RAPPORT sur le rapport UE 2013 sur la cohérence des politiques au service du développement
6.3.2014 - (2013/2058(INI))
Commission du développement
Rapporteur: Charles Goerens
PROPOSITION DE RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN
sur le rapport UE 2013 sur la cohérence des politiques au service du développement
Le Parlement européen,
– vu les articles 9 et 35 de la déclaration conjointe du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres réunis au sein du Conseil, du Parlement européen et de la Commission sur la politique de développement de l'Union européenne intitulée "Le consensus européen"[1],
– vu l'article 208 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui réaffirme que l'Union doit tenir compte de l'objectif de la coopération au développement dans les politiques qu'elle met en œuvre et qui sont susceptibles d'affecter les pays en développement,
– vu les conclusions successives du Conseil, les rapports biennaux de la Commission et les résolutions du Parlement européen afférentes à la cohérence des politiques au service du développement (CPD), et en particulier sa résolution du 25 octobre 2012 sur le rapport de l'Union 2011 sur la cohérence des politiques pour le développement[2],
– vu le document de travail de la Commission intitulé "Plan d'action de l'Union sur l'égalité de genre et l'émancipation des femmes dans le développement pour la période 2010-2015" (SEC(2010)0265) et les conclusions du Conseil du 14 juin 2010 sur les objectifs du Millénaire pour le développement dans lesquels s'inscrit le plan d'action de l'Union en question,
– vu le document de travail de la Commission sur la cohérence des politiques pour le développement en 2013 (SWD(2013)0456),
– vu l'article 48 de son règlement,
– vu le rapport de la commission du développement (A7-0161/2014),
A. considérant que le cadre stratégique et plan d'action de l'Union en matière de droits de l'homme et de démocratie, adopté en 2012, dispose que l'Union œuvrera en faveur des droits de l'homme dans tous les domaines sans exception de son action extérieure;
B. considérant qu'une vision européenne basée sur la solidarité – qui ne met pas en porte-à-faux la pauvreté "interne" et celle existant hors des frontières de l'Union – est la seule apte à surpasser les conflits d'intérêts entre les différentes politiques de l'Union et à concilier celles-ci avec les impératifs de développement;
C. considérant que la CPD est désormais reconnue comme une obligation et considérée comme un outil de politique globale et un processus visant à intégrer les multiples dimensions du développement à tous les stades de l'élaboration des politiques;
D. considérant que les politiques de l'Union, étant donné qu'elles ont toutes un impact externe, doivent être conçues pour subvenir aux besoins durables des pays en développement afin de les aider à lutter contre la pauvreté, à garantir une couverture sociale et un revenu décent et à préserver le respect des droits humains fondamentaux ainsi que des droits économiques et environnementaux;
E. considérant que la CPD doit être fondée sur la reconnaissance du droit d'un pays ou d'une région de définir de façon démocratique ses propres politiques, priorités et stratégies pour assurer les moyens de subsistance de ses populations;
F. considérant que l'Union doit assumer un véritable leadership en matière de promotion de la CPD;
G. considérant que le cadre européen actuel de développement manque de mécanismes efficaces pour prévenir les incohérences résultant des politiques menées par l'Union ou pour y remédier;
H. considérant que le Parlement européen, tout en ayant réalisé des avancées dans le suivi des politiques qui ont un impact majeur sur le développement, a encore du chemin à parcourir pour assurer une cohérence optimale et éviter certaines inconséquences, afin d'assumer pleinement le rôle institutionnel qui lui est imparti;
I. considérant que, dans le cadre "post-2015", la CPD doit s'appuyer sur une action axée sur des responsabilités communes mais différenciées, propice à un dialogue politique inclusif;
J. considérant les enseignements tirés de l'expérience des pays de l'OCDE, et en particulier le travail de l'unité CPD au sein du secrétariat de l'OCDE;
K. considérant que la coordination des politiques de développement et des programmes d'aide des États membres de l'Union occupe une place importante dans le programme en matière de CPD; considérant qu'environ 800 millions d'EUR pourraient être économisés chaque année sur les coûts de transaction, si l'Union et les États membres concentraient leurs efforts en matière d'aide sur moins de pays et d'activités;
L. considérant que l'efficacité de la politique de développement de l'Union est compromise par la fragmentation et les doubles emplois des politiques et des programmes d'aide dans l'ensemble des États membres; considérant qu'une approche davantage coordonnée au niveau de l'Union permettrait de réduire la charge administrative ainsi que les coûts y afférents;
M. considérant que le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA), dans son rapport intitulé "Rapport global de la CIPD au-delà de 2014" présenté le 12 février 2014, souligne que la protection des femmes et des adolescents frappés par la violence doit être prioritaire parmi les sujets abordés au niveau international en matière de développement;
Opérationnalisation de la CPD
