RAPPORT sur le projet de recommandation du Conseil concernant la nomination d’un membre du directoire de la Banque centrale européenne

18.3.2011 - (00003/2011 – C7‑0058/2011 – 2011/0802(NLE)) - *

Commission des affaires économiques et monétaires
Rapporteur: Sharon Bowles
PR_NLE_art109

Procédure : 2011/0802(NLE)
Cycle de vie en séance
Cycle relatif au document :  
A7-0064/2011
Textes déposés :
A7-0064/2011
Débats :
Textes adoptés :

PROPOSITION DE DÉCISION DU PARLEMENT EUROPÉEN

sur le projet de recommandation du Conseil concernant la nomination d'un membre du directoire de la Banque centrale européenne

(00003/2011 – C7‑0058/2011 – 2011/0802(NLE))

Le Parlement européen,

–   vu la recommandation du Conseil du 15 février 2011 (00003/2011)[1],

–   vu l'article 283, paragraphe 2, point 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, conformément auquel il a été consulté par le Conseil (C7‑0058/2011),

–   vu l'article 109 de son règlement,

–   vu le rapport de la commission des affaires économiques et monétaires (A7-0064/2011),

A.     considérant que par lettre du 18 février 2011, le Conseil a consulté le Parlement européen sur la nomination de Peter Praet à la fonction de membre du directoire de la Banque centrale européenne pour un mandat de huit ans, à compter du 1er juin 2011,

B.     considérant que la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement a évalué les qualifications du candidat proposé, en particulier au regard des conditions énoncées à l'article 283, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et, tel qu'il découle de l'article 130, de l'impératif d'indépendance totale de la BCE et que, dans le cadre de cette évaluation, la commission a reçu du candidat un curriculum vitae ainsi que ses réponses au questionnaire écrit qui lui avait été adressé,

C.     considérant que la commission a procédé ensuite, le 16 mars 2011, à une audition d'une heure et demie du candidat, au cours de laquelle il a fait une déclaration liminaire, puis a répondu aux questions des membres de la commission,

1.      rend, à l'intention du Conseil européen, un avis favorable sur la recommandation du Conseil de nommer Peter Praet comme membre du directoire de la Banque centrale européenne;

2.      charge son Président de transmettre la présente décision au Conseil européen et au Conseil.

  • [1]  Non encore parue au JO.

ANNEXE (1): curriculum VITAE DE PETER PRAET

Peter Praet a été nommé directeur de la Banque nationale de Belgique en 2000, où il est responsable de la stabilité financière et de la supervision des infrastructures financières et des systèmes de paiement. En 2002, il est également devenu membre du comité de direction de la Commission bancaire, financière et des assurances en Belgique (CBFA), où il est responsable de la politique prudentielle des banques et assurances.

Avant d'arriver à la Banque nationale belge, M. Praet a été chef de cabinet du ministre belge des finances de 1999 à 2000, économiste en chef à la Générale de Banque et chez Fortis Banque de 1988 à 1999, professeur d'économie à l'Université Libre de Bruxelles de 1980 à 1987, et économiste au Fonds monétaire international de 1978 à 1980.

M. Praet a passé son doctorat en économie à l'Université Libre de Bruxelles (ULB) en 1980. Il enseigne l'économie à l'ULB depuis 1980. Il enseigne actuellement la théorie monétaire à l'ULB, et de 2001 à 2004, il a occupé la chaire d'éthique de l'entreprise à la Faculté polytechnique et à l'École de commerce Solvay de l'ULB.

M. Praet est membre de plusieurs comités internationaux de haut niveau, dont le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, le Comité sur les systèmes de paiement et de règlement, le Comité sur le système financier mondial et le Comité bancaire européen. Il est premier administrateur suppléant du Comité des directeurs à la Banque des règlements internationaux (BRI). Il préside le Comité de surveillance bancaire du Système européen de banques centrales.

En ces capacités, il a présidé un nombre de groupes de projet et de travail. Actuellement, il préside le groupe de travail sur "Fixed income strategies of insurance firms and pension funds" du Comité sur le système financier mondial et il est co-président du Research Task Force du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire.

M. Praet est membre du conseil d'administration du groupe de réflexion européen BRUEGEL (Brussels European Global Economic Laboratory) depuis 2004 et il est membre du International Advisory Council of the International Centre for Financial Regulation (ICFR). 

PETER PRAET

Directeur

Né à Herchen (Allemagne), 20 janvier 1949Nationalité: belge

Mandats

· Directeur de la Banque nationale de Belgique, responsable de la stabilité financière et de la supervision des infrastructures financières et des systèmes de paiement

· Directeur exécutif du Comité de direction de la Commission bancaire, financière et des assurances (CBFA), responsable de la politique prudentielle Banques/Assurances

· Premier administrateur suppléant du Comité des directeurs à la Banque des règlements internationaux (BRI)

· Membre suppléant du Global Economy Meeting de la BRI

· Membre suppléant du Economic Consultative Committee de la BRI

· Président du Comité de surveillance bancaire du Système européen de banques centrales

Membre des organismes suivants:

Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (BCBS)

Comité de Bâle sur le système financier mondial (CGFS)

Président du CGFS Working Group on Fixed income strategies of insurance firms and pension funds

Coprésident, Research Task Force du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (BCBS)

Comité de Bâle sur les systèmes de paiement et de règlement (CPSS)

Comité européen des contrôleurs bancaires (CEBS), depuis janvier 2011 le Comité bancaire européen

Conseil d'administration du Brussels European and Global Economic Laboratory (BRUEGEL) (2004 – 2011)

Conseil d'administration de XBRL (Extensible Business Reporting Language)

Conseil supérieur des Finances du Royaume de Belgique

2008 Lamfalussy Task Force for a new financial architecture in Belgium

Academic Advisory Board du Brussels Finance Institute - BFI

International Advisory Council de l'International Centre for Financial regulation (ICFR)

Comité des risques et établissements financiers systémiques (CREFS)

Fonctions académiques:

Théorie monétaire, École de commerce Solvay et Département d'Économie, Université Libre de Bruxelles (ULB)

Coordination des politiques macroéconomiques – Institut d'Etudes européennes

Diplômes

Licence en sciences économiques - ULB (1971)

Maîtrise en sciences économiques - ULB (1972)

Doctorat en sciences économiques - ULB (1980)

Principales activités professionnelles

1973 – 1975

Chercheur au département d'économie appliquée et à l'Institut d'études européennes, Université Libre de Bruxelles (ULB)

1976

Service militaire

1977 – 1978

Chercheur à l'Institut d'études européennes, ULB

1978 – 1980

Économiste au Fonds monétaire international

1980 – 1987

Professeur d'économie, ULB

Matières:

· Théorie monétaire

· Union économique et monétaire

· Coordination des politiques macroéconomiques

1987 – 1999

Économiste en chef à la Générale de Banque, puis à Fortis Banque

1999 – 2000

Chef de cabinet du ministre belge des finances

Nov. 2000 à ce jour

Directeur de la Banque nationale de Belgique

Nov. 2002 à ce jour

Membre du comité de direction de la commission bancaire, financière et des assurances (CBFA)

ANNEXE (2) RÉPONSES DE M. PETER PRAET AU QUESTIONNAIRE

A. Parcours personnel et professionnel

1.        Veuillez présenter les principaux aspects de votre expérience professionnelle dans les domaines monétaire, financier et économique.

Ma carrière professionnelle a été centrée sur les domaines monétaire et financier à l'université, dans le secteur bancaire et en tant que fonctionnaire et banquier central.

Après un doctorat en économie à l'Université libre de Bruxelles (ULB) et deux années au FMI en tant qu'économiste, j'ai été professeur d'économie à l'ULB entre 1980 et 1987.

De 1987 à 1999, j'ai été économiste en chef de plusieurs grandes banques en Belgique. J'en ai retiré une bonne connaissance des diverses dimensions de l'activité bancaire.

