RAPPORT sur les négociations collectives transfrontalières et le dialogue social transnational

15.7.2013 - (2012/2292(INI))

Commission de l'emploi et des affaires sociales
Rapporteur: Thomas Händel

Procédure : 2012/2292(INI)
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A7-0258/2013
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A7-0258/2013
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PROPOSITION DE RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN

sur les négociations collectives transfrontalières et le dialogue social transnational

(2012/2292(INI))

Le Parlement européen,

–   vu l'article 3, paragraphe 3, et l'article 6, paragraphe 3, du traité sur l'Union européenne (traité UE),

–   vu les articles 9, 151, 152, 154, 155 et 156 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (traité FUE),

–   vu les articles 12 et 28 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et les articles 52, paragraphe 3, et 53 ainsi que le préambule et les explications pertinentes,

–   vu l'article 11 de la convention européenne des droits de l'homme,

–   vu les articles 5 et 6 de la charte sociale européenne (révisée),

–   vu la décision 98/500/CE de la Commission du 20 mai 1998 concernant l'institution de comités de dialogue sectoriel destinés à favoriser le dialogue entre les partenaires sociaux au niveau européen,

–   vu la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements,

–   vu la directive 2001/86/CE du Conseil du 8 octobre 2001 complétant le statut de la Société européenne pour ce qui concerne l'implication des travailleurs et la directive 2003/72/CE du Conseil du 22 juillet 2003 complétant le statut de la société coopérative européenne pour ce qui concerne l'implication des travailleurs,

–   vu la directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne,

–   vu la directive 2009/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs,

–   vu les conclusions du Conseil (EPSCO) 17423/11 adoptées le 1er décembre 2011,

–   vu le document de travail des services de la Commission du 10 septembre 2012, intitulé "Transnational company agreements: realising the potential of social dialogue" (Accords d'entreprises transnationaux: exploiter pleinement le potentiel du dialogue social), (SWD(2012)0264),

–   vu la communication de la Commission du 18 avril 2012 intitulée "Vers une reprise génératrice d'emplois" (COM(2012)0173),

–   vu le rapport du 31 janvier 2012 du groupe d'experts de la Commission sur les accords d'entreprises transnationaux,

–   vu le document de travail révisé du 31 janvier 2012 du groupe d'experts de la Commission sur les accords d'entreprises transnationaux,

–   vu le livre vert de la Commission du 17 janvier 2012, intitulé "Restructurations et anticipation du changement: quelles leçons tirer de l'expérience récente?" (COM(2012)0007) et le document de travail des services de la Commission qui l'accompagne, du 17 janvier 2012, intitulé "Restructuring in Europe 2011" (Restructurations en Europe 2011), (SEC(2012)0059),

–   vu la communication de la Commission du 27 octobre 2010 intitulée "Une politique industrielle intégrée à l'ère de la mondialisation – Mettre la compétitivité et le développement durable sur le devant de la scène" (COM(2010)0614),

–   vu l'étude de la Commission du 2 juillet 2008 intitulée "Mapping of transnational texts negotiated at corporate level" (EMPL F2 EP/bp 2008 (D) 14511),

–   vu le document de travail de la Commission de 2008 intitulé "The role of transnational company agreements in the context of increasing international integration" (Le rôle des accords d'entreprise transnationaux dans le contexte du renforcement de l'intégration internationale), (SEC(2008)2155),

–   vu le rapport de la Commission de février 2006, intitulé "Transnational collective bargaining: Past, present and future" (négociations collectives transnationales: passé, présent et avenir),

–   vu la communication de la Commission du 9 février 2005 sur l'Agenda social (COM(2005)0033),

–   vu les conventions de l'OIT concernant les clauses de travail (contrats publics) (n° 94) et la négociation collective (n° 154),

–   vu la jurisprudence développée par les organes de supervision de l'OIT,

–   vu la déclaration tripartite de l'OIT concernant les principes relatifs aux entreprises multinationales et à la politique sociale (déclaration sur les EMN) (1977),

–   vu la déclaration de l'OIT du 10 juin 2008 sur la justice sociale pour une mondialisation équitable,

–   vu la déclaration de l'OIT du 18 juin 1998 relative aux principes et droits fondamentaux au travail,

–   vu les conventions de l'OIT arrêtant des normes universelles fondamentales du travail en ce qui concerne (entre autres): la liberté d'association et le droit à la négociation collective, n° 87 (1948) et n° 98 (1949) et la non-discrimination dans l'emploi, n° 100 (1951) et n° 111 (1958),

