RAPPORT sur le rapport sur la mise en œuvre et les effets de la directive "droit de suite" (2001/84/CE)
15.10.2012 - (2012/2038(INI))
Commission des affaires juridiques
Rapporteure: Marielle Gallo
PROPOSITION DE RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN
sur le rapport sur la mise en œuvre et les effets de la directive "droit de suite" (2001/84/CE)
Le Parlement européen,
– vu la directive 2001/84/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001 relative au droit de suite au profit de l'auteur d'une œuvre d'art originale (ci-après "la directive")[1],
– vu le rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen: Rapport sur la mise en œuvre et les effets de la directive "droit de suite" (COM(2011)0878),
– vu l'article 48 de son règlement,
– vu le rapport de la commission des affaires juridiques et l'avis de la commission de la culture et de l'éducation (A7-0326/2012),
A. considérant que le droit de suite est un droit d'auteur consacré par l'article 14 ter de la convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques;
B. considérant que la directive favorise l'harmonisation des conditions essentielles pour l'application du droit de suite afin de lever les obstacles potentiels à la réalisation du marché intérieur;
C. considérant que l'adoption de la directive était importante pour les artistes, pas uniquement pour leurs initiatives visant à obtenir la reconnaissance et un traitement équitable en tant que personnes créatives, mais aussi pour leur rôle en tant que contributeurs aux valeurs culturelles; considérant cependant que des inquiétudes demeurent concernant ses conséquences pour les marchés européens de l'art, et en particulier les nombreuses maisons de vente aux enchères et les nombreux marchands d'art de plus petite taille et spécialisés au sein de l'Union;
D. considérant que la directive n'a été pleinement mise en œuvre dans tous les États membres qu'au 1er janvier 2012;
E. considérant que la part de l'Union sur le marché mondial des œuvres d'artistes vivants a considérablement décliné au cours de ces dernières années;
F. considérant que la création artistique contribue au développement permanent de la vie et du patrimoine culturels de l'Union;
G. considérant que le marché de l'art et des antiquités contribue significativement à l'économie mondiale, y compris aux entreprises qu'il soutient, en particulier dans les industries de la création;
H. considérant que la directive fait peser des contraintes administratives sur les marchands d'art et désavantage commercialement les marchands d'art de l'Union par rapport à ceux des pays tiers;
Tendances du marché européen et du marché mondial de l'art
1. note que le marché de l'art a connu une année record en 2011 et que le produit de ventes annuel a atteint 11,57 milliards d'USD, soit une augmentation de plus de 2 milliards d'USD par rapport à 2010[2]; souligne que le marché de l'art et des antiquités contribue significativement à l'économie mondiale, y compris aux entreprises qu'il soutient, en particulier dans les industries de la création;
2. observe qu'en 2011 le marché européen de l'art a connu une forte progression; le Royaume-Uni conserve une part de marché de 19,4 % du marché mondial avec une augmentation de 24 % du volume des ventes; la France détient 4,5 % de part de marché pour un volume d'affaire en hausse de 9 %; enfin l'Allemagne, avec une part de marché de 1,8 %, a connu une hausse des ventes de 23 %[3];
3. note que le marché chinois s'est adjugé 41,4 % du marché mondial en 2011, devançant les États-Unis qui ont reculé de 3 % en chiffre d'affaires et de 6 % en part de marché, passant de 29,5 % en 2010 à 23,5 % en 2011[4];
4. souligne l'impressionnante ascension de la Chine; remarque toutefois que ce marché de l'art est actuellement confiné aux seuls artistes provenant de ce pays;
5. observe que la tendance générale de déplacement du centre de gravité du marché de l'art vers les pays émergents est liée à la globalisation, à l'essor de l'Asie et à l'apparition de nouveaux collectionneurs dans ces pays;
6. note avec satisfaction que des États tiers envisagent l'introduction du droit de suite dans le droit national; observe en particulier qu'aux États-Unis une proposition de loi a été déposée le 12 décembre 2011, visant à imposer un droit de suite de 7 % sur la revente d'œuvres d'art contemporain; observe qu'en Chine, le projet de loi sur le droit d'auteur prévoit également l'introduction d'un droit de suite (article 11 (13)) ;
La mise en œuvre de la directive
7. rappelle que les montants des droits de reproduction et de représentation sont relativement négligeables pour les arts graphiques et plastiques, pour lesquels les recettes proviennent de la vente ou de la revente des œuvres;
8. insiste sur le fait que le droit de suite garantit une continuité de rémunération pour les artistes qui, très souvent, cèdent leurs œuvres à bas prix au début de leur carrière;
9. rappelle que le rapport de la Commission sur la mise en œuvre et les effets de la directive et les statistiques provenant du secteur ne suggèrent pas que le droit de suite ait une incidence négative sur le marché de l'art en Europe;
