RAPPORT sur les femmes et le changement climatique

9.3.2012 - (2011/2197(INI))

Commission des droits de la femme et de l'égalité des genres
Rapporteure: Nicole Kiil-Nielsen

Procédure : 2011/2197(INI)
Cycle de vie en séance
Cycle relatif au document :  
A7-0049/2012

PROPOSITION DE RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN

sur les femmes et le changement climatique

(2011/2197(INI))

Le Parlement européen,

–   vu l'article 2 et l'article 3, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité sur l'Union européenne (traité UE) et l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (traité FUE),

–   vu la communication de la Commission du 8 mars 2011 intitulée "Feuille de route vers une économie compétitive à faible intensité de carbone à l'horizon 2050" (COM(2011)0112),

–   vu la quatrième conférence mondiale sur les femmes qui s'est tenue à Pékin en septembre 1995, la déclaration et le programme d'action adoptés à Pékin ainsi que les documents finaux adoptés lors des sessions spéciales ultérieures des Nations unies Pékin +5, Pékin + 10 et Pékin + 15 sur d'autres actions et initiatives visant à mettre en œuvre la déclaration et le programme d'action de Pékin, adoptés respectivement le 9 juin 2000, le 11 mars 2005 et le 2 mars 2010,

–   vu l'article 23 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,

–   vu la décision 36/CP.7 de la CCNUCC sur les moyens de faire en sorte que les Parties soient plus largement représentées par des femmes dans les organes créés en vertu de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques ou du Protocole de Kyoto du 9 novembre 2001,

–   vu la déclaration du Millénaire des Nations unies du 18 septembre 2000,

–   vu la Convention des Nations unies, du 18 décembre 1979, sur l'élimination de toutes les formes de discriminations à l'égard des femmes (CEDAW),

–   vu sa résolution du 17 novembre 2011 sur l'approche intégrée de l'égalité des femmes et des hommes dans le cadre des travaux du Parlement européen[1],

–   vu sa résolution du 16 novembre 2011 sur la conférence sur le changement climatique à Durban (COP 17)[2],

–   vu sa résolution du 29 septembre 2011 sur l'élaboration d'une position commune de l'Union dans la perspective de la conférence des Nations unies sur le développement durable (Rio+20)[3],

–   vu sa résolution du 4 février 2009 sur "2050: l'avenir commence aujourd'hui – Recommandations pour une future politique intégrée de l'UE en matière de changement climatique"[4],

–   vu sa résolution du 13 mars 2008 sur l'égalité des genres et l'autonomisation des femmes dans la coopération au développement[5],

–   vu l'article 48 de son règlement,

–   vu le rapport de la commission des droits de la femme et de l'égalité des genres et l'avis de la commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (A7‑0049/2012),

A. considérant que le changement climatique n'est pas neutre du point de vue du genre et entraîne des effets différents en fonction du sexe;

B.  considérant que les modes de consommation et les modes de vie ont des effets significatifs sur le changement climatique;

C.  considérant que les femmes représentent environ 50 % de la population mondiale et qu'elles assument toujours relativement plus de responsabilités dans les choix de consommation au quotidien, dans les soins apportés aux enfants et dans les activités ménagères; considérant que les modes de consommation diffèrent entre les hommes et les femmes, étant donné que les femmes ont une consommation plus durable que les hommes et montrent une plus grande volonté à agir en faveur de la préservation de l'environnement, en effectuant des choix de consommation durable;

D. considérant qu'en raison de la différentiation des rôles entre les hommes et les femmes, l'impact des femmes sur l'environnement n'est pas le même que celui des hommes, et que leur accès aux ressources ainsi qu'aux moyens de faire face et de s'adapter sont gravement affectés par la discrimination que les femmes subissent sur le plan des revenus, de l'accès aux ressources, au pouvoir politique, à l'éducation ainsi que sur le plan de la charge que représente le foyer;

E.  considérant que le changement climatique ne fera que creuser les inégalités et que le risque existe que les politiques en matière de changement climatique aient également un impact négatif sur l'équilibre entre les sexes ainsi que sur les droits des femmes, si elles ne tiennent pas compte d'emblée de la discrimination fondée sur le sexe;

F.  considérant qu'il n'y aura pas de justice climatique sans réelle égalité entre les hommes et les femmes et que l'élimination des inégalités et la lutte contre le changement climatique ne doivent pas être considérées comme contradictoires;

G.  considérant que la démocratie, le respect des droits de l'homme et l'égalité des chances entre les hommes et les femmes contribuent au développement durable et à la protection de l'environnement;

H. considérant que des sources de discrimination et de vulnérabilité autres que celle du sexe (notamment la pauvreté, la situation géographique, la discrimination traditionnelle et institutionnelle, l'origine ethnique, etc.) sont autant d'entraves qui, associées, empêchent l'accès aux ressources et aux moyens de faire face à des changements aussi considérables que le changement climatique;

I.   considérant que, dans certaines régions, près de 70 % de l'ensemble des femmes employées travaillent dans le secteur agricole[6] et qu'elles produisent jusqu'à 90 % de certains produits agricoles[7] mais qu'elles sont presque absentes lors des délibérations sur le budget et des activités liées au changement climatique;

J.   considérant que, alors même que 70 % des personnes pauvres subsistant avec moins d'un dollar par jour sont des femmes, les femmes possèdent moins d'un pour cent des richesses mondiales; que, comparées aux hommes, les femmes des pays en développement réinvestissent une partie largement supérieure de leurs revenus dans leurs familles;

K.  considérant que le planning familial peut considérablement améliorer la santé maternelle et permettre de contrôler la taille de la famille et, partant, de réduire le degré de dépendance et la charge de travail des femmes, premières pourvoyeuses de soins aux enfants, ce qui permettra ainsi d'accroître la résilience des femmes et de leurs familles par rapport aux impacts du changement climatique, comme l'indique le plan d'action de la Conférence internationale sur la population et le développement, prévu pour 20 ans;

L.  considérant que les problèmes environnementaux, causés et aggravés par le changement climatique, sont actuellement responsables d'une augmentation des migrations forcées, et considérant qu'il existe dès lors une corrélation de plus en plus étroite entre les demandeurs d'asile et les zones marquées par une détérioration de l'environnement; considérant qu'il est nécessaire que les "réfugiés climatiques" bénéficient d'une protection accrue et de meilleures conditions de réinstallation et qu'une attention particulière soit accordée aux femmes qui sont les plus vulnérables;

M. considérant que 75 % à 80 % des vingt-sept millions de réfugiés dans le monde sont des femmes et des enfants[8]; que les migrations provoquées par le changement climatique affecteront différemment les hommes et les femmes et que les femmes en souffriront plus gravement; que des dispositions spéciales en matière de santé, de sécurité et d'indépendance sont nécessaires afin de réduire la vulnérabilité des femmes dans des cas de migrations forcée ou volontaire;

