RAPPORT contenant une proposition de recommandation du Parlement européen à l'intention du Conseil sur la création d'une capacité de réponse rapide
1.12.2010 - (2010/2096(INI))
Commission du développement
Rapporteure: Iva Zanicchi
PROPOSITION DE RECOMMANDATION DU PARLEMENT EUROPÉEN À L'INTENTION DU CONSEIL
sur la création d'une capacité de réponse rapide
Le Parlement européen,
– vu l'article 196 du traité de Lisbonne qui dispose que "l'Union encourage la coopération entre les États membres afin de renforcer l'efficacité des systèmes de prévention des catastrophes naturelles ou d'origine humaine et de protection contre celles-ci" et que "l'action de l'Union vise à favoriser la cohérence des actions entreprises au niveau international en matière de protection civile",
– vu l'article 214 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui dispose que les actions de l'Union dans le domaine de l'aide humanitaire visent à "porter assistance et secours aux populations des pays tiers, victimes de catastrophes naturelles ou d'origine humaine" et que ses actions sont "menées conformément aux principes du droit international et aux principes d'impartialité, de neutralité et de non discrimination",
– vu le consensus européen sur l'aide humanitaire signé conjointement, en décembre 2007, par les Présidents du Conseil de l'Union européenne, du Parlement européen et de la Commission européenne, et le plan d'action présenté par la Commission en mai 2008 pour la mise en œuvre du consensus,
– vu les conclusions du Conseil de décembre 2007 invitant la Commission à utiliser au mieux le mécanisme communautaire de protection civile et à renforcer la coopération entre les États membres,
– vu les directives sur l'utilisation des ressources militaires et de la protection civile dans le cadre des opérations de secours en cas de catastrophe (directives d'Oslo) révisées le 27 novembre 2006,
– vu la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen du 23 février 2009 concernant la stratégie de l'UE pour le soutien à la réduction des risques de catastrophe dans les pays en développement,
– vu la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil de mars 2008 intitulée "Renforcer la capacité de réaction de l’Union européenne en cas de catastrophes" (COM(2008)0130) et la résolution du Parlement européen du 19 juin 2008 sur le renforcement de la capacité de réaction de l'Union en cas de catastrophes[1],
– vu le rapport du 9 mai 2006 de Michel Barnier intitulé "Pour une force européenne de protection civile: europe aid",
– vu sa résolution du 10 février 2010 sur le séisme en Haïti[2],
– vu sa résolution du 21 septembre 2010 sur la prévention des catastrophes naturelles ou d'origine humaine,
– vu sa proposition de recommandation à l'intention du Conseil du 23 mars 2010 sur la création d'une capacité de réponse rapide de l'UE, présentée par Anneli Jäätteenmäki, Charles Goerens, Louis Michel, Marielle De Sarnez et Frédérique Ries au nom du groupe ALDE, conformément à l'article 121, paragraphe 1, du règlement (B7-0228/2010),
– vu l'article 121, paragraphe 3, de son règlement,
– vu le rapport de la commission du développement et l'avis de la commission des affaires étrangères (A7‑0332/2010),
A. considérant que les catastrophes responsables d'importants dommages humains, économiques et environnementaux sont en augmentation dans le monde; considérant que ces crises se succèderont avec de plus en plus d'ampleur et de fréquence et toucheront des régions du monde de plus en plus nombreuses en raison, principalement, du changement climatique, et considérant que l'Union européenne déploie des efforts considérables pour répondre à ces crises,
B. considérant que la multiplication et la fréquence accrue de ces interventions tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Union européenne doivent s'accommoder de la situation financière mondiale et des contraintes budgétaires, ce qui rend d'autant plus nécessaire l'amélioration de l'efficacité des opérations,
C. considérant que la mutualisation de moyens entre les 31 États membres participant au mécanisme communautaire de protection civile (UE-27, Norvège, Lichtenstein, Croatie, Islande) ou dans le cadre d'une coopération renforcée entre États membres, peut constituer un atout à la fois opérationnel et financier,
D. considérant que le budget de la Commission consacré aux catastrophes humanitaires, et, plus concrètement, celui de la DG ECHO, n'a pas seulement été gelé, mais a connu une légère baisse en termes réels au cours de ces cinq dernières années,
E. considérant que des progrès ont été réalisés ces dernières années pour rendre plus cohérente la réaction de l'Union européenne en cas de catastrophes, notamment par le renforcement progressif du mécanisme de protection civile, par une meilleure interaction/coordination entre la protection civile et l'aide humanitaire, et par la reconnaissance qu'une approche intégrée de la gestion des catastrophes suppose à la fois réaction, prévention et préparation,
