RAPPORT sur la demande de levée de l'immunité de Czesław Adam Siekierski
13.1.2016 - (2015/2268(IMM))
Commission des affaires juridiques
Rapporteure: Heidi Hautala
PROPOSITION DE DÉCISION DU PARLEMENT EUROPÉEN
sur la demande de levée de l'immunité de Czesław Adam Siekierski
Le Parlement européen,
– vu la demande de levée de l'immunité de Czesław Adam Siekierski, transmise le 7 septembre 2015 par le procureur général de la République de Pologne dans le cadre d'une procédure pénale intentée par l'Inspection générale polonaise de la circulation routière (réf. n° CAN-PST-SCW.7421.573278.2015.3.A.0475), et annoncée en séance plénière le 5 octobre 2015,
– vu que Czesław Adam Siekierski a renoncé à son droit d'être entendu conformément à l'article 9, paragraphe 5, du règlement,
– vu l'article 9 du protocole n° 7 sur les privilèges et immunités de l'Union européenne ainsi que l'article 6, paragraphe 2, de l'acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct, du 20 septembre 1976,
– vu les arrêts rendus par la Cour de justice de l'Union européenne les 12 mai 1964, 10 juillet 1986, 15 et 21 octobre 2008, 19 mars 2010, 6 septembre 2011 et 17 janvier 2013[1],
– vu l'article 105, paragraphe 2, et l'article 108 de la Constitution de la République de Pologne, ainsi que l'article 7b, paragraphe 1, et l'article 7c, paragraphe 1, de la loi polonaise du 9 mai 1996 sur l'exécution du mandat de député et de sénateur polonais,
– vu l'article 5, paragraphe 2, l'article 6, paragraphe 1, et l'article 9 de son règlement,
– vu le rapport de la commission des affaires juridiques (A8-0005/2016),
A. considérant que le procureur général de la République de Pologne a transmis une requête de l'Inspection générale polonaise de la circulation routière demandant la levée de l'immunité de Czesław Adam Siekierski, député au Parlement européen élu pour la Pologne, en ce qui concerne une infraction au sens de l'article 92a du code des infractions administratives du 20 mai 1971, en liaison avec l'article 20, paragraphe 1, de la loi du 20 juin 1997 sur la circulation routière; que, en particulier, l'infraction présumée correspond au dépassement de la vitesse autorisée dans une agglomération;
B. considérant que l'article 9 du protocole n° 7 sur les privilèges et immunités de l'Union européenne dispose que les membres du Parlement européen bénéficient, sur le territoire de leur propre État membre, des immunités reconnues aux membres du parlement de leur État membre;
C. considérant que l'article 105, paragraphe 2, et l'article 108 de la Constitution de la République de Pologne disposent qu'un député ou un sénateur ne peut encourir la responsabilité pénale qu'avec l'autorisation de la Diète polonaise ou du Sénat polonais, respectivement;
D. considérant qu'il incombe, dès lors, au Parlement européen de décider si l'immunité de Czesław Adam Siekierski doit ou non être levée;
E. considérant qu'en vertu de l'article 9, paragraphe 7, du règlement, la commission des affaires juridiques ne peut en aucun cas statuer sur la culpabilité ou la non‑culpabilité du député;
F. considérant que, en l'espèce, le Parlement n'a pas pu établir qu'il y avait fumus persecutionis, c'est-à-dire une présomption suffisamment sérieuse et précise que la demande a été soumise dans l'intention de nuire à l'activité politique du député concerné;
1. décide de lever l'immunité de Czesław Adam Siekierski;
2. charge son Président de transmettre immédiatement la présente décision et le rapport de sa commission compétente à l'autorité compétente de la République de Pologne et à Czesław Adam Siekierski.
EXPOSÉ DES MOTIFS
1. Contexte
Le 7 septembre 2015, le procureur général de la République de Pologne a transmis au Président du Parlement une requête de l'Inspection générale polonaise de la circulation routière demandant l'autorisation d'engager des poursuites judiciaires contre M. Czesław Adam Siekierski, député au Parlement européen, en ce qui concerne un excès de vitesse.
L'Inspection générale polonaise de la circulation routière fait valoir que le 19 avril 2015, à 11 h 19, dans la localité de Stopnica, M. Siekierski a été photographié par un radar alors qu'il était au volant d'un véhicule se déplaçant à 79 km/h sur un tronçon où la vitesse est limitée à 50 km/h. L'Inspection générale polonaise de la circulation routière affirme en outre qu'en réponse à un procès-verbal envoyé à M. Siekierski le 29 avril 2015, M. Siekierski a envoyé une photocopie de sa carte de député et de son certificat d'élection au Parlement européen, ainsi qu'une déclaration dans laquelle il reconnaît avoir été au volant du véhicule au moment des faits. Les faits qui sont reprochés à M. Siekierski constituent une infraction au sens de l'article 92a du code polonais des infractions administratives, en liaison avec l'article 20, paragraphe 1, de la loi polonaise du 20 juin 1997 sur la circulation routière
Au cours de la séance plénière du 5 octobre 2015, le Président du Parlement a annoncé, conformément à l'article 9, paragraphe 1, du règlement, qu'il avait reçu un courrier du procureur général de la République de Pologne demandant la levée de l'immunité parlementaire de M. Czesław Adam Siekierski.