1. propose qu’un mécanisme d’arbitrage, confié au président de la Commission européenne, soit mis en place afin d’assurer la CPD, et qu’en cas de divergences entre les différentes politiques de l’Union, il revienne au président de la Commission d’assumer pleinement sa responsabilité politique sur les grandes orientations et de trancher en vertu des engagements pris par l’Union en matière de CPD; estime qu’après une phase d’identification des problèmes, une réforme des procédures de prise de décision au sein des services de la Commission et dans la coopération interservices pourrait être envisagée;
2. invite l'Union européenne, les États membres et leurs institutions partenaires à veiller à ce que le nouveau cadre "post-2015" inclue un objectif sur la CPD qui permette de développer des indicateurs fiables pour mesurer les progrès des bailleurs de fonds et des partenaires du Sud et d'évaluer l'impact des diverses politiques sur le développement en appliquant, en particulier, une "lentille CPD" aux questions-clés, telles que la croissance démographique, la sécurité alimentaire mondiale, les flux financiers illicites, les mouvements migratoires, le climat et la croissance verte;
3. insiste sur le rôle du Service européen pour l'action extérieure dans la mise en œuvre de la CPD, notamment le rôle des délégations de l'Union dans le suivi, l'observation et la facilitation des consultations et du dialogue avec les parties concernées et les pays partenaires sur les incidences des politiques de l'Union dans les pays en développement; souligne qu'il y a lieu d'organiser un débat plus large avec toutes les parties concernées, telles que les ONG et les organisations de la société civile;
4. regrette le statut du document SWD(2013)0456 présenté par la Commission – un simple document de travail – qui, à la différence de la communication initialement prévue après le document de travail de 2011, ne nécessite pas l'approbation du collège des commissaires, ce qui est paradoxal pour un texte portant sur un domaine aussi politique que la CPD;
5. demande à la Commission de maintenir son engagement dans le domaine du développement et des droits humains et rappelle le rôle de ceux-ci en matière d'impulsion et de coordination des politiques de l'Union; estime que la Commission doit promouvoir activement une vision cohérente et moderne du développement humain afin de réaliser les Objectifs du Millénaire (ODM) et d'honorer les engagements pris;
6. invite la Commission à commander régulièrement des évaluations ex post indépendantes sur l'impact des principales politiques de l'Union sur le développement, comme le demande le Conseil; estime qu'il y a lieu d'améliorer le système des analyses d'impact de la Commission en tenant compte explicitement de la CPD et en veillant à ce que le développement devienne le quatrième élément principal de ces analyses, à côté des impacts économiques, sociaux et environnementaux;
7. souligne la nécessité de créer une véritable pédagogie sur la façon d'intégrer la CPD dans les différents domaines d'action politique, la pédagogie étant l'élément-clé pour sensibiliser les citoyens européens dans le cadre de "2015 – Année européenne pour le développement"; demande à la Commission et au SEAE d'assurer une formation spécifique en matière de CPD et d'impact sur le développement pour le personnel affecté dans des services qui ne sont pas liés au développement;
8. confirme le besoin de nommer un rapporteur permanent sur l'agenda du développement pour "l'après-2015", qui devrait aussi veiller à ce que la CPD soit dûment prise en compte;
9. souligne le rôle important que le Parlement européen pourrait jouer dans le processus de promotion de la CPD en lui accordant la priorité dans les agendas parlementaires, en multipliant les réunions inter-commissions et interparlementaires relatives à la CPD, en promouvant le dialogue sur la CPD avec les pays partenaires et en favorisant l'échange de vues avec la société civile; rappelle que les réunions structurées organisées chaque année entre les parlements nationaux des États membres et le Parlement européen constituent une moyen important de renforcer la CPD et la coordination;
10. souligne la nécessité de créer un mécanisme indépendant au sein de l'Union pour recueillir et traiter formellement les plaintes introduites par des citoyens ou des communautés affectés par les politiques de l'Union;
11. souligne que la CPD devrait assurer la participation active de la société civile, notamment des groupes de femmes, le renforcement du rôle des femmes dans le processus décisionnel et la participation pleine et entière de spécialistes des questions d'égalité entre les femmes et les hommes;
Domaines d'action prioritaires
12. appelle de ses vœux une gestion des flux migratoires qui soit cohérente avec les politiques de développement de l'Union et des pays partenaires; estime que cela suppose une stratégie abordant les contextes politique, socio-économique et culturel et visant à revitaliser les relations globales de l'Union avec ses voisins immédiats; souligne par ailleurs l’intérêt de travailler les enjeux d’insertion socio-professionnelle des migrants et de citoyenneté en bonne articulation avec les pays d'origine et de transit;
13. souligne que le commerce et le développement ne s'accordent pas toujours parfaitement; estime que les pays en développement devraient procéder à des ouvertures sélectives de leurs marchés; souligne l'importance de la responsabilité sociale et environnementale du secteur privé et estime que la libéralisation du commerce ne doit pas être oublieuse des conditions sociales et environnementales telles que les normes de l'OIT; rappelle la nécessité d'inclure ces références dans les accords de l'OMC afin d'éviter le dumping social et environnemental;