F. considérant que la réaction de l'Union européenne au tremblement de terre survenu en Haïti a non seulement déclenché une intervention d'aide humanitaire de grande ampleur, considérable et rapide, mais également l'activation du mécanisme de protection civile qui a permis le déploiement immédiat, pour la première fois, de deux modules (une unité de purification de l'eau et un poste médical avancé) financés par une action préparatoire de 2008 concernant une capacité de réaction rapide de l'UE,
G. considérant que les leçons tirées des crises récentes continuent de montrer la nécessité d'améliorer la réaction de l'UE en cas de catastrophes, en termes d'efficacité, de coordination et de visibilité, et que ces catastrophes ont mis en exergue une fois de plus l'impératif de créer une capacité européenne de réaction rapide (force européenne de protection civile),
H. considérant que la capacité de l'UE à protéger l'existence et les biens des citoyens est déterminante pour sa crédibilité,
1. adresse au Conseil les recommandations suivantes:
a) reconnaît que l'inclusion de la protection civile et de l'aide humanitaire dans les attributions d'un seul commissaire en charge de l'aide humanitaire et de la réaction aux crises facilite l'émergence de synergies au sein de la Commission et contribue à améliorer la cohérence de la réaction globale de l'UE en cas de catastrophes;
b) demande une plus grande intégration des méthodes de travail en matière de protection civile et en matière humanitaire au sein de la DG ECHO, tout en préservant leurs spécificités grâce au maintien d'une démarcation claire entre leurs rôles respectifs, afin d'exploiter au mieux les synergies et les complémentarités pour une plus grande efficacité; demande également que le personnel militaire, civil et les acteurs humanitaires qui interviennent en cas de catastrophe ou dans des opérations humanitaires agissent conformément aux principes de neutralité, d'indépendance et d'impartialité;
c) rappelle que le recours aux ressources de la protection civile, lorsqu'elles sont déployées en cas de crise humanitaire, doit être fondé sur les besoins et être complémentaire et cohérent avec l'aide humanitaire conformément au consensus européen sur l'aide humanitaire et aux directives des Nations unies (directives d'Oslo), notamment pour garantir le respect des principes humanitaires de neutralité, d'humanité, d'impartialité et d'indépendance;
d) insiste sur le fait que l'aide apportée par l'Union en cas de catastrophe naturelle ou d'origine humaine devrait viser, en cas de besoin, à soutenir l'économie locale, par exemple en achetant des denrées alimentaires produites localement ou dans la région et en fournissant aux agriculteurs l'équipement nécessaire pour relancer l'économie rurale;
e) demande au Conseil et à la Commission de préciser les modalités de la coopération et de la coordination entre le Service européen pour l'action extérieure (SEAE) et la Commission pour la gestion d'une réaction à une catastrophe de grande ampleur en dehors du territoire de l'Union européenne;
f) suggère la mise en place d'actions de coordination adaptées aux conditions locales, en coopération avec le gouvernement de l'État touché et avec la participation des représentants de l'Union et des États membres présents sur le terrain, en vue de fournir une réponse ciblée et efficace aux localités affectées;
g) invite instamment le Conseil à renforcer, à titre prioritaire, le renforcement de la capacité de réaction de l'Union européenne en cas de catastrophes, notamment en vue des débats relatifs à la création d'une force de protection civile de l'UE et à donner suite aux demandes répétées du Parlement européen de mettre en œuvre les propositions faites dans le rapport Barnier datant de 2006;
h) demande que soit immédiatement établie une force de protection civile de l'UE dûment dotée des ressources technologiques et techniques nécessaires;
i) demande également, dans le contexte des opérations menées après une catastrophe naturelle, une meilleure coordination entre les agences humanitaires et les mécanismes de protection civile des États membres et la DG ECHO, ainsi que l'éventuelle force de protection civile de l'Union européenne;
j) prie instamment la Commission d'établir, avec les gouvernements nationaux, les autorités locales et les organisations de la société civile dans les pays bénéficiaires, des programmes relatifs à la prévention des catastrophes et la capacité de gestion de la réaction au niveau des communautés;
k) encourage le Conseil à adopter, conformément à la procédure législative ordinaire, des mesures (sur proposition de la Commission) pour améliorer la prévisibilité et la capacité d'anticipation du mécanisme actuel de protection civile de l'UE, qui s'appuie actuellement sur les contributions ponctuelles et volontaires des États membres; suggère que ces mesures reprennent les modalités testées dans le cadre de l'action préparatoire, y compris les ressources au niveau de l'UE, la mutualisation volontaire des ressources, la cartographie des capacités existantes, l'identification des scénarios et le développement de nouvelles actions de formation;
l) demande par ailleurs que des budgets réalistes soient établis, dans lesquels les montants destinés aux catastrophes naturelles ou à l'action humanitaire sont basés sur les dépenses des années précédentes;
