RAPPORT sur la situation des femmes en Afrique du Nord

25.2.2013 - (2012/2102(INI))

Commission des droits de la femme et de l'égalité des genres
Rapporteure: Silvia Costa

Procédure : 2012/2102(INI)
Cycle de vie en séance
Cycle relatif au document :  
A7-0047/2013
Textes déposés :
A7-0047/2013
Textes adoptés :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN

sur la situation des femmes en Afrique du Nord

(2012/2102(INI))

Le Parlement européen,

–   vu l'article 2 et l'article 3, paragraphe 5, deuxième alinéa, du traité sur l'Union européenne (traité UE) et l'article 8 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (traité FUE),

–   vu l'article 23 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,

–   vu le Partenariat stratégique Afrique-UE – une stratégie commune Afrique-UE,

–   vu la communication de la Commission du 21 septembre 2010 intitulée "Stratégie pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2010-2015" (COM(2010)0491),

–   vu les communications conjointes de la Commission et de la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité intitulées: "Un partenariat pour la démocratie et une prospérité partagée avec le Sud de la Méditerranée" (COM(2011) 200), "Une stratégie nouvelle à l'égard d'un voisinage en mutation" COM(2011) 303, et "Tenir les engagements de la nouvelle politique européenne de voisinage" (COM(2012)0014),

–   vu les instruments thématiques et géographiques de la Commission concernant la démocratisation et les droits de l'homme, tels que l'instrument européen pour la démocratie et les droits de l'homme (IEDDH) ou l'instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP),

–   vu la stratégie de l'UE en vue de l'éradication de la traite des êtres humains pour la période 2012-2016 (COM(2012)0286),

–   vu la résolution de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur "L'égalité entre les femmes et les hommes: une condition du succès du Printemps arabe"[1],

–   vu la convention des Nations unies du 18 décembre 1979 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) ainsi que la convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, du 20 novembre 1989, et le protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, du 25 mai 2000,

–   vu la résolution n° 67/167 de l'Assemblée générale des Nations unies du 20 décembre 2012 visant à interdire les mutilations génitales féminines,

–   vu la quatrième conférence mondiale sur les femmes, qui s'est tenue à Pékin en septembre 1995, la déclaration et le programme d'action adoptés à Pékin ainsi que les documents finaux adoptés lors des sessions spéciales ultérieures des Nations unies Pékin+5, Pékin+10 et Pékin+15 sur d'autres actions et initiatives visant à mettre en œuvre la déclaration et le programme d'action de Pékin, adoptés respectivement le 9 juin 2000, le 11 mars 2005 et le 2 mars 2010,

–   vu le protocole à la charte africaine sur les droits de l'homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique,

–   vu les travaux de l'assemblée parlementaire de l'Union pour la Méditerranée,

–   vu le processus d'Istanbul-Marrakech et les conclusions des première et deuxième Conférences ministérielles euro-méditerranéennes sur "le renforcement du rôle des femmes dans la société", tenues les 14 et 15 novembre 2006 à Istanbul et 11 et 12 novembre 2009 à Marrakech,

–   vu les conclusions des dialogues régionaux du Proche-Orient et de l'Afrique du nord (POAN) entre la société civile, les acteurs étatiques et les dirigeants politiques, qui ont eu lieu en juin et en novembre 2012 à Beyrouth et à Amman dans le cadre du projet régional financé par l'UE "promouvoir un calendrier commun pour l'égalité entre les femmes et les hommes à travers le processus d'Istanbul",

–   vu "Le printemps des femmes", le programme régional conjoint pour la région du Sud de la Méditerranéenne, lancé par la Commission et ONU Femmes,

–   vu la 10e édition du rapport Progrès pour les enfants de l'UNICEF "Un bilan sur les adolescents",

–   vu le rapport arabe sur le développement humain 2005 du PNUD intitulé "Vers la promotion des femmes", ainsi que le rapport 2009 intitulé "Les défis de la sécurité humaine dans les pays arabes", et notamment son chapitre sur "L'insécurité personnelle des groupes vulnérables",

–   vu sa résolution du 17 février 2011 sur la situation en Égypte[2],

–   vu sa résolution du 10 mars 2011 sur le voisinage méridional et, en particulier, la Libye[3],

–   vu sa résolution du 7 avril 2011 sur la révision de la politique européenne de voisinage – dimension méridionale[4],

–   vu sa résolution du 7 avril 2011 sur l'utilisation des violences sexuelles dans les conflits de l'Afrique du Nord et du. Proche-Orient[5],

–   vu sa résolution du 13 mars 2012 sur l'égalité entre les femmes et les hommes dans l'Union européenne – 2011[6],

–   vu sa recommandation du 29 mars 2012 à l'intention du Conseil sur les modalités de l'éventuelle création d'un Fonds européen pour la démocratie[7],

–   vu l'article 48 de son règlement,

–   vu le rapport de la commission des droits de la femme et de l'égalité des genres et l'avis de la commission du développement (A7-0047/2013),

A. considérant que de nombreuses femmes, en particulier des jeunes femmes, se sont profondément impliquées dans le Printemps arabe en Afrique du Nord, notamment en participant dès le début aux manifestations, au débat public et politique et aux élections, en jouant un rôle actif dans la société civile, les médias sociaux et les blogs, et partant, qu'elles ont été, et continuent d'être des actrices clés du changement démocratique dans leurs pays ainsi que du renforcement du développement et de la cohésion;

B.  considérant que ces pays traversent un processus de transition politique et démocratique et de changement ou d'adaptation de leurs constitutions, auquel les femmes, qu'elles soient parlementaires, élues ou issues de la société civile, sont activement et invariablement associées; considérant que le résultat de ce processus sera déterminant pour le fonctionnement démocratique et les droits et libertés fondamentaux, et aura un impact sur la situation des femmes;

C. considérant que le rôle joué par les femmes au moment de la révolution n'est pas différent de celui qu'elles doivent assurer lors des processus de transition démocratique et de reconstruction de l'État; considérant que la réussite de ces processus dépend strictement de la pleine participation des femmes à tous les niveaux de prise de décision;

D. considérant que les femmes dans ces pays sont, bien qu'à des degrés divers, devenues plus présentes dans l'enseignement supérieur, les organisations de la société civile, les entreprises et les institutions au cours des dernières décennies, même si, sous les régimes dictatoriaux et paternalistes, l'application effective des droits a été limitée et que la participation des femmes a été soumise à diverses conditions restrictives;

