RAPPORT sur la situation des réfugiées et demandeuses d'asile dans l'Union européenne
10.2.2016 - (2015/2325(INI))
Commission des droits de la femme et de l'égalité des genres
Rapporteure pour avis: Mary Honeyball
PROPOSITION DE RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN
sur la situation des réfugiées et demandeuses d'asile dans l'Union européenne
Le Parlement européen,
– vu l'article 2 et l'article 3, paragraphe 3, deuxième alinéa, du traité sur l'Union européenne (traité UE),
– vu les articles 8 et 78 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (traité FUE),
– vu l'article 23 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,
– vu la Convention de 1951 et le Protocole de 1967 relatifs au statut de réfugié,
– vu la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948,
– vu la Convention des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW), adoptée en 1979, et la recommandation générale n° 32 du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes sur les femmes et les situations de réfugiés, d'asile, de nationalité et d'apatridie, du 14 novembre 2014,
– vu la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (convention d'Istanbul),
– vu la déclaration et le programme d'action de Pékin adoptés le 15 septembre 1995 lors de la quatrième conférence mondiale sur les femmes ainsi que les documents finaux en résultant adoptés lors des sessions spéciales des Nations unies Pékin + 5, Pékin + 10, Pékin + 15 et Pékin + 20,
– vu la communication de la Commission du 13 mai 2015 intitulée "Un agenda européen en matière de migration" (COM(2015)0240),
– vu la communication de la Commission du 27 mai 2015 intitulée "Plan d'action de l'UE contre le trafic de migrants (2015 – 2020)" (COM(2015)0285),
– vu les conclusions du Conseil sur les migrations, adoptées le 12 octobre 2015, et en particulier l'engagement qui y est exprimé à l'égard des droits fondamentaux des femmes et des jeunes filles,
– vu la directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil,
– vu la directive 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité et remplaçant la décision-cadre 2001/220/JAI du Conseil,
– vu la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale,
– vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier,
– vu la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale,
– vu la proposition de règlement établissant une liste commune de l'Union de pays d'origine sûrs aux fins de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale, et amendant la directive 2013/32/UE,
– vu le règlement (CE) n° 862/2007 relatif aux statistiques communautaires sur la migration et la protection internationale,
– vu le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride,
– vu les conclusions du Conseil intitulées "Plan d'action sur l'égalité des sexes 2016-2020" du 26 octobre 2015,
– vu la communication de la Commission du 25 mars 2015 intitulée "Mise en œuvre de la politique européenne de voisinage en 2014" (SWD(2015)0076),
– vu les résolutions 1325 et 1820 du Conseil de sécurité des Nations unies sur les femmes, la paix et la sécurité,
– vu la résolution du Parlement européen du 2 décembre 2015 sur le rapport spécial du Médiateur européen dans l'enquête d'initiative OI/5/2012/BEH-MHZ relative à Frontex[1],
– vu l'article 52 de son règlement,
– vu le rapport de la commission des droits de la femme et de l'égalité des genres (A8-0024/2016),
A. considérant le nombre sans précédent et toujours croissant d'hommes, de femmes et d'enfants qui demandent la protection internationale au sein de l'Union du fait des conflits actuels, de l'instabilité régionale et des violations des droits de l'homme, notamment l'utilisation de violences à caractère sexiste et du viol comme arme de guerre;
B. considérant qu'il existe d'importantes inégalités entre les femmes et les hommes introduisant une demande d'asile dans l'ensemble de l'Union européenne; considérant que les femmes représentent en moyenne un tiers des demandeurs d'asile; considérant que, du début de 2015 au mois de novembre de la même année, environ 900 000 personnes ont rejoint les côtes européennes par la Méditerranée et que les femmes et les enfants représentent environ 38 % de ce nombre; considérant que le Haut-Commissariat pour les réfugiés des Nations unies (HCR) a fait savoir qu'en janvier 2016, les femmes et les enfants ont constitué 55% des personnes arrivant en Grèce pour demander l'asile dans l'UE; considérant que de trop nombreuses personnes, dont de nombreuses femmes, ont déjà perdu la vie au cours de leur voyage motivé par l'espoir;
C. considérant que les femmes et les personnes LGBTI sont victimes de formes particulières de persécution fondée sur le genre, qui sont encore trop souvent non reconnues dans les procédures d'asile;
D. considérant que la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies sur les femmes, la paix et la sécurité n'a pas atteint son objectif principal, à savoir protéger les femmes et augmenter, de façon significative, leur participation aux processus politiques et décisionnels;
E. considérant qu'il est estimé que 20 000 femmes et jeunes files provenant de pays pratiquant les mutilations génitales féminines (MGF) demandent l'asile dans les États membres de l'Union européenne chaque année selon le HCR; considérant qu'un nombre significatif de femmes introduisant une demande d'asile entreprennent cette démarche par crainte de subir des MGF;
F. considérant que le HCR a estimé que 71 % des femmes originaires de pays pratiquant des MGF qui ont introduit une demande d'asile dans l'Union européenne sont des victimes de MGF; considérant que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme a bloqué l'expulsion des filles menacées de mutilations génitales compte tenu du risque d'un préjudice irréparable pour leur santé physique et psychologique;
G. considérant les besoins spécifiques des demandeuses d'asile en matière de protection et leurs préoccupations différentes de celles des hommes, qui requièrent que toutes les procédures et politiques d'asile, notamment l'examen des demandes d'asile, soient mises en œuvre dans un souci d'égalité des genres et de façon individuelle; que les demandes d'asile relatives à des violences devraient être traitées de façon à protéger les femmes de la victimisation secondaire pendant la procédure d'asile;
H. considérant que les droits et le processus d'intégration des femmes et des jeunes filles sont compromis lorsque leur statut juridique dépend de leur conjoint;
I. considérant que les actes pertinents constituant le régime d'asile européen commun doivent être transposés et mis en œuvre conformément à la Convention de Genève relative au statut de réfugié et aux autres instruments applicables;
J. considérant le traitement profondément inégal des femmes et des jeunes filles demandant l'asile dans l'ensemble des États membres et la persistance de graves lacunes;
K. considérant que les réfugiées et les demandeuses d'asile sont souvent victimes de discriminations multiples et sont plus vulnérables aux violences sexuelles et à caractère sexiste dans leur pays d'origine, de transit et de destination; considérant que les femmes et les jeunes filles non accompagnées, les femmes chefs de ménage, les femmes enceintes, les personnes handicapées et les personnes âgées sont particulièrement vulnérables;