m) estime que la force de protection civile de l'UE devrait évoluer à partir du mécanisme de protection civile de l'UE, devrait être une optimisation des outils disponibles, qui gagneraient en efficacité et en visibilité, et une mutualisation volontaire des moyens logistiques et humains existants, que ce soit en termes de formation à la réaction en cas de catastrophe ou en termes de gestion de catastrophes en développant des initiatives prises dans le cadre des actions préparatoires, et qui serait capable d'assurer les premiers secours dans les 24 heures suivant une catastrophe;
n) recommande que la force de protection civile de l'UE soit fondée sur les principes suivants:
- être fondée sur une évaluation des besoins avec la participation de tous les acteurs humanitaires,
- être de nature civile,
- opérer sous la bannière de l'Union européenne,
- respecter le droit humanitaire international,
- respecter le caractère volontaire de la participation des États membres au dispositif à mettre en place,
- se fonder sur le principe du partage des charges,
- être ouverte aux contributions de pays non membres de l'Union,
- reconnaître le rôle global des Nations unies dans la coordination de l'aide internationale en dehors du territoire de l'Union européenne,
- être organisée de manière préventive, en fonction de scénarios spécifiques;
o) souligne que l'Union européenne doit, en particulier en ce qui concerne les opérations d'aide humanitaire et en se basant sur les leçons tirées des interventions en Haïti et au Pakistan, agir, chaque fois que cela est possible, sous l'égide des Nations unies, et se concentrer sur les domaines d'intervention dans lesquels elle peut apporter la plus grande valeur ajoutée;
p) estime que la force européenne de protection civile pourrait consister en un engagement de certains États membres de mettre à disposition volontairement des modules de protection civile, déterminés à l'avance et prêt à intervenir immédiatement pour des opérations de l'UE coordonnées par le MIC, que la plupart de ces modules, déjà disponibles au niveau national et donc n'entraînant pas de coûts supplémentaires importants, resteraient sous leur contrôle, et que le déploiement de ces modules en standby formerait le noyau de la protection civile de l'UE pour répondre aux désastres à l'intérieur et à l'extérieur de l'UE;
q) estime que des modules complémentaires de protection civile pourraient être financés par l'UE pour certains besoins spécifiques pour lesquels des lacunes ont été identifiées et où le niveau européen apporterait une plus-value, et souligne l'importance de renforcer le financement pour les transports et de développer des modules de transport en standby;
r) insiste sur la nécessité d'élaborer une approche globale et volontariste pour faire face aux catastrophes, en coordonnant les divers moyens d'action dont disposent l'Union et ses États membres, entre autres la gestion de crises (civiles et militaires), l'aide financière et la coopération au développement ou les politiques sociales et environnementales; estime, à cet égard, qu'il convient de gérer plus efficacement la transition entre la réaction à une catastrophe et la reconstruction qui lui succède; rappelle la proposition de créer un corps volontaire européen d'aide humanitaire conformément aux dispositions du traité de Lisbonne (article 214, paragraphe 5) et, dans la perspective de l'année européenne du volontariat 2011, encourage la Commission et le Conseil à se pencher, aux côtés du Parlement européen, sur les règles et les procédures de fonctionnement de ce corps dès que possible, en particulier eu égard aux initiatives similaires prises par certains États membres;
s) rappelle au Conseil que l'utilisation des ressources et capacités militaires en réaction aux catastrophes, notamment pour le soutien dans les domaines de la logistique, des transports et des infrastructures à l'appui d'opérations d'aide humanitaire, devrait être exceptionnelle, n'être envisagée qu'en dernier ressort et toujours dans le respect des accords existants, comme le consensus européen sur l'aide humanitaire et les directives d'Oslo sur l'utilisation des ressources militaires et de la protection civile dans le cadre d'interventions internationales de secours en cas de catastrophes;
t) reconnaît que le recours aux ressources militaires et civiles dans les secours en cas de catastrophe doit être utilisé en "dernier ressort", conformément au consensus européen sur l'aide humanitaire et aux directives d'Oslo; rappelle que les moyens militaires fournissent souvent une contribution importante en cas de réaction à une catastrophe aux côtés de la protection civile et de l'aide humanitaire et constate que les ressources militaires peuvent être nécessaires pour combler les manques de moyens criants (en particulier le transport stratégique, les ressources spécialisées, l'ingénierie lourde et les transports); souligne qu'il y a lieu, par conséquent, de développer une approche globale et d'améliorer les synergies entre les capacités civiles et militaires et de déterminer les domaines dans lesquels les États membres peuvent allier leurs efforts et moyens à l'échelle de l'Union et contribuer à la réaction de l'Union face aux catastrophes, ce qui est d'autant plus important dans un environnement économique difficile;