–   vu son étude sur la mise en œuvre des droits fondamentaux des travailleurs, commandée par la commission de l'emploi et des affaires sociales (septembre 2012),

–   vu son étude sur les négociations collectives transfrontalières et le dialogue social transnational, commandée par la commission de l'emploi et des affaires sociales (juin 2011),

–   vu sa résolution du 15 janvier 2013 concernant des recommandations à la Commission sur l'information et la consultation des travailleurs, l'anticipation et la gestion des restructurations[1],

–   vu l'article 48 de son règlement,

–   vu le rapport de la commission de l'emploi et des affaires sociales et l'avis de la commission des droits de la femme et de l'égalité des genres (A7‑0258/2013),

A. considérant que, selon la Commission[2], il y avait 244 accords d'entreprise transnationaux à l'échelon européen en 2012; considérant que cela indique une intégration croissante des relations de travail dans les grandes entreprises transnationales en Europe;

B.  considérant que de plus en plus de nouveaux accords d'entreprise transnationaux comprennent des mécanismes de règlement des litiges, comme le recommandent aussi bien les organisations de travailleurs que les organisations patronales;

C. considérant qu'il n'existe pas de cadre juridique pour ces accords, ni à l'échelon international, ni à l'échelon européen; considérant cependant la nécessité de vérifier si cette situation contribue à expliquer la baisse du nombre de ces accords;

D. considérant que chaque État membre de l'Union a son propre système en ce qui concerne les relations de travail, reposant sur différentes évolutions et traditions historiques, ce qui est à respecter et n'a pas besoin d'être uniformisé;

E.  considérant que les partenariats transfrontaliers entre les partenaires sociaux se sont avérés constituer de bonnes pratiques pour promouvoir la libre circulation des travailleurs et leurs droits respectifs au niveau transfrontalier; considérant que le soutien de l'Union en faveur de ces partenariats transfrontaliers est vital;

F.  considérant qu'à l'échelon européen, le dialogue social encourage le maintien et l'augmentation du nombre d'emplois, l'amélioration des conditions de travail et ainsi un accroissement de la prospérité pour les travailleurs des entreprises transnationales de façon innovante, tout en maintenant l'autonomie tarifaire nationale;

G. considérant que l'Union reconnaît la liberté d'association et le droit de négociation collective comme des droits fondamentaux;

H. considérant que les entreprises opèrent de manière croissante au niveau européen, alors que la représentation des travailleurs est majoritairement organisée sur la base de dispositions nationales; considérant que cette asymétrie a un impact négatif sur la représentation des intérêts des travailleurs et fait peser sur ces derniers le risque d'être opposés les uns aux autres et d'être contraints d'accepter des salaires moins élevés, des conditions de travail moins favorables ou d'autres ajustements à la baisse;

1.  fait observer que la présente résolution est consacrée aux accords d'entreprise transnationaux; fait observer que les accords d'entreprise transnationaux sont conclus entre des confédérations syndicales européennes, d'une part, et des entreprises individuelles et/ou des organisations patronales d'autre part, généralement au niveau sectoriel, et constate que la résolution ne se rapporte pas à des accords cadres internationaux (IFA) qui sont conclus entre des confédérations syndicales internationales et des entreprises; souligne la nécessité de renforcer le dialogue social européen et transnational et les négociations collectives transfrontalières;

2.  suggère que la Commission puisse vérifier si un cadre juridique européen facultatif est nécessaire et utile pour ces accords d'entreprise transnationaux, afin de garantir une sécurité juridique accrue, une plus grande transparence ainsi que des effets juridiques prévisibles et applicables pour les accords suivant ces dispositions cadres; propose que des pratiques se rapportant aux accords d'entreprise transnationaux à l'échelon européen reconnaissant l'autonomie contractuelle des parties contractantes soient promues, et recommande l'inclusion de dispositions relatives à la résolution de conflits dans ces accords;

Cadre juridique facultatif pour les accords d'entreprise transnationaux à l'échelon européen

3.  souligne l'autonomie des partenaires sociaux, qui leur permet de mener des négociations et de conclure des accords à tous les niveaux;