L. considérant que les réfugiées doivent non seulement faire face aux menaces à leur sécurité personnelle (voyages longs et dangereux vers l'exil, harcèlement, indifférence des autorités et, souvent, abus sexuels et violences, notamment lorsqu'elles ont atteint un endroit en apparence sûr et à la stigmatisation sociale qui en résulte souvent), mais qu'elles doivent aussi veiller à la sécurité physique, au bien-être et à la survie de leur famille;
M. considérant que bon nombre de réfugiés arrivés en Europe vivent dans des abris de fortune, dans des camps ou dans les rues, et que les femmes et les jeunes filles sont particulièrement vulnérables;
N. considérant que les réseaux criminels profitent de l'absence de moyens d'accès sûrs à l'Union européenne pour les demandeurs d'asile et les réfugiés, de l'instabilité régionale et des conflits ainsi que de la vulnérabilité des femmes et des jeunes filles tentant de fuir, en les exploitant par la traite et l'exploitation sexuelle;
O. considérant que les femmes victimes de violences et de la traite sont plus exposées au risque de contracter des maladies sexuellement transmissibles;
P. considérant que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a signalé des cas de violence et d'abus, dont des violences sexuelles, à l'égard de femmes et d'enfants réfugiés, au cours de leur voyage ainsi que dans les centres d'accueil surpeuplés de l'Union;
Q. considérant que les femmes et les jeunes filles cherchant refuge dans l'Union fuient souvent des régimes qui oppriment les femmes, ne reconnaissent pas l'égalité entre les femmes et les hommes et tolèrent les violences à l'encontre des femmes, les abus et les mariages d'enfants, précoces et forcés;
R. considérant que, très souvent, les centres d'accueil ne disposent pas des installations appropriées pour que les mères qui y sont logées puissent prendre en charge leurs enfants et s'en occuper et que les structures d'assistance juridique ne fournissent pas d'aide appropriée pour l'information et la recherche de liens familiaux;
S. considérant que ni les centres d'accueil, ni les centres de transit de l'Union européenne ne répondent aux besoins les plus élémentaires pour prévenir la violence à caractère sexiste, qui consistent à offrir aux femmes des sanitaires, des douches et des logements séparés;
T. considérant que les jeunes filles fuyant les conflits et les persécutions sont exposées à un risque accru de mariage d'enfants, précoce et forcé, de viol, d'abus sexuels et physiques et de prostitution;
U. considérant que la séparation des membres de la famille, même en cas de rétention, expose les femmes et les enfants à des risques plus élevés;
V. considérant que le regroupement familial, bien qu'il s'agisse d'un droit de l'homme fondamental, est systématiquement différé et même violé; que les femmes et les enfants sont les premières victimes lorsque ce droit est bafoué ou différé;
W. considérant que les femmes sont souvent contraintes d'accepter des emplois non déclarés dans des conditions dégradantes pour rester dans le pays d'accueil;
X. considérant que le programme d'action de Pékin a mis en évidence la nécessité d'accroître la participation des femmes dans la résolution des conflits aux niveaux de prise de décisions et celle d'impliquer d'une manière plus appropriée les réfugiées, déplacées et migrantes dans les décisions qui les concernent;
Y. considérant que l'un des objectifs en matière de développement durable, l'objectif n° 5, vise l'égalité entre les sexes et l'amélioration des conditions de vie des femmes à l'horizon 2030;
1. estime que, pour améliorer la sécurité des réfugiées, des itinéraires sûrs et légaux vers l'Union européenne doivent être mis à la disposition des personnes fuyant les conflits et les persécutions et que le genre doit être pris en considération; souligne en particulier que davantage d'États membres devraient participer aux programmes de réinstallation de l'Union; pense que la législation et les politiques relatives à la migration irrégulière ne doivent pas empêcher l'accès aux procédures d'asile européennes; souligne que le droit d'asile est consacré par l'article 18 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne;
2. insiste sur la nécessité pressante d'ouvrir immédiatement des itinéraires sûrs et légaux pour les demandeurs d'asile, afin d'éviter les réseaux de trafic de migrants et de permettre de plus en plus aux femmes, aux enfants, aux personnes âgées et aux personnes handicapées de chercher refuge sans risquer leur vie; se déclare vivement préoccupé par les décès, les rapatriements et les graves violations des droits de l'homme aux frontières extérieures des l'UE; estime que les coûts et les responsabilités devraient être partagés entre les 28 États membres, et non uniquement entre les pays de premier accueil; déplore le manque de solidarité entre les États membres;
3. souligne qu'il importe que les réfugiées soient inscrites de manière individuelle et reçoivent les documents pertinents pour garantir leur sécurité, leur liberté de mouvement et leur accès aux services de première nécessité, comme le demande le HCR;
4. souligne que les comités de coordination et toute autre forme de représentation des réfugiés, que ce soit dans les milieux urbains et ruraux ou dans les camps, notamment les zones de retour, doivent respecter la parité entre les sexes pour garantir le respect des droits et des besoins des réfugiées et des demandeuses d'asile;
5. invite à nouveau tous les États membres et l'Union européenne à signer et ratifier la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes (convention d'Istanbul);
6. demande à tous les États membres d'offrir, en concertation avec l'Union européenne, des services de conseil spécialisés en traumatisme et une aide psychosociale pour les femmes qui ont subi des violences à caractère sexiste, en y associant directement des femmes qualifiées et spécialisées dans ce domaine et qui soient disponibles à chaque étape de la procédure d'asile;
7. exprime sa vive inquiétude quant aux rapports faisant état de femmes et d'enfants qui se livrent au sexe de survie afin de payer les passeurs et de poursuivre leur voyage en vue d'une demande d'asile dans l'Union européenne; réaffirme que des itinéraires sûrs et légaux vers l'Europe sont essentiels pour lutter efficacement contre ce phénomène;
8. prie instamment l'Union européenne d'intégrer une perspective respectueuse de l'égalité des sexes lors de l'établissement d'un mécanisme de plainte au sein du bureau de l'officier aux droits fondamentaux de Frontex, afin de remédier aux violations des droits de l'homme commises par Frontex, les États membres et les fonctionnaires de pays tiers lorsqu'ils coopèrent avec Frontex, comme l'a souhaité le Parlement européen dans sa résolution du 2 décembre 2015 sur le rapport spécial du Médiateur européen dans l'enquête d'initiative OI/5/2012/BEH-MHZ relative à Frontex;
9. demande que des mesures ciblées soient prises pour garantir la pleine intégration des réfugiées et des demandeuses d'asile, en prévenant toutes les formes d'exploitation, d'abus, de violences et de traite;
10. souligne que toutes les politiques et mesures européennes en matière de migration et d'asile devraient prendre le genre en considération lors de leur conception, de leur mise en œuvre et de leur évaluation;
Dimension de genre dans la détermination du statut de réfugié