Entre 1999 et 2000, j'ai été chef de cabinet du ministre des finances belge. Depuis 2000, j'ai été directeur de la Banque nationale de Belgique (BNB), responsable de la stabilité financière et de la supervision des infrastructures financières et des systèmes de paiement. En 2002, j'ai également été nommé membre du comité de direction de la Commission bancaire, financière et des assurances en Belgique (CBFA), où je suis responsable de la politique prudentielle des banques et assurances. J'ai fait partie, à ces deux titres (BNB et CBFA), de plusieurs comités internationaux de haut niveau (voir question 2).

2.        Veuillez présenter les principaux aspects de votre expérience européenne et internationale.

Depuis 2000, je suis membre de plusieurs comités internationaux de haut niveau, dont le comité de Bâle sur le contrôle bancaire, le comité sur les systèmes de paiement et de règlement, le comité sur le système financier mondial et le comité européen des contrôleurs bancaires, qui est devenu tout récemment l'Autorité bancaire européenne. J'ai également été nommé par le conseil des gouverneurs de la BCE à la présidence du comité de surveillance bancaire du Système européen de banques centrales, entre 2007 et 2011.

Dans le cadre de ces différentes fonctions, j'ai été invité à présider un certain nombre de task forces et de groupes de travail. Je préside actuellement le groupe de travail "Fixed income strategies of insurance firms and pension funds" du comité sur le système financier mondial et je suis coprésident de la "Research Task Force" du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire. Je suis également membre du groupe de travail ad hoc du CEF sur la gestion de crise.

De 2000 à 2005, j'ai été responsable à la Banque nationale de Belgique des questions de politique internationale, un domaine couvrant le FMI, la BRI, l'OCDE et l'UE.

Je suis membre du conseil d’administration du groupe de réflexion européen BRUEGEL (Brussels European Global Economic Laboratory) depuis sa création en 2004 et membre de l'International Advisory Council de l'International Centre for Financial Regulation (ICFR).

3.        Quelles sont les décisions les plus importantes auxquelles vous avez pris part dans votre vie professionnelle?

J'ai pris part à de nombreuses décisions au niveau national, européen et international dans les questions économiques et monétaires.

Au niveau national, en tant que chef de cabinet du ministre des finances belge, j'ai été associé à des réformes importantes en matière fiscale et réglementaire. J'aimerais également mentionner la création en 2002 d'un nouveau département de stabilité financière à la Banque nationale de Belgique, qui renforce l'accent mis sur l'analyse et la recherche dans ce domaine. Plus récemment, j'ai activement participé à la gestion de la crise financière en Belgique, et j'ai été membre du groupe Lamfalussy de haut niveau, qui a défini une nouvelle architecture de surveillance pour la Belgique.

J'ai aussi récemment contribué à des groupes internationaux de premier plan en vue d'apporter une réponse à la crise. Au niveau européen, j'ai participé activement à des initiatives visant à renforcer la gestion de crise transfrontalière dans le secteur financier. En tant que membre du comité de Bâle, j'ai consacré beaucoup d'efforts à accroître la résistance du système financier grâce au paquet dit Bâle III.

B. Politique monétaire et économique

4.        Quels sont les objectifs qui guideront votre mandat de huit ans en tant que membre du Directoire de la Banque centrale européenne?

D'abord et avant tout, je me consacrerai pleinement au mandat de la BCE prévu par le traité.

Conformément aux compétences de la BCE, j'agirai en toute indépendance dans l'intérêt général de la zone euro et de l'Union européenne dans son ensemble, ainsi que de leurs citoyens.

J'attache beaucoup de prix à l'intégrité, à la transparence et à la responsabilité. J'estime également que la prise de décision collégiale et un personnel extrêmement professionnel sont des atouts majeurs pour la BCE.

5.        Quel est votre avis sur la politique monétaire telle qu'elle a été mise en œuvre par le SEBC depuis 12 ans? Quelles modifications défendriez-vous le cas échéant si vous deveniez membre du Directoire?

Dans l'ensemble, la politique monétaire dans la zone euro a été élaborée de façon satisfaisante à mon sens. Les études et les indicateurs du marché financier en matière de prévisions d'inflation ont été conformes en général avec la définition de la stabilité des prix de la BCE. Cet ancrage des prévisions d'inflation témoigne de la large crédibilité dont bénéficie auprès des marchés et du public l'engagement de la BCE d'apporter ce qui est attendu, à savoir la stabilité des prix. La BCE a atteint cet objectif en dépit des nombreux défis exceptionnels auxquels elle a dû faire face au cours des 12 dernières années. La BCE a réagi rapidement lorsque les troubles financiers ont éclaté en 2007, puis quand ils se sont transformés en crise financière. Même au cours de cette période, avec quelques mois de taux d'inflation négatifs, les prévisions d'inflation à moyen et long terme restent bien ancrées.

Ceci dit, la crise financière a soulevé un certain nombre de questions sur la relation entre la politique monétaire et la stabilité financière. Une meilleure compréhension du rôle du secteur financier dans le mécanisme de transmission de la politique monétaire est essentielle. Comme je le mentionne à la réponse 6, le suivi du prix des actifs constitue un élément important d'une stratégie robuste en matière de politique monétaire.

6.        On affirme souvent qu'en raison des changements structurels qui sont intervenus dans l'économie mondiale, on est passé de l'inflation des prix à la consommation à l'inflation des prix des actifs. Quelle est votre opinion à ce sujet et quelles conséquences entrevoyez-vous en matière de politique monétaire?

Ces 30 dernières années, le niveau de l'inflation et sa volatilité ont baissé tout d'abord dans les économies développées, puis dans les pays en développement. Jusqu'à la veille de la crise financière, le débat s'est longtemps concentré sur les interprétations possibles de cette "grande modération", comme les changements structurels et notamment la mondialisation et une meilleure efficacité de la politique monétaire. La réponse la plus probable est que ces deux facteurs ont largement contribué à réduire l'inflation et sa volatilité.

Nous ne pouvons néanmoins dire que la lutte contre l'inflation est définitivement gagnée et que nous sommes entrés dans une nouvelle ère, où l'inflation porte sur les actifs plus que sur les prix à la consommation. En même temps, il est vrai que la maîtrise de la dynamique de l'inflation, en réduisant la prime de risque demandée par les marchés financiers, peut avoir contribué à favoriser des évolutions non viables dans certains prix d'actifs. Dans une perspective d'avenir, les banques centrales doivent préserver leur propre crédibilité durement gagnée au cours des trente dernières années et rester centrées sur leur objectif de stabilité des prix, en tenant dûment compte des implications de l'évolution des prix des actifs pour les risques à moyen et long terme en termes de stabilité des prix.

Le suivi de l'évolution des prix des actifs constitue un élément important d'une stratégie solide en matière de politique monétaire. Une évolution non viable des prix des actifs peut annoncer des ajustements douloureux – même dans un avenir lointain – susceptibles de mettre en péril la capacité d'une banque centrale à maintenir la stabilité des prix de façon durable. La stratégie de la BCE en matière de politique monétaire, par exemple, est conçue de façon à intégrer effectivement les risques à long terme pour la stabilité des prix qui émanent d'une dynamique non viable des prix des actifs. Dans l'analyse monétaire, qui joue un rôle important dans la détermination des perspectives à moyen et long terme de l'évolution des prix, l'évaluation de l'évolution en termes monétaires et de crédit permet de suivre les interactions entre la formation des prix sur les marchés des actifs et la création de crédit et de liquidités dans le secteur financier. La politique monétaire est ainsi encouragée à adopter une attitude à contre-tendance à l'égard des débuts de déséquilibres des prix des actifs qui se reflètent dans la dynamique des agrégats monétaires et de crédit. Cela aide la politique monétaire à limiter la création de bulles concernant les prix des actifs au cours des cycles financiers et ainsi à maintenir la stabilité des prix sur une base durable.

Néanmoins, la politique monétaire ne constitue pas nécessairement l'instrument le plus approprié pour traiter les flambées des prix du crédit/des actifs. Le recours à des instruments macroprudentiels ciblant les sources d'exubérance financière peut s'avérer plus approprié. En même temps, nous avons peu d'expérience de ces instruments.