u) souligne qu'il y a lieu de créer des capacités civiles de l'Union européenne disponibles en permanence et intervenant indépendamment des structures militaires et de déterminer les domaines dans lesquels les États membres peuvent allier leurs efforts et leurs moyens à l'échelle de l'Union à cet effet;
v) invite instamment le Conseil et la Commission à coopérer sur la mise en œuvre d'un plan d'action en matière de visibilité qui comporterait des mesures concrètes destinées à rendre plus visible la réaction de l'Union européenne en cas de catastrophes;
w) encourage l'utilisation du système de surveillance mondiale pour l'environnement et la sécurité (GMES) pour garder les zones de crise potentielle sous surveillance, ce système permettant une meilleure préparation pour l'envoi d'aide humanitaire, et souligne l'importance cruciale de la mise en place d'un mécanisme de suivi des efforts de l'Union et d'évaluation de l'aide apportée;
x) encourage le développement des budgets de recherche et des capacités industrielles (par exemple, imagerie satellite dans le cadre du programme GMES) pour améliorer les phases de gestion de catastrophes;
y) invite le Conseil à tenir compte des recommandations énoncées ci-dessus lorsqu'il examinera la prochaine communication, annoncée par la Commission, sur le renforcement de la capacité de réaction de l'Union européenne en cas de catastrophe, et lorsqu'il rendra ses conclusions sur ce texte;
2. charge son Président de transmettre la présente recommandation au Conseil et, pour information, à la Commission.
- [1] Textes adoptés de cette date, P6_TA(2008)0304.
- [2] Texte adopté de ce jour P7_TA(2010)0015.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Introduction
La multiplication des catastrophes majeures (naturelles/provoquées par l'homme) en dehors de l'Union européenne, au cours de ces dernières années, a conduit à des appels réitérés en vue de l'amélioration de l'efficacité de la capacité de réaction existante de l'Union européenne aux catastrophes. Si la capacité de réaction de l'Union n'a cessé d'évoluer depuis la création d'un mécanisme de protection civile communautaire en 2001, votre rapporteure estime que beaucoup reste à faire pour garantir une réaction coordonnée, cohérente et visible de l'Union européenne.
La dernière communication de la Commission sur le renforcement de la capacité de réaction de l'Union en cas de catastrophes, qui date de mars 2008, mettait également l'accent sur la nécessité de renforcer la cohérence de la réaction. Cette communication était supposée constituer une première étape sur la voie d'une réaction globale et intégrée de l'Union européenne. Elle comportait un plan d'action énumérant un certain nombre d'actions concrètes en vue d'instaurer progressivement une coordination plus intégrée entre les divers instruments de réaction en cas de catastrophes.
Depuis lors, la plus grande avancée réalisée en vue de l'intégration renforcée de la réaction a été l'inclusion de la protection civile et de l'aide humanitaire dans les attributions d'un seul et même commissaire. S'il est encore trop tôt pour en évaluer les résultats, il ne fait aucun doute que cette redistribution des attributions offre des possibilités de renforcement de la cohérence et de la coordination de la réaction de l'Union en cas de catastrophe. Toutefois, deux ans après la publication de la communication de la Commission en 2008, de nombreuses mesures du plan d'action restent à mettre en œuvre alors que la réaction de l'Union aux crises récentes a montré les limites du système existant.
Votre rapporteure estime qu'il est grand temps de prendre conscience de l'importance politique du renforcement de la capacité de réaction de l'Union en cas de catastrophes, et que tous les moyens doivent être mobilisés pour atteindre cet objectif. À cet égard, la rapporteure déplore que de nombreuses propositions concrètes contenues dans le rapport Barnier de 2006 sur la création d'une force de protection civile européenne soient restées lettres mortes ou n'aient fait l'objet que de timides avancées.
La situation en Haïti ayant été à l'origine de la décision de rédiger un rapport d'initiative, le présent rapport se contente d'examiner la dimension extérieure de la capacité de réaction de l'Union en cas de catastrophe.
Leçons tirées des crises récentes, avec une attention particulière sur Haïti
La réaction de l'Union au séisme qui a frappé Haïti, combinée à la mise en œuvre du mécanisme de protection civile de l'Union, au recours aux ressources militaires et au déploiement d'une aide humanitaire considérable et à grande échelle, a clairement montré la complexité des procédures et instruments existants.
Certes, la rapporteure reconnaît que la réaction des États membres et des institutions de l'Union européenne a été rapide et de grande ampleur, mais la gestion de la crise a également suscité un certain nombre d'interrogations en termes d'efficacité, de coordination et de visibilité.