N. considérant que la proportion de femmes dans la prise de décision politique et principalement dans le cadre des négociations sur le changement climatique n'est toujours pas satisfaisante et que peu ou pas de progrès ont été accomplis; que les femmes représentent seulement 12 % à 15 % des chefs de délégations et environ 30 % des délégués;

O. considérant que deux tiers des personnes illettrées dans le monde sont des femmes[9] et que l'accès à l'information et à la formation par des canaux de communication appropriés est par conséquent essentiel si l'on veut assurer leur indépendance et leur inclusion, en particulier dans des cas d'urgence comme les désastres naturels;

P.  considérant que les catastrophes naturelles ont un impact considérable à moyen et long terme sur l'éducation, la santé, la pauvreté structurelle et le déplacement des populations, et que les enfants constituent un groupe particulièrement vulnérable aux effets des catastrophes naturelles; considérant que des liens ont été clairement établis entre l'occurrence de catastrophes et la baisse des taux de scolarité, et que les catastrophes aggravent considérablement le fossé entre les hommes et les femmes en matière de scolarité;

Q.  considérant que les sécheresses et la pénurie d'eau liées au changement climatique forcent les femmes à travailler davantage pour rapporter de l'eau, de la nourriture et de l'énergie et que les jeunes désertent fréquemment les écoles pour aider les mères dans ces tâches;

R.  considérant que les femmes sont aussi de puissants moteurs de changement et sont globalement plus actives dans les activités menées au niveau de la société civile, et que leur participation pleine et entière à chaque aspect de la lutte contre le changement climatique permettrait de garantir des politiques efficaces, plus justes et plus complètes pour traiter la question du changement climatique, qu'il s'agisse de s'y adapter ou de l'atténuer;

S.  considérant que, vu leurs responsabilités en matière de gestion des ressources naturelles peu abondantes, les femmes ont progressivement acquis des connaissances importantes sur la nécessité d'un développement plus durable et plus respectueux de l'environnement, ce qui leur confère un avantage qui ne devra pas être négligé dans le cadre de la mise en œuvre des stratégies d'atténuation et d'adaptation au changement climatique;

T.  considérant que les mécanismes ou les fonds destinés à prévenir les catastrophes, à s'y adapter et à en réduire les effets resteront insuffisants, à moins qu'ils n'incluent la participation pleine et entière des femmes dans leur conception, dans la prise de décision et dans leur mise en œuvre; que des bonnes pratiques existant, par exemple, en Tunisie, au Nicaragua, au El Salvador et au Honduras ont démontré que le savoir et la participation des femmes permettent de sauver des vies grâce à la gestion des catastrophes, de stimuler la biodiversité, d'améliorer la gestion de l'eau et la sécurité alimentaire, d'empêcher la désertification, de protéger les forêts et de soutenir la santé publique;

Dispositions générales

1.  reconnaît que le changement climatique exacerbe la discrimination fondée sur le sexe, qui vient s'ajouter à ses autres effets catastrophiques, et souligne que parer à tout changement climatique dangereux doit représenter la première priorité de l'Union, que ce soit dans ses politiques intérieure ou extérieure;

2.  invite la Commission et le Conseil, afin de garantir que l'action du climat ne creuse pas les inégalités entre les sexes mais débouche sur des avantages secondaires pour la situation des femmes, à tenir pleinement compte et à intégrer la dimension de genre à chaque étape des politiques sur le climat, de leur conception à leur financement, en passant par leur mise en œuvre et leur évaluation;

3.  invite la Commission et les États membres à inclure, à tous les niveaux de la prise de décision, des objectifs en matière d'égalité des genres et de justice entre les genres dans les politiques, les plans d'actions et autres mesures liés au développement durable, aux risques de catastrophe et au changement climatique en effectuant des analyses systématiques dans ce domaine, en établissant des indicateurs et des références sexospécifiques et en développant des outils pratiques; souligne que le processus de négociation sur les changements climatiques doit tenir compte, à tous les stades, depuis la recherche et l'analyse jusqu'à la conception et la mise en œuvre et la création de stratégies d'atténuation et d'adaptation, des principes de l'égalité entre les hommes et les femmes;

4.  rappelle que, dans son quatrième rapport d'évaluation datant de 2007, le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a confirmé que l'impact du changement climatique variait en fonction du sexe, de l'âge et de la classe sociale, les populations pauvres étant les plus touchées; estime qu'atteindre l'égalité entre les hommes et les femmes est d'une importance capitale pour le développement humain et constitue un objectif fondamental au sein de la lutte contre la pauvreté; demande qu'une approche reposant sur l'égalité des sexes soit appliquée de façon générale lors de l'élaboration des politiques en matière de développement, de droits de l'homme et de changement climatique; demande que des mesures soient prises pour veiller à ce que la CCNUCC agisse conformément aux cadres sur les droits de l'homme et aux accords nationaux et internationaux sur l'égalité entre les hommes et les femmes et sur l'équité, y compris la convention des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW);

5.  souligne le fait que le changement climatique et ses incidences négatives devraient être considérés comme une question de développement avec des implications en matière d'égalité entre les hommes et les femmes dans tous les secteurs pertinents (social, culturel, économique et politique), de l'échelon local jusqu'à l'échelon mondial, et que des efforts concertés de la part de toutes les parties prenantes sont nécessaires pour veiller à ce que les mesures de lutte contre le changement climatique et de réduction des risques de catastrophes favorisent l'égalité entre les hommes et les femmes, soient sensibles aux populations autochtones et respectent les droits de l'homme;

6.  se félicite que l'aspect lié au genre du changement climatique soit de plus en plus pris en compte lors des pourparlers de haut niveau et lors des interventions des acteurs de haut niveau; souligne cependant la nécessité d'envisager des démarches concrètes visant à inclure davantage les femmes dans la diplomatie climatique européenne, à tous les niveaux de la prise de décision et principalement dans le cadre des négociations sur le changement climatique, grâce à l'adoption de mesures telles que l'introduction d'un quota minimal de 40 % de femmes dans les délégations;

7.  rappelle à la Commission et aux États membres sa résolution sur la Conférence de Durban sur le changement climatique (COP 17) et les invite à appliquer son engagement "à tout mettre en œuvre pour atteindre une présence féminine d'au moins 40 % dans toutes les organisations concernées" pour le financement de la lutte contre le changement climatique"; souligne la nécessité d'appliquer également ce principe aux organismes de transfert et d'adaptation technologiques;