14. rappelle, à ce sujet, que le coût de l'intégration de telles normes est de loin inférieur aux retombées en matière de protection sociale, de santé humaine et d'espérance de vie en cas de non-respect de ces normes;
15. se félicite que l'importance des petites exploitations agricoles dans la lutte contre la faim soit reconnue par l'Union et demande une évaluation systématique de l'impact des politiques européennes en matière agricole, commerciale et énergétique, y compris de la politique de l'Union en matière de biocarburants, susceptibles d'avoir des effets néfastes sur les pays en développement;
16. rappelle qu'une attention accrue doit être accordée à un développement optimal des synergies entre les politiques de l'Union en matière de changement climatique et ses objectifs de développement, notamment au niveau des moyens et des instruments employés, ainsi que des avantages indirects qui peuvent en découler pour le développement et/ou l'adaptation au changement climatique;
17. considère que le défi du changement climatique doit être abordé par des réformes structurelles et demande une évaluation systématique des risques liés au changement climatique dans tous les aspects de la planification politique et du processus décisionnel, y compris dans les domaines relatifs au commerce, à l'agriculture et à la sécurité alimentaire; demande que les résultats de cette évaluation soient utilisés dans le cadre de l'instrument de coopération pour le développement 2014-2020 pour formuler des documents de stratégie nationale et régionale clairs et cohérents;
18. estime que, tout en reconnaissant l'attention portée à plusieurs aspects de la PCD, l'Union européenne devrait prendre des mesures concrètes pour combattre l'évasion fiscale et s'attaquer aux paradis fiscaux; demande à la Commission d'intégrer également dans le rapport annuel sur la mise en œuvre de l'initiative "matières premières" des informations relatives à l'impact des nouveaux accords, programmes et initiatives sur les pays en développement riches en ressources;
19. prend acte du haut niveau de responsabilité qui incombe à l'Union pour veiller à ce que ses activités de pêche répondent aux mêmes normes de durabilité écologique et sociale et de transparence, qu'elles aient lieu dans ses eaux ou hors de celles-ci; fait observer qu'une telle cohérence exige une coordination tant au sein de la Commission qu'entre la Commission et les gouvernements des différents États membres;
20. souligne que les accords de pêche entre l'Union et les pays tiers, en particulier les pays en développement, doivent être principalement des outils destinés à renforcer les relations de partenariat de l'Union avec les pays en développement et s'inscrire dans un contexte de pêche durable aidant ces pays à développer leur propre économie;
21. rappelle, en particulier, son engagement pour éviter le financement d'infrastructures énergétiques à grande échelle ayant des retombées sociales et environnementales négatives;
22. charge son Président de transmettre cette résolution au Conseil et à la Commission.
- [1] JO C 46 du 24.2.2006, p. 1.
- [2] Textes adoptés de cette date, P7_TA(2012)0399
EXPOSÉ DES MOTIFS
La Cohérence des politiques au service du développement (CPD) est devenue un outil de politique global.
L'objectif de cet "outil": prévenir les incohérences résultant des politiques menées par l'UE afin d'éviter des retombées négatives sur les pays en développement.
Alors que le rapport Schnieber-Jastram (2012/2063(INI)) de l'exercice précédent est des plus exhaustifs et nous sert de "guideline", votre rapporteur voudrait se concentrer sur la méthode et les mécanismes aptes à assurer une cohérence optimale afin d'éviter certaines inconséquences.
Les propositions qui se trouvent au cœur de ce rapport:
– un mécanisme d'arbitrage, confié au Président de la Commission européenne, qui devrait trancher en vertu des engagements pris par l'Union en matière de CPD (paragraphe 1);
– le rôle important que le Parlement européen pourrait jouer dans le processus de promotion de la CPD (paragraphe 7);
– la nécessité de créer un mécanisme indépendant au sein de l'Union pour recueillir et traiter formellement les plaintes introduites par les citoyens et des communautés affectées par les politiques de l'Union (paragraphe 8).
Enfin, votre rapporteur déplore qu'en l'absence d'une Communication, initialement prévue, un simple document de travail a été présenté par la Commission.
Ceci est d'autant plus regrettable qu'un tel document ne nécessite pas l'approbation du Collège des commissaires en dépit du fait qu'il s'agit ici d'une proposition d'une envergure politique majeure.
RÉSULTAT DU VOTE FINAL EN COMMISSION
Date de l’adoption |
3.3.2014 |
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Résultat du vote final |
+: –: 0: |
15 0 0 |
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Membres présents au moment du vote final |
Ricardo Cortés Lastra, Véronique De Keyser, Eva Joly, Miguel Angel Martínez Martínez, Gay Mitchell, Bill Newton Dunn, Maurice Ponga, Michèle Striffler, Ivo Vajgl |
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Suppléant(s) présent(s) au moment du vote final |
Kriton Arsenis, Agustín Díaz de Mera García Consuegra, Isabella Lövin, Csaba Őry, Judith Sargentini, Horst Schnellhardt |
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