7.        Quelle est votre évaluation des conséquences de l'augmentation des cours des produits de base pour la politique monétaire? Y a -t-il un conflit en termes de politique monétaire entre la lutte contre la récession et le fait de rester vigilant concernant l'inflation (les prévisions d'inflation)?

La politique monétaire de la BCE est centrée sur l'évolution des prix à moyen terme. Les changements de position de la politique monétaire prennent un certain temps pour influencer l'économie et, en fin de compte, les prix. L'augmentation des cours des produits de base qui a été observée n'affectera donc la politique monétaire que dans la mesure où elle crée des risques à la hausse pour la stabilité des prix à moyen terme. Les effets à court terme sur l'inflation générale, provenant des effets directs de la hausse des cours des produits de base sur l'inflation, et des effets indirects de leur utilisation dans le processus de production, ne motivent pas, en principe, la BCE à réagir, étant donné que l'effet sur les prix à la consommation ne serait que temporaire.

Les choses commencent à devenir différentes si cette pression haussière à court terme s'enracinait dans le comportement des consommateurs, des producteurs et des participants aux marchés financiers, entraînant l'apparition d'effets de second tour. En outre, dans le cas d'une tendance durable à la hausse des cours des produits de base, la banque centrale pourrait avoir à intervenir si une déviation persistante de l'objectif de stabilité des prix risque de porter préjudice au ferme ancrage des prévisions d'inflation. En l'occurrence, un resserrement de la politique monétaire serait nécessaire pour revenir à une situation de stabilité des prix et un bon ancrage des prévisions d'inflation. Dans la situation actuelle, nous devons suivre de près le prix des produits de base et leurs répercussions sur l'économie et l'inflation.

Le mandat premier de la BCE est de maintenir la stabilité des prix à moyen terme. À cet effet, elle fixe des taux d'intérêt et actuellement elle applique également des mesures non standard visant à assurer que les faibles taux d'intérêt soient transférés à l'économie comme en temps normal. Assurer la stabilité des prix est la meilleure contribution que la BCE puisse apporter à l'amélioration des perspectives de reprise économique durable (voir également la réponse à la question 8).

8.        Sans préjudice de l'objectif de stabilité des prix, comment, selon vous, la BCE doit-elle s'acquitter des obligations secondaires qui lui incombent en vertu du traité (contribuer à la croissance économique et au plein emploi) et quels instruments doit-elle utiliser pour ce faire?

Conformément au traité, la BCE a déterminé un critère numérique clair pour la réalisation de la stabilité des prix. Elle vise à maintenir l'inflation en-dessous de 2 % à moyen terme, mais proche de ce chiffre, et a pleinement réalisé cet objectif depuis le départ. Il existe un large consensus sur le fait qu'une banque centrale ne peut influencer la croissance économique de manière durable en modifiant la masse monétaire. Toutefois, la stabilité des prix est la contribution la plus importante que la politique monétaire puisse apporter à la réalisation d'un environnement économique favorable et à un niveau d'emploi élevé. Elle contribue structurellement aux autres objectifs de l'Union européenne en augmentant le potentiel de croissance de l'économie de la zone euro.

Sans préjudice de l'objectif de stabilité des prix, le traité envisage également le soutien du SEBC aux politiques économiques générales dans l'Union, en vue de contribuer notamment au développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et tendant au plein emploi. Au cours de la crise financière, la politique monétaire a réagi aux chocs économiques et financiers par des orientations appropriées à moyen terme visant à assurer l'ancrage solide des prévisions d'inflation et à stabiliser l'évolution macroéconomique. Sans mettre en danger la stabilité des prix, la BCE a apporté un soutien suffisant à l'économie en faisant usage de son instrument en matière de taux d'intérêts. D'autre part, en plus des réductions conventionnelles des taux d'intérêt jusqu'à des niveaux historiquement bas, la réponse de la BCE a été aussi souple que les circonstances l'exigeaient. Elle a adopté des mesures non standard en vue d'assurer une transition en douceur de la politique monétaire dans un contexte d'incertitude et d'instabilité inhabituellement élevées sur les marchés financiers.

9.        Quel est votre point de vue sur les relations institutionnelles entre la BCE, le Conseil et/ou l'Eurogroupe? Pensez-vous que la coordination et la surveillance économique à l'intérieur de l'Eurogroupe devraient être améliorées?

La BCE prend part, en permanence, aux réunions du Conseil ECOFIN, de l'Eurogroupe et de leurs comités préparatoires. Le président de la BCE participe aussi régulièrement aux parties des réunions du Conseil européen qui le concernent. Cette étroite coopération permet à la BCE d'informer les ministres de ses décisions de politique monétaire et de son évaluation de l'évolution économique et financière. Inversement, grâce à sa participation à ces forums, la BCE est associée aux débats sur les politiques budgétaires et les autres politiques macroéconomiques et structurelles des États membres (comme le prévoit le semestre européen), les politiques des affaires financières internationales et du secteur financier.

Néanmoins, les propositions législatives de la Commission sur la gouvernance économique dans l'UE, la coordination et la surveillance économique devraient effectivement être renforcées. L'Eurogroupe a un rôle crucial à jouer, en incarnant le pilier "économique" de l'UEM. Cette coopération renforcée devrait viser à éviter l'accumulation de déséquilibres intenables susceptibles de mettre en danger le bon fonctionnement de l'union économique et monétaire, en assurant une situation budgétaire viable et en renforçant le potentiel de croissance de la zone euro.

10.      Que pensez-vous des propositions législatives sur la "réforme de la gouvernance économique" actuellement débattues au sein du Parlement européen? Pensez-vous que la surveillance intégrée soit un pas dans la bonne direction ou accorderiez-vous la préférence à la surveillance budgétaire?

Si les propositions présentées par la Commission représentent un élargissement et un renforcement importants du cadre existant de la surveillance budgétaire et macroéconomique dans l'UE, elles ne constituent pas l'avancée décisive dans le cadre de gouvernance économique de l'UEM en vue d'une union économique plus profonde que la BCE appelle de ses voeux. À cet égard, je salue les efforts du Parlement européen et j'espère qu'ils exploiteront pleinement la marge disponible dans le traité pour renforcer la gouvernance économique au maximum lors des prochaines discussions du trilogue avec le Conseil et la Commission.

La principale leçon que nous pouvons tirer de la façon dont la surveillance été pratiquée dans le passé est que les règles doivent être respectées strictement et que tout écart doit être suivi de mesures correctrices quasi automatiques. Ce résultat peut être obtenu par des procédures claires et en temps opportun, aisées à interpréter et à mettre en oeuvre.

La crise récente a démontré que les déséquilibres macroéconomiques peuvent constituer des risques graves pour les finances publiques, susceptibles de se concrétiser très rapidement. Il est également devenu évident que ces risques n'ont pas été suffisamment suivis et traités dans le cadre de gouvernance actuel. Une approche plus intégrée de la surveillance est donc nécessaire. Il est bon que, dans le cadre du semestre européen, les différentes procédures de surveillances soient synchronisées afin d'assurer la cohérence, même si elles restent distinctes du point de vue juridique et procédural.

11.      Quels rôles, relations et défis assignez-vous à la BCE et au mécanisme européen de stabilité qui sera bientôt mis en place?

Un certain nombre de tâches sont prévues pour la BCE dans la déclaration de l'Eurogroupe sur le mécanisme européen de stabilité (MES) du 28 novembre 2010, approuvée par le Conseil européen les 16-17 décembre 2010.

Tout d'abord, la Commission et le FMI, en liaison avec la BCE, négocieront et suivront les programmes d'aide économique et financière pour les pays de la zone euro qui demandent l'aide du MES, comme c'est le cas dans la pratique pour le prêt à la Grèce et pour l'aide du Fonds européen de stabilité financière (FESF) et du mécanisme européen de stabilisation financière (MESF). Toutefois, la BCE ne devrait pas assumer un rôle dirigeant dans ce contexte, étant donné qu'une trop forte participation au suivi des programmes pourrait affaiblir son indépendance.