8.  invite la Commission et les États membres à recueillir des données spécifiques aux pays et ventilées par sexe lors de la planification, de la mise en œuvre et de l'évaluation des politiques, des programmes et des projets en matière de changement climatique, afin d'évaluer de façon efficace et de traiter les effets différents du changement climatique sur chaque sexe et d'élaborer un guide d'adaptation au changement climatique, qui présente les politiques pouvant protéger les femmes et leur donner du pouvoir afin de faire face aux effets du changement climatique;

9.  invite la Commission et les États membres à intégrer des statistiques tenant compte de la dimension de genre dans tous les domaines politiques liés à l'environnement afin d'améliorer l'évaluation de la situation générale des hommes et des femmes par rapport au changement climatique;

10. rappelle que l'insertion, dans le cadre de la politique extérieure de l'Union, des questions liées à la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes et à l'élimination des discriminations devrait continuer à permettre aux femmes de jouer un rôle central dans la prise de décisions, dans l'élaboration de politiques et dans la gestion, la conservation et le contrôle des ressources naturelles et de l'environnement et dans la lutte contre le changement climatique;

11. demande la création d'un indicateur "écologique" (comme alternative au PNB) afin de contrôler comment les modèles de croissance, les modes de consommation ainsi que les modes de vie influencent le changement climatique;

12. invite l'Union et les États membres à évaluer dans quelle mesure les politiques ayant trait au climat tiennent compte des besoins des femmes, et les prie instamment d'adopter une approche liée à la perspective de genre lors de la formulation d'une politique en faveur du développement durable qui tienne compte de la dimension de genre;

Adaptation

13. invite la Commission et les États membres à mettre en place des outils faciles d'utilisation pour les évaluations de l'impact selon le genre des cycles de vie des projets, sur le modèle des outils utilisés pour les projets de développement;

14. invite à la conception de projets et de solutions locales inclusives, y compris par la sensibilisation, au niveau local, aux vulnérabilités existantes et aux capacités à faire face, comme les expériences traditionnelles et le savoir des populations indigènes et, en particulier, des femmes;

15. fait observer que les femmes sont globalement plus actives dans les activités menées au niveau de la société civile, et invite par conséquent la Commission à encourager et à soutenir la création de réseaux entre les organisations de femmes et les acteurs de la société civile;

16. invite la Commission à envisager des programmes grâce auxquels le transfert de technologies modernes et le savoir‑faire peuvent aider les communautés et les régions en développement à s'adapter au changement climatique;

17. signale que dans les pays en développement, la femme joue un rôle fondamental dans l'approvisionnement en eau et la gestion de l'eau, les femmes étant souvent chargées d'aller chercher l'eau, de l'utiliser et de la gérer, non seulement dans les foyers, mais aussi pour l'agriculture; invite la Commission à fournir des aides au développement pour valoriser des programmes accessibles destinés à la création de puits utilisant des énergies renouvelables et des systèmes d'épuration simples et faciles à entretenir;

18. appelle à l'intégration d'un renforcement des capacités et d'une formation tenant compte de la dimension de genre dans les solutions pour l'adaptation, qui doivent être compatibles avec les besoins spécifiques des femmes et prendre en considération les obstacles et également les aptitudes et l'expérience spécifiques des femmes;

19. souligne l'importance de s'appuyer sur le savoir des femmes et d'encourager l'adoption de solutions locales qui aient une influence très concrète sur la vie quotidienne des populations, comme le projet "Girls in Risk Reduction Leadership" (des filles pour réduire la prise de risque au niveau dirigeant) en Afrique du Sud, ou plusieurs projets visant à aider des groupes de femmes à installer des systèmes de distribution d'eau potable et des toilettes dans les bidonvilles indiens;

20. demande à la Commission et aux États membres d'intégrer la dimension de genre dans les stratégies de prévention et de gestion des risques de catastrophes naturelles et d'encourager la responsabilisation et la sensibilisation des femmes au travers d'un renforcement de leurs capacités avant, pendant et après les catastrophes liées au climat, ainsi que leur participation active aux actions de prévention des catastrophes, d'alerte rapide et de prévention dans le cadre du renforcement de leur résilience;

21. note que dans de nombreuses communautés du monde, les responsabilités familiales des femmes les rendent plus vulnérables au changement environnemental, un aspect exacerbé par les effets du changement climatique; signale que les femmes sont touchées dans toutes les responsabilités qu'elles assument, en tant que producteurs et fournisseurs de denrées alimentaires, prestataires de soins et acteurs économiques;

22. appelle à accroître la transparence et le caractère inclusif des mécanismes existants et des processus de planification, comme les programmes d'action nationaux d'adaptation (NAPA) et les futurs plans d'adaptation nationaux, et à promouvoir ces principes dans les futurs traités, mécanismes et efforts de coopération bilatérale relatifs au climat;

23. souligne qu'il est clairement établi que l'impact sur la santé des facteurs sensibles au climat tels que la malnutrition et l'incidence des maladies infectieuses telles que la malaria varient en fonction du sexe; note avec préoccupation le taux élevé de mortalité des femmes dans des situations de catastrophe; est d'avis que davantage de recherche spécifique sur l'impact du changement climatique sur la santé des femmes aiderait à élaborer des réponses plus ciblées; invite tous les gouvernements à faire davantage d'efforts pour assurer une meilleure prévention, un meilleur traitement et un meilleur accès aux médicaments – surtout pour les femmes, qui constituent un groupe vulnérable, notamment en leur qualité de prestataires de soins ­ et à s'engager à prendre toute une série de mesures pour s'attaquer aux risques pour la santé liés au changement climatique et à fournir un cadre pour l'évaluation des risques de santé spécifiques aux femmes ainsi que des mesures d'adaptation au changement climatique et d'atténuation de ce phénomène;

24. souligne que 70 % de la population la plus pauvre du monde sont des femmes, qui effectuent un travail correspondant aux deux tiers de la totalité des heures travaillées, mais possèdent moins de 1 % de tous les biens; note qu'elles se voient refuser un accès égal aux ressources, à la technologie, aux services, aux droits fonciers, aux systèmes de crédit et d'assurance ainsi qu'au pouvoir de décision, tout comme le droit d'exercer un contrôle dans ces domaines, et qu'elles sont par conséquent vulnérables au changement climatique, sont touchées par ce phénomène de manière disproportionnée et ont moins de possibilités de s'y adapter; souligne que 85 % des personnes qui meurent des conséquences d'une catastrophe naturelle d'origine climatique sont des femmes, que 75 % des réfugiés environnementaux sont des femmes, et que les femmes courent également un risque plus élevé de devenir les victimes non remarquées de guerres dont les ressources sont l'enjeu et de violences résultant du changement climatique;