10. invite la Commission à évaluer les incidences du fonctionnement du marché de l'art en général, y compris les difficultés administratives auxquelles sont confrontées les maisons de vente aux enchères et les marchands d'art de plus petite taille et spécialisés;
11. rappelle que plusieurs dispositions de la directive assurent une application équilibrée du droit de suite, prenant en compte les intérêts de toutes les parties prenantes, notamment la dégressivité des taux applicables, le plafonnement du droit à 12 500 EUR, l'exclusion des petites ventes et l'exonération des reventes pour le premier acheteur; souligne toutefois que la directive fait peser des contraintes administratives sur les marchands d'art;
12. note que le droit de suite en faveur d'un auteur vivant d'une œuvre d'art originale peut être un outil utile pour éviter la discrimination contre les artistes;
Conclusions
13. rappelle que le marché de l'art a été évalué à 10 milliards d'USD en 2010 et à près de 12 milliards d'USD en 2012 dont le droit de suite ne représente que 0,03 %; considère qu'il s'agit d'un marché important qui doit assurer aux artistes et à leurs héritiers une rémunération équitable;
14. constate que les études et statistiques du marché de l'art ne suggèrent pas que le droit de suite ait un impact négatif sur la localisation du marché de l'art et le niveau des chiffres d'affaires;
15. rappelle que la directive n'a été totalement mise en œuvre dans l'ensemble des États membres qu'au 1er janvier 2012 bien que le droit de suite ait été d'ores et déjà reconnu dans de nombreux États membres depuis plusieurs décennies;
16. souligne qu'il importe d'apporter un soutien actif aux artistes locaux, y compris aux plus jeunes;
17. considère qu'il est prématuré de procéder à une nouvelle analyse de la directive dès 2014, comme le propose la Commission, et propose que cette analyse soit effectuée en 2015 (soit 4 ans après l'évaluation faite en décembre 2011);
18. incite la Commission à réexaminer, dans son prochain rapport d'évaluation, la pertinence des taux applicables, les seuils ainsi que la pertinence des catégories de bénéficiaires de la directive;
19. invite la Commission à collaborer étroitement avec les parties prenantes pour renforcer la position du marché européen de l'art et remédier à certaines difficultés, comme l'"effet de cascade", et aux difficultés administratives des maisons de vente aux enchères et des marchands d'art de plus petite taille et spécialisés;
20. salue les initiatives prises par des États tiers pour introduire le droit de suite et prie instamment la Commission de poursuivre ses efforts au sein des enceintes internationales en vue de renforcer la position du marché de l'art européen sur la scène mondiale;
o
o o
21. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission.
- [1] JO L 275 du 13.10.2001, p. 32.
- [2] Artprice, Tendances du marché de l'art 2011, http://imgpublic.artprice.com/pdf/trends2011_fr.pdf
- [3] Idem.
- [4] Idem.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La directive "droit de suite" a été conçue dans un double objectif: assurer aux auteurs d'œuvres d'art graphiques et plastiques une participation économique au succès de leurs créations, d'une part, et harmoniser l'application du droit de suite dans l'UE, d'autre part.
Dans son rapport sur la mise en œuvre et les effets de cette directive, la Commission conclut qu'il n'est pas possible d'établir un lien clair entre la perte de part de marché de l'UE sur le marché mondial de l'art moderne et contemporain et l'harmonisation des dispositions portant sur l'application du droit de suite dans l'UE au 1er janvier 2006. Il n'a pas été davantage possible de mettre en évidence pour l'instant de signe manifeste de délocalisation systématique des ventes à l'intérieur de l'Union, hors des États membres qui ont instauré le droit de suite pour les artistes vivants en 2006. Toutefois, la Commission reconnait que des pressions s'exercent sur les marchés de l'art européens, dans toutes les tranches de prix, et tant pour les salles des ventes que pour les marchands d'art.
En outre, la Commission constate que la qualité de la gestion du droit de suite varie d'un pays à l'autre de l'Union. Par conséquent, les contraintes peuvent être particulièrement élevées pour les acteurs qui sont situés au bas de l'échelle puisqu'ils sont davantage affectés par les frais de gestion du droit de suite.
Votre rapporteur rappelle que le marché de l'art a été évalué à 10 milliards d'USD en 2010 et à près de 12 milliards d'USD en 2012 et estime en conséquence que les artistes et leurs héritiers doivent bénéficier d'une compensation équitable.
En outre, les données contenues dans le rapport de la Commission ainsi que les chiffres du marché suggèrent que le droit de suite n'a pas d'impact négatif ni sur la localisation du marché de l'art ni sur le niveau du chiffres d'affaire. La Commission est invitée à collaborer étroitement avec les parties prenantes pour renforcer la position du marché européen de l'art et remédier à certaines difficultés, comme l'"effet de cascade".