E.  considérant que les droits de la femme sont l'une des questions les plus débattues dans le processus politique actuel et la principale préoccupation des femmes, vu qu'elles s'exposent au risque d'une réaction négative et d'actions d'intimidation, ce qui peut limiter les chances d'atteindre l'objectif de démocratie partagée et d'égalité au niveau de la citoyenneté;

F.  considérant que les questions de genre, telles que l'inscription des droits des femmes et des jeunes filles au chapitre des droits de l'homme universels, le bénéfice des mêmes droits et le respect des conventions internationales, figurent au cœur des débats constitutionnels;

G. considérant que la représentation des femmes en politique et aux postes décisionnels dans tous les secteurs varie d'un pays à l'autre, mais qu'elle est décevante en termes de pourcentage au regard de l'engagement profond des femmes lors des vagues de soulèvement et des élections qui ont suivi ainsi que du nombre élevé de femmes possédant une formation supérieure;

H. considérant que le renouvellement de la politique de voisinage de l'UE doit mettre davantage l'accent sur l'égalité de genre, l'émancipation des femmes et le soutien à la société civile;

I.   considérant qu'à ce jour, l'aide spécifique accordée par l'Union pour les questions de genre dans la région s'élève à 92 millions d'euros, à savoir 77 millions engagés au niveau bilatéral et 15 millions au niveau régional;

J.   considérant que parmi les programmes bilatéraux de l'Union, le plus important est engagé au Maroc, avec un budget de 45 millions d'euros en faveur de la "promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes", et considérant qu'en Égypte, un projet de 4 millions d'euros devrait être mis en œuvre par ONU Femmes et qu'en Tunisie et en Libye, ONU Femmes met en œuvre des programmes bilatéraux pour les femmes en vue des élections;

K. considérant que la situation socioéconomique, notamment le niveau élevé du chômage des jeunes et des femmes et de pauvreté des femmes, qui entraîne souvent leur marginalisation et les rendent de plus en plus vulnérables, a été l'une des causes principales des bouleversements dans la région, en même temps que l'aspiration aux droits, à la dignité et à la justice;

L.  considérant que de nombreux actes de violence sexuelle ont été commis à l'égard des femmes et des filles pendant et après les soulèvements qui ont secoué la région, y compris des viols et des tests de virginité utilisés, entre autres par les forces de sécurité, pour mettre les femmes sous pression, et des actes de harcèlement sexuel en public; considérant que l'intimidation à l'égard des femmes est de plus en plus utilisée par les mouvements extrémistes; considérant que les enquêtes montrent que plus de 80 % des Égyptiennes ont été harcelées sexuellement;

M. considérant que la situation des femmes et enfants migrants est encore plus délicate vu l'insécurité dans certaines parties de la région et la crise économique;

N. considérant que le risque relatif à la traite des êtres humains augmente dans les pays en transition et dans les régions où les populations civiles sont touchées par les conflits ou dans lesquelles de nombreuses personnes réfugiées ou déplacées séjournent;

O. considérant qu'une question fondamentale dans les débats constitutionnels est de savoir si l'islam doit être défini dans la constitution comme étant la religion du peuple ou celle de l'État;

P.  considérant que le référendum constitutionnel égyptien de décembre 2012 a fait l'objet d'une participation inappropriée de la population et qu'il n'a pas reçu l'accord de toutes les parties, laissant ouvertes certaines questions et un pouvoir discrétionnaire au niveau de l'interprétation de questions constitutionnelles importantes, notamment la question des droits des femmes;

Q. considérant que la dimension parlementaire de l'Union pour la Méditerranée (UpM) et le processus d'Istanbul-Marrakech figurent parmi les meilleurs outils pour les échanges sur toutes ces questions entre les législateurs et que l'assemblée parlementaire de l'Union pour la Méditerranée compte une commission des droits de la femme qui doit être utilisée à bon escient;

Les droits des femmes

1. demande aux autorités des pays concernés de consacrer de façon irréversible dans leur constitution le principe de l'égalité entre les hommes et les femmes afin de proclamer explicitement l'interdiction de toutes les formes de discrimination et de violence à l'égard des filles et des femmes, la possibilité de mener des actions positives et la reconnaissance des droits politiques, économiques et sociaux des femmes; invite les législateurs de ces pays à modifier toutes les lois existantes et à intégrer le principe d'égalité dans tout projet ou proposition législative pouvant présenter un potentiel discriminatoire à l'égard des femmes, par exemple en matière de mariage, divorce, garde des enfants, droits parentaux, nationalité, héritage et capacité juridique, conformément aux instruments internationaux et régionaux, et de reconnaître l'existence de mécanismes nationaux pour la protection des droits des femmes;

2.  demande aux autorités nationales de garantir l'égalité entre les femmes et les hommes dans le code pénal ainsi qu'au sein des systèmes de sécurité sociale;

3.  souligne le fait qu'une participation égale des femmes et des hommes dans tous les domaines de la vie est un élément essentiel de démocratie et que la participation des femmes à la gouvernance constitue un pré-requis pour le progrès socioéconomique, la cohésion sociale et la gouvernance démocratique équitable; par conséquent, demande instamment à tous les États membres de faire de l'égalité de genre une priorité dans leurs programmes de promotion de la démocratie;

4.  souligne que les transitions en cours en Afrique du Nord n'aboutiront à des systèmes politiques et à des sociétés démocratiques que lorsque l'égalité de genre, y compris le libre choix d'un mode de vie, aura été mise en place;

5.  demande aux autorités des pays d'Afrique du Nord de respecter pleinement la CEDAW et ses protocoles, ainsi que toutes les conventions internationales relatives aux droits de l'homme et, partant, de retirer toutes les réserves formulées à l'égard de la CEDAW; leur demande également de coopérer avec les mécanismes des Nations unies pour la protection des droits des filles et des femmes;

6.  rappelle le débat ouvert qui s'est tenu entre femmes islamistes diplômées d'universités pour interpréter les textes religieux sous l'angle des droits de la femme et de l'égalité;

7.  rappelle qu'il importe de garantir la liberté d'expression et de culte et le pluralisme, y compris à travers la promotion du respect mutuel et du dialogue interreligieux, en particulier parmi les femmes;

8.  encourage les États à engager un débat inclusif, vaste et volontaire avec tous les acteurs concernés, y compris la société civile, les partenaires sociaux, les organisations locales des femmes, les autorités locales et les leaders religieux, et de veiller à ce que les droits des femmes et le principe de l'égalité entre les hommes et les femmes soient protégés et garantis;

9.  rappelle qu'aucune religion monothéiste ne prône ou ne saurait être utilisée pour justifier la violence;