4.  souligne que les accords d'entreprise transnationaux se distinguent les uns des autres en fonction, par exemple, de leur portée, de leur champ d'application et de leurs signataires, conformément aux intentions, à la situation de départ, aux besoins et aux objectifs des parties; constate que les entreprises et les cultures d'entreprise diffèrent énormément les unes des autres et qu'il convient de respecter l'autonomie contractuelle des signataires pour la création de différents accords d'entreprise transnationaux;

5.  suggère aux partenaires sociaux d'échanger les expériences dans le domaine des accords d'entreprises transnationaux;

6.  souligne que la Commission devrait se baser sur une utilisation volontaire lors de l'examen d'un cadre juridique facultatif, l'application d'un tel cadre juridique facultatif devant être volontaire pour les partenaires sociaux et les entreprises et groupes d'entreprises concernés, d'une part, et fondée sur la flexibilité et une référence au niveau national afin de donner un effet juridique aux accords d'entreprise transnationaux, d'autre part; souligne explicitement l'autonomie des partenaires sociaux et des parties à une convention collective;

7.  considère que les comités d'entreprise européens doivent, le cas échéant, être pleinement impliqués dans les négociations avec les confédérations syndicales européennes, en raison notamment de leur capacité à détecter le besoin/l'opportunité d'un accord d'entreprise transnational, lancer le processus et ouvrir la voie à des négociations, contribuer à garantir la transparence et la diffusion d'informations concernant les accords auprès des travailleurs concernés; salue le fait que certaines confédérations syndicales européennes ont conçu des règles de procédure visant à impliquer le comité d'entreprise européen;

8.  est convaincu que l'adoption du principe de la clause la plus favorable et de la clause de non-régression est nécessaire pour éviter le risque que des accords d'entreprise transnationaux à l'échelon européen portent atteinte ou nuisent à des conventions collectives nationales ou à des accords d'entreprise nationaux;

9.  recommande de mettre en place des mécanismes de règlement alternatif des conflits; est d'avis que dans les accords d'entreprise transnationaux à l'échelon européen, il devrait être convenu d'un premier mécanisme conjoint ad hoc à l'échelon de l'entreprise, encourageant par exemple les parties signataires, sur une base volontaire, à convenir de clauses de résolution des litiges, afin de trouver une solution en cas de conflit entre les parties contractantes; suggère que ces clauses peuvent être fondées sur des modèles de règlement alternatif des conflits convenus et mis à disposition par les partenaires sociaux de l'Union européenne au niveau sectoriel; reconnaît que nombre des accords d'entreprise transnationaux précédemment conclus au niveau européen contiennent déjà des mécanismes de résolution des conflits extrajudiciaires opérationnels et encourage les partenaires sociaux à accroître leurs échanges à ce sujet au niveau européen et à trouver des méthodes de développement ou d'optimisation;

10. propose à la Commission qu'elle recommande aux partenaires sociaux de tenir compte des critères suivants dans le cadre des accords d'entreprise transnationaux européens: la procédure de mandatement, c'est-à-dire la clarification de la légitimité et de la représentativité des parties négociantes et contractantes, le lieu et la date de la conclusion de l'accord, le champ d'application géographique et du point de vue du contenu, le principe de la clause la plus favorable et de la clause de non-régression, la période de validité, les conditions de résiliation et les mécanismes de règlement des conflits, les sujets couverts par l'accord et des critères officiels supplémentaires;

11. salue les activités de la Commission pour soutenir l'échange d'expérience pour les partenaires sociaux et les experts, comme le fait de recueillir des exemples, de mettre en place des banques de données et d'élaborer des études;

12. rappelle, dans ce contexte, les expériences positives relatives aux partenariats transfrontaliers entre partenaires sociaux et appelle la Commission et les États membres à obtenir à l'échelon européen un soutien en faveur de ces partenariats transfrontaliers à l'avenir;

13. encourage les partenaires sociaux européens à faire pleinement usage de la possibilité de conclure des accords européens, conformément à l'article 155 du traité FUE, tout en respectant pleinement leur autonomie;

14. demande que les partenaires sociaux européens puissent jouer un rôle accru dans la définition des politiques européennes; demande en particulier que les partenaires sociaux participent à l'Examen annuel de la croissance et jouent un rôle accru dans le suivi des progrès réalisés par les États membres;

15. insiste sur la nécessité d'encourager, de soutenir et d'accroître la représentation et la participation des femmes dans le dialogue social et les structures de négociation collective, et de veiller à l'intégration de la dimension de l'égalité hommes-femmes dans les forums appropriés, afin de solliciter les avis des femmes et d'intégrer les questions d'égalité dans la négociation collective; souligne que le dialogue social et les négociations collectives renferment, sans nul doute, un potentiel immense en tant que vecteurs de la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes sur les lieux de travail;

16. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au Comité économique et social européen, aux partenaires sociaux de l'Union européenne et aux parlements nationaux.