25. invite l'Union et ses États membres à établir un principe de "justice climatique"; insiste sur le fait que la plus grande injustice de notre incapacité à lutter efficacement contre le changement climatique se traduirait par les effets négatifs sur les pays et les populations pauvres, en particulier sur les femmes;

Atténuation

26. invite la Commission et les présidences à venir du Conseil de l'Union européenne à lancer une étude s'attachant spécifiquement à la dimension de genre des politiques d'atténuation;

27. insiste sur le fait que des politiques ciblées sont nécessaires si l'on veut éviter toute ségrégation et toute discrimination sexuelles dans l'économie verte, où les nouveaux emplois liés à la technologie et à la science sont déjà presque exclusivement occupés par des hommes; souligne à cet égard l'importance de l'entrepreneuriat, s'agissant d'ouvrir l'économie verte aux femmes et aux hommes;

28. demande à la Commission et aux États membres d'encourager les femmes à embrasser des formations et des professions techniques et scientifiques dans le domaine de la technologie environnementale et énergétique, étant donné que le besoin d'expertise en la matière garantira aux femmes des emplois sûrs et porteurs d'avenir ainsi qu'une sensibilisation accrue aux besoins des femmes lors de la définition des politiques climatiques;

29. invite la Commission à encourager une réforme des mécanismes et des fonds existants afin de les rendre plus transparents, plus inclusifs et afin qu'ils tiennent davantage compte des contributions à la réduction des émissions par les communautés locales et, en particulier, par les femmes, et à promouvoir ces principes dans les futurs traités, mécanismes et efforts de coopération bilatérale relatifs au climat, en vue de créer de meilleures méthodes visant l'émancipation économique des femmes;

30. reconnaît que la croissance de la population a une incidence sur le climat et souligne la nécessité de répondre de manière adéquate aux besoins non satisfaits de contraception des hommes et des femmes dans toutes les sociétés;

31. rappelle qu'il est nécessaire et absolument indispensable d'éviter une évolution dangereuse du climat et de limiter l'augmentation des températures moyennes à 2 °C ou 1,5 °C, si possible, par rapport aux niveaux de l'ère préindustrielle, afin d'éviter des conséquences négatives dramatiques pour les femmes et les autres groupes vulnérables;

32. invite la Commission à mettre en place une boîte à outils afin d'encourager une prise de décision inclusive, comme cela a été le cas dans le secteur des transports et de l'énergie à Malmö (Suède) et dans la région de Vollsmose (Danemark)[10];

33. invite la Commission et les États membres à développer des indicateurs permettant d'évaluer l'impact de la dimension de genre dans les projets et programmes et de promouvoir l'intégration de la dimension de genre dans le processus budgétaire (gender budgeting) dans le cadre des politiques liées au climat, que celles-ci soient menées au niveau international, national, régional ou local;

34. invite la Commission et les États membres à développer des outils et des lignes directrices en vue de l'analyse, selon une perspective de genre, des politiques et des programmes d'atténuation, ainsi que des programmes de recherche et activités y afférents;

35. souligne le rôle majeur des femmes dans l'application des mesures d'atténuation du changement climatique dans la vie quotidienne, par exemple les pratiques d'économie d'énergie et d'eau, les mesures de recyclage et l'utilisation de produits biologiques et respectueux de l'environnement, car elles sont toujours considérées comme principalement responsables de la gestion de ces ressources dans les foyers; invite la Commission à lancer des campagnes de sensibilisation sur le terrain, en ciblant les choix de consommation au quotidien liés aux activités ménagères et aux soins apportés aux enfants;

36. reconnaît dès lors la contribution significative que les femmes peuvent apporter à la réussite de l'innovation grâce à leur capacité éducative, aussi bien dans la gestion économique que dans la gestion du ménage;

37. souligne, à cet égard, l'importance de renforcer la participation active des femmes à l'innovation en faveur du développement durable en tant que moyen de relever les défis majeurs posés par le changement climatique;

38. souligne le fait que les changements climatiques entraîneront inévitablement des migrations en provenance des régions affectées par des calamités telles que des sécheresses ou des inondations et que l'Union européenne doit penser à la nécessité de protéger les femmes dans les éventuels futurs camps internes de réfugiés et de personnes déplacées;

39. fait observer que l'impact du changement environnemental sur la migration et le déplacement des personnes augmentera à l'avenir et que, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), 80 % des réfugiés dans le monde sont des femmes et des enfants; rappelle l'importance de définir des stratégies soucieuses de l'égalité entre les hommes et les femmes pour répondre aux crises environnementales et humanitaires engendrées par le changement climatique; estime dès lors que des recherches doivent être effectuées de toute urgence sur la façon de gérer la migration environnementale de façon attentive aux questions d'égalité entre les hommes et les femmes; cela implique de reconnaître les rôles et responsabilités typiquement féminins et masculins dans le domaine des ressources naturelles et d'y répondre, et peut également comprendre le fait de veiller à ce que les ressources rares soient disponibles pour les communautés dans le besoin et que de l'eau potable soit fournie aux réfugiés;

Financement

40. invite les délégations de l'Union à respecter le principe établi dans sa résolution précitée sur la conférence sur le changement climatique de Durban (COP 17), afin de veiller à ce que l'équilibre entre hommes et femmes soit garanti dans tous les organes de prise de décision concernant le financement des politiques climatiques, y compris au sein du conseil d'administration du Fonds vert pour le climat et des éventuels sous-comités pour les secteurs de financement;

41. invite la Commission et les États membres à élaborer des programmes et stratégies d'atténuation du changement climatique et d'adaptation à ce phénomène qui soient fondés sur l'analyse selon le genre afin d'améliorer le bien-être des femmes et des filles et qui tiennent compte des inégalités entre les sexes en ce qui concerne l'accès au crédit, aux informations, à la technologie, aux terres, aux ressources naturelles, à l'énergie durable et aux informations et aux services en matière de santé génésique; demande que ces programmes et stratégies intègrent des solutions de financement innovantes, telles que des projets de microcrédits, notamment dans des cas d'urgence comme ceux des réfugiés climatiques;

42.  souligne la nécessité que les mécanismes de financement reflètent les priorités et les besoins des femmes et la nécessité d'inclure la participation active des organisations promouvant l'égalité entre les hommes et les femmes dans l'élaboration des critères de financement et l'allocation des ressources pour les initiatives relatives au changement climatique, en particulier au niveau local et dans les activités du Fonds vert pour le climat;

43. appelle à l'intégration de l'égalité des sexes à titre de question transversale dans tous les instruments et fonds liés au climat; souligne que cette intégration requiert de bonnes connaissances en matière d'égalité des genres et devrait s'étendre aux missions, à la gouvernance et aux modalités opérationnelles de ces mécanismes de financement, et que les modalités opérationnelles ainsi que les mécanismes de suivi et d'évaluation devraient garantir que les femmes et les communautés locales bénéficient de financements adéquats;