Ensuite, avant l'aide du MES, la Commission et le FMI, en concertation avec la BCE, procéderont à une analyse approfondie de la viabilité de la dette, sur la base de laquelle l'Eurogroupe prendra une décision unanime quant à l'octroi d'une aide.

Enfin, l'efficacité globale du cadre prévu pour le MES fera l'objet d'une évaluation par la Commission en 2016, en concertation avec la BCE.

12.      Quelles seraient les implications de l'émission d'euro-obligations pour la gouvernance économique dans la zone euro?

La suggestion d'obligations garanties conjointement, ou "euro-obligations", a été émise de divers côtés, tant comme instrument destiné à accroître la liquidité sur les marchés de la dette souveraine de la zone euro que comme mécanisme éventuel pour contribuer à résoudre la crise de la dette souveraine.

Toutefois, il importe d'abord de se pencher sur plusieurs aspects clés. Le plus important est que des obligations garanties conjointement, avec un taux d'intérêt unique pour la zone, créent un problème considérable d'incitant en raison de la mise en commun. Elles pourraient contrecarrer les incitants à la prudence budgétaire au niveau national et décourager les pays de prendre des mesures difficiles sur le plan politique pour prévenir et résoudre les crises eux-mêmes. Les effets d'incitation négative pourraient s'appliquer non seulement aux pays bénéficiant de faibles taux d'intérêt sur de telles obligations, mais aussi à ceux qui les paieraient, étant donné qu'ils ne recueilleraient plus les fruits de leur prudence budgétaire passée.

Des euro-obligations conjointes ont un sens dans un environnement où une part considérable de la compétence budgétaire est transférée du niveau national au niveau de l'Union et où l'Union dispose de suffisamment d'instruments pour contrer les effets d'incitation négative d'obligations conjointes. Ce serait l'équivalent des mécanismes financiers actuels entre le gouvernement central et les autorités régionales dans les États fédéraux.

13.      Quels sont, selon vous, les objectifs les plus importants de la stratégie pour l'emploi et la croissance d'ici 2020? Comment la BCE et les instruments de coordination économique et politique pourraient-ils contribuer à la réussite de cette stratégie? Veuillez indiquez par ordre d'importance les réformes structurelles qui sont, à votre sens, une priorité dans l'UE.

Il est crucial que l'Europe accroisse son potentiel de croissance. La meilleure façon de le faire est de créer un climat permettant à l'innovation de s'épanouir et de se diffuser. Le principal atout de l'Europe est son capital humain. L'innovation devrait contribuer à répondre aux défis environnementaux et une hausse de la productivité est nécessaire pour relever le niveau de vie et contribuer à conduire les finances publiques sur une voie viable, en dépit du coût du vieillissement.

Une surveillance améliorée et renforcée des politiques des États membres, y compris le nouveau mécanisme de surveillance macroéconomique proposé par la Commission, est essentielle pour la stratégie Europe 2020. Outre assurer la stabilité des prix, la BCE devrait également contribuer à la stabilité financière pour créer un environnement propice à la croissance.

En termes de priorités dans les réformes structurelles, il est crucial de mettre en oeuvre d'urgence des réformes structurelles substantielles et profondes, qui complètent la consolidation budgétaire, afin de rétablir la compétitivité et d'obtenir un potentiel plus élevé de croissance économique et d'emploi. La modération salariale, les incitants effectifs au travail ainsi que des efforts renforcés en matière d'éducation et de formation et la suppression des rigidités nominales et réelles sur le marché du travail contribueraient notablement à réduire le chômage structurel au cours des prochaines années. Dans le cas des marchés de produits, les politiques qui renforcent la concurrence intérieure et transfrontalière et soutiennent l'innovation devraient être développées pour accélérer la restructuration et l'investissement et faciliter les avancées dans l'augmentation de la productivité. Ceci inclut en particulier la mise en oeuvre de la directive services pour renforcer la concurrence transfrontalière dans le secteur des services. Les réformes structurelles devraient également être soutenues par une réorganisation et une consolidation appropriées du secteur bancaire. Des bilans sains, une gestion du risque efficace et transparente et des modèles d'entreprise solides restent la clé pour renforcer la résistance des banques aux chocs et assurer un accès adéquat au financement, en établissant ainsi les bases d'une croissance et d'une stabilité financière durables.

14.      Quel est votre avis concernant le rythme auquel les nouveaux États membres devraient adhérer à l'union monétaire et adopter l'euro, compte tenu de tous les critères de convergence et de la participation au mécanisme de change (MCE II)? Quelle est votre opinion sur l'avenir de l'union monétaire européenne à long terme et quels sont les principaux défis à venir?

Tous les nouveaux États membres devraient adopter l'euro une fois qu'ils ont atteint un degré élevé de convergence durable, comme le prévoient le traité et le protocole. Il n'y a pas de calendrier prédéfini pour l'adoption de l'euro. La participation au MCE II constitue un premier pas sur la voie de l'euro. Au cours de cette période, les États membres devraient démontrer qu'ils peuvent assurer la stabilité des prix, la discipline budgétaire et également la compétitivité sans grandes modifications du taux de change. L'évaluation des critères de convergence repose sur l'idée que la durabilité est d'une importance cruciale. Sans convergence durable, la position de la BCE en matière de politique monétaire ne sera sans doute pas appropriée pour le pays, qui pourrait être confronté au risque d'une série de cycles d'expansion et de récession, étant donné qu'il ne dispose pas des outils d'action importants pour stabiliser les conditions économiques intérieures.

L'union économique et monétaire possède un avenir fort, mais il est nécessaire de renforcer le potentiel de croissance de l'économie européenne (voir question 13) et le pilier économique de l'UEM. À cet égard, je suis d'accord avec la BCE, qui plaide pour une avancée majeure dans le cadre de gouvernance économique de l'UEM, afin de réaliser une union économique plus profonde. Plus spécifiquement, il est urgent d'élargir et de renforcer la surveillance macroéconomique et budgétaire de la zone euro. Avant tout, ceci implique de créer des règles plus strictes et plus contraignantes pour la politique budgétaire, avec à l'appui un renforcement des sanctions ou des mécanismes destinés à assurer leur respect. Ensuite, un nouveau cadre est nécessaire pour suivre la compétitivité et assurer que des mesures soient prises pour prévenir les déséquilibres qui surgissent dans le secteur privé (par exemple une croissance excessive du crédit). Dans la mesure où le renforcement de la surveillance budgétaire et macroéconomique n'est pas suffisant à lui seul pour contenir le risque des crises de la dette souveraine, il convient de mettre en place un cadre permanent de gestion de crise susceptible, en dernier recours, de préserver la stabilité de la zone euro dans son ensemble.

15.  Que pensez-vous de l'imposition des transactions financières à court terme? Pensez-vous qu'une taxe sur les opérations en devises est compatible avec les traités de l'UE garantissant la libre circulation des capitaux? Pensez-vous qu'une taxe sur les opérations en devises impliquant l'euro pourrait avoir des effets bénéfiques – en stabilisant par exemple les taux de change des pays souhaitant intégrer la zone euro à l'avenir?

La crise financière a mis en avant des problèmes de surajustements du prix des actifs et de volatilité excessive. Ces questions devront être traitées. Cependant, je ne suis pas encore convaincu qu'une taxe sur les transactions financières à court terme serait une façon efficace de le faire. En tous les cas, nous devrions aborder ces problèmes à l'intérieur du nouveau cadre macroprudentiel.

Des arguments techniques plaident contre l'instauration d'une taxe sur les transactions financières. Pour qu'une telle taxe soit efficace, il faut réduire au minimum l'évasion fiscale (par exemple, la délocalisation géographique d'activités vers des zones où la taxe n'est pas appliquée, comme il est mentionné plus haut, et la mobilité d'un produit financier à l'autre). À cette fin, la taxe devrait être adoptée sur une échelle mondiale et couvrir un large éventail de produits. De sérieux problèmes de coordination lors de la définition du cadre juridique et de sa mise en oeuvre stricte en découleraient.