10. demande aux pays d'Afrique du Nord d'adopter des législations et des mesures concrètes interdisant et sanctionnant toutes les formes de violence à l'égard des femmes, y compris les violences domestiques et sexuelles et les pratiques traditionnelles nuisibles, telles que les mutilations génitales féminines et les mariages forcés, notamment dans le cas de mineures d'âge; souligne l'importance de la protection des victimes et de la fourniture de services adaptés; se félicite de la campagne récente contre la violence domestique lancée par la ministre tunisienne des Affaires de la femme et de la famille, ainsi que de l'engagement continu du Maroc au soutien de cette cause, qui a, en 2012, organisé sa dixième campagne nationale de lutte contre la violence à l'égard des femmes;

11. rappelle la double discrimination dont les femmes lesbiennes sont victimes et demande aux autorités nationales d'Afrique du Nord de dépénaliser l'homosexualité et de veiller à ce que les femmes ne fassent pas l'objet de discriminations sur la base de leur orientation sexuelle;

12. rappelle qu'il est important de lutter contre l'impunité en ce qui concerne toutes les violences faites aux femmes, en particulier la violence sexuelle, en veillant à ce que ces délits soient investigués, poursuivis et sévèrement sanctionnés, que les mineures soient dûment protégées par le système judiciaire et que les femmes aient pleinement accès à la justice sans discrimination du fait de la religion et/ou de l'origine ethnique;

13. demande aux gouvernements nationaux de prévoir une formation suffisante afin que le personnel judiciaire et les forces de sécurité soient dûment équipés pour aborder de façon appropriée les délits de violence sexuelle et leurs victimes; souligne également l'importance d'une justice transitionnelle qui tienne compte de la question de genre;

14. condamne le recours à tous les types de violence, particulièrement la violence sexuelle avant, pendant et après les soulèvements, et son utilisation continue comme forme de pression politique et comme moyen d'opprimer, d'intimider et d'avilir les femmes; demande aux systèmes juridiques nationaux de poursuivre ces délits avec les mesures adéquates, et souligne que la Cour pénale internationale pourrait intervenir si aucune action en justice n'est possible à l'échelle nationale;

15. fait observer que, pendant et après les soulèvements, les femmes en Afrique du Nord ont souffert d'une vulnérabilité accrue et de victimisation;

16. demande aux pays d'Afrique du Nord d'élaborer une stratégie pour les victimes de violence sexuelle pendant et après les soulèvements, qui prévoit une réparation adéquate et un soutien économique, social et psychologique; demande aux autorités des pays d'Afrique du Nord de s'employer en priorité à traduire les responsables en justice;

17. condamne la mutilation génitale féminine qui est encore pratiquée dans certaines régions d'Égypte et demande aux autorités nationales de veiller davantage à l'application de l'interdiction, et à la Commission de prévoir des programmes d'éradication également par le biais des ONG et de l'éducation en matière de santé; souligne en outre l'importance de la sensibilisation, de la mobilisation des populations, de l'éducation et de la formation, et de la nécessité d'impliquer les autorités nationales, régionales et locales et la société civile ainsi que les représentants religieux et communautaires pour lutter contre la pratique de la mutilation sexuelle féminine;

18. se félicite de ce que de plus en plus de pays de la région aient décidé de relever l'âge légal du mariage des filles au cours des dernières décennies (16 ans en Égypte, 18 ans au Maroc et 20 ans en Tunisie et en Libye) et condamne toute tentative de l'abaisser à nouveau ou d'atténuer la portée de telles réformes, étant donné que le mariage précoce et souvent forcé s'effectue non seulement au détriment des droits, de la santé, de l'état psychologique et de l'éducation des jeunes filles, mais perpétue également la pauvreté, en affectant négativement la croissance économique;

19. insiste sur le fait qu'aucune discrimination ou violence à l'égard des femmes ou des filles ne peut être justifiée par la culture, la tradition ou la religion;

20. souligne la nécessité, lors de l'élaboration de nouvelles politiques de santé, de faciliter l'accès à la santé ainsi qu'à la protection et aux services sociaux pour les femmes et les filles, en particulier en ce qui concerne la santé maternelle, sexuelle et la santé reproductive et les droits connexes; demande aux autorités nationales d'Afrique du Nord d'assurer la pleine mise en œuvre de la CIPD, du programme d'action et du programme des Nations unies pour le développement et la population, et attire leur attention sur les conclusions du rapport du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) "Oui au choix, non au hasard - Planification familiale, droits de la personne et développement";

21. souligne l'importance des actions spécifiques visant à informer les femmes de leurs droits ainsi que l'importance de la coopération avec la société civile et les organismes publics en vue de préparer les réformes et d'appliquer les lois antidiscrimination;

La participation des femmes au processus décisionnel

22. souligne que la participation active des femmes à la vie publique et politique, comme manifestantes, électrices, candidates et représentantes élues, montre leur volonté d'exercer pleinement leurs droits civiques en tant que citoyennes et de se battre pour l'instauration de la démocratie; estime que les récents événements du Printemps arabe ont montré que les femmes peuvent jouer un rôle important dans les événements révolutionnaires; demande, par conséquent, que soient adoptées toutes les mesures nécessaires, y compris des mesures positives et des quotas, pour assurer le renforcement de la progression de la participation égale des femmes à la prise de décision à tous les niveaux de gouvernement (du niveau local au niveau national, de l'exécutif au législatif);

23. considère qu'il est primordial d'augmenter le nombre de femmes participant à l'élaboration des lois au sein des parlements nationaux, en vue de garantir des pratiques législatives plus équitables ainsi qu'un véritable processus démocratique;

24. soutient l'idée de nombreuses femmes parlementaires dans ces pays, selon laquelle les droits de la femme et l'égalité de genre ainsi que la participation active des femmes à la vie politique, économique et sociale grâce au renforcement de leurs capacités et la lutte contre les discriminations pourraient être mieux promus et appliqués dans la législation grâce à la mise en place d'un conseil de femmes ou d'une commission parlementaire spéciale, s'il n'en existe pas, pour l'égalité de genre pour traiter cette question et assurer la prise en compte de l'égalité entre les hommes et les femmes dans les travaux parlementaires;

25. rappelle que, tout comme en Europe, les femmes doivent être davantage représentées à tous les niveaux de la prise de décision, en particulier au sein des institutions, des partis politiques, des syndicats et du secteur public (y compris la justice), et souligne que les femmes sont souvent bien représentées dans certains secteurs, mais qu'elles sont moins présentes dans les hautes fonctions, notamment en raison de la persistance des discriminations de genre et des stéréotypes sexistes et du phénomène du "plafond de verre";