44. invite la Commission et les délégations de l'Union européenne à encourager de nouveaux financements réévalués à la hausse et des financements supplémentaires, en particulier en ce qui concerne les actions d'adaptation qui bénéficieraient directement aux femmes, souvent vulnérables d'une façon disproportionnée aux conséquences du changement climatique; appelle à faire en sorte que ces financements pour l'adaptation prennent uniquement la forme de subventions;

45. invite la Commission et les États membres à soutenir le développement de sources d'énergie renouvelables dans les pays en développement, à travers des processus de transfert de connaissances et de technologie qui incluent une participation équilibrée des femmes, afin de contribuer simultanément à l'égalité des chances et à l'atténuation du changement climatique;

46. souligne avec inquiétude l'impact négatif que peut avoir le changement climatique sur la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement, en particulier ceux liés à la condition et à la protection des femmes;

47. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission et aux gouvernements des États membres.

  • [1]  Textes adoptés, P7_TA(2011)0515.
  • [2]  Textes adoptés, P7_TA(2011)0504.
  • [3]  Textes adoptés, P7_TA(2011)0430.
  • [4]  JO C 67 E du 18.3.2010, p. 44.
  • [5]  JO C 66 E du 20.3.2009, p. 57.
  • [6]  FAO: La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture 2010-11 – Le rôle des femmes dans l'agriculture – Combler le fossé entre les hommes et les femmes pour soutenir le développement, http://www.fao.org/docrep/013/i2050f/i2050f.pdf
  • [7]  Forum économique mondial, "Autonomisation des femmes: mesurer les inégalités entres les sexes", 2005, https://members.weforum.org/pdf/Global_Competitiveness_Reports/Reports/gender_gap.pdf..
  • [8]  Nations unies, Ecosoc, "Women at a glance", http://www.un.org/ecosocdev/geninfo/women/women96.htm.
  • [9]  UNICEF, Progress for children, 2005, http://www.unicef.org/progressforchildren/2005n2/PFC05n2en.pdf.
  • [10]  Intégration de la dimension de genre dans la politique des transports publics à Malmö: http://www.nikk.no/A+gender+equal+and+sustainable+public+transport+system.b7C_wljSYQ.ips; et projet visant à entraîner les femmes issues de minorités ethniques à devenir les ambassadrices de l'environnement à Vollsmose: http://www.nikk.no/Women+are+everyday+climate+experts.b7C_wljQ1e.ips..

EXPOSÉ DES MOTIFS

La prise de conscience des liens entre le genre et le changement climatique est récente et n'a pas encore donné lieu à une véritable intégration du genre dans les politiques climatiques.

Le contexte international n'y est pas favorable: les incertitudes qui pèsent sur l'après Kyoto et le risque de ne pas voir émerger d'accord international juridiquement contraignant sont omniprésents. Devant la crainte, légitime, de voir les engagements climatiques déjà insuffisants faire un pas en arrière, les sujets de justice climatique et de prise en compte des vulnérabilités ont tendance à s'effacer.

Les projecteurs sont braqués sur les pays, réunis à Durban en 2011 puis à Rio en 2012, et l'issue des négociations repose sur leur capacité à mettre de côté les différends et les tentations égocentriques pour atteindre un accord, qui soit à la fois juridiquement contraignant, et suffisamment ambitieux pour être crédible.

Notre rapport soutient cette démarche. Puisque les effets du changement climatique impacteront de façon disproportionnée les femmes, nous y soulignons que la lutte contre le changement climatique doit être une priorité absolue pour l'Union européenne, tant dans sa politique extérieure qu'intérieure.

Dans ces négociations comme dans la majorité des politiques et programmes engagés au niveau national, comme les NAPAs, l'intégration d'une dimension de genre est récente, et fragile. Si elle est vue comme légitime dans certains secteurs (notamment l'agriculture dans les pays en développement, ou la gestion des ressources forestières), elle est encore loin d'être perçue comme une question transversale ou une priorité, face à l'urgence climatique et à l'enjeu de survie de l'humanité.

Votre rapporteure veut démontrer que non seulement la justice climatique est une exigence dont nous ne pouvons pas nous passer, mais surtout que c'est par un élargissement de notre réflexion à ces thématiques que des solutions plus efficaces, moins coûteuses et in fine plus justes pourront émerger. La discrimination liée au sexe étant omniprésente dans nos sociétés, il nous paraît fondamental de ne pas y être indifférent dans les politiques climatiques, sous peine d'aggraver la situation et surtout de passer à côté d'un réservoir d'idées, d'actions et de leviers pour faire face à l'urgence de la lutte contre le changement climatique.

Votre rapporteure souhaite porter trois messages:

- la prise en compte du genre est une opportunité pour lutter mieux, plus justement, et plus efficacement contre le changement climatique;

- pour être efficace, le mainstreaming doit s'appuyer également et simultanément sur deux principes: traiter les effets des inégalités et s'attaquer à leurs causes, notamment en accroissant l'indépendance financière et les moyens d'émancipation des femmes au sein de leur communauté;

- l'amélioration de notre compréhension des liens entre changement climatique et femmes passe par un processus volontaire et par la collecte de données ventilées par sexe. Cette meilleure connaissance permettra d'adapter nos prises de décision, comme cela a été le cas pour les politiques de développement au cours de ces vingt dernières années.

Une plus grande vulnérabilité

Si le lien entre le changement climatique et les femmes peut paraître peu intuitif, c'est que les femmes ne sont pas un groupe homogène sur toute la planète. Au contraire, des différences de niveau de vie, d'opportunités et d'éducation pourraient laisser à penser que le genre n'est pas un facteur suffisamment universel pour être déterminant dans la lutte contre le changement climatique.

Pourtant, dans le monde entier, les femmes subissent une discrimination parce qu'elles sont femmes, et leurs besoins, leurs aspirations, leurs opportunités, sont plus limités et moins pris en compte que ceux des hommes. Les statistiques ventilées par sexe montrent que cette réalité touche tous les domaines de la vie, et toutes les sociétés:

- les femmes ont moins accès aux ressources financières et aux droits de propriété (les femmes possèdent moins de 1 % des ressources du monde et représentent 70 % des personnes qui vivent avec moins de 1 dollar par jour);

- elles sont systématiquement sous-représentées au niveau des décisions politiques et économiques (elles représentent 17 % des parlementaires au niveau mondial et 8 % des ministres);

- elles effectuent une très grande partie des heures de travail non rémunérées, correspondant notamment aux soins aux personnes (enfants, personnes âgées), et à la gestion du foyer (les femmes effectuent les 2/3 des heures travaillées au niveau mondial, pour 10 % seulement du revenu mondial);

- elles sont les premières victimes de violences sexuelles, forment 80 % des réfugiés et des personnes déplacées, et ont un taux de surmortalité jusqu'à 5 fois supérieur aux hommes dans les situations de catastrophe naturelle.