En outre, une taxe sur les transactions financières pourrait produire des effets inverses de ceux que prônent ses partisans, à savoir réduire la volatilité et dissuader la spéculation. Je conviens de l'importance de ces objectifs mais je pense qu'il existe d'autres moyens, par exemple une réglementation accrue, qui seraient plus efficaces à cet égard.

Si l'on observe en particulier le cas des opérations de change, une taxe frappant toutes les opérations de change pourrait produire des effets pervers, car elle ne peut faire la distinction entre des clients qui ont besoin de devises pour l'achat de biens ou de services étrangers et les spéculateurs. Une partie considérable du marché des changes est constituée d'agents qui redistribuent entre eux les déséquilibres entre ordres d'achat et de vente. Dès lors, l'ordre d'un client peut précipiter une chaîne de plusieurs transactions entre agents. Dans ce cas, une taxe appliquée au montant de la transaction fictive, à chaque étape de la chaîne, entraînerait la multiplication de la taxe totale, dont le coût serait sans doute répercuté sur le client.

Je ne suis pas juriste, mais j'observe que la BCE, dans un avis officiel, a émis des doutes juridiques quant aux taxes frappant les transactions en devises dans des États membres de l'Union européenne, y compris au regard de la compatibilité avec le traité.

16.      Quelle est votre opinion sur les rôles respectifs du Conseil et de la BCE en termes de représentation extérieure de la zone euro?

La représentation de la "branche monétaire" de l'UEM est unifiée et cohérente. La politique monétaire unique est représentée par la BCE dans toutes les institutions et enceintes internationales concernées. La politique monétaire est une compétence exclusive de l'Union, ce qui signifie que l'Union est seule compétente pour la représenter à l'extérieur. Une clarté similaire s'applique aux questions de taux de change, qui sont elles aussi une compétence exclusive de l'Union. La représentation de cette compétence est assurée par la BCE et par le Conseil ECOFIN (membres représentant les États de la zone euro).

La représentation extérieure des politiques économiques de la zone euro est conforme à la répartition des compétences internes entre l'Union et les États membres, lesquels demeurent compétents pour les politiques économiques, sous réserve d'un cadre européen. Si les États membres sont membres d'enceintes économiques internationales telles que FMI, où ils peuvent assumer des responsabilités financières, ils doivent agir en association étroite avec l'institution compétente de l'Union chaque fois que tout ou partie d'un sujet relève d'une compétence de l'Union.

Des efforts sont en cours en vue d'une plus grande coordination. L'article 138 du traité prévoit pour le Conseil (membres représentant les États de la zone euro) la possibilité d'adopter des "positions communes concernant les questions qui revêtent un intérêt particulier pour l'UEM" et "d'assurer une représentation unifiée au sein des institutions et conférences financières internationales". À plus long terme, je suis personnellement favorable, à mesure du renforcement de la gouvernance économique et de la coordination des positions, à une représentation unique de la zone euro ou de l'UE dans les enceintes internationales, pour autant que les mécanismes internes de décision européens soient efficaces.

17.      Quelle est votre analyse de l'évolution récente du taux de change USD/EUR? Comment évaluez-vous l'évolution récente du taux de change renminbi/euro? Estimez-vous que les banques centrales sont en mesure de lutter efficacement contre une volatilité excessive? Pensez-vous qu'il conviendrait de promouvoir le rôle international de l'euro?

L'évolution des taux de change au cours des 14 derniers mois a suivi dans une large mesure l'évolution de la reprise économique, de la situation budgétaire et de la politique monétaire à travers le monde. Pendant le premier semestre 2010, l'euro a reculé face au dollar américain, du fait de l'inquiétude croissante quant à la situation de la dette souveraine dans certains pays membres de la zone euro et d'une reprise macro-économique plus forte aux États-Unis que dans la zone euro. Pendant le second semestre de l'année, l'euro a rebondi, dans un certain climat de volatilité, du fait essentiellement du soulagement des inquiétudes concernant la dette souveraine et d'un surcroît de dynamisme économique aux États-Unis. En janvier et en février 2011, les taux de change traduisaient essentiellement l'incertitude quant à l'évolution de la situation dans certains pays producteurs de pétrole.

Depuis juin 2010, lorsque son cours a cessé d'être attaché de fait à celui du dollar américain, le renminbi a gagné environ 4% par rapport au dollar américain mais a perdu plus de 7% contre l'euro et 3% en termes effectifs nominaux. Je pense que les autorités chinoises devraient exploiter la flexibilité offerte par le nouveau cadre politique pour permettre une appréciation progressive du renminbi en termes effectifs. La communauté internationale convient - et les dirigeants du G20 l'ont réaffirmé à Séoul l'année dernière - qu'il est dans l'intérêt des économies émergentes concernées, y compris la Chine, et de la communauté internationale, de progresser vers des systèmes de change plus déterminés par le marché, de renforcer la stabilité des taux de change pour tenir compte des fondamentaux économiques sous-jacents et de s'abstenir des dévaluations compétitives de monnaies.

Il est clair qu'une volatilité excessive et des mouvements désordonnés des taux de change ont des implications négatives pour la stabilité économique et financière. Concernant la capacité des banques centrales à s'attaquer au problème de la volatilité excessive des taux de change, la zone euro a adopté un régime de taux de change souple, qui implique que la valeur extérieure de l'euro par rapport aux devises des pays tiers est déterminée par le marché. Cette disposition permet à la BCE de se concentrer sur son objectif – la préservation de la stabilité des prix – et devrait contribuer à limiter la volatilité des taux de change.

Je suis d'accord avec la politique de la BCE, poursuivie depuis le lancement en 1999 de l'Union monétaire, de ne pas faire campagne pour favoriser ou empêcher l'usage international de l'euro. L'évolution du rôle joué par l'euro à l'extérieur est, avant tout, le résultat des mécanismes du marché et des décisions du secteur privé. La crédibilité de la politique monétaire de la BCE favorisera un plus grand recours à l'euro dans les transactions internationales.

18.      Que pensez-vous des réalisations du G20? Que pensez-vous du niveau actuel de coordination?

Le G20 a contribué à fournir une impulsion politique au plus haut niveau pour l'endiguement de la crise, la gestion de la crise et la prévention de futures crises. La cohésion du G20 devra également être assurée une fois que la crise sera terminée. Il est donc tout à fait bienvenu que les dirigeants du G20, tout récemment lors de leur sommet de Séoul en novembre 2010, aient souligné l'importance de la poursuite de la coopération politique internationale pour lutter contre les racines de la crise financière et jeter les fondements d'une croissance économique mondiale saine. Je dois dire que je suis encouragé par le haut niveau de responsabilité collective des membres du G20. Dans le même temps, j'observe que, du fait de l'hétérogénéité de la composition du G20, il est bien plus difficile de coordonner et d'adopter des positions communes. De même, il est important que le processus devienne plus inclusif, pour associer d'autres pays.

Parmi les divers points au programme du G20, je soulignerais les suivants:

Premièrement, le cadre du G20 pour une croissance forte, durable et équilibrée est un mécanisme utile dans la coopération multilatérale. Il est désormais vital que tous les membres du G20, conjointement avec le FMI, mettent pleinement en pratique les engagements qu'ils ont pris à l'intérieur de ce cadre. À cet égard, des mesures audacieuses pour préserver la viabilité budgétaire et des réformes structurelles ambitieuses sont indispensables. L'Europe devrait montrer l'exemple.

Deuxièmement, les dirigeants du G20 ont approuvé les principaux éléments, y compris le travail important mené à bien par le comité de Bâle et le CSF, qui permettront de transformer le système financier. Il est désormais important que les membres du G20 progressent dans la mise en oeuvre des accords conclus.

C. Stabilité et contrôle financiers

19.      Quelles mesures recommanderiez-vous pour renforcer les liens entre la surveillance macroprudentielle et la surveillance microprudentielle? Pensez-vous que le CERS et les AES auront de véritables pouvoirs?