11. demande l'adoption d'un nouvel ensemble complet de directives relatives à la dimension de genre à l'échelon européen dans le cadre de réformes plus larges de la politique en matière d'asile et d'immigration, prenant pleinement en considération les dimensions sociales, culturelles et politiques des persécutions et incluant des mesures d'accueil et d'intégration;
12. souligne que, même dans les pays jugés sûrs, les femmes peuvent faire l'objet de persécutions fondées sur le sexe, tandis que les personnes LGBTI peuvent également être victimes d'abus, et ont donc des raisons légitimes de demander une protection; invite tous les États membres à adopter des procédures d'asile et à élaborer des programmes de formation tenant compte des besoins des femmes marginalisées à de multiples égards, notamment les femmes LGBTI; prie instamment tous les États membres de lutter contre les stéréotypes préjudiciables au sujet du comportement ou des caractéristiques des femmes LGBTI et d'appliquer pleinement la charte des droits fondamentaux concernant leurs demandes d'asile; insiste sur la nécessité de mettre en place des installations d'accueil sensibles aux besoins des personnes LGBTI dans tous les États membres; souligne que la violence à l'encontre des personnes LGBTI est un phénomène courant dans les installations d'accueil;
13. souligne que les manifestations sexuées de violences et de discriminations, y compris, mais pas uniquement, le viol et les violences sexuelles, les MGF, les mariages forcés, la violence domestique, les crimes dits d'honneur et les discriminations sexuelles autorisées par l'État, constituent des persécutions et devraient être une raison valable de demander l'asile dans l'UE, et que cette approche devrait se refléter dans de nouvelles lignes directrices sur le genre;
14. appelle la Commission à collecter des données statistiques minutieuses sur la migration et la protection internationale en vue d'ajouter davantage de catégories de données ventilées par sexe, en particulier en ce qui concerne les stades de la procédure d'asile après la prise d'une décision initiale;
15. prie instamment la Commission d'élaborer des lignes directrices interprétatives sur les MGF qui tiennent pleinement compte des principes directeurs du HCR sur la persécution fondée sur le sexe et de la note d'orientation du HCR sur les MGF, et qui définissent clairement les obligations des États membres, l'accent étant particulièrement placé sur l'identification et la communication avec les demandeurs d'asile vulnérables; souligne que les victimes de MGF peuvent avoir du mal à exprimer leur traumatisme lié aux MGF; invite les États membres à prendre des mesures pour garantir que toutes les formes de violences contre les femmes, notamment les mutilations génitales féminines, peuvent être reconnues comme une forme de persécution et, par conséquent, que leurs victimes peuvent bénéficier de la protection offerte par la convention de 1951 relative au statut des réfugiés, conformément aux dispositions de la convention d'Istanbul (article 60);
16. invite les États membres de l'Union à s'assurer que les procédures d'asile aux frontières respectent les principes directeurs du HCR sur la protection internationale, en particulier concernant la persécution liée au genre;
17. eu égard à ce qui précède, demande à la Commission de revoir le financement et d'améliorer la couverture des programmes Daphné et Odysseus ainsi que d'évaluer la possibilité d'adapter les programmes à la situation actuelle et de protéger les réfugiées;
18. prend note de la proposition de la Commission d'établir une liste commune de l'Union de pays d'origine sûrs; demande que toutes les mesures appropriées soient prises pour s'assurer que cette approche est conforme au principe de non-refoulement et qu'il n'est pas porté atteinte aux droits des femmes, des enfants et des autres groupes vulnérables; appelle à l'application de la différenciation entre les sexes; estime qu'aucune liste de pays d'origine sûrs ne devrait entraîner une procédure de traitement moins favorable pour les femmes dont la demande d'asile est fondée sur la crainte de violences à caractère sexiste ou le fait d'avoir subi de telles violences; souligne la nécessité d'éviter les décisions hâtives qui ne tiennent pas dûment compte du danger, notamment de mort, que courent les femmes victimes de violences à caractère sexiste si leur demande est rejetée et qu'elles sont contraintes de retourner dans leur pays;
19. invite tous les États membres à adopter des approches plus objectives et respectueuses de l'égalité entre les sexes en matière d'évaluation de la crédibilité et à mettre en place une formation poussée sur l'évaluation de la crédibilité pour les décideurs, laquelle intègre une dimension de genre; souligne que les évaluations de la crédibilité ne peuvent jamais être totalement précises et ne devraient pas servir de seule base pour rejeter une demande d'asile; recommande, lors de l'examen des demandes d'asile introduites par des femmes, de prendre en considération les profils culturels, sociaux et psychologiques des demandeuses, notamment leurs origines culturelles, leur niveau d'éducation, leurs traumatismes, leurs craintes, leur sentiment de honte et/ou les inégalités culturelles entre les femmes et les hommes;
20. appelle les États membres à motiver les décisions d'asile positives afin de mettre à disposition des données utiles sur la considération accordée aux violences à caractère sexiste et d'assurer la transparence quant aux motifs de la Convention sur lesquels les demandes d'asile ont été accordées;
21. demande instamment aux États membres d'informer les femmes de la procédure d'asile, de leurs droits et des prestations spécifiques auxquelles les demandeuses d'asile ont droit; met en exergue le droit des femmes à introduire une demande d'asile indépendante de celle de leur conjoint, s'agissant d'un élément clé pour l'émancipation des femmes, ainsi que le principe de non-refoulement; invite les États membres à informer toutes les femmes de leur droit de présenter une demande d'asile indépendante, afin de permettre aux femmes de demander et d'obtenir l'asile ou le statut de réfugié indépendamment de la situation des autres membres de leur famille;
22. invite les États membres à mettre pleinement en œuvre la directive 2011/36/UE concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et la directive 2012/29/UE établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité;
23. estime qu'il y a lieu d'agir rapidement sur le plan de l'aide humanitaire dès qu'il existe des soupçons de violences à caractère sexiste, compte tenu de la très forte exposition aux différentes formes de violences physiques et morales des groupes vulnérables, tels que les femmes et les enfants, lors des voyages migratoires illégaux, où aucun droit ne s'applique;
24. souligne que les femmes et les jeunes filles sont particulièrement vulnérables à l'exploitation par des passeurs; invite dès lors les États membres à intensifier leur coopération policière et judiciaire, notamment avec Europol, Frontex, Eurojust et du Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO), afin de lutter efficacement contre la traite et le trafic de migrants;
25. insiste sur l'importance cruciale d'offrir des services de garde d'enfants pendant les entretiens de sélection et d'asile, afin de garantir une possibilité équitable d'introduire une demande d'asile;