· Le problème de l'efficacité
Concernant l'aide humanitaire, force est de reconnaître que la réaction a été extrêmement rapide et efficace avec le déploiement rapide des experts ECHO sur le terrain et le déblocage accéléré de fonds humanitaires (3 millions d'euros) sous 24 heures. Cette première réponse a été complétée ultérieurement par des ressources supplémentaires, pour un montant total de 120 millions d'euros.
Le mécanisme de protection civile de l'Union européenne a été activé le jour même du tremblement de terre et l'assistance fournie par l'intermédiaire du Centre de suivi et d'information (MIC) a été substantielle – avec des équipes de recherche et de sauvetage en milieu urbain, des équipes médicales et la mise à disposition de fournitures, d'abris et de systèmes d'assainissement.
Bien que, dans le cas d'Haïti, le système ait relativement bien fonctionné, le déploiement de l'aide de l'Union en matière de protection civile est inévitablement retardé par des mécanismes propres au système actuel, basé sur des contributions volontaires et ponctuelles dépendantes des différents processus décisionnels nationaux. L'une des principales faiblesses du système est qu'il est impossible de garantir à l'avance que des ressources essentielles seront disponibles et que des pénuries majeures pourront être évitées.
Parmi les leçons positives à tirer d'Haïti, il est à noter que pour la première fois, la Commission européenne a été en mesure de déployer directement une unité de purification de l'eau (opérée par la France) et un poste médical avancé doté d'un bloc chirurgical (opéré par l'Italie) qui étaient tenus en réserve dans le cadre des dispositifs financés par l'action préparatoire concernant une capacité de réaction rapide de l'Union européenne (budget 2008).
La rapporteure estime qu'il serait utile de procéder à une analyse approfondie des résultats encourageant de cette action préparatoire de 2008 et qu'il convient de développer l'idée d'une mutualisation volontaire des ressources provenant des États membres, gardées en réserve en vue d'un déploiement immédiat dans le cadre des opérations menées par l'Union européenne. À cet égard, la rapporteure tient à rappeler au Conseil et à la Commission la recommandation suivante contenue dans le rapport Barnier: "Seules une organisation préventive et une mutualisation des moyens existants permettront l'émergence d'une force européenne de protection civile."
La crise en Haïti a également montré que le déploiement de ressources militaires peut s'avérer extrêmement utile pour compléter la fourniture de l'aide d'urgence. Il sera également intéressant d'examiner comment améliorer l'efficacité du bon usage des ressources militaires en cas de catastrophes.
À cet égard, la rapporteure estime que l'utilisation de ressources et capacités militaires, dans le cadre d'une opération civile de secours en cas de catastrophe naturelle, doit, en toutes circonstances, rester régie par les directives en vigueur comme le consensus européen sur l'aide humanitaire et les directives d'Oslo sur l’utilisation des ressources militaires et de la protection civile dans le cadre des situations d’urgence complexes (dans leur version de novembre 2006).
· Le problème de la coordination
Compte tenu de l'ampleur de la crise et du nombre d'acteurs concernés, la coordination au lendemain du tremblement de terre s'est avérée extrêmement complexe, tant au niveau opérationnel qu'au niveau stratégique/politique.
Comme indiqué précédemment, la coordination par l'intermédiaire du Centre de suivi et d'information (MIC) a été très efficace en Haïti mais il y a eu (et il y a encore) des cas où une aide nationale a été fournie sans coordination préalable.
Dans le cas d'Haïti, ECHO et le MIC ont rapidement procédé à des évaluations conjointes des besoins mais il s'est avéré difficile d'échanger des informations et d'organiser des évaluations conjointes des besoins avec les États membres de l'Union au cours de la phase d'aide d'urgence. Cette situation a entraîné une avalanche de rapports divers, se recoupant parfois, ce qui a compliqué la mobilisation des ressources d'aide disponibles. Comme indiqué précédemment, au niveau de la Commission, la coordination a été facilitée par la récente inclusion de la protection civile et de l'aide humanitaire au sein d'une même DG. Cette nouvelle répartition des compétences a amélioré la consultation au sein des services et a permis la réalisation d'évaluations conjointes et un meilleur partage des informations.
Dans ce contexte, il convient de rappeler qu'"en cas de déploiement pour faire face à une crise humanitaire, le recours aux moyens de la protection civile devrait être fondé sur les besoins et être complémentaire et cohérent avec l'aide humanitaire", comme indiqué dans le consensus humanitaire européen.