Le Système européen de surveillance financière récemment mis en place est la première étape pour dynamiser la coopération entre la supervision micro- et macroprudentielle. Le système devrait se développer sur la base d'une culture commune de la surveillance entre les autorités de manière à améliorer les complémentarités de la surveillance micro- et macroprudentielle et à renforcer la surveillance transfrontalière. Les trois AES et le CERS devraient agir sur la base d'un échange adéquat et efficace d'informations, d'analyses de données et de méthodes.

Pour être efficaces, les AES et le CERS devraient exploiter pleinement les compétences et les instruments que les règlements leur donnent. En particulier, le cadre juridique prévoit certaines compétences contraignantes pour les AES, y compris des normes techniques applicables une fois transposées en droit de l'Union européenne, la compétence pour enquêter sur les infractions au droit de l'Union et la possibilité de déclencher des instruments juridiques contraignants pour les entreprises ou les acteurs du marché. Inversement, le législateur a donné au CERS un rôle selon le principe "agir ou se justifier". Ces compétences peuvent être efficaces si elles s'appuient sur la crédibilité, la réputation institutionnelle et l'excellence. Cette autorité intellectuelle repose, entre autres, sur l'indépendance du CERS et des AES ainsi que sur des effectifs et une dotation budgétaire suffisants.

20.      Concernant le CERS, voyez-vous un possible conflit d'intérêt avec le mandat de la BCE vis-à-vis de la politique monétaire?

Je ne vois pas de conflit d'intérêt. Les compétences de la BCE et du CERS sont clairement distinctes. Le principal objectif de la BCE est de maintenir la stabilité des prix dans la zone euro. En outre, elle contribue "à la bonne conduite des politiques menées par les autorités compétentes en ce qui concerne (…) la stabilité du système financier" et favorise le bon fonctionnement des infrastructures du marché. Le CERS, quant à lui, est chargé de la surveillance macroprudentielle du système financier de l'UE, détecte les risques pesant sur la stabilité financière et, le cas échéant, émet des alertes sur les risques et formule des recommandations pour répondre à de tels risques. On se trouve en présence d'une instance clairement chargée d'utiliser la politique monétaire pour maintenir la stabilité des prix et d'un outil macroprudentiel (devant encore être développé) visant à gérer les risques qui pèsent sur le système financier.

Cela étant dit, il faut admettre que l'on ne saurait analyser la stabilité des prix et la stabilité financière indépendamment l'une de l'autre. À long terme, la stabilité des prix contribue à la stabilité financière, tandis que la stabilité financière est une condition préalable de la capacité de la Banque centrale à maintenir la stabilité des prix. Dès lors, les objectifs de la BCE et du CERS se renforcent mutuellement.

Cependant, on pourrait également imaginer des situations dans lesquelles le recours à des instruments de la politique monétaire se répercute sur la stabilité financière et, vice versa, des situations dans lesquelles les instruments de la politique macroprudentielle ont une incidence sur l'inflation. Je suis convaincu que, grâce à l'indépendance de la BCE et du CERS, les instruments respectifs se concentreront sur les objectifs pour lesquels les outils ont été mis au point. En outre, les gouverneurs des banques centrales étant représentés au CERS, les flux d'informations nécessaires concernant aussi bien la situation macroéconomique que les risques pour la stabilité financière sont garantis quasiment par définition.

Même si la politique macroprudentielle devait être un échec (dans le sens où elle serait inefficace ou mise en œuvre d'une manière insuffisante par les autorités compétentes), il n'y a pas de conflit à long terme pour la Banque centrale, en raison de l'alignement de la stabilité des prix et financière à long terme (voir question 6). À court et à moyen terme, il se pourrait que la Banque centrale, dans une telle hypothèse, doive mener une politique préventive, en allant "à contre-courant" des déséquilibres financiers croissants, et accepter une dérogation temporaire à sa définition quantitative de la stabilité des prix (par exemple: une inflation des prix à la consommation légèrement inférieure en période d'explosion générale des prix des actifs). Une telle politique garantirait la stabilité des prix et financière à long terme, dès lors qu'elle contribuerait à endiguer les déséquilibres financiers et donc à éviter une forte déflation pendant la phase de résorption de ces déséquilibres. Une politique monétaire préventive a toujours été une part implicite de la stratégie à deux piliers de la BCE, notamment à travers le pilier monétaire et en particulier par le lien entre les développements de la masse monétaire et du crédit et des cycles coûteux de boom et bust. De même, de telles situations, difficiles pour les décideurs de la politique monétaire, devraient devenir moins fréquentes et moins graves, du fait de la mise en place du CERS.

21       Comment voyez-vous le rôle de la BCE dans la surveillance bancaire à l'avenir?

La mise en place du CERS, nouvel organisme chargé de la surveillance macroprudentielle du système financier de l'Union européenne, et le renforcement parallèle du cadre de coordination de l'Union européenne parmi les autorités nationales chargées de la surveillance microprudentielle, au moyen de la mise en place des autorités de surveillance européennes, représentent une mesure importante pour relever les défis et remédier aux lacunes révélés par la crise financière.

La BCE jouera un rôle important dans le nouveau cadre, car elle apporte un soutien analytique, statistique, administratif et logistique au CERS, y compris au secrétariat de ce dernier. La BCE, avec la participation de tous les membres de son Conseil général, devrait également faire profiter le CERS de l'expertise macroéconomique, financière et monétaire de toutes les banques centrales de l'Union européenne. Cette contribution sera étayée par les activités de la BCE et du CERS dans les divers secteurs bancaires centraux (analyse de la stabilité financière, analyse macro-économique, collecte d'informations statistiques) et par les synergies globales en termes d'expertise, de ressources et d'infrastructures des banques centrales nationales de l'Union européenne. Le comité de surveillance bancaire de la BCE, que j'ai présidé entre 2007 et 2011, était déjà actif dans ce domaine. Son expérience et ses travaux préparatoires seront utiles pour le nouveau comité technique consultatif du CERS.

Enfin, la BCE participe aux réunions de l'Autorité bancaire européenne et du Comité bancaire européen (niveau 2) et apportera sa contribution aux débats techniques de ces instances. En outre, comme vous le savez, la BCE fournit des avis juridiques sur toutes les initiatives de l'Union européenne (et nationales) qui peuvent se répercuter sur la stabilité financière, comme par exemple la DAFP IV.

22       Selon vous, quels sont les points les plus urgents de la législation concernant les services financiers?

Premièrement, les nouvelles règles Bâle III, y compris les nouvelles mesures concernant les ratios de levier, les normes de liquidité et les tampons anticycliques. La mise en oeuvre de ces nouvelles règles est en cours en Europe, au travers de modifications de la directive sur l'adéquation des fonds propres, auxquelles la Commission travaille actuellement. J'aimerais souligner, à ce propos, que certains éléments de la réglementation prudentielle sont très étroitement liés à la surveillance macroprudentielle; je pense, par exemple aux tampons contre-cycliques, à propos desquels le CERS devrait jouer un rôle important en collaboration avec l'Autorité bancaire européenne.

Deuxièmement, les travaux concernant les établissements financiers ayant une importance systémique. Ceux-ci devraient être achevés en 2011.

Troisièmement, la gestion et la résolution des crises. Concernant l'Union européenne, la Commission européenne a lancé une consultation publique en janvier. Le cadre proposé contiendrait des dispositions visant à améliorer la préparation aux crises des autorités et des institutions. Le nouveau cadre de l'Union européenne devrait harmoniser les régimes nationaux et prévoir des mécanismes de coopération pour gérer efficacement les faillites bancaires transfrontalières. Des montages financiers crédibles sont également nécessaires; à cette fin, il pourrait être fait appel à des prélèvements sur les banques pour lever les ressources nécessaires à l'institution de fonds de résolution.

Quatrièmement, le secteur bancaire parallèle. Les dirigeants du G20 ont demandé au CSF, lors de leur réunion de novembre 2010 à Séoul, d'élaborer des recommandations, pour la mi-2011, en vue de renforcer la réglementation et le contrôle du secteur bancaire parallèle.