Besoins des femmes dans les procédures d'asile
26. prie instamment les États membres d'informer dûment les demandeuses d'asile au sujet de leurs droits, en particulier du droit de demander une enquêtrice et une interprète et de mener un entretien individuel à l'écart de toute tierce personne; invite instamment les États membres à dispenser une formation complète et obligatoire aux enquêteurs et interprètes sur les violences sexuelles, les traumatismes et la mémoire; exhorte les États membres à veiller au respect de ces droits;
27. observe avec inquiétude que de nombreux travailleurs chargés de traiter les demandes d'asile dans l'Union ne sont pas familiarisés avec la problématique des MGF; invite les États membres à collaborer à l'échelon national avec leurs autorités compétentes en matière d'asile afin de mettre en place de meilleures procédures pour soutenir et aider les femmes et les jeunes filles qui ont subi ou risquent de subir des MGF;
28. prie instamment tous les États membres de fournir des informations actualisées et accessibles sur la procédure d'asile, les droits et les prestations spécifiques aux demandeuses d'asile;
29. exhorte la Commission et les États membres à garantir un plein accès à la santé et aux droits sexuels et reproductifs, en ce compris l'accès à un avortement sans risque, et à affecter de toute urgence des ressources supplémentaires aux prestations de soins de santé;
30. prie instamment la Commission et les États membres de garantir la protection et l'assistance aux femmes pendant leur séjour dans des camps de réfugiés, lors des contrôles aux frontières et, bien entendu, après leur entrée sur le territoire de l'Union;
31. prie instamment tous les États membres de signer et de ratifier la convention d'Istanbul du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique et d'appliquer son article 59, qui énonce clairement que les Parties devraient prendre les mesures nécessaires pour suspendre les procédures d'expulsion et/ou octroyer un permis de résidence autonome dans l'éventualité d'une dissolution du mariage aux migrantes dont le statut de résident dépend de leur conjoint;
32. demande que les demandeuses d'asile et les migrantes se voient octroyer un statut juridique indépendant de celui de leur conjoint, afin d'éviter leur exploitation, de réduire leur vulnérabilité et de parvenir à une plus grande égalité;
33. souligne que les femmes et les jeunes filles migrantes sans papiers devraient avoir pleinement accès à leurs droits fondamentaux élémentaires et qu'il convient de développer des canaux légaux d'immigration;
34. insiste sur la nécessité d'avoir des procédures de regroupement familial qui confèrent des droits individuels aux femmes et aux jeunes filles rejoignant leur famille dans l'Union, afin de leur permettre de ne pas devoir dépendre d'une relation potentiellement violente avec le membre masculin de la famille pour avoir accès aux services de santé, à l'éducation ou à l'emploi;
35. condamne fermement l'utilisation de la violence sexuelle à l'encontre des femmes comme arme de guerre; considère qu'il convient d'accorder une attention particulière aux femmes et aux jeunes filles migrantes qui ont subi des violences dans des conflits, en veillant à ce qu'elles aient accès à des services d'aide médicale et psychologique;
36. se félicite de l'élaboration d'un nouveau module de formation sur le genre, l'identité de genre et l'orientation sexuelle par l'EASO; demande que l'intégration des questions d'égalité entre les hommes et les femmes et l'intégration de la dimension du genre dans les budgets soient pleinement incorporées dans le travail de l'EASO au moyen de points de contact en matière d'égalité des sexes et d'une liaison formelle avec l'Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femme (EIGE); demande que soient inclus dans les informations sur le pays d'origine des renseignements sur la situation des femmes, à la fois juridiquement et de facto, notamment des informations sur les persécutions, ou les menaces de persécution, de la part d'acteurs non publics;
37. recommande que les fonctionnaires adoptent une attitude particulièrement proactive vis-à-vis des femmes originaires d'Afghanistan, d'Iraq et de Somalie lors de l'examen de leur demande d'asile, étant donné que ces femmes sont davantage exposées au risque d'être victimes de violences sexuelles ou à caractère sexiste lorsqu'elles retournent dans leur pays d'origine;
38. encourage tous les États membres à utiliser pleinement le règlement de Dublin pour garantir que les familles sont en mesure d'être regroupées et que leurs demandes d'asile sont traitées par les mêmes autorités;
Accueil et rétention
39. appelle à mettre un terme à toutes les détentions d'enfants dans l'Union européenne et à donner aux parents la capacité de vivre avec leurs enfants dans des centres spécifiquement adaptés dans l'attente de la décision en matière d'asile les concernant;
40. souligne qu'il convient d'éviter la rétention de demandeurs d'asile, qui ne peut être appliquée que lorsqu'elle poursuit un but légitime et qu'elle a été jugée à la fois nécessaire et proportionnée au cas par cas, et qui n'est jamais justifiée pour toute personne âgée de moins de 18 ans; est d'avis que le respect du droit de demander l'asile implique de mettre en place des dispositifs d'accueil ouverts et humain s pour les demandeurs d'asile, avec un traitement sûr, digne et respectueux des droits de l'homme; insiste sur la nécessité d'élaborer d'autres solutions que la rétention, telles que des approches axées sur l'engagement qui répondent aux besoins des groupes vulnérables;
41. souligne que de nombreuses demandeuses d'asile et réfugiées ont subi des actes de violence extrême et qu'une rétention peut aggraver leur traumatisme; souligne que la rétention des demandeurs d'asile par pure commodité administrative enfreint le droit à la liberté inscrit à l'article 6 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne; demande l'arrêt immédiat, dans tous les États membres, de la rétention des enfants, des femmes enceintes et allaitantes et des victimes de viol, de violences sexuelles et de la traite, ainsi que la mise à disposition d'un soutien psychologique approprié;
42. prie instamment tous les États membres d'abaisser les durées de rétention maximales avant éloignement sous la limite stipulée dans la directive Retour; estime qu'une rétention prolongée nuit de manière disproportionnée aux groupes vulnérables;
43. demande instamment que les demandeuses d'asile placées en rétention qui ont été victimes d'abus sexuels bénéficient d'avis et de conseils médicaux appropriés, notamment lorsque ces abus entraînent une grossesse, et reçoivent les soins de santé physique et mentale, le soutien et l'aide juridique requis; prie instamment la Commission et les États membres de prendre immédiatement des mesures en vue de s'assurer que les conditions d'accueil, de transit et de rétention sont sûres et appropriées en offrant un logement et des installations sanitaires séparés aux femmes et aux familles; signale que la fourniture d'articles sanitaires de base à toutes les femmes et jeunes filles doit être une pratique normalisée dans les programmes d'assistance;
44. souligne que la participation directe et indirecte des réfugiées à la gestion des processus de distribution des produits alimentaires et non alimentaires permettra de garantir que ces produits sont distribués et contrôlés directement par les femmes adultes membres des ménages, ce qui assurera leur distribution équitable;