On peut ajouter à cela que les femmes ont des besoins de santé spécifiques, liés notamment à la reproduction, et ce qui va avec: les menstruations, les conditions d'hygiène et de santé pendant la grossesse, l'accouchement et la gestion des droits reproductifs pour planifier les naissances.

Ces chiffres sont le résultat d'entraves culturelles, traditionnelles ou sociales à l'égalité de droits et de responsabilité entre les femmes et les hommes. Cette discrimination historique à l'encontre des femmes est la source de leur vulnérabilité. Dominées dans tous les domaines, économique, politique, social, etc., les femmes ont une moindre capacité d'adaptation et de réactivité face à des changements profonds comme le réchauffement climatique et ses conséquences.

Des actrices du changement

Des avancées ont tout de même été obtenues dans les traités internationaux pour mieux prendre en compte cette vulnérabilité. Le Framework de Hyogo sur les catastrophes naturelles en 2005 mentionne spécifiquement l'importance d'adopter une perspective de genre à tous les niveaux; l'Agenda 21 et la déclaration de Rio en 1992 comportent également de nombreuses dispositions pour prendre en compte les discriminations liées au sexe et faire un effort conscient d'intégration des femmes dans tous les aspects des politiques climatiques.

En effet, la prise en compte du genre ne s'arrête pas à la thématique de la vulnérabilité accrue des femmes. La prise de conscience des inégalités entre les femmes et les hommes comporte deux aspects indissociables: le besoin de porter une attention spécifique aux femmes pour pallier leur vulnérabilité et la mise en place d'actions pour rééquilibrer les relations entre les sexes.

Ces deux volets, assistance et autonomisation, doivent être intégrés dans les politiques. Dans les suites des catastrophes naturelles, par exemple, il est important de mettre en place des dispositifs d'hygiène et de sécurité suffisants pour les femmes, mais également de les inclure dans les formations et les équipes de reconstruction. Cette double démarche s'applique à tous les projets et programmes si l'on désire soulager la détresse immédiate, mais aussi apporter des éléments de changement à plus long terme.

C'est seulement en joignant ces deux aspects que le mainstreaming peut atteindre son objectif, qui consiste à pallier les effets des discriminations que subissent les femmes et à leur donner une plus grande indépendance et émancipation.

Les femmes sont déjà actrices du changement, au niveau individuel et communautaire, sur les questions climatiques. Qu'il s'agisse des femmes immigrées qui deviennent ambassadrices "vertes" au Danemark ou des femmes indiennes qui créent des coopératives d'agriculture traditionnelles, les opportunités d'action sont démultipliées lorsque la dimension de genre est prise en compte.

Notre rapport insiste ainsi sur la complémentarité entre les actions visant à protéger les femmes dans les situations déjà critiques, et l'importance de changer les mentalités au travers des politiques climatiques, en intégrant les groupes de défense des droits des femmes dans les négociations et les mécanismes de financement, en améliorant l'éducation et la consultation auprès des femmes, et en promouvant les projets qui émancipent et donnent du pouvoir aux femmes au sein de leurs communautés, dans les pays en développement comme au sein de l'Union.

Un sujet largement inexploré dans les pays développés

Malgré une prise de conscience accrue, la dimension de genre n'est comprise que partiellement dans les programmes et projets européens liés au climat: le lien a été fait de façon croissante dans les mécanismes d'aide au développement et en direction des pays en voie de développement, mais le genre reste absent de toutes les politiques climatiques intra‑européennes.

La feuille de route 2050, qui définit les priorités de l'Union en matière de transition vers une économie verte et de réduction des émissions, et propose une approche sectorielle pour atteindre les objectifs fixés, ne tient ainsi pas compte des conditions différentes qui existent entre les femmes et les hommes.

Pourtant les liens existent entre genre et climat, y compris au sein de l'Union et dans les politiques touchant à l'énergie, aux transports et à l'agriculture. Les secteurs "piliers" de la future économie verte, par exemple, sont d'ores et déjà massivement masculins, ce qui a une incidence sur les opportunités pour les sexes en termes d'éducation, de formation mais forge aussi des cultures d'entreprise peu favorables à l'égalité femmes-hommes.

La prise en compte de la dimension de genre va au-delà des inégalités visibles, comme les différences de salaires, ou la ségrégation des emplois scientifiques et de service. Les causes plus indirectes de ces inégalités: culture d'entreprise masculine, discrimination dans l'usage du temps consacré au travail domestique, etc. ont leur source dans l'androcentrisme. Si le genre n'est pas intégré à la réflexion politique dès le départ, les projets et propositions risquent d'être énoncés par défaut avec une vision biaisée: la personne "de référence" étant implicitement un homme blanc, valide, hétérosexuel ayant un travail fixe.

Élargir notre vision est non seulement une question de justice, mais surtout une question d'efficacité. Les femmes représentent la moitié de la population et ont un potentiel d'action et d'impact significatif.

Votre rapporteure a souhaité insister sur les opportunités que représente la prise en compte des femmes: actuellement, nous nous privons d'un immense réservoir d'idées, d'actions et de leviers en effaçant inconsciemment la moitié des citoyens de nos politiques climatiques.

Le genre et le changement climatique: "le lien manquant"?

Alors que l'Union européenne a fait des efforts pour intégrer les considérations environnementales comme une politique transversale, et que les liens entre le genre et les politiques de développement sont d'ores et déjà intégrés, les relations entre genre et politiques de mitigation, notamment au sein de l'Union européenne, ne sont pas explorés ou utilisés. Le rapport du Parlement Européen sur le gender mainstreaming insiste pourtant sur l'importance de promouvoir l'égalité femmes-hommes dans toutes les politiques de l'Union européenne.

Nous souhaitons que l'importance de la dimension de genre n'ait pas à être justifiée pour chaque domaine, et que cette prise en compte ne soit pas limitée aux questions de représentation des femmes en politique ou dans l'économie. Mettre en œuvre une politique intégrée en faveur de l'égalité femmes-hommes exige de se pencher sur les ressorts plus implicites des inégalités. Les politiques formulées, lorsqu'elles ne sont pas accompagnées d'un effort conscient de prise en compte du genre, risquent d'avoir une incidence négative sur les efforts pour atteindre l'égalité femmes-hommes.

Le manque de recherches, de chiffres ventilés par sexe pour nourrir ces recherches sur les sujets comme le transport, l'énergie ou la politique agricole sont un frein à une meilleure compréhension et à une meilleure prise en compte des dimensions de genre.

