations générales, valables à l'échelle de l'Union européenne, en raison de contextes juridiques et organisationnels différents selon les États membres. Une approche de "type prêt-à-porter" est tout bonnement inenvisageable.

Débat à tous les niveaux

Il convient d'encourager la tenue de débats approfondis au niveau national sur la manière de créer une écologie médiatique saine. La communication révisée devrait être considérée comme une incitation à engager ce débat. Une réflexion devrait être engagée sur la définition des seuils minimum nécessaires pour mettre en pratique les principes adoptés (crédits suffisants, gouvernance indépendante, indépendance éditoriale). L'Union européenne devrait encourager le débat entre États membres à différents niveaux.

Le respect des normes européennes

Dans le même temps, il appartient aux États membres de respecter les engagements qu'ils ont pris dans le cadre du Conseil et du Conseil de l'Europe, ainsi que ceux qui découlent de leur adhésion à l'Union européenne. À cet égard, l'introduction d'une procédure de contrôle est non seulement réalisable mais souhaitable.

Lors des négociations d'adhésion, la Commission devrait accorder une priorité plus élevée au système double qui fait partie intégrante de l'acquis de l'Union européenne.

Financement

Un soutien financier pourrait être accordé aux services publics de radiodiffusion grâce à des prêts de la BEI afin d’aménager ou de renouveler leurs infrastructures pour réaliser la numérisation.

Encourager la coopération: établir une situation “gagnant-gagnant“ pour tous les acteurs

Les différents acteurs devraient être encouragés à coopérer. Le partage de contenus audiovisuels et l'échange de formats et de références croisées entre plateformes pourraient bénéficier à tous les acteurs. Une coopération basée sur l'engagement volontaire des différents partenaires exige certes un changement d'état d'esprit, mais elle pourrait aboutir à une situation "gagnant-gagnant". Les autorités devraient faciliter la recherche de solutions dans les cas éventuels de concurrence ou de problèmes liés aux droits d'auteurs, et ce dans l'intérêt de l'ensemble de la collectivité.

Contribution aux contenus

Il faudrait encourager les moteurs de recherche à contribuer à la création de contenus, à travers la mise en place d'un cadre juridique pour les agrégateurs de contenus, par exemple.

Action de la Commission en matière de réflexion sur l'industrie des médias

Il faut que la Commission réunisse les différents acteurs du secteur des médias et recherche avec eux les moyens de mettre sur pied une industrie vigoureuse et viable. Les médias constituent le quatrième pilier de la démocratie. Une partie non négligeable d'entre eux traverse une période extrêmement difficile. Respect de la subsidiarité et soutien de l'Union européenne peuvent fort bien être compatibles dans la perspective de solutions à long terme. "Le système double n'a jamais été conçu comme un produit fini immobile, mais il a toujours été en constante mutation"[4].

  • [1]  Directive 2010/13/UE (JO L 95 du 15.4.2010, p. 1).
  • [2]  Résolution du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil, du 25 janvier 1999 (JO C 30 du 5.2.1999, p. 1).
  • [3]  Open Society Institute, Television Across Europe, More Channels, Less Independence, 2008.
  • [4]  Doris Pack, intervention, conférence de Varsovie, Future or Funeral, 23.1.2010.

RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION

Date de l’adoption

28.9.2010

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

19

5

1

Membres présents au moment du vote final

Magdi Cristiano Allam, Maria Badia i Cutchet, Malika Benarab-Attou, Lothar Bisky, Piotr Borys, Jean-Marie Cavada, Santiago Fisas Ayxela, Ildikó Gáll-Pelcz, Cătălin Sorin Ivan, Petra Kammerevert, Morten Løkkegaard, Emma McClarkin, Doris Pack, Chrysoula Paliadeli, Marie-Thérèse Sanchez-Schmid, Marietje Schaake, Marco Scurria, Timo Soini, Emil Stoyanov, Hannu Takkula, László Tőkés, Helga Trüpel, Marie-Christine Vergiat, Sabine Verheyen, Milan Zver

Suppléant(s) présent(s) au moment du vote final

Ivo Belet