45. invite la Commission et les États membres à doter les centres d'accueil des réfugiés et des demandeurs d'asile d'installations appropriées pour que les mères puissent prendre en charge leurs enfants et s'en occuper;
46. demande aux États membres de mettre en œuvre ou de renforcer des mécanismes de contrôle dans les centres d'accueil de l'Union européenne, surpeuplés et dans lesquels ne règnent pas nécessairement les conditions minimales pour atténuer les violences à caractère sexiste, afin d'éviter que le harcèlement des femmes et des enfants se poursuive y compris dans le pays d'arrivée;
47. souligne qu'il convient de donner la priorité aux besoins des personnes vulnérables, comme les femmes victimes de violences et les jeunes filles – en particulier les jeunes filles non accompagnées –, dans les procédures d'accueil;
48. souligne qu'il importe de doter les structures d'accueil d'une assistance juridique adaptée aux femmes, afin de leur garantir une aide appropriée pour l'information et la recherche de liens familiaux;
49. invite la Commission et les États membres à prendre des mesures pour prévenir les mariages forcés par lesquels les femmes et les jeunes filles sont contraintes, une fois qu'elles ont obtenu le statut de réfugié, de permettre un accès sûr à des hommes qui espèrent ainsi s'assurer un accès sûr pour eux-mêmes et qui, autrement, n'auraient aucun droit d'accès;
50. insiste sur la nécessité urgente de mener des enquêtes indépendantes sur toutes les allégations, y compris d'abus sexuels et de violences à caractère sexiste, dans les lieux de rétention pour migrants ou aux frontières, et d'accorder un accès à ces derniers aux journalistes et aux organisations concernées de la société civile;
51. estime qu'en cas de rétention de demandeuses d'asile, les installations et les équipements doivent répondre aux besoins spécifiques des femmes en matière d'hygiène, le recours à des gardes et à des surveillants féminins doit être privilégié et tous les membres du personnel chargés de travailler avec des détenues doivent être formés aux besoins spécifiques et aux droits fondamentaux des femmes;
52. estime que les demandeuses d'asile placées en rétention qui signalent des abus doivent immédiatement recevoir une protection, un soutien et des conseils et que leurs allégations doivent être examinées par des autorités compétentes et indépendantes, dans le strict respect du principe de confidentialité, notamment lorsque ces femmes sont détenues avec leur mari, leur partenaire ou d'autres membres de leur famille; estime que les mesures de protection devraient particulièrement tenir compte des risques de représailles;
53. invite la Commission, les États membres et les autorités locales à collaborer avec les organisations de la société civile et de défense des droits de l'homme pour atténuer les souffrances des réfugiés qui survivent dans des conditions de fortune, en particulier les femmes et les jeunes filles vulnérables;
Inclusion et intégration sociales
54. appelle les États membres à élaborer et à mettre en œuvre des mesures spécifiques pour faciliter la participation au marché du travail des réfugiées et des demandeuses d'asile, notamment des cours de langue, des programmes d'apprentissage tout au long de la vie et des formations; invite la Commission, les États membres et les autorités locales à veiller au respect du droit des jeunes filles réfugiées à avoir accès à l'enseignement obligatoire; insiste sur l'importance de l'éducation informelle et non formelle et des échanges culturels pour assurer l'intégration et l'émancipation des jeunes femmes et des jeunes filles; souligne l'importance d'élargir l'accès à l'enseignement supérieur aux réfugiées; demande des procédures robustes et transparentes en matière de reconnaissance des qualifications acquises à l'étranger;
55. invite la Commission et les États membres à mettre des fonds et d'autres ressources à la disposition des organisations de la société civile et de défense des droits de l'homme qui offrent une assistance, promeuvent l'inclusion et surveillent la situation des réfugiés et des demandeurs d'asile dans l'Union, notamment en vue de supprimer les obstacles et les vulnérabilités rencontrés par les femmes et les jeunes filles;
56. demande aux États membres et à la Commission de garantir que les dirigeantes politiques réfugiées qui sont persécutées dans leur pays d'origine peuvent exercer en toute sécurité leurs activités politiques et sociales en faveur des droits des femmes et de l'égalité entre les sexes dans l'Union européenne;
57. souligne l'importance capitale de mettre des services de garde d'enfants et des autres personnes dépendantes de qualité à la disposition des réfugiées pour permettre leur autonomie économique et sociale;
58. encourage les États membres à utiliser les Fonds structurels et d'investissement parallèlement au Fonds "Asile, migration et intégration" afin de promouvoir l'intégration des réfugiés sur le marché du travail, en mettant particulièrement l'accent sur les services de garde d'enfants;
59. demande des procédures de regroupement familial plus rapides et plus efficaces ainsi que la collecte de données ventilées par sexe sur les décisions relatives au regroupement familial; insiste sur l'importance de garantir un accès à une aide juridique dans les affaires de regroupement familial;
60. estime que la reconnaissance mutuelle des décisions d'asile positives créerait de meilleures opportunités en terme d'emploi, d'intégration et de regroupement familial;
61. souligne que les pays d'accueil devraient garantir le plein accès au droit d'avoir un enseignement public gratuit et de qualité, des services de soins de santé, en particulier concernant la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation, un emploi qui corresponde aux besoins et aux capacités des femmes réfugiées et un logement qui corresponde aux besoins des femmes et des jeunes filles réfugiées; souligne que les politiques d'aide sociale sont fondamentales pour l'intégration;
62. demande des programmes complets, dotés de ressources adéquates, pour répondre aux besoins de santé à court et à long terme non satisfaits des réfugiées, notamment des services de conseil psychosocial et en traumatisme;
63. insiste sur le rôle positif important que les entreprises sociales et les modèles économiques alternatifs, comme les mutuelles et les coopératives, peuvent jouer dans l'émancipation économique des réfugiées et leur intégration dans les marchés du travail, ainsi que dans les domaines social et culturel;
64. encourage le partage des bonnes pratiques entre les États membres sur la participation des organisations communautaires et des réfugiés eux-mêmes dans la représentation des opinions des réfugiées et demandeuses d'asile auprès des décideurs politiques;
65. estime que les pouvoirs régionaux et locaux jouent un rôle fondamental pour l'intégration des réfugiées et des demandeuses d'asile, en particulier en ce qui concerne leur insertion dans le monde du travail; les encourage en outre à promouvoir le dialogue et les échanges entre les réfugiées et les femmes autochtones;
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66. charge son président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission et au HCR.