Afin de ne pas engendrer un surcoût administratif déraisonnable, nous proposons que cette collecte de données soit rendue systématique uniquement pour le lancement de nouveaux projets ou lors des phases d'évaluation périodiques de projets existants. L'accès à ces nouvelles données permettra aux chercheurs / chercheuses de construire des analyses et de formuler des propositions pour les années à venir.

AVIS de la commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (25.1.2012)

à l'intention de la commission des droits de la femme et de l'égalité des genres

sur les femmes et le changement climatique
(2011/2197(INI))

Rapporteure pour avis: Bairbre de Brún

SUGGESTIONS

La commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire invite la commission des droits de la femme et de l'égalité des genres, compétente au fond, à incorporer dans la proposition de résolution qu'elle adoptera les suggestions suivantes:

1.  souligne le fait que le changement climatique et ses incidences négatives devraient être considérés comme une question de développement avec des implications en matière d'égalité entre les hommes et les femmes dans tous les secteurs pertinents (social, culturel, économique et politique), de l'échelon local jusqu'à l'échelon mondial, et que des efforts concertés de la part de toutes les parties prenantes sont nécessaires pour veiller à ce que les mesures de lutte contre le changement climatique et de réduction des risques de catastrophes favorisent l'égalité entre les hommes et les femmes, soient sensibles aux populations autochtones et respectent les droits de l'homme;

2.  rappelle qu'il est nécessaire et absolument indispensable d'éviter une évolution dangereuse du climat et de limiter l'augmentation des températures moyennes à 2 °C ou 1,5 °C, si possible, par rapport aux niveaux de l'ère préindustrielle, afin d'éviter des conséquences négatives dramatiques pour les femmes et les autres groupes vulnérables;

3.  rappelle que dans son quatrième rapport d'évaluation datant de 2007, le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a confirmé que l'impact du changement climatique variait en fonction du sexe, de l'âge et de la classe sociale, les populations pauvres étant les plus touchées; souligne que le processus de négociation de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) doit tenir compte, à tous les stades, depuis la recherche et l'analyse jusqu'à la conception et la mise en œuvre et la création de stratégies d'atténuation et d'adaptation, des principes de l'égalité entre les hommes et les femmes;

4.  souligne que 70 % de la population la plus pauvre du monde sont des femmes, qui effectuent un travail correspondant aux deux tiers de la totalité des heures travaillées, mais possèdent moins de 1 % de tous les biens; qu'elles se voient refuser un accès égal aux ressources, à la technologie, aux services, aux droits fonciers, aux systèmes de crédit et d'assurance ainsi qu'au pouvoir de décision, tout comme le droit d'exercer un contrôle dans ces domaines, et qu'elles sont par conséquent vulnérables au changement climatique, sont touchées par ce phénomène de manière disproportionnée et ont moins de possibilités de s'y adapter; souligne que 85 % des personnes qui meurent des conséquences d'une catastrophe naturelle d'origine climatique sont des femmes, que 75 % des réfugiés environnementaux sont des femmes, et que les femmes courent également un risque plus élevé de devenir les victimes non remarquées de guerres dont les ressources sont l'enjeu et de violences résultant du changement climatique;

5.  souligne que la responsabilisation politique, financière et éducative des femmes, qui représentent environ 50 % de la population mondiale mais assument plus de responsabilités dans les choix de consommation au quotidien, les soins des enfants et les activités domestiques, tout ceci ayant des effets sur l'environnement et le climat, est capitale aux fins du développement durable;

6.  note que dans de nombreuses communautés du monde, les responsabilités familiales des femmes les rendent plus vulnérables au changement environnemental, un aspect exacerbé par les effets du changement climatique; les femmes sont touchées dans toutes les responsabilités qu'elles assument, en tant que producteurs et fournisseurs de denrées alimentaires, prestataires de soins et acteurs économiques;

7.  souligne qu'il est clairement établi que l'impact sur la santé des facteurs sensibles au climat tels que la malnutrition et l'incidence des maladies infectieuses varient en fonction du sexe; note avec préoccupation le taux élevé de mortalité des femmes dans des situations de catastrophe; estime que davantage de recherche spécifique sur l'impact du changement climatique sur la santé des femmes aiderait à élaborer des réponses plus ciblées; invite tous les gouvernements à assurer une meilleure disponibilité des services de santé, un meilleur accès à ceux-ci et un meilleur soutien de ceux-ci, notamment pour les femmes, en leur qualité de prestataires de soins, à s'engager à prendre toute une série de mesures pour s'attaquer aux risques pour la santé liés au changement climatique, et à fournir un cadre pour l'évaluation des risques de santé spécifiques aux femmes ainsi que des mesures d'adaptation au changement climatique et d'atténuation de ce phénomène;

8.  fait observer que les femmes sont globalement plus actives dans les activités menées au niveau de la société civile, et qu'ainsi, la facilitation et le soutien de réseaux d'organisations de femmes et d'activités de la société civile constituent des avancées majeures;

9.  estime qu'atteindre l'égalité entre les hommes et les femmes est d'une importance capitale pour le développement humain et constitue un objectif fondamental au sein de la lutte contre la pauvreté; demande qu'une approche reposant sur l'égalité des sexes soit appliquée de façon générale lors de l'élaboration des politiques en matière de développement, de droits de l'homme et de changement climatique; demande que des mesures soient prises pour veiller à ce que la CCNUCC agisse conformément aux cadres sur les droits de l'homme et aux accords nationaux et internationaux sur l'égalité entre les hommes et les femmes et sur l'équité, y compris la convention des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW);

10. fait observer que l'impact du changement environnemental sur la migration et le déplacement des personnes augmentera à l'avenir et que, selon le Haut‑Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), 80 % des réfugiés dans le monde sont des femmes et des enfants; rappelle l'importance de définir des stratégies soucieuses de l'égalité entre les hommes et les femmes pour répondre aux crises environnementales et humanitaires engendrées par le changement climatique; estime dès lors que des recherches doivent être effectuées de toute urgence sur la façon de gérer la migration environnementale de façon attentive aux questions d'égalité entre les hommes et les femmes; cela implique de reconnaître les rôles et responsabilités typiquement féminins et masculins dans le domaine des ressources naturelles et d'y répondre, et peut également comprendre le fait de veiller à ce que les ressources rares soient disponibles pour les communautés dans le besoin et que de l'eau potable soit fournie aux migrants;