  • [1]  Textes adoptés de cette date, P7_TA(2013)0005.
  • [2]  Document de travail des services de la Commission du 10 septembre 2012, intitulé "Transnational company agreements: realising the potential of social dialogue" (Accords d'entreprises transnationaux: exploiter pleinement le potentiel du dialogue social), (SWD(2012)0264, p.2).

EXPOSÉ DES MOTIFS

Les stratégies d'entreprise impliquant la concentration sur les activités de base, la décentralisation des unités de production, le recours à la production dans des pays où les salaires sont peu élevés, la politique de bas prix et l'accès aux marchés en adaptant les produits et les services aux besoins des clients dans des délais toujours plus courts entraînent des transformations importantes et rapides des entreprises qui fabriquent les produits ou offrent les services. Cela a pour conséquence des fluctuations permanentes des commandes, des modifications en termes d'organisation et des restructurations qui ont des conséquences pour les travailleurs. Ce faisant, les entreprises transfèrent la plupart du temps leurs systèmes de production et leurs structures d'entreprise à tous les établissements qui font partie de l'entreprise.

La transnationalisation croissante du pilotage des groupes fait augmenter la nécessité de trouver des solutions transfrontalières en matière de politique du travail.[1]

Cependant, pour les travailleurs, la portée des systèmes de droit du travail et de droit social s'arrête normalement à la frontière respective de chaque pays. Dans de nombreuses entreprises, les partenaires sociaux ont pour cette raison conclu des accords pour gérer ces transformations. Ce processus de transnationalisation ne doit pas se faire au détriment des travailleurs les plus faibles socialement ou même aboutir à un dumping salarial et social.

L'objectif à atteindre, ce sont des entreprises performantes offrant des emplois de qualité et un taux d'emploi élevé, et il ne peut être réalisé que grâce à un dialogue social de qualité, protégé juridiquement.

Dispositions à l'ombre du droit

Les accords conclus entre représentants des travailleurs et des employeurs sont toutefois très différents, tant eu égard aux dénominations (accord, déclaration, code de conduite, accord d'entreprise, convention collective) qu'aux parties contractantes. Plus il existe d'accords, plus il est nécessaire d'en définir les différentes formes.[2] Tant qu'il n'y aura pas de définitions contraignantes, il y aura cependant toujours la possibilité d'interpréter les choses différemment, en raison des différents systèmes de relations existant entre les partenaires sociaux.

Il est étonnant que compte tenu de l'absence de dispositions juridiques, de la diversité des régimes et de la multitude des problèmes[3] liés à cette situation, autant d'accords transnationaux soient conclus à l'échelon européen.

Alors que la Commission[4] a repris dans sa banque de données environ 215 textes de 138 entreprises, couvrant plus de 10 millions de travailleurs, Business Europe[5] part seulement de 100 entreprises ayant leur siège en Europe et ayant conclu de tels accords.

La Confédération européenne des syndicats (CES) a enregistré environ 220 textes de nature différente (accords, protocoles, déclarations), conclus par 138 entreprises[6]. Ils touchent plus de 10 millions de travailleurs dans le monde, mais sont considérés à 85 % comme des accords européens en raison de leur champ d’application géographique.

Ce nombre croissant d’accords montre une transnationalisation croissante des relations de travail en Europe. Outre les raisons économiques (cf. ci‑dessus), les dispositions d’origine européenne qui ont été adoptées dans ce domaine ont fait avancer cette évolution du point de vue juridique, par exemple les directives concernant les comités d’entreprise européens[7], la participation des travailleurs dans le cadre d’une société européenne (SE)[8], le détachement de travailleurs[9] et l’information et la consultation des travailleurs[10]. Les processus de négociation à l’échelon des comités d’entreprise européens ont contribué à une européisation horizontale et verticale des relations de travail en entreprise, grâce à l’interaction transfrontalière[11].