EXPOSÉ DES MOTIFS
En 2014, la moitié de la population mondiale des réfugiés se composait de femmes et de jeunes filles.[2] Historiquement, les conventions internationales et les politiques d'asile nationales ont eu tendance à négliger la position spécifique des demandeuses d'asile et la dimension de genre des situations des réfugiés. En effet, les régimes d'asile ont en grande partie été examinés sous un angle masculin. Malgré la création du régime d'asile européen commun (RAEC), le droit, les politiques et les pratiques des États membres continuent de varier d'une manière significative et présentent une lacune évidente en termes de protection accordée aux demandeuses d'asile au sein de l'Union européenne.
Il est difficile de générer, en raison de leur nature, des statistiques précises sur la diversité démographique des réfugiés qui tentent de rejoindre l'Europe. Toutes les recherches contemporaines suggèrent toutefois que les hommes célibataires sont plus nombreux à rejoindre l'Union européenne pour demander la protection internationale que les femmes et les enfants. Cela est essentiellement dû aux obstacles liés au sexe que les femmes rencontrent tout au long de leur voyage pour accéder à la protection. Les divisions inégales traditionnelles du travail impliquent que les femmes restent souvent au pays pour s'occuper des enfants et des membres de la famille plus âgés. Bon nombre d'entre elles manquent par-dessus tout de l'indépendance tant financière qu'administrative pour quitter leur pays d'origine.
Les femmes qui fuient en nombre croissant sont vulnérables à tous les stades de leur voyage, que ce soit dans le pays d'origine, de transit et de destination. Tout en étant un moteur clé des décisions de fuite des femmes, les violences à caractère sexiste représentent un trait commun tout au long du voyage vers et au sein de l'Union européenne.
La dimension de genre dans la détermination du statut de réfugié
Il est avancé que le Parlement européen fut le premier organe international à reconnaître la nécessité d'interpréter la Convention relative au statut de réfugié dans le respect de l'égalité entre les sexes, dans une résolution du 13 avril 1984[3] qui a ensuite été reprise par les conclusions et principes directeurs ultérieurs du HCR. De nombreux États membres de l'Union européenne ont adopté leurs propres lignes directrices relatives à la dimension de genre, mais celles-ci ne sont pas contraignantes et leur efficacité n'est que partielle et irrégulière.
Il est largement reconnu que les violences perpétrées à l'égard des demandeuses d'asile sont souvent commises par des acteurs non étatiques, notamment par des membres de la famille. Les persécutions se produisent quand l'État ne peut ou ne veut pas fournir une protection aux femmes se trouvant dans une telle situation. En conséquence, les persécutions doivent être examinées selon une dimension tant verticale qu'horizontale, surtout dans le cadre des demandes fondées sur le genre.
De nombreux États membres n'ont toujours pas signé et ratifié la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (convention d'Istanbul). La convention oblige les États parties à interpréter les motifs de la Convention relative au statut de réfugié d'une manière sensible au genre et de fournir des conditions d'accueil, des services de soutien et des procédures d'asile respectueux de l'égalité des sexes.
La qualité et la forme de la prise de décisions dans le cadre des procédures d'asile ont en effet un impact différent sur les femmes et les hommes. Il est moins probable que les femmes possèdent des preuves pour corroborer une allégation. Cela est dû à divers facteurs dont leur statut économique, social et politique dans leur pays d'origine, et la nature des persécutions qu'elles ont subies ou la peur. Pour cette raison, le témoignage oral tend à jouer un rôle plus important dans les demandes d'asile des femmes, en particulier dans les évaluations de la crédibilité.
Lorsque les femmes ont vécu un traumatisme, elles peuvent se montrer réticentes ou lentes à divulguer des informations pertinentes. Certaines ONG ont fait état d'une culture de l'incrédulité dans laquelle les décideurs n'arrivent pas à comprendre la complexité de se souvenir d'histoires violentes et traumatiques, et font peser une charge bien trop lourde sur les demandeurs d'asile ayant peu de preuves documentaires.
La proposition de règlement établissant une liste commune de l'Union de pays d'origine sûrs[4] soulève des questions importantes sur la situation des demandeuses d'asile dans l'Union européenne. En cas d'adoption, la Commission doit s'assurer que ces modifications tiennent pleinement compte de la situation des femmes, des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI) et des autres groupes vulnérables, en prévoyant le cas échéant des dérogations spécifiques. Aucun pays ne peut être jugé véritablement "sûr" pour les femmes et les jeunes filles lorsque les violences à caractère sexiste représentent un problème mondial et endémique. Cela doit être explicitement reconnu dans toutes les nouvelles réglementations et la différenciation entre les sexes doit être appliquée.
Un nouvel ensemble complet de directives relatives à la dimension de genre doit être adopté à l'échelon européen dans le cadre de réformes plus larges de la politique en matière d'asile et d'immigration.
Les besoins des femmes dans les procédures d'asile
Les demandeuses d'asile doivent avoir dès que possible accès à des conseils juridiques de haute qualité. Le traumatisme psychologique, la honte et la stigmatisation que de nombreuses femmes vivent en conséquence des actes de violence permettent difficilement aux représentants légaux de gagner leur confiance. Il est impératif que les femmes aient confiance pour divulguer les détails intimes de leurs expériences traumatiques.
Les demandes d'asile fondées sur le genre sont souvent complexes et peuvent par conséquent exiger un travail juridique supplémentaire. Toutefois, de nombreux États membres ont considérablement réduit les dépenses en matière d'aide juridique ces dernières années dans le cadre des programmes d'austérité. Le manque de financement peut dissuader les représentants légaux d'interjeter appel pour des affaires complexes fondées sur le genre et de nombreuses demandeuses d'asile n'ont par conséquent pas d'autre choix que de soumettre leur appel sans représentation légale.
Comme des décisions incorrectes peuvent entraîner une tragédie irréversible, l'aide juridique constitue dès lors une garantie indispensable contre les décisions erronées. L'Agence des droits fondamentaux a également mis en évidence les obstacles que rencontrent les demandeurs d'asile pour accéder à des recours efficaces[5]. Le manque d'assistance juridique implique également que les réfugiés reconnus ne peuvent souvent pas exercer leur droit au regroupement familial.