26. estime qu'une transition démocratique requiert la mise en œuvre de politiques qui tiennent compte de la dimension de genre, et de mécanismes qui garantissent une participation pleine et égale des femmes à la prise de décision dans la vie publique, tant dans le domaine politique qu'économique, social et environnemental;

27. souligne le rôle essentiel de l'éducation et des médias pour encourager le changement d'attitude de l'ensemble de la société et l'adoption des principes démocratiques que sont le respect de la dignité humaine et de l'esprit de partenariat pour les deux sexes;

28. souligne l'importance d'une présence accrue des femmes dans les processus de négociation de paix, de médiation, de réconciliation intérieure et d'instauration de la paix;

29. insiste sur l'importance de la mise en place et le financement des formations destinées aux femmes en vue de les préparer au leadership politique, ainsi que, de toute autre mesure qui contribue à l'autonomisation des femmes et à leur pleine participation tant au niveau politique, économique que social;

L'émancipation des femmes

30. félicite les pays, tels que la Tunisie ou le Maroc, qui ont redoublé d'efforts en faveur de l'éducation des filles; réaffirme, toutefois, qu'un meilleur accès à l'enseignement et aux cours de mise à niveau et de rattrapage, et en particulier à l'enseignement supérieur, doit être assuré pour les femmes et les filles; rappelle que des efforts supplémentaires s'imposent pour mettre fin à l'analphabétisme, et qu'il convient de mettre l'accent sur la formation professionnelle, y compris la promotion de la culture numérique chez les femmes; recommande d'inclure l'égalité de genre dans les programmes d'enseignement;

31. souligne que l'accès des filles à l'école secondaire et à l'enseignement supérieur, ainsi que la qualité de l'enseignement, doivent être des priorités des gouvernements et des parlements des États d'Afrique du Nord étant donné que c'est un moyen d'assurer le développement, la croissance économique et la durabilité de la démocratie;

32. demande la mise en place de politiques tenant compte de la situation particulière des catégories de femmes les plus vulnérables, y compris les enfants, les personnes handicapées, les immigrantes, les minorités ethniques et les personnes homosexuelles et transsexuelles;

33. souligne qu'il reste beaucoup à faire pour assurer l'indépendance économique des femmes et encourager leur participation à l'activité économique, y compris dans le secteur agricole et celui des services; est d'avis que l'indépendance économique des femmes leur permet de mieux résister à la violence et à l'humiliation; estime que l'échange des meilleures pratiques doit être renforcé au niveau régional entre entrepreneurs, syndicats et société civile, en particulier pour aider les femmes les plus vulnérables des régions rurales ou urbaines frappées par la pauvreté;

34. demande aux gouvernements des pays d'Afrique du Nord d'encourager et de soutenir la participation accrue des femmes au marché du travail et de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir les discriminations de genre sur le lieu du travail; insiste sur la nécessité de mettre en place des outils qui puissent permettre aux femmes d'accéder au marché du travail dans des secteurs qui leurs sont traditionnellement fermés;

35. reconnaît le rôle joué par les médias pour attirer l'attention sur les questions relatives à la situation des femmes et à leur rôle dans la société ainsi que leur influence sur l'attitude des citoyens dans leurs pays; recommande l'élaboration d'un plan d'action destiné au soutien des femmes dans les médias, à la fois pour les guider dans leur parcours professionnel et pour permettre de surveiller la manière dont les femmes sont représentées à la télévision, grâce à la production de programmes télévisés et l'utilisation de nouveaux médias (l'internet et les réseaux sociaux), afin d'encourager la participation politique des femmes et de propager l'idée selon laquelle il est possible d'allier tradition et égalité des chances;

36. recommande de prendre des mesures en vue d'assurer le suivi du processus d'émancipation des femmes, y compris en ce qui concerne le respect de leurs droits en tant que travailleuses, notamment dans le secteur industriel et celui des services, dans les zones rurales et dans les zones industrielles urbaines, et de promouvoir l'entrepreneuriat féminin et l'égalité des rémunérations;

37. souligne qu'il existe une corrélation positive entre la dimension du secteur des PME d'un pays et le taux de croissance économique; estime que le microfinancement constitue un outil précieux pour l'émancipation des femmes, et rappelle qu'investir auprès des femmes signifie également investir dans la famille et la communauté et contribue à éradiquer la pauvreté et le malaise social et économique,à renforcer la cohésion sociale et à apporter une indépendance économique accrue aux femmes; rappelle que le microfinancement va au-delà du crédit, et qu'il implique une gestion ainsi qu'un conseil financier et commercial et des plans d'épargne;

38. demande aux autorités publiques nationales d'élaborer des politiques d'encadrement des microcrédits afin d'éviter les effets pervers, tels que le surendettement, que les femmes peuvent subir par manque d'information et par le vide juridique;

39. encourage les États d'Afrique du Nord à mettre en place des mécanismes d'accompagnement et de soutien à l'entrepreneuriat des femmes, y compris, par la fourniture d'informations, d'une protection juridique et de formations de promotion sociale et gestion;

40. encourage l'émancipation des femmes par des programmes d'échange donnant la possibilité aux organisations de femmes et aux chercheuses isolées issues de différents pays de se rencontrer et de partager les expériences et les enseignements acquis, pour leur permettre de développer des stratégies et des actions qui puissent être reprises selon les différents besoins et milieux d'origine;

41. souligne l'importance de veiller à ce que les programmes et les actions en faveur de l'émancipation des femmes dans cette région reposent sur trois niveaux d'intervention: tout d'abord au niveau institutionnel en préconisant l'égalité de genre à travers une réforme du cadre juridique et de nouveaux actes législatifs, en apportant notamment une aide technique; deuxièmement en soutenant les organisations de la société civile qui sont en mesure de défendre les droits des femmes et d'accroître leur participation au processus de prise de décision; et troisièmement en agissant directement au niveau des communautés locales, notamment dans les zones rurales, et en veillant à changer les comportements sociaux et les traditions et en ouvrant des possibilités aux femmes dans la vie sociale, économique et politique de leurs communautés;

La politique européenne de voisinage – l'action de l'UE

42. souligne que la PEV doit placer les droits de la femme, l'égalité de genre et l'émancipation des femmes au cœur de ses programmes, étant donné qu'ils constituent des indicateurs clés pour évaluer les progrès enregistrés au niveau de la démocratisation et des droits de l'homme; estime que l'égalité de genre doit être une priorité dans chaque document stratégique par pays et dans chaque programme indicatif national;

43. invite la Commission à poursuivre et à renforcer la prise en compte des questions de genre dans les diverses interventions de l'UE quels que soient les domaines, et encourage la Commission à poursuivre la coopération avec les organisations internationales en tant que responsables de l'exécution, telles que ONU Femmes;