Le 27 octobre 2015, conformément à l'article 9, paragraphe 1, du règlement, le Président a renvoyé cette demande à la commission des affaires juridiques. Le 26 novembre 2015, M. Siekierski a renoncé à son droit d'être entendu conformément à l'article 9, paragraphe 5, du règlement.
2. Droit et procédure régissant l'immunité des députés au Parlement européen
L'article 9 du protocole (n° 7) sur les privilèges et immunités de l'Union européenne est libellé comme suit:
Article 9
Pendant la durée des sessions du Parlement européen, les membres de celui-ci bénéficient:
a) sur leur territoire national, des immunités reconnues aux membres du parlement de leur pays,
b) sur le territoire de tout autre État membre, de l'exemption de toute mesure de détention et de toute poursuite judiciaire.
L'immunité les couvre également lorsqu'ils se rendent au lieu de réunion du Parlement européen ou en reviennent.
L'immunité ne peut être invoquée dans le cas de flagrant délit et ne peut non plus mettre obstacle au droit du Parlement européen de lever l'immunité d'un de ses membres.
Étant donné que la Pologne demande la levée de l'immunité, la loi polonaise sur l'immunité parlementaire s'applique conformément à l'article 9, premier paragraphe, point a). L'article 105, paragraphe 2, et l'article 108 de la Constitution de la République de Pologne disposent qu'un député ou un sénateur ne peuvent encourir la responsabilité pénale qu'avec l'autorisation de leur assemblée respective. En vertu de l'article 7b, paragraphe 1, de la loi polonaise du 9 mai 1996 sur l'exercice du mandat de député ou de sénateur polonais, une demande de consentement en vue d'engager des poursuites pénales à l'encontre du député ou du sénateur en cas de délit passible d'une action publique se fait par le ministre de la justice par l'intermédiaire du procureur général. L'article 7c, paragraphe 1, de cette même loi dispose, à son tour, que la demande de consentement en vue d'engager des poursuites pénales à l'encontre d'un député ou d'un sénateur est présentée au président de la Diète polonaise ou au président du Sénat polonais, qui la transmet à l'organe compétent aux fins de son examen conformément au règlement de la Diète ou du Sénat, et qui informe en même temps le député ou sénateur concerné du contenu de ladite demande.
L'article 6, paragraphe 1, et l'article 9 du règlement du Parlement européen sont libellés comme suit:
Article 6
Levée de l'immunité
1. Dans l'exercice de ses pouvoirs relatifs aux privilèges et aux immunités, le Parlement s'emploie à conserver son intégrité en tant qu'assemblée législative démocratique et à assurer l'indépendance des députés dans l'accomplissement de leurs tâches. Toute demande de levée d'immunité est examinée conformément aux articles 7, 8 et 9 du protocole sur les privilèges et immunités de l'Union européenne ainsi qu'aux principes visés au présent article.
[...]
Article 9
Procédures relatives à l'immunité
1. Toute demande adressée au Président par une autorité compétente d'un État membre en vue de lever l'immunité d'un député, ou par un député ou un ancien député en vue de défendre des privilèges et immunités, est communiquée en séance plénière et renvoyée à la commission compétente.
Le député ou ancien député peut être représenté par un autre député. La demande ne peut être adressée par un autre député sans l'accord du député concerné.
2. La commission examine sans délai, en tenant compte toutefois de leur complexité relative, les demandes de levée de l'immunité ou de défense des privilèges et immunités.
3. La commission présente une proposition de décision motivée qui recommande l'adoption ou le rejet de la demande de levée de l'immunité ou de défense des privilèges et immunités.
4. La commission peut demander à l'autorité intéressée de lui fournir toutes informations et précisions qu'elle estime nécessaires pour déterminer s'il convient de lever ou de défendre l'immunité.
5. Le député concerné reçoit la possibilité d'être entendu, il peut présenter tout document ou élément de preuve écrit qu'il juge pertinent et il peut être représenté par un autre député.
Le député n'assiste pas aux débats sur la demande de levée ou de défense de son immunité, si ce n'est lors de l'audition elle-même.
Le président de la commission invite le député à une audition, en lui indiquant la date et l'heure de celle-ci. Le député peut renoncer à son droit d'être entendu.