Les femmes ont des besoins spécifiques lors des procédures de sélection et d'entretien, et les normes continuent de varier considérablement entre les États membres. Pour pallier ce problème, les États membres doivent au moins:
• garantir et promouvoir le droit de demander une enquêtrice et une interprète;
• dispenser une formation complète et obligatoire aux enquêteurs et interprètes sur les violences sexuelles, les traumatismes et la mémoire;
• prévoir des conseillers spécialisés en traumatisme pour les femmes qui ont subi des violences à caractère sexiste;
• fournir des informations sur la procédure d'asile, les droits et les prestations spécifiques aux demandeuses d'asile;
• offrir des services de garde d'enfants pendant les entretiens de sélection et d'asile;
• informer les femmes sur leur droit de faire une demande d'asile indépendante.
Il faut mieux coordonner la formation destinée à tous les professionnels susceptibles d'entrer en contact avec les personnes concernées par les mutilations génitales féminines (MGF), dont une formation sur les initiatives existantes telles que la plateforme de connaissance en ligne sur la formation complète destinée aux professionnels.[6]
Traite, trafic et violence sexuelle
Les déplacements forcés entraînent de nombreuses formes concomitantes d'exploitation et de persécution fondées sur le genre, notamment la traite à des fins d'exploitation sexuelle ou de travail forcé. Les femmes et les jeunes filles fuyant les conflits sont exposées à un risque accru de mariage d'enfants, précoce et forcé. Des éléments probants suggèrent que le sexe de survie est devenu dans certaines régions une monnaie avec laquelle elles paient des passeurs peu scrupuleux.
Les violences sexuelles sont souvent utilisées comme une stratégie visant à priver les femmes et les jeunes filles de leurs droits humains fondamentaux et peuvent déboucher sur des grossesses forcées, non désirées et d'enfants. Plus d'un tiers des décès liés à la maternité dans le monde se produit dans des contextes de crise, tels que des camps de réfugiés. Cela est essentiellement dû au manque d'accès à des soins obstétriques d'urgence de base et de personnel de santé qualifié. L'insuffisance ou l'absence de prestations de soins de santé sexuelle et génésique expose des millions de femmes et d'enfants à un risque inutile de maladie et de mortalité.
La Commission et les États membres doivent garantir un plein accès à la santé et aux droits sexuels et reproductifs, en ce compris l'accès à un avortement sans risque. Des ressources supplémentaires doivent être allouées de toute urgence.
Les problèmes de la traite et du trafic des êtres humains sont souvent très étroitement liés. Les deux catégories sont toutefois distinctes et donnent lieu à des obligations légales différentes. La traite implique toujours la contrainte et l'exploitation, et ne signifie pas nécessairement un franchissement irrégulier des frontières. Les deux phénomènes doivent être examinés séparément pour assurer une politique et des réponses pénales appropriées et ciblées.
L'utilisation accrue de passeurs et d'itinéraires de migration peu sûrs engendre des problèmes spécifiques pour les femmes. Lorsque les femmes et leurs familles n'ont pas d'autre choix que d'emprunter des itinéraires plus dangereux, leur exposition à des violences et au recours à des passeurs criminels s'accroît. En définitive, pour améliorer la sécurité des réfugiées, des itinéraires sûrs et légaux vers l'Union européenne doivent être mis à la disposition des personnes fuyant les conflits et les persécutions.
La sécurité et le respect des droits des femmes ne doivent pas entrer en conflit avec les objectifs politiques.
Accueil et rétention
Les femmes ont des besoins d'accueil spécifiques, comme cela est reconnu dans l'article 60, paragraphe 3, de la convention d'Istanbul qui exige que les parties:
prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour développer des procédures d'accueil sensibles au genre et des services de soutien pour les demandeurs d'asile (...)
Toutefois, en vertu de la directive relative aux conditions d'accueil, les femmes ne sont pas systématiquement considérées comme des "personnes vulnérables" ou ayant droit à un logement personnalisé.
La pression exercée sur les régimes d'accueil des demandeurs d'asile ne doit jamais excuser l'incapacité à protéger les femmes contre la violence et les demandeuses d'asile ne doivent pas subir un régime de deux poids, deux mesures; elles doivent avoir les mêmes droits que les autres victimes de violences à caractère sexiste. La directive "Victimes" stipule également que les droits qu'elle contient ne doivent pas être subordonnés au statut de résidence ni à la citoyenneté ou nationalité de la victime.
Il convient de remédier à plusieurs autres problèmes liés aux conditions d'accueil:
• une formation tenant compte des spécificités des femmes et des hommes pour le personnel, notamment une formation complète sur les violences sexuelles, la traite et les mutilations génitales féminines (MGF);
• un logement et des installations sanitaires séparées pour les hommes et les femmes;
• un accès à des services de santé sensibles au genre, y compris des soins pré et postnataux;
• un accès à des conseils;
• des services de garde d'enfants.
La rétention doit uniquement être utilisée en dernier recours et les personnes vulnérables ne doivent pas être retenues. Les besoins des femmes enceintes, des femmes accompagnées de jeunes enfants et des victimes de violences sexuelles sont pris en compte de façon plus appropriée en appliquant des alternatives à la rétention, telles que la remise des documents de voyage ou des obligations de présentation.
Inclusion et intégration sociales
Les réfugiées font face à plusieurs défis d'intégration spécifiques et subissent des discriminations multiples et intersectorielles fondées sur des caractéristiques incluant le genre et la minorité ethnique. Cela les expose à un risque encore plus élevé d'exclusion sociale, de violence et de pauvreté.
Aujourd'hui, en Europe, les demandeurs d'asile vivent de revenus bien inférieurs au seuil de pauvreté et certains sont obligés de demander la charité pour subvenir à leurs besoins humains fondamentaux. Il est extrêmement préoccupant que les femmes enceintes et les mères d'un jeune enfant ne reçoivent pas une aide financière adéquate. Même après que le statut de réfugié a été accordé, les femmes rencontrent des obstacles très importants à l'emploi et à l'assistance sociale, notamment un manque d'accès à des services de garde d'enfants.
Les États membres devraient davantage utiliser les fonds de cohésion, parallèlement au Fonds "Asile, migration et intégration", afin de promouvoir l'intégration sur le marché du travail. Des services de garde d'enfants sont essentiels pour permettre la participation des réfugiées dans la société et devraient former une priorité.