44. encourage la Commission à adopter une approche d'intégration de la dimension de genre lors de l'élaboration des feuilles de route par pays pour le dialogue avec les organisations de la société civile dans les pays d'Afrique du Nord, dans le but de réduire les inégalités liées au genre et de créer les conditions d'une participation équitable des femmes et des hommes aux processus décisionnels;

45. demande à la HR/VP d'approfondir le dialogue avec les institutions régionales arabes afin de veiller à ce qu'elles jouent un rôle clé dans l'intégration des droits des femmes et des politiques connexes dans la région;

46. demande à la HR/VP et à la Commission de mettre en œuvre le programme de travail conjoint sur la coopération, signé avec la Ligue des États arabes, notamment en ce qui concerne l'émancipation des femmes et les droits de l'homme;

47. demande à la Commission d'augmenter l'enveloppe financière destinée à fournir une aide aux femmes dans la région; estime que ce soutien doit continuer à tenir compte à la fois des spécificités de chaque pays et des problèmes communs qui les affectent au niveau régional, par exemple au niveau politique et économique, tout en recherchant les complémentarités entre les programmes régionaux et bilatéraux;

48. demande à la Commission d'encourager le développement et de continuer à soutenir les programmes mobilisateurs déjà en place, destinés aux femmes leaders d'opinion ainsi qu'aux postes d'encadrement dans les secteurs commerciaux et financiers;

49. estime que les droits de la femme et l'égalité de genre doivent être dûment pris en compte de façon appropriée dans les engagements contractés par les partenaires conformément au principe "plus pour plus" de la nouvelle politique de voisinage; demande dès lors à la HR/VP et à la Commission d'élaborer des critères clairs pour garantir les progrès et en assurer le suivi à travers un processus transparent et inclusif, notamment en consultation avec les organisations des droits des femmes et de la société civile;

50. demande au représentant spécial de l'UE pour les droits de l'homme d'accorder une attention particulière aux droits de la femme en Afrique du Nord, conformément à la nouvelle Stratégie de l'UE en matière de droits de l'homme;

51. souligne l'importance d'encourager la participation des femmes au processus électoral et demande par conséquent aux autorités des pays intéressés d'inscrire dans leurs propres constitutions le droit des femmes à participer au processus électoral afin de supprimer les barrières qui entravent une réelle participation des femmes à un tel processus; demande à l'UE de travailler en étroite collaboration avec les gouvernements nationaux afin de leur fournir les meilleures pratiques concernant la formation des femmes aux droits politiques et électoraux; rappelle que cette participation doit s'appliquer à l'ensemble du cycle électoral à travers des programmes d'assistance, et être étroitement suivie par la MOE UE, le cas échéant;

52. encourage la Commission à continuer à assurer le suivi de la mise en œuvre des recommandations des Missions d'observation électorale de l'Union européenne dans les États d'Afrique du Nord en matière des droits des femmes et à présenter un rapport au Parlement européen;

53. demande à la HR/VP et à la Commission d'aborder la discrimination des droits des travailleuses dans le droit du travail dans les réunions du dialogue politique avec les pays d'Afrique du Nord conformément à la politique du "plus pour plus", et de promouvoir la participation des femmes dans les syndicats;

54. invite la Commission et les autres donateurs à promouvoir des programmes visant à assurer l'égalité d'accès aux marchés du travail et à la formation pour toutes les femmes, ainsi qu'à augmenter les ressources financières allouées au soutien du renforcement des capacités des organisations et des réseaux de femmes de la société civile aux niveaux national et régional;

55. invite la Commission à mettre en exergue des modèles positifs d'entreprenariat féminin rassemblant des protagonistes issues des pays d'Afrique du Nord ou de groupements réunissant des entrepreneuses européennes et nord-africaines, notamment dans le domaine de la technologie et de l'industrie; demande dès lors à la Commission de créer des instruments de vulgarisation des informations pertinentes afin de veiller à ce que les expériences acquises soient utilisées de façon optimale et servent de ferment en dévoilant le potentiel de développement de ce type d'activités dans des communautés disposant d'économies moins dynamiques;

56. demande à la Commission, lorsqu'elle réalise des évaluations de l'impact avec les pays avec lesquels elle négocie un 'accord de libre-échange approfondi et global', de tenir compte de l'impact social potentiel de l'accord et des effets potentiels sur les droits humains des femmes, en particulier dans le secteur informel;

57. demande à la Commission d'apporter son soutien aux mesures visant à garantir que les besoins spécifiques des femmes impliquées dans des situations de crise et de conflit, y compris leur exposition à des violences sexistes, sont immédiatement et correctement satisfaits;

58. demande à la HR/VP et à la Commission de garantir un environnement propice permettant à la société civile d'agir et de participer librement au changement démocratique dans les réunions du dialogue politique avec les pays d'Afrique du Nord;

59. demande à la Commission de renforcer le personnel affecté aux questions de genre dans les délégations de l'UE de la région et de faire en sorte que les femmes et les ONG soient impliquées dans le processus consultatif qui entoure la programmation;

60. accueille favorablement l'ouverture de nouveaux bureaux de l'Agence des Nations unies "ONU Femmes" en Afrique du Nord et encourage les délégations de l'UE situées dans les pays concernés à continuer à coopérer avec les bureaux des Nations unies afin de définir des mesures destinées à garantir l'égalité de genre et à promouvoir les droits des femmes après le Printemps arabe;

61. demande à la Commission d'encourager la création et d'assurer le financement de centres de conseil et de "maisons des femmes", auprès desquels les femmes peuvent être conseillées sur toute question, des droits politiques jusqu'au conseil juridique, en passant par la santé et la protection contre les violences domestiques, étant donné qu'une approche holistique est utile pour les femmes, mais qu'elle est également plus respectueuse lorsqu'il s'agit de traiter de la violence;

62. encourage les autorités nationales des pays d'Afrique du Nord à élaborer des programmes de sensibilisation aux violences domestiques parallèlement à la mise en place de refuges pour les femmes qui ont subi, ou subissent, des violences domestiques;

63. invite les autorités des pays d'Afrique du Nord à garantir un soutien médical et psychologique adapté, des services juridiques gratuits et l'accès à la justice et aux mécanismes de recours aux femmes victimes ou témoins de violences;

64. rappelle qu'un soutien à la société civile, aux ONG et aux associations de femmes doit également être fourni par le biais des mécanismes de l'UpM; demande à la Commission de faciliter la coopération entre les organisations de femmes dans l'UE et leurs homologues d'Afrique du Nord;