Si le député ne se présente pas à l'audition conformément à l'invitation, il est réputé avoir renoncé à son droit d'être entendu, à moins qu'il n'ait demandé, en indiquant ses motifs, à être dispensé de l'audition à la date et à l'heure proposées. Le président de la commission détermine si une telle demande doit être acceptée eu égard aux motifs avancés, et aucun recours n'est permis sur ce point.
Si le président de la commission accepte la demande, il invite le député à être entendu à une nouvelle date et à une nouvelle heure. Si le député ne se présente pas à la seconde invitation pour être entendu, la procédure se poursuit sans que le député soit entendu. Aucune autre demande de dispense ou d'audition ne peut alors être acceptée.
[...]
7. La commission peut émettre un avis motivé sur la compétence de l'autorité en question et sur la recevabilité de la demande, mais ne se prononce en aucun cas sur la culpabilité ou la non-culpabilité du député ni sur l'opportunité ou non de le poursuivre au pénal pour les opinions ou actes qui lui sont imputés, même dans le cas où l'examen de la demande permet à la commission d'acquérir une connaissance approfondie de l'affaire.
[...]
3. Justification de la décision proposée
Compte tenu des faits précités, cette affaire remplit les conditions requises pour l'application de l'article 9 du protocole n° 7 sur les privilèges et immunités de l'Union européenne. Aux termes de ces dispositions, les membres du Parlement européen bénéficient, sur leur territoire national, des immunités reconnues aux membres du parlement de leur pays. À cet égard, l'article 105, paragraphe 2, et l'article 108 de la Constitution de la République de Pologne disposent qu'un membre de la Diète polonaise ou du Sénat polonais ne peut faire l'objet d'une procédure pénale sans l'autorisation préalable de l'assemblée dont il est membre. Par conséquent, il convient que le Parlement européen décide si une procédure pénale peut être intentée contre M. Siekierski.
Pour décider s'il y a lieu de lever l'immunité parlementaire d'un député, le Parlement européen applique ses propres principes constants. L'un de ces principes est que l'immunité est habituellement levée lorsque le délit relève de l'article 9 du protocole n° 7, pour autant qu'il n'y ait pas de fumus persecutionis, c'est-à-dire une présomption suffisamment sérieuse et précise que la procédure a été engagée dans l'intention de nuire à l'activité politique du député concerné.
En l'espèce, la demande de levée de l'immunité de M. Siekierski a été présentée à la suite d'une infraction présumée consistant en un dépassement de la vitesse autorisée dans une agglomération. Il ressort du dossier que M. Siekierski semble avoir admis qu'il se trouvait au volant du véhicule au moment des faits, bien qu'il ait omis d'indiquer sur le formulaire idoine s'il acceptait ou refusait l'amende. Au vu des circonstances en l'espèce, il apparaît que l'infraction présumée et les poursuites qui s'ensuivent n'ont manifestement aucun rapport avec le mandat de député européen de M. Siekierski et qu'aucun élément ne permet d'établir l'existence d'un cas de fumus persecutionis.
4. Conclusion
Sur la base des considérations ci-dessus et conformément à l'article 9, paragraphe 3, du règlement, la commission des affaires juridiques recommande que le Parlement européen lève l'immunité parlementaire de M. Czesław Adam Siekierski.
RÉSULTAT DU VOTE FINALEN COMMISSION COMPÉTENTE AU FOND
Date de l’adoption |
11.1.2016 |
|
|
|
|
Résultat du vote final |
+: –: 0: |
14 0 0 |
|||
Membres présents au moment du vote final |
Joëlle Bergeron, Marie-Christine Boutonnet, Laura Ferrara, Mary Honeyball, Dietmar Köster, Gilles Lebreton, António Marinho e Pinto, Julia Reda, Evelyn Regner, Pavel Svoboda |
||||
Suppléants présents au moment du vote final |
Pascal Durand, Heidi Hautala, Sylvia-Yvonne Kaufmann, Constance Le Grip, Virginie Rozière |
||||
- [1] (Arrêt de la Cour de justice du 12 mai 1964, Wagner/Fohrmann et Krier, C-101/63, ECLI:EU:C:1964:28; arrêt de la Cour de justice du 10 juillet 1986, Wybot/Faure et autres, C-149/85, ECLI:EU:C:1986:310; arrêt du Tribunal du 15 octobre 2008, Mote/Parlement, T-345/05, ECLI:EU:T:2008:440; arrêt de la Cour de justice du 21 octobre 2008, Marra/De Gregorio et Clemente, C-200/07 et C-201/07, ECLI:EU:C:2008:579; arrêt du Tribunal du 19 mars 2010, Gollnisch/Parlement, T-42/06, ECLI:EU:T:2010:102; arrêt de la Cour de justice du 6 septembre 2011, Patriciello, C-163/10, ECLI: EU:C:2011:543; arrêt du Tribunal du 17 janvier 2013, Gollnisch/Parlement, T-346/11 et T-347/11, ECLI:EU:T:2013:23.)