Cinquièmement, la surveillance macroprudentielle. Des travaux ont eu lieu au niveau national, régional et international, notamment à la BRI, au FMI et au CSF, sur (i) la façon de remédier aux lacunes des données et de renforcer les outils analytiques pour identifier et évaluer le risque systémique, (ii) la définition de réponses stratégiques concernant les établissements financiers, les marchés et les infrastructures et (iii) des efforts globaux pour mettre au point un cadre cohérent de surveillance et de politique macroprudentielles.

Sixièmement, la protection des consommateurs. Le G20 a chargé le CSF, l'OCDE et d'autres organisations internationales d'étudier des options permettant de renforcer la protection des consommateurs. Cela permettra de prendre en compte les règles et principes existants de protection des consommateurs qui ont déjà été mis en oeuvre au niveau européen, par exemple dans la directive concernant les marchés d'instruments financiers ou dans la directive sur le crédit à la consommation, afin d'offrir aux consommateurs un niveau élevé de protection.

Enfin, les normes comptables. Les efforts récemment déployés par le Comité des normes d'établissement des comptes et le Conseil des normes comptables internationales pour répondre à l'appel du G20, qui demandait la convergence entre les US GAAP et les IFRS, sont bienvenus. Cependant, des différences conceptuelles importantes demeurent dans des domaines essentiels, tels que la classification et la mesure des instruments financiers, qu'il y a lieu de résoudre pour répondre au vœu, formulé par le G20, d'un jeu unique de normes comptables de qualité.

D. Fonctionnement de la BCE et responsabilité démocratique et transparence

23.      Les différentes responsabilités des membres du directoire ne devraient-elles pas changer au fil du temps, en accompagnant les changements dans les tâches et priorités de la BCE?

Je voudrais souligner que le directoire de la BCE est un organe décisionnel collégial. Sans préjudice de cette responsabilité collective pour le fonctionnement global de la BCE, je crois comprendre que le directoire, pour des raisons opérationnelles/pratiques, s'entend sur la voie hiérarchique à suivre par chaque service de la BCE. Cela signifie, concrètement, que chaque service rend compte à des membres individuels du directoire tandis que le directoire dans son ensemble est collectivement responsable des décisions de la BCE. Cela étant, je crois également comprendre que le directoire procède au remaniement de la chaîne de communication hiérarchique au fil du temps, ce qui me semble une très bonne pratique, étant donné que, d'une part, elle permet de prendre en compte l'expertise spécifique et, le cas échéant, de tenir compte de l'adaptation aux facteurs externes (par exemple, la création de nouveaux services pour gérer le T2S) et qu'en fin de compte, elle renforce également la collégialité du directoire.

24.      D'après vous, quel système est le mieux à même d'assurer une rotation équitable des membres du directoire, notamment en termes de nationalité?

Les critères de nomination des membres du directoire de la BCE sont très clairement exposés dans le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et dans le statut de la BCE et du SEBC: "les membres du directoire sont nommés parmi des personnes dont l'autorité et l'expérience professionnelle dans le domaine monétaire ou bancaire sont reconnues"; et "seuls les ressortissants des États membres [de la zone euro] peuvent être membres du directoire".

À mon sens, la procédure de nomination sur recommandation du Conseil et après consultation du Parlement et de la BCE est la meilleure garantie de satisfaction des deux critères de nomination des membres du directoire de la BCE.

En outre, j'aimerais insister sur le caractère supranational de la BCE, qui implique que les décisions de ses organes décisionnels sont prises exclusivement dans la perspective de la zone euro, non pour servir des intérêts nationaux particuliers. C'est pour cette raison, également, que les membres des organes décisionnels de la BCE ne représentent pas leurs États membres mais participent aux décisions à titre personnel. J'estime que l'exigence de nommer "des personnes dont l'autorité et l'expérience professionnelle dans le domaine monétaire ou bancaire sont reconnues" est suffisante pour garantir que le directoire de la BCE sera composé de membres compétents et soucieux des intérêts de la zone euro.

25.      Que pensez-vous de la nécessité d'augmenter la diversité des profils représentés au directoire de la BCE plutôt que de se limiter aux banquiers centraux?

Le traité requiert que les membres du directoire soient nommés "parmi des personnes dont l'autorité et l'expérience professionnelle dans le domaine monétaire ou bancaire sont reconnues". Il n'est pas obligatoire, à proprement parler, de ne désigner que des banquiers centraux. À l'évidence, les banquiers centraux satisfont à ce critère, mais celui-ci n'exclut certainement pas d'autres parcours ou expériences professionnels. En fait, ma propre expérience professionnelle, de même que celle de nombreux hauts cadres des banques centrales, est assez diversifiée et ne se limite pas aux activités de banque centrale. De même, si vous observez le curriculum des membres actuels du directoire, vous trouverez une diversité de parcours qui ajoute une expertise précieuse au processus décisionnel.

26.      Pouvez-vous détailler votre point de vue sur le concept de responsabilité démocratique en ce qui concerne la BCE et les banques centrales en général?

J'estime que, pour faire pendant à son indépendance, la Banque centrale doit avoir l'obligation de rendre compte de son action à la population et à ses représentants élus. D'une manière générale, la responsabilité est une condition fondamentale et un élément essentiel de la légitimité démocratique. Elle peut se définir comme l'obligation pour une banque centrale indépendante d'expliquer et de justifier correctement ses décisions devant les citoyens et leurs représentants élus, et donc d'exécuter son mandat. Cette responsabilité garantit également que la Banque centrale accomplit ses missions avec un niveau élevé de professionnalisme.

En tant qu'organe établi en vertu du traité, et agissant dans les limites des compétences qui lui sont conférées, la BCE est légalement tenue de maintenir la stabilité des prix et d'accomplir d'autres fonctions de banque centrale pour la zone euro dans son ensemble. Dès lors, la BCE est responsable, en premier lieu, devant les citoyens de l'Union européenne et - de manière plus formelle - devant le Parlement européen, qui est la seule institution européenne directement élue par les citoyens de l'Union.

La BCE dispose d'un certain nombre d'instruments pour rendre compte de son action. Outre les conférences de presse mensuelles du Président et du Vice-Président (voir également la réponse 28), elle publie son bulletin mensuel et son rapport annuel est présenté au Parlement européen (et au Conseil). Le président de la BCE se présente devant la commission ECON tous les trimestres, tandis que d'autres membres du directoire sont fréquemment invités devant la commission ECON/au Parlement pour intervenir sur des sujets spécifiques. Je suis personnellement favorable à un dialogue régulier entre les membres du directoire de la BCE et les députés au Parlement européen. En outre, les membres du Conseil des gouverneurs acceptent fréquemment d'intervenir en public et accordent des entretiens au niveau local, national et international.

27.      La BCE s'est longtemps montrée réticente à l'idée d'accepter la demande du Parlement européen visant à faire publier les procès-verbaux des réunions du Conseil des gouverneurs. Quels sont, à votre avis, les obstacles et les inconvénients d'une telle publication? Seriez-vous favorable à la publication par la BCE des procès-verbaux des Conseils des gouverneurs dans un avenir proche?

La publication des procès-verbaux des réunions du Conseil des gouverneurs de la BCE pourrait être considérée comme une façon possible pour la BCE de rendre compte de son action. Cependant, il est important de se rendre compte que le Conseil des gouverneurs de la BCE est un organe collégial et, dans le même temps, supranational. En d'autres termes, les membres du Conseil des gouverneurs de la BCE, issus de différents États membres, participent ensemble aux décisions du Conseil et en sont donc collectivement responsables.

On peut craindre que la publication des procès-verbaux ne nuise à l'indépendance des membres du Conseil des gouverneurs, car elle les exposerait à des tentatives non souhaitables de mettre à mal leur impartialité et, dès lors, de les rendre individuellement responsables. Par ailleurs, je crains personnellement que cela ne puisse déboucher sur une catégorisation des membres du Conseil des gouverneurs en fonction de leur pays, alors qu'ils ne représentent pas celui-ci au Conseil des gouverneurs.