65. demande à la Commission de soutenir les efforts consentis par les pays d'Afrique du Nord en vue d'établir une démocratie solide et durable fondée sur le respect des droits de l'homme, les libertés fondamentales, les droits des femmes, les principes de l'égalité entre les hommes et les femmes, la non discrimination et l'état de droit; souligne la nécessité de développer une citoyenneté active dans la région à travers un soutien technique et financier à la société civile afin de contribuer à développer une culture politique démocratique;

66. demande à la Commission d'assurer la pleine transparence dans les négociations commerciales, y compris toutes les informations générales sur la base desquelles les accords commerciaux sont proposés; souligne que les groupes de femmes et les organisations de la société civile doivent être activement engagés tout au long du processus;

67. demande à l'assemblée parlementaire de l'UpM de consacrer une session, chaque année en mars, à la situation des femmes dans la région;

68. demande à la Commission d'encourager le renforcement du processus d'Istanbul-Marrakech et de soutenir les programmes qui préconisent le dialogue entre la société civile et les gouvernements dans la région euro-méditerranéenne;

69. estime que la Fondation européenne pour la démocratie (FED), nouvellement créée, devrait accorder une attention particulière à l'implication des femmes dans le processus de réforme démocratique en Afrique du Nord, en soutenant les organisations féminines et les projets dans des domaines sensibles dans une perspective hommes-femmes, tels que le soutien au dialogue interculturel et interreligieux, la lutte contre les violences, la création d'emploi, le soutien à la participation à la vie culturelle et politique, la généralisation de l'égalité d'accès à la justice, aux services de santé et à l'éducation pour les femmes et les filles, et la prévention voire la suppression des discriminations existantes à l'égard des femmes et des violations des droits de la femme;

70. demande instamment à la Commission et aux États membres, et en particulier au coordonnateur européen de la lutte contre la traite des êtres humains, de tenir compte et de faire front commun dans la coordination des activités de politiques extérieure de l'Union dans le cadre de la stratégie de l'UE en vue de l'éradication de la traite des êtres humains pour la période 2012-2016; juge que, lorsque cela est possible, les autorités nationales d'Afrique du Nord doivent être encouragées à se concerter avec d'autres États dans la région pour lutter contre la traite des êtres humains;

71. demande à la Commission de soutenir les projets de femmes et de renforcer les réseaux de femmes dans les universités, les médias, les organes culturels, l'industrie cinématographique et d'autres secteurs créatifs, et insiste sur l'importance du renforcement des relations culturelles entre les deux rives de la Méditerranée, y compris à travers les médias sociaux, les plateformes numériques et la transmission satellitaire;

72. demande aux gouvernements et aux autorités des États membres de placer les droits des femmes au cœur de leurs relations diplomatiques et commerciales bilatérales avec les pays d'Afrique du Nord;

73. demande à la Commission de favoriser les programmes d'échanges universitaires, tels qu'Erasmus Mundus, et d'encourager la participation des jeunes femmes; demande également de développer la coopération interrégionale (par le jumelage ou les échanges entre pairs) entre les régions du Nord et du Sud de la Méditerranée;

74. demande à la Commission d'encourager la participation des jeunes femmes aux programmes bilatéraux de mobilité en matière d'éducation comme Erasmus et de développer une coopération interrégionale entre les universités et les régions du Nord et du Sud de la Méditerranée;

75. se félicite des partenariats pour la mobilité qui facilitent les échanges et qui permettent de gérer les migrations de façon humaine et digne;

76. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission ainsi qu'aux gouvernements des États membres.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Depuis la fin 2010, une vague de protestations et de manifestations a touché l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient, changeant la face et la nature de la région de l'intérieur. Nonobstant la situation qu'elles connaissent dans ces régions, les femmes ont activement participé en tant que manifestantes, organisatrices et dirigeantes de ces mouvements, et sont devenues des agents essentiels du changement aux côtés des hommes. Aujourd'hui, elles continuent à lutter pour leur représentation au sein des nouvelles assemblées et des nouveaux gouvernements, et pour l'égalité des droits dans les nouvelles constitutions.

Le succès de ce mouvement révolutionnaire, appelé "Printemps arabe", a varié d'un pays à l'autre, pour une série de raisons. Le présent rapport se concentre sur quatre pays d'Afrique du Nord: Égypte, Libye, Maroc et Tunisie. Bien qu'ils soient différents, ils ont tous été affectés par un changement de régime, des élections et une révision de leur constitution.

L'objectif de ce rapport est de: (1) présenter les réalisations des femmes en Égypte, en Libye, au Maroc et en Tunisie; (2) souligner l'engagement des femmes dans la société civile, les ONG, les medias et les parties politiques pour soutenir la transition démocratique; (3) attirer l'attention sur les difficultés continues et les pièges potentiels rencontrés par les femmes dans leur quête d'égalité dans ces pays, même si leur participation a été cruciale pour le succès des mouvements de protestation; (4) montrer comment utiliser les instruments de l'Union pour soutenir les droits de la femme et l'égalité de genre dans le processus démocratique de ces pays.

Durant les années qui ont précédé les soulèvements, les femmes en Tunisie et, dans une certaine mesure, en Égypte, au Maroc et en Libye, ont obtenu certains résultats au niveau législatif pour la protection de leurs droits. Cependant en pratique, l'égalité entre les hommes et les femmes est restée limitée, du fait de la nature répressive des régimes, de l'absence de mise en œuvre effective des lois et des images traditionnelles du rôle des femmes. Et pire encore, les progrès réalisés dans le domaine des droits de la femme ont été utilisés comme propagande par les régimes autocratiques, en particulier en Libye et aussi en Égypte. De plus, la participation des femmes à la vie publique était conditionnée par leur appartenance au parti dirigeant.

En Tunisie, les organes de la société civile occupent une place particulièrement importante – ce qui était déjà le cas sous le régime Ben Ali –, en particulier les organisations pour les droits des femmes. Toutefois, lors du Printemps arabe, beaucoup ont été impressionnés par le rôle important joué par les femmes et par leur forte participation aux manifestations en Égypte, en Libye et en Tunisie. Les femmes ont alors acquis une grande visibilité. Elles ont souvent lourdement payé leur participation, en particulier en Égypte et en Libye, où un nombre extrêmement élevé de cas de violences sexuelles et d'intimidations a été enregistré.

Au lendemain des soulèvements, le défi des femmes a été de traduire leur combat civique en action politique et de participer aux élections. Les résultats ont varié d'un pays à l'autre. Cela a surtout prouvé que le système de vote adopté par la loi électorale affecte les candidates de manière positive ou négative.