AVIS de la commission de la culture et de l'éducation (11.7.2012)
à l'intention de la commission des affaires juridiques
sur le rapport sur la mise en œuvre et les effets de la directive "Droit de suite" (2001/84/CE)
(2012/2038(INI))
Rapporteure pour avis: Emma McClarkin
SUGGESTIONS
La commission de la culture et de l'éducation invite la commission des affaires juridiques, compétente au fond, à incorporer dans la proposition de résolution qu'elle adoptera les suggestions suivantes:
A. considérant que l'adoption de cette directive était importante pour les artistes, pas uniquement pour leurs initiatives visant à obtenir la reconnaissance et un traitement équitable en tant que personnes créatives, mais aussi pour leur rôle en tant que contributeurs aux valeurs culturelles; considérant cependant que des inquiétudes demeurent concernant les conséquences pour les marchés européens de l'art, et en particulier les nombreuses maisons de vente aux enchères et les nombreux marchands d'art de plus petite taille et spécialisés au sein de l'UE;
B. considérant que la part de l'UE sur le marché mondial des œuvres d'artistes vivants a considérablement décliné au cours de ces dernières années;
C. considérant que la création artistique contribue au développement permanent de la vie et du patrimoine culturels de l'UE;
D. considérant que le marché de l'art et des antiquités contribue significativement à l'économie mondiale, y compris aux entreprises qu'il soutient, en particulier dans les industries de la création;
E. considérant que le droit de suite représente l'unique manière de permettre aux artistes de bénéficier d'un prélèvement sur les ventes ultérieures s'appliquant si les professionnels du marché de l'art prennent part au transfert, mais note que ce principe peut engendrer des frais de gestion considérables s'il est également appliqué à la vente d'œuvres d'artistes vivants;
F. considérant que cette directive fait peser des contraintes administratives sur les marchands d'art et désavantage commercialement les marchands d'art de l'UE par rapport à ceux des pays tiers;
1. note que le droit de suite en faveur d'un auteur vivant d'une œuvre d'art originale peut être un outil utile pour éviter la discrimination contre les artistes;
2. invite la Commission à évaluer les incidences du fonctionnement du marché de l'art en général, y compris les difficultés administratives auxquelles sont confrontées les maisons de vente aux enchères et les marchands d'art de plus petite taille et spécialisés;
3. souligne qu'il importe d'apporter un soutien actif aux artistes locaux, y compris aux plus jeunes;
4. note qu'afin de veiller à ce que cette directive ne nuise pas au marché européen, les pays tiers devraient être encouragés à introduire et à appliquer le droit de suite;
5. souligne que la Commission n'a pas pris de mesures suffisantes pour établir la notion de conditions égales au niveau mondial, et qu'elle devrait encourager plus activement les pays tiers à introduire des mesures concernant le droit de suite;
6. invite la Commission à veiller à la mise en œuvre effective du droit de suite des artistes dans tous les États membres, à évaluer d'un œil critique les coûts et les charges administratives générés par cette directive pour les marchands d'art de l'UE, et à répondre aux éventuelles lacunes en matière de compétitivité mondiale découlant de son introduction.
RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION
Date de l'adoption |
10.7.2012 |
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Résultat du vote final |
+: –: 0: |
27 0 0 |
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Membres présents au moment du vote final |
Zoltán Bagó, Malika Benarab-Attou, Lothar Bisky, Piotr Borys, Jean-Marie Cavada, Silvia Costa, Santiago Fisas Ayxela, Lorenzo Fontana, Mary Honeyball, Petra Kammerevert, Morten Løkkegaard, Emma McClarkin, Emilio Menéndez del Valle, Doris Pack, Chrysoula Paliadeli, Marie-Thérèse Sanchez-Schmid, Marietje Schaake, Marco Scurria, Emil Stoyanov, Hannu Takkula, László Tőkés, Helga Trüpel, Marie-Christine Vergiat |
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Suppléant(s) présent(s) au moment du vote final |
Ivo Belet, Nessa Childers, Seán Kelly, Iosif Matula, Mitro Repo |
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Suppléant(s) (art. 187, par. 2) présent(s) au moment du vote final |
Evžen Tošenovský |
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RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION
Date de l'adoption |
11.10.2012 |
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Résultat du vote final |
+: –: 0: |
21 0 0 |
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Membres présents au moment du vote final |
Luigi Berlinguer, Sebastian Valentin Bodu, Giuseppe Gargani, Lidia Joanna Geringer de Oedenberg, Gerald Häfner, Sajjad Karim, Klaus-Heiner Lehne, Antonio Masip Hidalgo, Bernhard Rapkay, Evelyn Regner, Francesco Enrico Speroni, Rebecca Taylor, Alexandra Thein, Cecilia Wikström, Tadeusz Zwiefka |
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Suppléant(s) présent(s) au moment du vote final |
Piotr Borys, Eva Lichtenberger, József Szájer, Axel Voss |
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Suppléant(s) (art. 187, par. 2) présent(s) au moment du vote final |
Sylvie Guillaume, Salvatore Tatarella |
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