La crise en Haïti est survenue également dans un contexte de transition institutionnelle, avec l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne et les débats sur la création d'un Service européen pour l'action extérieure (SEAE). Concernant la gestion de la crise en Haïti, des informations ont fait état d'efforts déployés pour mettre en pratique le traité de Lisbonne, notamment par l'amélioration des échanges entre les services de la Commission et le Conseil.
Toutefois, au lendemain du tremblement de terre, la confusion a régné quant à l'entité supposée assumer la coordination de l'intervention globale de l'Union européenne. Compte tenu de l'ampleur de la crise, la coordination de l'assistance de l'Union européenne a finalement été confiée à la Haute représentante/vice présidente, Mme Ashton, en étroite coordination avec la Commissaire Georgieva, responsable de l'aide humanitaire, de la protection civile et de la coopération internationale.
À l'avenir, le SAES devrait mettre en place une réaction de crise unique qui nécessitera la rationalisation des plateformes de gestion de crise existantes. Des mécanismes clairs de coordination entre les services de la Commission et le secrétariat du Conseil devront être définis, y compris en ce qui concerne la coordination et l'utilisation de ressources militaires de l'Union en cas de catastrophes.
· Le problème de la visibilité
Le manque de visibilité de la réaction de l'Union européenne a également été pointé comme l'une des principales faiblesses de l'intervention de l'Union en Haïti. Les mêmes critiques se sont élevées concernant la réaction de l'Union européenne aux inondations qui ont frappé le Pakistan en juillet et août 2010.
Votre rapporteure estime qu'il convient d'établir des modalités et des procédures précises pour veiller à la visibilité (à la fois pour les États membres et pour l'Union européenne) des ressources de protection civile déployées par les États membres dans le cadre du mécanisme de protection civile de l'Union européenne. La première condition indispensable à cette double visibilité est la volonté politique des États membres de mutualiser les informations et les ressources sous la bannière unifiée de l'Union européenne plutôt que sous les bannières nationales.
En matière de visibilité, votre rapporteure estime également qu'il convient de redoubler d'attention pour améliorer le suivi et la communication générale sur la réaction de l'Union européenne en cas de catastrophe. Il convient de fournir un flux continu d'informations, mises à jour même après la phase d'urgence.
Il convient de communiquer sur l'utilisation des budgets et les résultats obtenus pour montrer à l'opinion publique européenne que l'aide est réelle, concrète et bien gérée.
Conclusions
Cette brève analyse des leçons que nous a enseigné la crise en Haïti montre clairement qu'il est nécessaire de poursuivre les réformes de la capacité de réaction de l'Union européenne en cas de catastrophe. Dans ce contexte, il convient également de souligner que l'amélioration de l'efficacité et de la rapidité de la réaction en cas d'urgence exige une volonté politique forte de la part des différentes parties en présence.
Si des efforts ont été faits récemment pour renforcer la cohérence et la coordination entre le volet "protection civile" et le volet "aide humanitaire" de la réaction de l'Union, les avancées réalisées en vue de la création d'une force de protection civile européenne restent très limitées. Votre rapporteure estime qu'il est grand temps de faire évoluer la situation dans ce domaine, notamment en mettant en œuvre un certain nombre de propositions concrètes qui figuraient dans le rapport Barnier de 2006 (Pour une force européenne de protection civile).
PROPOSITION DE RECOMMANDATION À L'INTENTION DU CONSEIL B7‑0228/2010 (23.3.2010)
déposée conformément à l'article 121, paragraphe 1, du règlement
sur la mise en place d'une capacité de réaction rapide de l'UE
Anneli Jäätteenmäki, Charles Goerens, Louis Michel, Marielle De Sarnez, Frédérique Ries
au nom du groupe ALDE
Le Parlement européen,
– vu la responsabilité qui, au niveau mondial, incombe à l'Union européenne de fournir une aide ainsi qu'une assistance humanitaires rapides et les efforts considérables entrepris par l'Union de par le monde,
– vu la nécessité de mieux coordonner et mettre en commun l'assistance humanitaire existante, et ce dans les 24 heures suivant une catastrophe,
– vu le fait qu'à la suite du récent tremblement de terre en Haïti, la Commission est, pour la première fois, parvenue à déployer deux modules qui y ont été mis à disposition au titre d'une action préparatoire concernant une capacité de réaction rapide de l'UE, élaborée avec le soutien du Parlement,
– vu les propositions contenues dans le rapport intitulé "Pour une force européenne de protection civile: europe aid", élaboré en 2006 par Michel Barnier,
– vu l'article 121, paragraphe 1, de son règlement,
1. adresse au Conseil la recommandation suivante:
a) demander à la Commission de présenter au Parlement des propositions visant à établir, dans les meilleurs délais, une force de protection civile de l'Union européenne fondée sur le mécanisme européen de protection civile et à permettre à l'Union de réunir les ressources nécessaires pour fournir une première aide humanitaire d'urgence dans les 24 heures suivant une catastrophe;
b) veiller à ce qu'un dispositif européen d'intervention rapide:
• revête un caractère civil et/ou humanitaire,
• puisse être mobilisé à tout moment et dans les plus brefs délais,
• agisse sous la bannière de l'Union européenne,
• respecte le droit humanitaire international,
• soit ouvert aux coopérations avec d'autres acteurs humanitaires,
• soit disposé à coopérer avec le système des Nations unies,
• soit ouvert aux contributions de pays tiers,
• respecte le caractère volontaire de la participation des États membres au dispositif à mettre en place,
• soit soucieux de la mise à niveau permanente des capacités tant humaines que matérielles mobilisables à tout moment,
• se fonde sur le principe du partage des charges;
c) inviter la haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et la commissaire chargée de la coopération internationale, de l'aide humanitaire et de la réponse aux crises à jouer un rôle moteur dans la coordination de la réponse de l'Union européenne aux situations de crise, en faisant usage des compétences instaurées par le traité de Lisbonne pour mieux coordonner la réponse de l'Union aux futures crises et en s'appuyant sur les avancées qui ont déjà été réalisées;
2. charge son Président de transmettre la présente recommandation au Conseil et, pour information, à la Commission.
AVIS de la commission des affaires ÉtrangÈres (28.10.2010)
à l'intention de la commission du développement
sur la mise en place d'une capacité de réaction rapide de l'Union européenne
(2010/2096(INI))
Rapporteure pour avis: Renate Weber
SUGGESTIONS
La commission des affaires étrangères invite la commission du développement, compétente au fond, à incorporer dans la proposition de résolution qu'elle adoptera les suggestions suivantes:
1. rappelle le rôle crucial qui incombe au haut représentant et vice-président dans la coordination des opérations de l'Union dans les pays et régions tiers; souligne que la structure et les méthodes de travail du service européen pour l'action extérieure (SEAE) doivent viser à assurer la cohérence et l'homogénéité de l'action de l'Union dans les situations de crise; demande dès lors au Conseil d'octroyer au haut représentant/vice-président un mandat permanent lui permettant d'activer une cellule de crise réunissant des représentants de tous les services appropriés de la Commission et du Conseil, de tous les moyens de planification de l'Union (MIC, CMPD, EMUE, CPCC) pour coordonner la réaction de l'Union en cas de catastrophe afin de pouvoir s'atteler à la tâche rapidement, sans devoir systématiquement passer par le Conseil; propose que cette cellule soit appuyée par une équipe, déployable dans les premières heures suivant la survenue d'une crise et composée d'experts civils (CRT, MIC), militaires et civilo-militaires (EMUE, CPCC) et qui bénéficient aussi de renseignements du SITCEN et du SATCEN;
2. insiste sur la nécessité de coordonner au mieux la réaction de l'Union européenne en cas de catastrophe et d'autres instruments à la disposition de l'Union - en particulier les missions et les instruments civils ou militaires (groupements tactiques par exemple), relevant de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) - qui sont d'ores et déjà en place ou qui pourraient être instaurés au lendemain d'une catastrophe; souligne par ailleurs que la réaction de l'Union pourrait aussi s'appuyer sur les forces multinationales disponibles, comme le commandement européen du transport aérien basé à Eindhoven qui pourrait, par exemple, jouer un rôle dans la coordination des capacités de transport stratégique des États membres;
3. reconnaît que le recours aux ressources militaires et civiles dans les secours en cas de catastrophe doit être utilisé en "dernier ressort", conformément au consensus européen sur l'aide humanitaire et aux directives d'Oslo; rappelle que les moyens militaires fournissent souvent une contribution importante en cas de réaction à une catastrophe aux côtés de la protection civile et de l'aide humanitaire et constate que les ressources militaires peuvent être nécessaires pour combler les manques de moyens criants (en particulier le transport stratégique, les ressources spécialisées, l'ingénierie lourde et les transports); souligne qu'il y a lieu, par conséquent, de développer une approche globale et d'améliorer les synergies entre les capacités civiles et militaires et de déterminer les domaines dans lesquels les États membres peuvent allier leurs efforts et moyens à l'échelle de l'Union et contribuer à la réaction de l'Union face aux catastrophes, ce qui est d'autant plus important dans un environnement économique difficile;