Les conventions collectives et les accords d'entreprise transnationaux à l'échelon européen

En règle générale, les accords d’entreprise transnationaux à l’échelon européen ne sont pas des conventions collectives au sens classique, conclues à l’échelon national entre syndicats et employeurs ou organisations patronales dans un cadre juridique national, dans lequel s'insèrent également les actions collectives. Les salaires et (dans la plupart des États membres) le temps de travail font partie des conventions collectives classiques.

Dans certains cas, la délimitation entre ces deux sphères peut être difficile. Cela est également dû au fait que dans chaque État membre de l’Union, il existe un système différent en matière de relations entre partenaires sociaux, c’est-à-dire un système pour la façon dont les employeurs, les travailleurs et l’État règlent les relations de travail.

On ne peut pas parler à l’heure actuelle de conventions collectives européennes, même s’il existe des modèles individuels de coordination tarifaire, comme par exemple le groupe de Doorn[12]. Cette coordination a toutefois lieu entre syndicats, et seuls quelques secteurs peu nombreux y participent.

Compte tenu des différents systèmes existant en matière de relations entre partenaires sociaux, il est difficile de s’imaginer un paysage tarifaire européen harmonisé. L’autonomie tarifaire est, dans la plupart des États membres, ancrée dans la loi ou la constitution ou comme droit fondamental. Par ailleurs, il serait difficile de donner forme, à moyen terme, à un paysage tarifaire européen au sein des économies nationales. Ce sera avant tout la tâche des partenaires sociaux européens de trouver à moyen terme un cadre pour les négociations collectives transnationales.

Il y a d’ores et déjà des négociations collectives transfrontalières pour lesquelles le droit de mener des actions collectives doit être garanti, également à l’échelon européen, comme le demande le rapport Andersson[13]. Les affaires Viking et Laval nécessitent une solution à laquelle n’est pas parvenu le projet de règlement Monti II[14]. Compte tenu de l’étude commandée par la commission de l’emploi et des affaires sociales, qui montre clairement que dans certains États membres, l’exercice du droit de mener des actions collectives est rendu plus difficile[15], ceci est d’autant plus nécessaire. Les accords d’entreprise transnationaux à l’échelon européen ne sont certes pas des conventions collectives européennes au sens classique, mais les contenus se transforment[16]. Si au début, l'information était au premier plan, il s'agit désormais de plus en plus de mesures de formation, de protection du travail et de la santé, de mutations et de la gestion des mesures de restructuration[17]. C’est pourquoi les deux niveaux de réglementation pourraient à l’avenir davantage être imbriqués.

Mandatement et représentativité pour les accords d'entreprise transnationaux à l'échelon européen

Une question à la fois très importante et très difficile à résoudre pour les partenaires sociaux européens est celle de la procédure de mandatement et de la représentativité[18] de ceux qui mènent les négociations et qui signent l’accord. Cela devrait être clair, transparent et intelligible. La plupart des confédérations syndicales européennes ont déjà mis au point des directives internes[19] à ce sujet.

Les comités d’entreprise européens et les représentants des travailleurs des sociétés européennes (SE) commencent certes souvent les discussions qui débouchent plus tard sur des accords. Les accords d’entreprise transnationaux à l’échelon européen ne peuvent toutefois être conclus que par les confédérations syndicales européennes. Elles seules peuvent être mandatées de façon démocratique par les syndicats nationaux et représenter les syndicats nationaux reconnus.

C’est ainsi que l’autonomie tarifaire peut être garantie dans le contexte national, en dépit de l’imbrication des deux sphères déjà mentionnée. En outre, cela permet d’obtenir un caractère plus contraignant, à la fois au sein du processus de négociation et au sein du processus de mise en œuvre. En effet, dans la plupart des pays, les syndicats sont directement impliqués à l’échelon national et assurent la compatibilité des dispositions européennes et des dispositions nationales.

Règlement extrajudiciaire des litiges

Au sein des différents systèmes existant en matière de relations entre partenaires sociaux, il existe différentes formes de règlement extrajudiciaire des litiges, en fonction des États membres. L’avantage, c’est que les parties aux négociations participent elles-mêmes à l’élaboration des solutions et qu’il ne s’agit pas de décisions prises par des tiers. C’est pourquoi la médiation est particulièrement recommandée, étant donné que les parties concernées élaborent elles-mêmes une solution, dans le cadre d’une procédure équitable. Il convient également de faire appel aux expériences faites dans d’autres domaines à des fins de comparaison et/ou de recueillir des exemples, comme la médiation et la procédure d’accord dans la loi allemande sur l'organisation des entreprises.