11. souligne que les femmes aussi ont des connaissances et des compétences précieuses et sont des agents du changement en ce qui concerne l'adaptation au changement climatique et l'atténuation de ce phénomène, la réduction des risques de catastrophes et le développement de capacités de résilience; reconnaît que davantage de données spécifiques aux pays et ventilées par sexe sont nécessaires pour évaluer de façon efficace les différents effets que le changement climatique a sur chaque groupe et s'y attaquer;

12. reconnaît que l'augmentation de la population a une incidence sur les émissions de gaz à effet de serre, et insiste sur la nécessité de répondre de manière adéquate aux demandes de contraception non satisfaites des femmes et des hommes dans toutes les sociétés;

13. souligne le rôle majeur des femmes dans l'application des mesures d'atténuation du changement climatique dans la vie quotidienne, par exemple les pratiques d'économie d'énergie, les mesures de recyclage et l'utilisation de produits biologiques et respectueux de l'environnement;

14. reconnaît dès lors la contribution significative que les femmes peuvent apporter à la réussite de l'innovation grâce à leur capacité éducative, aussi bien dans la gestion économique que dans la gestion du ménage;

15. à cet égard, souligne l'importance de renforcer la participation active des femmes à l'innovation en faveur du développement durable en tant que moyen de relever les défis majeurs posés par le changement climatique;

16. invite l'Union et les États membres à évaluer dans quelle mesure les politiques ayant trait au climat tiennent compte des besoins des femmes, et les prie instamment d'adopter une approche liée à la perspective de genre lors de la formulation d'une politique en faveur du développement durable qui tienne compte de la dimension de genre;

17. demande instamment aux gouvernements du monde entier:

–   d'intégrer les perspectives sexospécifiques dans leurs politiques nationales, plans d'actions et autres mesures liés au développement durable, aux risques de catastrophe et au changement climatique en effectuant des analyses systématiques dans ce domaine, en établissant des indicateurs et des références sexospécifiques et en développant des outils pratiques;

–   d'élaborer des programmes d'atténuation du changement climatique et d'adaptation à ce phénomène fondés sur l'analyse selon le genre afin d'améliorer le bien-être des femmes et des filles – par exemple, l'accès au crédit, les services de renforcement et de développement des capacités, la diffusion d'informations, l'amélioration de l'accès aux terres et aux ressources naturelles, la technologie et l'énergie durables et l'accès aux informations et aux services en matière de santé génésique;

–   de refléter les priorités et les besoins des femmes dans les mécanismes de financement et d'inclure la participation active des femmes dans l'élaboration des critères de financement et l'allocation des ressources pour les initiatives relatives au changement climatique, en particulier au niveau local;

18. invite l'Union et ses États membres à établir un principe de "justice climatique"; insiste sur le fait que la plus grande injustice de notre incapacité à lutter efficacement contre le changement climatique se traduirait par les effets négatifs sur les pays et les populations pauvres, en particulier sur les femmes;

19. prie instamment les gouvernements du monde entier d'encourager la responsabilisation des femmes au travers d'un renforcement de leurs capacités avant, pendant et après les catastrophes liées au climat, ainsi que leur participation active aux actions de prévention des catastrophes, d'alerte rapide et de prévention dans le cadre du renforcement de leur résilience;

20. insiste sur la nécessité de développer plus largement et plus efficacement une diplomatie climatique européenne dans toutes les négociations internationales sur le climat; considère que le renforcement de la participation et de la responsabilisation des femmes dans ce domaine en introduisant le concept de "pouvoir d’influence" pourrait avoir un effet positif;

21. signale que dans les pays du tiers monde, la femme joue un rôle fondamental dans l'approvisionnement en eau et la gestion de l'eau, les femmes étant souvent chargées d'aller chercher l'eau, de l'utiliser et de la gérer, non seulement dans les foyers, mais aussi pour l'agriculture; invite la Commission à fournir des aides au développement pour valoriser des programmes accessibles destinés à la création de puits basés sur les énergies renouvelables et des systèmes d'épuration simples et faciles à entretenir;

22. signale qu'il est nécessaire d'intensifier la formation concernant l'économie d’énergie et d'eau chez les femmes, celles-ci étant principalement responsables de ces ressources dans les foyers.  

RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION

Date de l’adoption

24.1.2012

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

47

7

4

Membres présents au moment du vote final

János Áder, Elena Oana Antonescu, Kriton Arsenis, Pilar Ayuso, Paolo Bartolozzi, Milan Cabrnoch, Martin Callanan, Nessa Childers, Yves Cochet, Esther de Lange, Anne Delvaux, Bas Eickhout, Edite Estrela, Jill Evans, Karl-Heinz Florenz, Elisabetta Gardini, Julie Girling, Matthias Groote, Françoise Grossetête, Satu Hassi, Jolanta Emilia Hibner, Dan Jørgensen, Karin Kadenbach, Christa Klaß, Holger Krahmer, Jo Leinen, Peter Liese, Zofija Mazej Kukovič, Linda McAvan, Radvilė Morkūnaitė-Mikulėnienė, Miroslav Ouzký, Vladko Todorov Panayotov, Gilles Pargneaux, Andres Perello Rodriguez, Sirpa Pietikäinen, Mario Pirillo, Pavel Poc, Frédérique Ries, Oreste Rossi, Dagmar Roth-Behrendt, Daciana Octavia Sârbu, Horst Schnellhardt, Richard Seeber, Theodoros Skylakakis, Bogusław Sonik, Salvatore Tatarella, Anja Weisgerber, Åsa Westlund, Glenis Willmott, Sabine Wils, Marina Yannakoudakis

Suppléant(s) présent(s) au moment du vote final

Gaston Franco, Jutta Haug, Bill Newton Dunn, Michèle Rivasi, Eleni Theocharous, Andrea Zanoni

Suppléant(s) (art. 187, par. 2) présent(s) au moment du vote final

Kārlis Šadurskis

RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION

Date de l’adoption

28.2.2012

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

25

0

5

Membres présents au moment du vote final

Regina Bastos, Edit Bauer, Andrea Češková, Edite Estrela, Iratxe García Pérez, Sophia in ‘t Veld, Teresa Jiménez-Becerril Barrio, Nicole Kiil-Nielsen, Silvana Koch-Mehrin, Constance Le Grip, Astrid Lulling, Elisabeth Morin-Chartier, Siiri Oviir, Raül Romeva i Rueda, Joanna Senyszyn, Joanna Katarzyna Skrzydlewska, Britta Thomsen, Angelika Werthmann, Marina Yannakoudakis, Anna Záborská, Inês Cristina Zuber

Suppléant(s) présent(s) au moment du vote final

Vilija Blinkevičiūtė, Kent Johansson, Christa Klaß, Kartika Tamara Liotard, Ana Miranda, Mariya Nedelcheva, Katarína Neveďalová, Antigoni Papadopoulou, Sirpa Pietikäinen