RAPPORT sur la nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition

3.5.2016 - (2015/2277(INI))

Commission du développement
Rapporteure: Maria Heubuch

Procédure : 2015/2277(INI)
Cycle de vie en séance
Cycle relatif au document :  
A8-0169/2016
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A8-0169/2016
Textes adoptés :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN

sur la nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition

(2015/2277(INI))

Le Parlement européen,

vu le document final adopté par l'Assemblée générale des Nations unies le 25 septembre 2015 intitulé "Transformer notre monde: le programme de développement durable à l'horizon 2030", et en particulier l'objectif de développement durable nº 2 qui y est défini, à savoir éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable[1],

–  vu l'accord de la Paris adopté par les parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques le 12 décembre 2015[2],

–  vu le programme détaillé de développement de l'agriculture africaine (PDDAA) adopté par l'Union africaine (UA) en 2002[3],

–  vu le sommet des chefs d'État de l'Union africaine qui s'est tenu à Maputo en 2003, au cours duquel les gouvernements de l'UA sont convenus de consacrer plus de 10 % de leurs budgets nationaux au secteur agricole[4],

–  vu le sommet des chefs d'État et de gouvernement de l'Union africaine qui s'est tenu en juillet 2012, au cours duquel 2014 a été déclarée "Année de l'agriculture et de la sécurité alimentaire en Afrique"[5] pour marquer le dixième anniversaire du PDDAA,

–  vu la déclaration de Malabo sur la croissance et la transformation accélérées de l'agriculture en Afrique pour une prospérité partagée et de meilleures conditions de vie, adoptée le 27 juin 2014 lors du sommet des chefs d'État de l'UA, dans laquelle les gouvernements de l'UA se sont de nouveau engagés à allouer au moins 10 % de leurs dépenses publiques à l'agriculture[6],

–  vu l'initiative de l'Aquila en matière de sécurité alimentaire adoptée par le G8 en 2009[7],

–  vu le cadre et les lignes directrices sur les politiques foncières en Afrique adoptés par la conférence conjointe des ministres en charge de l’agriculture, des affaires foncières et de l’élevage, qui s'est tenue en avril 2009 à Addis Abeba (Éthiopie)[8], ainsi que la déclaration sur les problèmes et enjeux fonciers en Afrique[9] adoptée par les chefs d'État de l'UA lors du sommet de Sirte, en juillet 2009, dans laquelle ils demandent que lesdits cadre et lignes directrices soient appliqués d'urgence,

–  vu les principes directeurs relatifs aux investissements fonciers à grande échelle en Afrique, adoptés par la conférence conjointe des ministres de l'agriculture, du développement rural, de la pêche et de l'aquaculture, réunis à Addis Abeba les 1er et 2 mai 2014[10],

–  vu la déclaration d'organisations de la société civile africaine intitulée "Modernising African agriculture - Who benefits?"[11] (À qui profite la modernisation de l'agriculture africaine?), publiée en mai 2013,

–  vu la déclaration de Djimini du Comité ouest-africain des semences paysannes[12] adoptée le 13 mars 2014,

–  vu les directives volontaires de la FAO à l'appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale[13], adoptées en 2004,

–  vu le rapport de l’Évaluation internationale des sciences et technologies agricoles au service du développement (EISTAD) intitulé "Agriculture at a crossroads"[14] (L'agriculture à la croisée des chemins), adopté en 2009,

–  vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966[15],

–  vu la convention des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, de 1979[16],

–  vu la charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1987[17],

–  vu la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones adoptée en 2007[18],

–  vu les principes de base et directives des Nations unies concernant les expulsions et les déplacements liés au développement, adoptés en 2007[19],

–  vu les principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme, adoptés par le Conseil des droits de l'homme des Nations unies en 2011[20], ainsi que les principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales, mis à jour en 2011[21],

–  vu le partenariat de Busan pour une coopération efficace au service du développement conclu en 2011[22],

–  vu les directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts[23],

–  vu la convention internationale de 1991 pour la protection des obtentions végétales (convention UPOV)[24],

–  vu le traité international de 2001 sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture[25],

–  vu la convention de 1992 sur la diversité biologique ainsi que le protocole de Carthagène de 2000 sur la prévention des risques biotechnologiques et le protocole de Nagoya de 2010 sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation relatif à la convention sur la diversité biologique[26],