Autres formes de régulation

Jusqu’à présent, il n’existe pas de réglementation sur les accords d’entreprise transnationaux à l’échelon européen. Le sujet relève certes du droit privé international, mais Bruxelles I et Rome I ne prévoient pas de contrats collectifs.

Les accords conclus dans un espace non réglementé auraient donc également force exécutoire devant les tribunaux. Une telle mesure serait trop extrême et ne tiendrait pas suffisamment compte de l’autonomie des partenaires sociaux et du dialogue social.

Une directive ou un règlement sans caractère facultatif ne serait pas la bonne solution non plus en raison du caractère contraignant de son application.

L’accord selon lequel l’ordre juridique national d’un État membre s’applique n’est pas une solution non plus, car pour toutes les parties de l’entreprise situées dans un autre pays, ce système juridique serait un système étranger et non applicable. De plus, cela ne tiendrait pas compte du caractère transnational, à l’origine européen, de ces accords ni de la transnationalisation des relations de travail à l’échelon européen.

  • [1]  Müller, Thorsten/ Platzer, Hans-Wolfgang, Rüb, Stefan, "Transnationale Unternehmensvereinbarungen und die Vereinbarungspolitik Europäischer Betriebsräte", Düsseldorf 2013, p. 94.
  • [2]  http://www.eurofound.europa.eu/areas/industrialrelations/dictionary/definitions/transnationalcompanyagreement.htm
  • [3]  Document de travail des services de la Commission: « Transnational company agreements: realising the potential of social dialogue » (Accords d'entreprises transnationaux: exploiter pleinement le potentiel du dialogue social), SWD (2012) 264 final.
  • [4]  Il s’agit d’accords internationaux et européens: http://ec.europa.eu/social/main.jsp?langId=en&catId=89&newsId=1141
  • [5]  http://www.businesseurope.eu/Content/Default.asp?PageID=568&DocID=31047
  • [6]  http://www.etuc.org/IMG/pdf/EN-ETUC-Position-on-TCA-2.pdf
  • [7]  Directive 94/45/CE, modifiée en dernier lieu par la directive 2009/38/CE.
  • [8]  Directive 2001/86/CE.
  • [9]  Directive 96/71/CE.
  • [10]  Directive 2002/14/CE.
  • [11]  Rüb, Stefan/ Platzer, Hans-Wolfgang/ Müller, Thorsten „Transnationale Unternehmensvereinbarungen-Zur Neuordnung der Arbeitsbeziehungen in Europa“, Berlin 2011, p. 245.
  • [12]  http://www.eurofound.europa.eu/areas/industrialrelations/dictionary/definitions/doorngroup.htm
  • [13]  Rapport Andersson (2008/2085 (ININ)) du 30.9.2008 (A6-0370/2008).
  • [14]  Monti II, règlement du Conseil relatif à l’exercice du droit de mener des actions collectives dans le contexte de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services (COM(2012)130 final, Bruxelles, 21.3.2012.
  • [15]  Étude du Parlement européen sur le respect des droits fondamentaux des travailleurs, commandée par la commission de l’emploi et des affaires sociales, septembre 2012.
  • [16]  EUROACTA 02/2012: European Action on Transnational Company Agreements: a stepping stone towards a real internationalisation of industrial relations/ Europäische Entwicklungen zu Transnationalen Betriebsvereinbarungen: TBV: ein Meilenstein auf dem Weg zur Internationalisierung der Beziehungen zwischen den Tarifpartnern?
  • [17]  http://ec.europa.eu/social/main.jsp?jsp?catId=978&langId=en
  • [18]  Communication de la Commission: "Partenariat pour le changement dans une Europe élargie – Renforcer la contribution du dialogue social européen (COM(2004)557).
  • [19]  Par exemple IndustriALL, Confédération syndicale européenne.