Dès lors, je considère que la pratique actuelle des conférences de presse du Président, organisées sans délai après chaque réunion de politique monétaire, et la publication de la déclaration d'ouverture, qui fournit une synthèse globale de l'évaluation, utilisable d'un point de vue politique, des développements économiques, est une façon efficace de présenter et d'expliquer la position du Conseil des gouverneurs à la population, tout en protégeant les positions individuelles des membres. Comme cette approche fournit au public des informations complètes et toutes les explications utiles en temps réel, je ne vois pas d'argument fort pour changer la pratique actuelle. En outre, la Banque centrale doit expliquer le cadre analytique utilisé pour son processus de décision interne et son évaluation de l'état de l'économie et expliquer fréquemment le raisonnement économique qui sous-tend ses décisions politiques et sa façon de dégager un équilibre.

28.      Quelles conclusions tirez-vous de la comparaison entre les politiques de transparence de la banque fédérale américaine et de la BCE? Que pensez-vous de la publication par la Fed ou la Banque d'Angleterre des procès-verbaux de leurs réunions? Pensez-vous que cette politique pourrait être appliquée par la BCE?

Un régime de transparence en bonne et due forme impose à la banque centrale d'expliquer clairement son mandat et de communiquer sur les objectifs qu'elle se fixe. Cela aide la population à contrôler et à évaluer l'action de la banque centrale.

En ce qui concerne la politique monétaire, la principale préoccupation de la banque en matière de transparence doit être l'efficacité de la politique monétaire à l'égard de ses objectifs légaux. La BCE a annoncé une stratégie officielle en matière de politique monétaire et explique les décisions de politique monétaire appliquant cette stratégie dans les faits, en temps réel.

De nos jours, la plupart des banques centrales considèrent la transparence comme un aspect crucial du cadre de leur politique monétaire. Les efforts de transparence sont bienvenus s'ils contribuent à une meilleure compréhension de la politique monétaire par la population et rendent cette politique crédible et efficace. À cet égard, la plupart des banques centrales, y compris la Fed et la BCE, ont souligné l'importance d'une communication efficace et d'une bonne interaction avec la population. Comme une banque centrale peut avoir plusieurs options à sa disposition pour renforcer sa communication, il n'est pas toujours évident de savoir quel type de transparence est optimal dans des circonstances données.

Concernant la publication des procès-verbaux des organes décisionnels, il s'agit d'un élément possible parmi l'éventail de moyens de communication des décisions. Dans certaines circonstances, cette publication peut apporter des informations supplémentaires utiles concernant la diversité des opinions au sein d'un organisme décisionnel et le raisonnement qui sous-tend la décision. Cependant, comme je l'ai expliqué dans la réponse à la question 27, cette politique peut avoir des inconvénients notables et ne renforce pas la communication. Dans ce contexte, l'approche de la Fed et de la Banque d'Angleterre, qui publient des procès-verbaux sans identification des intervenants, est une approche possible.

Le fait que la BCE ne publie pas ses procès-verbaux doit être considéré dans le contexte des besoins et circonstances spécifiques de la BCE et du système de l'euro de manière plus large. Cela permet au Conseil des gouverneurs de prendre des décisions de politique monétaire en toute indépendance et de manière à souligner la responsabilité collective des membres. En outre, une telle politique est conforme au traité, qui exige que les délibérations du Conseil des gouverneurs soient confidentielles.

29.      Que pensez-vous du dialogue monétaire? Les membres du Directoire de la BCE pourraient-ils débattre de la politique monétaire et de ses décisions avec d'autres acteurs politiques? De telles pratiques nuiraient-elles à l'indépendance de la banque?

Les rencontres trimestrielles entre le président de la BCE et la commission des affaires économiques et monétaires sont une excellente occasion pour la BCE d'expliquer sa politique monétaire aux représentants des citoyens de l'Union européenne et de recevoir leurs réactions. En outre, des membres du directoire interviennent devant la commission ECON et en plénière et des députés se rendent en visite informelle à la BCE, avec notamment la visite annuelle de la commission ECON. Tout ceci permet à la BCE de rendre compte de son action au Parlement européen et devrait contribuer à un dialogue très productif et constructif entre les deux institutions.

En outre, il y a une interaction régulière avec les institutions et organes européens, tels que l'Eurogroupe et le Conseil ECOFIN. Des échanges d'informations ont également lieu au niveau technique avec la Commission et les gouvernements nationaux, entre autres au sein de divers comités de l'UE, conformément aux dispositions du traité et dans le respect de l'indépendance de la Banque.

30.      D'après vous, quels sont les principaux risques et défis qui attendent la BCE?

L'époque actuelle est riche en défis, à de nombreux égards, mais j'aimerais me concentrer sur trois d'entre eux, qui sont essentiels.

Le premier est la normalisation de la politique monétaire. La zone euro se remet progressivement d'une crise économique et financière profonde, bien que les progrès ne soient pas uniformes d'un pays, d'un marché et d'un secteur à l'autre. D'autre part, la BCE ramènera les taux directeurs aux niveaux antérieurs, tandis que les mesures non standard seront éliminées progressivement, dans la mesure où elles ne seront plus nécessaires pour assurer la transmission de la politique monétaire à l'économie, et en fin de compte, aux prix. Il est délicat de fixer le calendrier de ces actions, notamment dans l'environnement actuel, qui se caractérise par l'incertitude et la vulnérabilité.

Le deuxième, que j'ai déjà mentionné plus haut: la crise financière a soulevé un certain nombre de questions sur la relation entre la politique monétaire et la stabilité financière. Une meilleure compréhension du rôle du secteur financier dans le mécanisme de transmission est essentielle. Par ailleurs, une bonne relation de travail avec le CERS et les AES sera essentielle.

Le troisième grand défi que j'aimerais mentionner ici concerne l'avenir de l'Europe et de l'UEM. Les politiques nationales adoptées à la veille de la crise actuelle n'ont pas été à la hauteur des exigences d'une UEM stable et fonctionnant correctement. L'assainissement budgétaire, les réformes structurelles et la correction des déséquilibres ont été insuffisants dans de nombreux cas et les règles européennes ont parfois été ignorées ou même modifiées si elles ne s'intégraient pas dans le programme politique national. Un nouveau cadre de gouvernance européen est donc nécessaire, pour rappeler aux États membres que les avantages de l'Union européenne, et notamment de l'UEM, sont assortis de responsabilités. Comme l'a dit la BCE, nous avons besoin d'un "bond quantitatif". Aujourd'hui, les solutions de fortune ne sont plus une option pour une Europe viable. Ces questions sont importantes pour moi, non seulement en tant qu'Européen convaincu, mais également en tant que décideur de la politique monétaire, étant donné qu'elles influent sur les conditions dans lesquelles la BCE mène sa politique monétaire en vue d'atteindre son objectif premier, celui de la stabilité des prix.

RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION

Date de l’adoption

16.3.2011

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

42

0

0

Membres présents au moment du vote final

Burkhard Balz, Sharon Bowles, Udo Bullmann, Pascal Canfin, Nikolaos Chountis, George Sabin Cutaş, Rachida Dati, Leonardo Domenici, Derk Jan Eppink, Diogo Feio, Vicky Ford, Ildikó Gáll-Pelcz, José Manuel García-Margallo y Marfil, Jean-Paul Gauzès, Sven Giegold, Sylvie Goulard, Liem Hoang Ngoc, Wolf Klinz, Philippe Lamberts, Astrid Lulling, Hans-Peter Martin, Íñigo Méndez de Vigo, Ivari Padar, Antolín Sánchez Presedo, Olle Schmidt, Edward Scicluna, Peter Simon, Peter Skinner, Theodor Dumitru Stolojan, Ivo Strejček, Marianne Thyssen, Corien Wortmann-Kool

Suppléant(s) présent(s) au moment du vote final

Sophie Auconie, Elena Băsescu, David Campbell Bannerman, Saïd El Khadraoui, Ashley Fox, Danuta Jazłowiecka, Olle Ludvigsson, Thomas Mann, Sirpa Pietikäinen, Catherine Stihler