–  vu la loi-modèle africaine sur la sécurité en biotechnologie[27],

–  vu la résolution sur la régulation du foncier dans une perspective de souveraineté alimentaire adoptée par l'Assemblée parlementaire de la Francophonie le 12 juillet 2012[28],

–  vu la résolution de l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE sur les répercussions sociales et environnementales du pastoralisme dans les pays ACP, adoptée le 27 novembre 2013[29],

–  vu la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen du 31 mars 2010 intitulée "Un cadre stratégique de l’UE pour aider les pays en développement à relever les défis liés à la sécurité alimentaire"[30] ainsi que les conclusions du Conseil y afférentes, adoptées le 10 mai 2010[31],

–  vu les conclusions du Conseil du 28 mai 2013 sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle[32],

–  vu le plan d'action sur la nutrition de la Commission adopté en juillet 2014[33],

–  vu sa résolution du 27 septembre 2011 sur un cadre stratégique de l’UE pour aider les pays en développement à relever les défis liés à la sécurité alimentaire[34],

–  vu sa résolution du 11 décembre 2013 sur l'approche de l'UE sur la résilience et la réduction des risques de catastrophes dans les pays en développement[35],

–  vu sa résolution du 13 mars 2014 sur le rôle joué par les droits de propriété, le régime de la propriété et la création de richesses pour éradiquer la pauvreté et favoriser le développement durable dans les pays en développement[36],

–  vu sa résolution du jeudi 12 mars 2015 sur la Tanzanie, notamment la question de l'accaparement des terres[37],

–  vu la déclaration de la convergence globale des luttes pour la terre et l'eau, formulée au Forum social mondial à Tunis, en mars 2015[38],

–  vu sa résolution du 30 avril 2015 sur l'exposition universelle de 2015 à Milan: nourrir la planète, énergie pour la vie[39],

–  vu la demande de la société civile africaine d'inclure la souveraineté alimentaire et le droit à l'alimentation à l'ordre du jour du G7 présidé par l'Allemagne en juin 2015[40],

–  vu la "charte de Milan"[41], présenté lors de l'Expo 2015 consacrée au thème "Nourrir la planète, énergie pour la vie" et signée par plus d'un million de chefs d'État ou de gouvernement et de simples citoyens, qui invite chaque citoyen, association, entreprise ou institution nationale et internationale à prendre ses responsabilités pour permettre aux générations à venir de jouir de leur droit à l'alimentation et qui contient des engagements contraignants en vue de garantir ce droit dans le monde entier,

–  vu le Comité de la sécurité alimentaire mondiale des Nations unies, l'enceinte adéquate pour la conclusion d'un accord sur la marche à suivre au niveau international et au sein de laquelle toutes les parties concernées ont voix au chapitre,

–  vu le pacte de politique alimentaire urbaine de Milan du 15 octobre 2015[42], présenté par la municipalité de Milan et signé par 113 villes dans le monde, qui a été remis au Secrétaire général des Nations unies, Ban Ki Moon, et qui illustre le rôle clé joué par les villes dans l'élaboration des politiques en matière d'alimentation,

–  vu sa résolution du 21 janvier 2016 sur la situation en Éthiopie[43],

–  vu l'audition publique sur la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition organisée par sa commission du développement le 1er décembre 2015[44],

–  vu l'étude intitulée "New Alliance for Food Security and Nutrition in Africa" commandée au professeur Olivier de Schutter par sa commission du développement et publiée par sa direction générale des politiques externes en novembre 2015[45],

–  vu l'article 52 de son règlement,

–  vu le rapport de la commission du développement et l'avis de la commission de l'agriculture et du développement rural (A8-0169/2016),

A.  considérant que la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition en Afrique (NASAN) vise à améliorer la sécurité alimentaire et la nutrition en aidant 50 millions de personnes en Afrique subsaharienne à sortir de la pauvreté d'ici 2020; que les pays participants ont négocié des cadres de coopération qui établissent les engagements visant à favoriser l'investissement privé dans le secteur de l'agriculture en Afrique;

B.  considérant que l'investissement dans l'agriculture familiale a été négligé en Afrique au cours des trente dernières années, tandis que la dépendance envers les importations de denrées alimentaires des pays à faibles revenus a augmenté de façon significative, les rendant vulnérables aux variations de prix sur les marchés internationaux;