La loi électorale en Libye imposait aux partis politiques de déposer des listes fermées incluant alternativement des candidats masculins et féminins, horizontalement et verticalement. Cela donnait un bon résultat, les femmes obtenant 32 sièges sur les 80 alloués aux partis politiques (sur un total de 200 au sein du nouveau Congrès national). Les 120 autres sièges étaient attribués à des candidats individuels et seule, une femme était élue (sur 89 candidates). La législation libyenne était adoptée en tenant compte de l'expérience tunisienne, où les listes n'alternaient que verticalement.

L'expérience de la Tunisie montre que la fragmentation du paysage politique affaiblissait de système des quotas. Néanmoins, la représentation féminine au sein de l'assemblée nationale constituante se situe encore largement au-dessus du niveau régional – et européen – à 27 %, comme c'était le cas avant la révolution, mais lors d'élections libres.

Les résultats des élections en Égypte étaient fort décevants. Lors des élections de novembre 2011 et janvier 2012, seulement huit femmes (1,6 %) étaient élues; deux de plus figuraient parmi les 10 membres du parlement nommé par le Conseil suprême des forces armées (SCAF), ce qui faisait au total 1,9 %. Lors des élections du Conseil de la Shura, en janvier-mars 2012, les femmes remportaient cinq sièges sur un total de 180 (2,8 %).

Les résultats revêtent une importance capitale car la construction de la démocratie suppose la pleine participation des femmes, mais également parce que les assemblées nouvellement élues en Égypte, en Libye et en Tunisie sont chargées de la rédaction de nouvelles constitutions. La rédaction ou la révision de la Constitution est en effet un élément essentiel du débat politique. La situation actuelle en Afrique du Nord, au niveau des constitutions, rappelle celle de l'après-guerre en Europe. Le grand défi pour les femmes en Égypte, en Libye et en Tunisie, est de veiller à ce qu'elles puissent participer activement, au sein des organes responsables, à l'élaboration de la nouvelle constitution et de garantir que la démocratie, les droits des femmes et l'égalité de genre soient clairement inscrits dans la constitution. À cette fin, elles doivent s'organiser au sein des assemblées, par exemple en associations réunissant des représentantes de tous les partis politiques, comme c'est le cas au parlement tunisien.

Le dialogue entre femmes sur les valeurs et principes qui fondent la future constitution, et au-delà, devrait également inclure la participation de femmes aux parcours différents et aux religions différentes.

Au lendemain des élections dans ces pays, hormis en Libye, des partis islamistes sont arrivés au pouvoir, parfois dans des coalitions comme en Tunisie. Certains membres de ces partis et de mouvements en dehors de ceux-ci, s'attachent symboliquement aux droits des femmes, et font pression sur les gouvernements pour remettre en cause toute idée d'égalité entre les hommes et les femmes. L'égalité de genre figure au cœur des débats publics et constitutionnels et cristallise les passions. Le statut et la place des femmes dans la société sont presque en train de modeler un choix sociétal et tendent à opposer modernistes et traditionnalistes. A ce stade, il est donc important d'éviter un tel risque et une trop forte bipolarisation. Une solution pourrait être de créer un appui institutionnel offrant des opportunités de passerelles entre les femmes de différents horizons en vue de parvenir à des compromis.

L'impact du Printemps arabe au Maroc fut relativement différent. Le 20 février 2011, au lendemain des soulèvements dans les pays voisins, une immense manifestation avait lieu. Une révision de la constitution était adoptée par référendum en juillet 2011. Ensuite, un parti islamiste, le Parti pour la justice et le développement (PJD) remportait les élections générales en novembre 2011.

Toute la question, dans ces pays, réside dans l'adaptation de la politique de l'Islam à ces sociétés qui sont fort différentes de celles des pays du Golfe, par exemple. Cela dépendra également de la manière dont l'Islam politique réussit à développer une doctrine gouvernementale en Afrique du Nord, en construisant sur les acquis du passé.

Il existe en effet un large éventail de combinaisons possibles entre l'Islam et l'universalité des droits de l'homme. L'assemblée constituante tunisienne cherche à atteindre un compromis. Ce qui n'est pas impossible comme le montre l'article 19 de la constitution marocaine, révisé en 2011, qui dispose que l'homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental[1]. La nouvelle constitution a été approuvée par referendum.

Les débats autour de l'élaboration d'une nouvelle constitution s'avèrent particulièrement difficiles en Égypte. Malgré des débats animés et complexe entre les membres de l'assemblée constituante, la réalisation d'un compromis entre les députés islamiste et non islamistes s'est avéré difficile à atteindre. En outre, l'absence absolue d'une masse critique de femmes au sein de l'assemblée populaire démocratiquement élue déforce la voix des femmes dans le processus constitutionnel malgré une société civile dynamique où les femmes sont très actives.

La Libye se trouve dans une situation d'après-conflit caractérisée par des problèmes très spécifiques et ne dispose pas de réelles entités étatiques sur lesquelles baser sa reconstruction. Les tribus continuent à jouer un rôle central dans la stabilisation du pays et les femmes qui participent aux campagnes publiques pour la paix et la réconciliation nationale doivent être inclues dans les organes de négociation.

Dans les quatre pays, le processus se poursuit; il enregistre à la fois des succès et des défaites, ce qui fait que le résultat final demeure incertain.

Le rôle des femmes en Afrique du Nord peut être évalué à travers leur émancipation économique et sociale. Depuis des années, en Tunisie, au Maroc et en Libye, les femmes sont très présentes parmi la population des universités (40 à 60 %)[2], les entrepreneurs ou les acteurs de l'activité économique (plus de 25 %)[3], etc. Dans des pays comme la Libye où l'accès à la vie publique a été complètement bloqué, les femmes sont parvenues à être bien représentées dans la vie sociale et économique et représentent aujourd'hui 17 % des parlementaires élus au Conseil national, mais seulement deux des 24 ministères.

L'Union a un rôle à jouer par le biais de sa nouvelle politique de voisinage. En soutenant la construction des régimes démocratiques et du développement économique et social, l'Union européenne pourrait aider ses voisins du Sud dans la réalisation des attentes formulées par les soulèvements populaires: plus de démocratie, plus de liberté et plus de justice. Dans les actions entreprises par l'Union, il faut garder à l'esprit qu'il n'y a pas de réelle démocratie si la moitié de la population n'est pas prise en compte. L'égalité de genre et les droits de la femme doivent dès lors figurer parmi les priorités de l'Union et les progrès accomplis dans ce domaine doivent être pris en compte lors de l'évaluation des engagements pris par les partenaires dans le cadre de la politique "plus pour plus". À cette fin, les femmes et les organisations de femmes doivent être impliquées dans le processus de négociation avec les autorités lorsqu'il s'agit de décider des priorités et des programmes dans le cadre de l'instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP).