AVIS de la commission des droits de la femme et de l'égalité des genres (3.6.2013)

à l'intention de la commission de l'emploi et des affaires sociales

sur les négociations collectives transfrontalières et le dialogue social transnational
(2012/2292(INI))

Rapporteure pour avis: Antigoni Papadopoulou

SUGGESTIONS

La commission des droits de la femme et de l'égalité des genres invite la commission de l'emploi et des affaires sociales, compétente au fond, à incorporer dans la proposition de résolution qu'elle adoptera les suggestions suivantes:

A. considérant que l'Union est confrontée actuellement à la plus grande crise économique et financière qu'elle ait connue depuis la Grande dépression des années 30;

B.  considérant que les répercussions de la crise économique sont particulièrement graves pour les femmes, qui sont touchées aussi bien directement qu'indirectement, notamment pour ce qui est de l'écart du taux d'emploi entre les hommes et les femmes;

C. considérant que la sous-représentation persistante des femmes à tous les niveaux du processus de décision et dans le cadre du dialogue social est étroitement liée à leur sous‑représentation au sein des gouvernements, des syndicats et des organisations d'employeurs, ces dernières se situant invariablement en queue de peloton pour ce qui est de la représentation des femmes; que cette sous-représentation peut se traduire par un manque de clarté et de cohérence dans la stratégie adoptée sur les questions d'égalité entre hommes et femmes;

1.  souligne que le dialogue social tripartite et les négociations collectives renferment, sans nul doute, un potentiel immense en tant que vecteurs de la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes, insiste sur l'importance des négociations collectives entre les partenaires sociaux pour améliorer la conciliation entre la vie professionnelle et la sphère familiale ainsi que pour combler l'écart de rémunération et percer le plafond de verre;

2.  souligne que les modes de représentation à différents niveaux (local, sectoriel, interprofessionnel, national, transnational et international) ne sont pas bien documentées; précise que les données relatives à la représentation des femmes eu égard à l'âge, à l'orientation sexuelle, à la compétence, à la classe sociale, à l'origine ethnique, à la citoyenneté et à la race sont quasiment inexistantes; insiste sur l'importance d'une ventilation des données;

3.  encourage les États membres à garantir aux femmes l'exercice effectif de leurs droits dans toutes les sphères de la société, sans aucune discrimination, et souligne que les femmes ont le droit de participer à la vie politique ainsi qu'à la définition et à la mise en œuvre des grandes orientations dans ce domaine, notamment en exerçant des charges publiques et en prenant part à l'élection des membres des structures syndicales et des représentations des travailleurs;

4.  déplore qu'il ne soit pas tenu compte des besoins spécifiques des femmes dans les différentes phases de la négociation collective, alors que ce sont elles qui constituent le soutien économique de la majorité des familles monoparentales frappées par la crise; souligne que sans une réorientation de la culture de la négociation (c'est-à-dire des caractéristiques du style d'encadrement - qui négocie et comment), il risque d'y avoir peu de changement dans la teneur de ces négociations; précise que les efforts liés aux thèmes de la diversité, de l'égalité, de la représentation plurielle ainsi que de la démocratisation de l'encadrement au sein des institutions doivent aussi être inscrits au programme des négociations collectives et du dialogue social;

5.  fait ressortir que la négociation collective agit comme un complément utile de la législation et du processus de prise de décision dans la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes, et représente un mécanisme essentiel en vue d'une approche intégrée de l'égalité des hommes et des femmes dans le secteur de l'emploi;

6.  souligne la nécessité de solliciter les avis des femmes, qui en général traduisent aussi les intérêts des enfants et des personnes âgées dont elles ont la charge, et de veiller à ce qu'elles soient représentées dans les équipes de négociation, et demande en outre qu'il soit procédé à des évaluations des incidences des négociations collectives en termes d'égalité hommes‑femmes;

7.  insiste sur la nécessité d'accroître la représentation et la participation des femmes dans le dialogue social et les structures de négociation collective, et de veiller à l'intégration de la dimension de l'égalité hommes-femmes dans les forums appropriés;

8.  appelle les syndicats à soutenir explicitement les femmes et à les former de façon à ce qu'elles participent aux équipes de négociation, notamment au comité d'entreprise européen;

9.  insiste pour que les syndicats sensibilisent l'opinion publique aux bénéfices de la syndicalisation et mènent des campagnes spécialement destinées à encourager la participation des femmes;

10. invite les syndicats à faire en sorte que l'organisation de la vie syndicale (réunions, voyages et activités) réponde aux besoins de conciliation entre vie professionnelle et sphère familiale aussi bien des hommes que des femmes;

11. invite les syndicats à favoriser et à renforcer la sensibilisation aux questions d'égalité entre hommes et femmes parmi leurs membres et parmi les employeurs;

12. demande aux États membres d'assurer une représentation et une participation paritaires des hommes et des femmes dans les instances de dialogue social, de façon à accorder une attention accrue aux questions d'égalité entre hommes et femmes;