C.  considérant que les partenariats public-privé de grande envergure risquent de mettre en situation de position dominante de grandes sociétés dans le secteur agricole africain et d'en évincer les entreprises locales;

D.  considérant que les investissements privés dans le cadre de la NASAN ont bénéficié à plus de 8,2 millions de petits exploitants et permis de créer plus de 21 000 emplois, dont plus de la moitié pour des femmes;

E.  considérant que la crise alimentaire de 2008 a débouché sur la prise de conscience généralisée de la nécessité de soutenir la production alimentaire des petits exploitants à destination du marché intérieur;

F.  considérant que les programmes d'ajustement structurel mis en œuvre au début des années 1980 ont contribué au développement d'une agriculture axée sur l'exportation accordant la priorité à l'augmentation de la production des cultures de rente pour le marché mondial; que ce choix a favorisé des formes de production à grande échelle, à forte intensité capitalistique et hautement mécanisée, au détriment de l'agriculture familiale;

G.  considérant que les marchés internationaux vont devenir plus instables à l'avenir; qu'il convient que les pays concernés veillent à ne pas entretenir une dépendance excessive à l'égard des importations et privilégient l'investissement dans la production alimentaire intérieure en vue de renforcer leur capacité de résilience;

H.  considérant que les exploitations agricoles familiales et les petites exploitations doivent être au cœur de la NASAN;

I.  considérant que la sécurité alimentaire dans les pays en voie de développement dépend largement de l'utilisation durable des ressources naturelles;

J.  considérant que les "pôles de croissance" visent à attirer des investisseurs internationaux en mettant des terres à la disposition de grandes entreprises privées; que cette stratégie ne doit pas être mise en œuvre au détriment des exploitations familiales;

K.  considérant que les accords relatifs à la NASAN ne comprennent aucun indicateur concret concernant la faim et la malnutrition;

L.  considérant que les exploitations agricoles familiales et les petits exploitants ont démontré leur capacité à fournir des produits diversifiés et à augmenter durablement leur production à l'aide de pratiques agroécologiques;

M.  considérant que les monocultures accroissent la dépendance aux engrais et aux pesticides chimiques, entraînent une grave dégradation des sols et contribuent au changement climatique;

N.  considérant que 14 % au moins des émissions annuelles totales de gaz à effet de serre sont imputables à l'agriculture, du fait, principalement, de l'utilisation d'engrais azotés;

O.  considérant qu'il existe différentes formes de régimes fonciers (coutumier, public et privé) mais qu'en matière de droits fonciers, la NASAN s'appuie presque exclusivement sur l'établissement de titres fonciers;

P.  considérant qu'en 2050, 70 % de la population mondiale vivra dans des grandes villes et qu'il sera plus nécessaire que jamais auparavant d'adopter une perspective à la fois mondiale et locale en matière de nutrition;

Q.  considérant que l'établissement de titres fonciers ne constitue pas l'unique garantie contre l'expropriation et le déplacement;

R.  considérant que l'égalité des sexes est une dimension très importante de l'investissement dans l'agriculture en Afrique; que les femmes en milieu rural font depuis longtemps l'objet de discriminations au regard de l'accès aux moyens de production, notamment à la terre, aux crédits, aux intrants et aux services;

S.  considérant que jusqu'à une époque récente, l'agriculture a bénéficié d'une aide axée sur des cultures d'exportation exploitées par des hommes, les femmes étant principalement chargées de produire les aliments nécessaires à la subsistance de la famille;

T.  considérant que la FAO estime qu'environ 75 % de la diversité phytogénétique a disparu dans le monde; que l'érosion génétique à grande échelle augmente notre vulnérabilité au changement climatique ainsi qu'à l'apparition de nouveaux nuisibles et de nouvelles maladies;

U.  considérant que le contrôle, la propriété et l'accessibilité économique des semences sont essentiels au regard de la résilience des cultivateurs pauvres en matière de sécurité alimentaire;

V.  considérant qu'il convient de protéger le droit des agriculteurs de multiplier, d'utiliser, d'échanger et de vendre leurs semences;

W.  considérant que la réduction des écarts en matière de nutrition en Afrique tient une place centrale dans le programme pour le développement durable; que la malnutrition résulte de l'interaction de nombreux facteurs liés, entre autres, aux soins de santé, à l'éducation, à l'assainissement et l'hygiène, à l'accès aux ressources ainsi qu'à l'émancipation des femmes;