La montée du populisme d'extrême droite et de l'extrémisme en Europe expose les réfugiées et demandeuses d'asile à un risque accru d'actes racistes, de discriminations et de violences. Les États membres ont une obligation de promouvoir des environnements sûrs et accueillants pour les personnes demandant la protection internationale et de lutter contre toutes les formes de discrimination. Les décideurs politiques, quel que soit leur niveau, doivent s'exprimer ouvertement sur les contributions économiques, sociales et culturelles positives que les réfugiés peuvent apporter.
Conclusion
Les actes clés constituant le régime d'asile européen commun n'ont jusqu'à présent pas garanti un traitement égal et sensible au genre des femmes demandant la protection en Europe. En dépit de l'existence d'une législation et d'une politique conçues pour fonctionner d'une manière respectueuse de l'égalité entre les hommes et les femmes, de graves lacunes persistent. Même lorsque les politiques sont sensibles au genre, cela ne signifie pas toujours qu'elles sont mises en œuvre d'une manière efficace dans la pratique.
La politique en matière d'asile de l'Union européenne doit être sensible aux expériences des femmes à tous les stades. Pour que les décideurs politiques comprennent pleinement comment les rapports de pouvoir entre les hommes et les femmes entraînent les déplacements forcés et engendrent des expériences et besoins spécifiques fondés sur le genre, les réfugiées et demandeuses d'asile doivent pouvoir se faire entendre.
L'ampleur de la crise humanitaire que connaît l'Europe actuellement suscite de graves inquiétudes. Les inégalités entre les sexes se renforcent lors de crises de ce type. Mais cette période d'incertitude et de trouble représente également une occasion d'harmoniser les bonnes pratiques dans le traitement des réfugiées et demandeuses d'asile en Europe.
OPINION MINORITAIRE
sur la situation des réfugiées et demandeuses d'asile dans l'Union européenne(2015/2325(INI))
Commission des droits de la femme et de l'égalité des genres, Rapporteure: Mary Honeyball
Opinion minoritaire présentée par la députée européenne Beatrix von Storch (ECR)
Angela Merkel (CDU/PPE) porte un préjudice sans précédent à l'Union européenne depuis 1945. Par la décision qu'elle a prise en cavalier seul en tant que chancelière, elle a enfreint le droit constitutionnel et le droit européen et a favorisé l'émergence de la crise des réfugiés.
Sa démarche volontariste empiète sur les compétences techniques de la commission des affaires intérieures, occasionne une charge supplémentaire considérable pour les aidants bénévoles, les conseillers des Länder et les administrations régionales, contredit le principe fondateur de l'égalité devant la loi. L'on réclame des procédures d'accueil particulières pour les petites filles, mais pas pour les garçons mineurs. Des locaux spéciaux doivent être prévus pour les réfugiés homosexuel(le)s (à quoi cela doit-il donc ressembler?). En revanche, la protection indispensable de chrétiens persécutés, dont on sait qu'ils sont exposés, dans les centres de demandeurs d'asile, à des exactions commises par des musulmans, est expressément rejetée. Le fait de réclamer des mesures concernant l'avortement constitue le summum de l'hypocrisie: la majorité libérale de gauche ne peut bien évidemment pas tolérer les enfants de réfugiés à naître.
Aucune différence n'est faite entre les réfugiés fuyant les guerres et les réfugiés économiques. Les États membres n'auraient pas le droit de contrôler leurs propres frontières nationales. Je ne peux cautionner rien de tout cela.
Dans tous les États membres, les infrastructures sont saturées. L'on va jusqu'à préparer des lois permettant de spolier les biens privés pour les transformer en locaux pour héberger des réfugiés. Le PE pourrait apporter une aide concrète en mettant provisoirement à disposition les bâtiments dont il dispose à Strasbourg: 750 chambres simples équipées d'un lit, d'une douche et de toilettes, des cantines prêtes à fonctionner et des salles de réunion pour les mesures de formation continue.
RÉSULTAT DU VOTE FINALEN COMMISSION COMPÉTENTE AU FOND
Date de l’adoption |
28.1.2016 |
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Résultat du vote final |
+: –: 0: |
18 10 0 |
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Membres présents au moment du vote final |
Daniela Aiuto, Maria Arena, Catherine Bearder, Malin Björk, Anna Maria Corazza Bildt, Iratxe García Pérez, Mary Honeyball, Vicky Maeijer, Angelika Mlinar, Angelika Niebler, Maria Noichl, Marijana Petir, Terry Reintke, Jordi Sebastià, Ernest Urtasun, Beatrix von Storch, Jadwiga Wiśniewska, Jana Žitňanská |
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Suppléants présents au moment du vote final |
Izaskun Bilbao Barandica, Stefan Eck, Eleonora Forenza, Ildikó Gáll-Pelcz, Constance Le Grip, Clare Moody, Julie Ward |
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Suppléants (art. 200, par. 2) présents au moment du vote final |
Pedro Silva Pereira, Claudiu Ciprian Tănăsescu, Kristina Winberg |
||||
VOTE FINAL PAR APPEL NOMINALEN COMMISSION COMPÉTENTE AU FOND
18 |
+ |
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S&D |
Maria Arena, Iratxe García Pérez, Mary Honeyball, Clare Moody, Maria Noichl, Pedro Silva Pereira, Claudiu Ciprian Tănăsescu, Julie Ward |
|
ALDE |
Catherine Bearder, Izaskun Bilbao Barandica, Angelika Mlinar |
|
GUE/NGL |
Malin Björk, Stefan Eck, Eleonora Forenza |
|
VERTS/ALE |
Terry Reintke, Jordi Sebastià, Ernest Urtasun, |
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EFDD |
Daniela Aiuto |
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10 |
- |
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PPE |
Anna Maria Corazza Bildt, Ildikó Gáll-Pelcz, Constance Le Grip, Angelika Niebler, Marijana Petir |
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ECR |
Jadwiga Wiśniewska, Jana Žitňanská, Beatrix von Storch |
|
EFDD |
Kristina Winberg |
|
ENF |
Vicky Maeijer |
|
0 |
0 |
|
|
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Légende des signes utilisés:
+ : pour
- : contre
0 : abstention
- [1] Textes adoptés de cette date, P8_TA(2015)0422.
- [2] "World at war. UNHCR Global Trends. Forced Displacement in 2014", http://unhcr.org/556725e69.html
- [3] Résolution du Parlement européen du 13 avril 1984 sur l'application de la Convention de Genève relative au statut de réfugié, JO C 127, 14.5.1984, p.137.
- [4] COM(2015) 452 final du 9 septembre 2015.
- [5] Agence des droits fondamentaux, "Accès à des recours efficaces : la perspective des demandeurs d'asile" Rapport thématique, 2011.
- [6] www.uefgm.org