4. invite par conséquent le haut représentant/vice-président et les États membres à faire des efforts substantiels pour explorer les synergies dans la double utilisation des capacités stratégiques de transport aérien à des fins civiles et militaires; salue la coopération entre le Centre de suivi et d'information (MIC) et la cellule de planification des mouvements de l'UE (EUMPC) dans le cadre de l'action mise en place par l'Union européenne en réaction à la catastrophe survenue au Pakistan; demande aux États membres d'accroître sensiblement les capacités de transport aérien mises en commun dans le cadre du commandement européen du transport aérien (EATC) tout en veillant au double usage civil et militaire de ces capacités; salue, à cet égard, la proposition de la présidence belge de mettre en place un corps multinational héliporté au sein de l'EATC qui pourrait être mobilisé aussi bien pour des missions civiles que militaires;
5. encourage le Conseil à poursuivre les discussions en cours sur les moyens d'améliorer la prévisibilité du mécanisme de protection civile de l'Union, et demande l'établissement immédiat d'une force de protection civile, telle qu'elle a été proposée il y a longtemps dans le rapport de Michel Barnier de 2006;
6. insiste sur la nécessité d'élaborer une approche globale et volontariste pour faire face aux catastrophes, en coordonnant les divers moyens d'action dont disposent l'Union et ses États membres, entre autres la gestion de crises (civiles et militaires), l'aide financière et la coopération au développement ou les politiques sociales et environnementales; estime, à cet égard, qu'il convient de gérer plus efficacement la transition entre la réaction à une catastrophe et la reconstruction qui lui succède; rappelle la proposition de créer un corps volontaire européen d'aide humanitaire conformément aux dispositions du traité de Lisbonne (article 214, paragraphe 5) et, dans la perspective de l'année européenne du volontariat 2011, encourage la Commission et le Conseil à se pencher, aux côtés du Parlement européen, sur les règles et les procédures de fonctionnement de ce corps dès que possible, en particulier eu égard aux initiatives similaires prises par certains États membres;
7. rappelle les structures, capacités et instruments existants au titre de la PSDC depuis les Conseils européens d'Helsinki et de Feira, et insiste sur le fait que le budget de la politique de sécurité et de défense commune de l'Union européenne peut servir à financer la gestion des crises civiles (y compris les équipes d'intervention civile); préconise, par conséquent, la mise en place d'une capacité de réaction rapide qui n'empiète pas sur les structures et moyens existants dans le cadre de la PSDC mais qui leur soit complémentaire;
8. rappelle la nécessité de respecter la mission de coordination dont sont investies les Nations unies ainsi que de reconnaître la contribution d'autres acteurs internationaux.
RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION
Date de l’adoption |
28.10.2010 |
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Résultat du vote final |
+: –: 0: |
39 8 2 |
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Membres présents au moment du vote final |
Gabriele Albertini, Pino Arlacchi, Franziska Katharina Brantner, Frieda Brepoels, Elmar Brok, Arnaud Danjean, Mário David, Marietta Giannakou, Ana Gomes, Andrzej Grzyb, Takis Hadjigeorgiou, Anneli Jäätteenmäki, Tunne Kelam, Andrey Kovatchev, Eduard Kukan, Vytautas Landsbergis, Sabine Lösing, Ulrike Lunacek, Kyriakos Mavronikolas, Alexander Mirsky, Annemie Neyts-Uyttebroeck, Raimon Obiols, Kristiina Ojuland, Ria Oomen-Ruijten, Pier Antonio Panzeri, Vincent Peillon, Alojz Peterle, Hans-Gert Pöttering, José Ignacio Salafranca Sánchez-Neyra, Nikolaos Salavrakos, Jacek Saryusz-Wolski, Werner Schulz, Adrian Severin, Charles Tannock, Zoran Thaler, Geoffrey Van Orden, Kristian Vigenin, Graham Watson |
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Suppléant(s) présent(s) au moment du vote final |
Christian Ehler, Kinga Gál, Georgios Koumoutsakos, Barbara Lochbihler, Norbert Neuser, Vittorio Prodi, Potito Salatto, Judith Sargentini, Marietje Schaake, Traian Ungureanu, Renate Weber |
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RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION
Date de l’adoption |
9.11.2010 |
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Résultat du vote final |
+: –: 0: |
20 0 0 |
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Membres présents au moment du vote final |
Thijs Berman, Corina Creţu, Nirj Deva, Charles Goerens, Catherine Grèze, András Gyürk, Eva Joly, Filip Kaczmarek, Gay Mitchell, Norbert Neuser, Bill Newton Dunn, Maurice Ponga, Birgit Schnieber-Jastram, Michèle Striffler, Alf Svensson, Eleni Theocharous, Ivo Vajgl, Anna Záborská, Iva Zanicchi |
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Suppléant(s) présent(s) au moment du vote final |
Judith Sargentini |
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