X.  considérant que les engagements pris par les pays au titre du cadre de coopération en vue de la réforme de la réglementation du secteur des semences visent à renforcer les droits d'obtention végétale aux dépens des semences paysannes, encore largement utilisées par les cultivateurs les plus pauvres;

L'investissement dans le secteur agricole en Afrique et la réalisation des ODD

1.  relève que plusieurs cadres de coopération sont axés sur la mise en place de zones économiques spéciales qui visent à maximiser les investissements en s'appuyant sur des projets d'infrastructure routière ou énergétique, l'impôt, les douanes ou encore les régimes fonciers; insiste sur la nécessité d'améliorer l'accès à l'eau et de mettre l'accent sur cet objectif, de développer l'éducation en matière de nutrition et de partager de pratiques exemplaires;

2.  constate que les stratégies d'investissement dans l'agriculture tendent à favoriser les acquisitions foncières à grande échelle et se concentrent sur une agriculture tournée vers l'exportation, généralement sans lien avec l'économie locale; relève que le développement de l'irrigation extensive dans les zones géographiques d'investissement relevant de la NASAN peut réduire la quantité d'eau disponible pour d'autres utilisateurs, tels que les petits agriculteurs ou éleveurs; souligne que dans ces circonstances, la capacité des PPP de grande envergure à contribuer à la réduction de la pauvreté et à la sécurité alimentaire doit faire l'objet d'un examen critique et être améliorée; précise qu'il convient que les stratégies d'investissement dans l'agriculture tiennent compte de l'économie locale, notamment des petits exploitants et des exploitation familiales, et qu'elles en favorisent le développement; rappelle que les directives de la FAO concernant le régime foncier recommandent de garantir l'accès à la terre pour permettre aux familles de produire les aliments destinés à leur consommation et pour augmenter les revenus des ménages; préconise que les investissements fonciers de grande envergure réalisés en Afrique tiennent compte de ces recommandations, de sorte à garantir que les petits exploitants et les communautés locales ont accès à la terre, à favoriser l'investissement dans les PME locales ainsi qu'à garantir que les PPP contribuent à la sécurité alimentaire et à la réduction de la pauvreté et des inégalités;

3.  dénonce le fait que toutes les parties prenantes n'aient pas été associées aux décisions afférentes aux cadres de coopération, lesquelles n'ont pas tenu compte des communautés rurales, des travailleurs agricoles, des petits agriculteurs, des pêcheurs et des peuples indigènes, dont le droit de participation a été ignoré;

4.  déplore que les organisations de la société civile africaine n'aient pas été consultées dans le contexte de la mise en place de la NASAN; souligne que l'association de groupes victimes de l'insécurité alimentaire aux mesures qui les concernent devrait être la pierre angulaire de toute stratégie pour la sécurité alimentaire;

5.  rappelle que la NASAN s'est engagée à promouvoir une croissance axée sur l'intégration et fondée sur l'agriculture, favorisant une exploitation agricole à petite échelle et contribuant à réduire la pauvreté, la faim et la sous-nutrition; précise, à cet égard, que la NASAN doit limiter autant que possible le recours aux engrais chimiques et aux pesticides, compte tenu de leurs répercussions sanitaires et environnementales sur les communautés locales telles que la perte de biodiversité et l'érosion des sols;

6.  critique l'hypothèse selon laquelle l'investissement des entreprises dans l'agriculture favoriserait automatiquement la sécurité alimentaire et la nutrition et réduirait la pauvreté;

7.  prend acte du rapport du G20 de 2011, qui insiste sur le fait que les investissements réalisés à des fins fiscales pourraient être provisoires; rappelle que de nombreuses études sur la motivation des investisseurs ont montré l'incidence neutre ou négative des incitations fiscales spéciales sur leurs décisions d'investissement[46];

8.  relève que les incitations fiscales, notamment les exemptions de l'impôt sur les sociétés dans des zones économiques spéciales, privent les États africains de recettes fiscales qui auraient pu être une source vitale d'investissements publics dans l'agriculture, en particulier en faveur de programmes de sécurité alimentaire et de nutrition[47];