13. invite l'Union européenne et les États membres à promouvoir la sensibilisation aux questions d'égalité entre les hommes et les femmes parmi les partenaires sociaux;

14. insiste sur l'importance de définir un programme de négociation en matière d'égalité entre hommes et femmes ainsi qu'une stratégie claire sur les questions y afférentes;

15. souligne qu'il y a lieu d'intégrer les questions d'égalité entre hommes et femmes, telles que l'écart de rémunération et la ségrégation sur le marché du travail entre les hommes et les femmes, la conciliation de la vie professionnelle et des responsabilités familiales, la promotion du développement de la carrière professionnelle ainsi que la lutte contre la violence et le harcèlement sexuel au travail, dans l'agenda du dialogue social, de façon à tenir compte des intérêts tant des femmes que des hommes;

16. invite les syndicats à incorporer la perspective de l'égalité entre hommes et femmes dans le programme des négociations collectives;

17. demande instamment aux États membres de mettre en œuvre le cadre d'actions sur l'égalité hommes-femmes (2005);

18. invite les États membres à accorder une attention toute particulière aux petites et moyennes entreprises, qui éprouvent systématiquement de plus en plus de difficultés pour promouvoir l'égalité des chances et absorber les coûts des absences pour maternité et congés parentaux;

19. encourage les États membres à garantir le droit d'exercer une activité rémunérée avec les mêmes chances d'accès à l'emploi, de formation professionnelle et de progression dans la carrière et l'application effective du principe "à travail égal, salaire égal";

20. invite les États membres à décerner sur une base annuelle un prix de l'égalité des genres aux entreprises qui encouragent l'égalité entre les hommes et les femmes sur les lieux de travail, par leur mode d'organisation et de gestion de leur personnel;

21. encourage les États membres à reconnaître effectivement la maternité et la paternité en tant que fonctions éminemment sociales, en garantissant les droits aux congés de maternité et de paternité consacrés par les législations;

22. invite la Commission à garantir l'intégration des questions d'égalité entre hommes et femmes dans les mesures législatives afin d'encourager le dialogue social et la négociation collective.

RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION

Date de l'adoption

29.5.2013

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

27

1

1

Membres présents au moment du vote final

Regina Bastos, Edit Bauer, Marije Cornelissen, Edite Estrela, Iratxe García Pérez, Mikael Gustafsson, Mary Honeyball, Lívia Járóka, Teresa Jiménez-Becerril Barrio, Constance Le Grip, Astrid Lulling, Barbara Matera, Elisabeth Morin-Chartier, Krisztina Morvai, Norica Nicolai, Siiri Oviir, Antonyia Parvanova, Joanna Senyszyn, Joanna Katarzyna Skrzydlewska, Marc Tarabella, Anna Záborská

Suppléants présents au moment du vote final

Roberta Angelilli, Rosa Estaràs Ferragut, Nicole Kiil-Nielsen, Katarína Neveďalová, Chrysoula Paliadeli, Antigoni Papadopoulou, Angelika Werthmann

Suppléant (art. 187, par. 2) présent au moment du vote final

Martina Anderson

RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION

Date de l’adoption

20.6.2013

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

31

6

3

Membres présents au moment du vote final

Regina Bastos, Edit Bauer, Phil Bennion, Pervenche Berès, Philippe Boulland, Milan Cabrnoch, David Casa, Alejandro Cercas, Ole Christensen, Derek Roland Clark, Marije Cornelissen, Emer Costello, Frédéric Daerden, Karima Delli, Sari Essayah, Thomas Händel, Marian Harkin, Nadja Hirsch, Stephen Hughes, Danuta Jazłowiecka, Martin Kastler, Ádám Kósa, Jean Lambert, Verónica Lope Fontagné, Olle Ludvigsson, Thomas Mann, Elisabeth Morin-Chartier, Csaba Őry, Licia Ronzulli, Elisabeth Schroedter, Joanna Katarzyna Skrzydlewska, Jutta Steinruck, Traian Ungureanu, Inês Cristina Zuber

Suppléant(s) présent(s) au moment du vote final

Georges Bach, Jürgen Creutzmann, Sergio Gutiérrez Prieto, Evelyn Regner, Birgit Sippel

Suppléant(s) (art. 187, par. 2) présent(s) au moment du vote final

Ricardo Cortés Lastra, Jürgen Klute, Marita Ulvskog