Les structures de l'Union pour la Méditerranée (UpM) sont un autre instrument pour renforcer le dialogue et les réseaux entre universités, chercheurs, journalistes, entrepreneurs et ONG.

Le présent rapport est basé sur une audition publique, la mission d'une délégation en Tunisie, ainsi que sur la consultation de plusieurs femmes élues dans les pays concernés, d'experts et d'ONG.

  • [1]  "L'homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental, énoncés dans le présent titre et dans les autres dispositions de la Constitution, ainsi que dans les conventions et pactes internationaux dûment ratifiés par le Royaume et ce, dans le respect des dispositions de la Constitution, des constantes et des lois du Royaume. L'État marocain œuvre à la réalisation de la parité entre les hommes et les femmes. Il est créé, à cet effet, une Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination"
  • [2]  Institut de statistique de l'UNESCO. Enseignement supérieur:
  • [3]  OIT – PNUD Institut de statistique, activité économique

AVIS de la commission du dÉveloppement (23.1.2013)

à l'intention de la commission des droits de la femme et de l'égalité des genres

sur la situation des femmes en Afrique du Nord
(2012/2102(INI))

Rapporteure pour avis: Corina Creţu

SUGGESTIONS

La commission du développement invite la commission des droits de la femme et de l'égalité des genres, compétente au fond, à incorporer dans la proposition de résolution qu'elle adoptera les suggestions suivantes:

1.  demande instamment à chaque pays d'Afrique du Nord d'intensifier les efforts visant à promouvoir l'égalité d'accès des femmes à l'éducation, aux services médicaux, à la justice, aux médias et à la vie politique;

2.  encourage l'émancipation des femmes par des programmes d'échange donnant la possibilité aux organisations de femmes et aux chercheuses isolées issues de différents pays de se rencontrer et de partager les expériences et les enseignements acquis, pour leur permettre de développer des stratégies et des actions qui puissent être reprises selon les différents besoins et milieux d'origine;

3.  attire l'attention sur le défi majeur que représente l'éradication de l'analphabétisme chez les femmes et appelle à une meilleure évaluation des causes de l'abandon scolaire; souligne l'importance de veiller à la représentation de modèles féminins positifs dans les écoles;

4.  demande l'élimination de toute forme de discrimination envers les femmes dans la législation actuellement en vigueur dans les pays d'Afrique du Nord, et souligne l'importance d'une participation active des femmes tant à la vie politique et aux organisations de la société civile qu'à l'élaboration des lois; insiste sur l'importance de sensibiliser et de former les femmes et les hommes des différents milieux et groupes sociaux à l'égalité des citoyens et aux droits électoraux;

5.  invite la Commission et les autres donateurs à promouvoir des programmes visant à assurer l'égalité d'accès aux marchés du travail et à la formation pour toutes les femmes, ainsi qu'à augmenter les ressources financières allouées au soutien du renforcement des capacités des organisations et des réseaux de femmes de la société civile aux niveaux national et régional;

6.  invite la Commission à mettre en exergue des modèles positifs d'entreprenariat féminin rassemblant des protagonistes issues des pays d'Afrique du Nord ou de groupements réunissant des entrepreneuses européennes et nord-africaines, notamment dans le domaine de la technologie ou de l'industrie; demande, dès lors, à la Commission de créer des instruments de vulgarisation des informations pertinentes afin de veiller à ce que les expériences acquises soient utilisées de façon optimale et servent de ferment en dévoilant le potentiel de développement de ce type d'activités dans des communautés disposant d'économies moins dynamiques;

7.  demande aux autorités des pays d'Afrique du Nord d'engager des actions durables pour remédier à l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes, lutter contre la féminisation croissante du chômage et renforcer la protection sociale dans les situations liées au genre, en particulier dans les cas de maternité;

8.  appelle au respect de l'héritage ainsi que des traditions, notamment culturelles et religieuses, des femmes, dans la mesure où ils ne portent pas atteinte à leur dignité, leur liberté et leur sécurité; considère qu'il convient d'accorder la priorité aux efforts consentis afin d'améliorer la position des femmes à l'intérieur de leurs communautés, en fonction de leurs besoins et des circonstances qu'elles affrontent;

9.  encourage la Commission à adopter une approche d'intégration de la dimension de genre lors de l'élaboration des feuilles de route par pays pour le dialogue avec les organisations de la société civile dans les pays d'Afrique du Nord, dans le but de réduire les inégalités liées au genre et de créer les conditions d'une participation équitable des femmes et des hommes aux processus décisionnels;

10. invite les autorités des pays d'Afrique du Nord à garantir un soutien médical et psychologique adapté, des services juridiques gratuits et l'accès à la justice et aux mécanismes de recours aux femmes victimes ou témoins de violences.

RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION

Date de l'adoption

22.1.2013

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

22

0

2

Membres présents au moment du vote final

Thijs Berman, Michael Cashman, Corina Creţu, Véronique De Keyser, Nirj Deva, Leonidas Donskis, Charles Goerens, Filip Kaczmarek, Miguel Angel Martínez Martínez, Gay Mitchell, Norbert Neuser, Bill Newton Dunn, Maurice Ponga, Birgit Schnieber-Jastram, Michèle Striffler, Alf Svensson, Keith Taylor, Eleni Theocharous, Patrice Tirolien, Anna Záborská, Iva Zanicchi

Suppléant(s) présent(s) au moment du vote final

Enrique Guerrero Salom, Gesine Meissner, Judith Sargentini

RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION

Date de l'adoption

19.2.2013

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

24

0

4

Membres présents au moment du vote final

Regina Bastos, Andrea Češková, Marije Cornelissen, Iratxe García Pérez, Zita Gurmai, Mikael Gustafsson, Mary Honeyball, Sophia in ‘t Veld, Teresa Jiménez-Becerril Barrio, Constance Le Grip, Astrid Lulling, Ulrike Lunacek, Elisabeth Morin-Chartier, Krisztina Morvai, Siiri Oviir, Joanna Senyszyn, Joanna Katarzyna Skrzydlewska, Marc Tarabella, Britta Thomsen, Anna Záborská, Inês Cristina Zuber

Suppléant(s) présent(s) au moment du vote final

Izaskun Bilbao Barandica, Minodora Cliveti, Silvia Costa, Anne Delvaux, Mariya Gabriel, Nicole Kiil-Nielsen, Doris Pack, Licia Ronzulli, Angelika Werthmann