9.  invite les gouvernements et les bailleurs de fonds à suspendre ou à revoir tous les projets, mesures et dispositifs de conseil qui encouragent et favorisent directement l'accaparement des terres en appuyant des projets et des investissements particulièrement préjudiciables ou qui contribuent indirectement à accroître la pression sur les terres et les ressources naturelles et sont susceptibles de donner lieu à des violations graves des droits de l'homme; préconise au contraire de favoriser les mesures qui privilégient et protègent les petits producteurs alimentaires, notamment les femmes, et qui favorisent une utilisation durable des sols;

10.  met en garde contre le risque qu'il y aurait à reproduire en Afrique le modèle asiatique de "révolution verte" des années 60 en ignorant ses répercussions sociales et environnementales; rappelle que l'action en faveur d'une agriculture durable compte au rang des objectifs de développement durable à l'horizon 2030;

11.  est préoccupé par le fait qu'au Malawi, la NASAN favorise le développement de la production de tabac au lieu de soutenir d'autres moyens de subsistance, conformément aux obligations relevant de la convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac (CCLAT) de 2005 et aux engagements pris dans le cadre du programme de développement durable à l'horizon 2030;

12.  presse les États membres de l'Union de faire de la NASAN un véritable instrument du développement durable ainsi qu'un dispositif d'appui aux exploitations agricoles familiales et aux économies locales en Afrique subsaharienne, eu égard au fait que 80 % environ de la production alimentaire mondiale et plus de 60 % des emplois dans cette région sont imputables aux exploitations familiales et aux petites exploitations;

13.  est préoccupé par le fait que les cadres de coopération ne se réfèrent que sélectivement aux normes internationales qui définissent l'investissement responsable dans l'agriculture, et qu'ils ne mentionnent ni les directives volontaires de 2004 de la FAO à l'appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, ni les obligations des investisseurs privés au regard du respect des droits de l'homme;

14.  invite l'Union européenne et ses États membres, qui, ensemble, sont le premier bailleur de fonds au niveau mondial en matière d'aide au développement:

–  à garantir que les investisseurs implantés dans l'Union respectent, et incitent les autres partenaires de l'alliance à respecter les droits des communautés locales et les besoins des petites exploitations agricoles, en adoptant une démarche fondée sur les droits de l'homme dans les cadres de coopération, notamment en établissant des garanties au regard des droits environnementaux, sociaux, fonciers, du droit du travail et des droits de l'homme, ainsi que des normes de transparence des plus strictes concernant les plans d'investissements;

–  à garantir que les investisseurs implantés dans l'Union européenne appliquent une politique de responsabilité sociale dans le contexte de l'élaboration de contrats de travail et n'exploitent pas leur avantage économique au détriment des travailleurs des communautés locales;

–  à soutenir et à défendre les entreprises et les parties prenantes africaines locales, en tant qu'elles sont les principaux acteurs et bénéficiaires des initiatives de la NASAN;

–  à appliquer la récente décision de l'OMC de supprimer les subventions à l'exportation de produits agricoles, qui provoquent des distorsions sur les marchés locaux et détruisent des moyens de subsistance dans les pays en développement;

–  à supprimer les barrières tarifaires qui découragent les pays africains d'apporter une valeur ajoutée aux produits bruts à l'échelon local;

15.  invite les pays participants:

–  à garantir que les réformes financières, fiscales ou administratives ne dispensent pas les investisseurs d'apporter une juste contribution à l'assiette fiscale des pays participants, ni ne donnent aux investisseurs un avantage injuste sur les petits exploitants;

–  à veiller à ce que les pouvoirs publics conservent le droit de protéger leurs marchés agricoles et alimentaires à l'aide de régimes douaniers et fiscaux appropriés, qui revêtent une importance particulière dans la lutte contre la spéculation financière et la fraude fiscale;

–  à adopter des politiques qui favorisent un commerce responsable et à s'engager à supprimer les barrières tarifaires qui découragent le commerce régional;

Gouvernance, propriété et responsabilité

16.  rappelle l'engagement pris par les parties à la NASAN de tenir compte des directives volontaires à l'appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale de la FAO; demande aux parties à la NASAN de s'engager à appliquer les normes internationales en matière d'investissement responsable dans l'agriculture et de respecter les principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme ainsi que les principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales;

17.  souligne que la NASAN doit renforcer la bonne gouvernance des ressources naturelles, notamment en garantissant l'accès des populations à leurs propres ressources et en protégeant leurs droits dans le cadre des contrats relatifs aux transactions sur des ressources naturelles;

18.  invite l'Union européenne à collaborer avec les Nations unies pour que tous les États s'engagent, de manière contraignante, à adopter la charte de Milan et les engagements qui y figurent;

19.  rappelle l'importance de la régulation hydrologique et de la lutte contre le changement climatique pour l'agriculture durable; demande à tous les partenaires de la NASAN de mettre l'accent sur l'amélioration de l'accès à l'eau et aux techniques d'irrigation ainsi que de renforcer la protection de l'environnement et la conservation des sols;

20.  invite l'Union à unir ses efforts à ceux des Nations unies en vue de l'adoption et de la diffusion du pacte de politique alimentaire urbaine de Milan;

21.  invite les pays participants à s'engager à appliquer les normes internationales qui régissent l'investissement suivant une démarche fondée sur les droits de l'homme, notamment le cadre et les lignes directrices sur les politiques foncières en Afrique de l'Union africaine ainsi que ses principes directeurs relatifs aux investissements fonciers à grande échelle en Afrique;

22.  demande que les lettres d'intention accompagnant les cadres de coopération soient publiées dans leur intégralité; souligne que des structures institutionnelles et juridiques solides sont nécessaires pour garantir un partage équitable des risques et des bénéfices; estime que la participation active de la société civile au sein de la NASAN est d'une importance cruciale dans la perspective d'une amélioration de la transparence et de la réalisation des objectifs de l'alliance; rappelle que le dialogue et la consultation avec l'ensemble des groupes de la société civile doivent être encouragés;

23.  regrette que le seul indicateur commun aux dix cadres de coopération relevant de la NASAN soit l'indice de la Banque mondiale sur la réglementation des affaires ("Doing Business");

24.  souligne que les entreprises privées qui participent à des initiatives multilatérales pour le développement devraient rendre compte de leurs actions; demande aux parties à la NASAN, à cet effet, d'établir un rapport annuel sur les actions menées dans le cadre de l'alliance, rapport qui devra être rendu public et accessible aux populations et communautés locales, ainsi que de mettre en place un mécanisme indépendant de responsabilisation assorti de moyens de recours pour les populations et les communautés locales; insiste également sur le fait que les investissements réalisés dans le cadre de la Nouvelle alliance qui ont des répercussions sur des droits fonciers doivent faire l'objet d'une analyse préalable de cette incidence et doivent être conformes aux directives volontaires de la FAO pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale;

25.  constate que les multinationales qui agissent dans le cadre de la NASAN favorisent l'agriculture contractuelle à grande échelle, au risque de marginaliser les petits producteurs; invite les dix États africains participant à la NASAN à garantir que l'agriculture contractuelle bénéficie à la fois aux acheteurs et aux fournisseurs locaux; estime qu'il est essentiel, à cet effet, de renforcer les organisations d'agriculteurs, par exemple, de sorte à leur donner plus de poids dans les négociations;

26.  souligne que 90 % des emplois dans les pays partenaires sont déjà imputables au secteur privé, dont la participation recèle un potentiel indéniable, les entreprises privées étant dans une position idéale pour former un socle viable en vue de la mobilisation des ressources à l'échelon national, socle qui constitue le fondement de tout programme d'aide; insiste sur l'importance que revêt un cadre réglementaire transparent qui établisse clairement les droits et obligations de tous les acteurs, y compris des agriculteurs pauvres et des groupes vulnérables, un tel cadre étant indispensable à la protection effective de ces droits;

27.  préconise de revoir les cadres de coopération de sorte à obvier efficacement aux risques que présentent l'agriculture contractuelle et les systèmes de plantations satellites pour les petits producteurs en garantissant des clauses contractuelles équitables, notamment en matière de fixation des prix, de respect des droits des femmes, de soutien d'une agriculture durable, ainsi que des mécanismes adaptés de résolution des différends;

Accès à la terre et sécurité foncière

28.  met en garde contre une focalisation exclusive sur l'établissement de titres fonciers, qui est souvent synonyme d'insécurité pour les petits producteurs et les populations autochtones, notamment les femmes, dont les droits fonciers sont insuffisamment reconnus et qui sont à la merci de transactions foncières injustes, d'expropriations forcées ou de conditions d'indemnisation léonines;

29.  souligne qu'il est nécessaire que de petits exploitants agricoles occupent des positions de premier plan pour permettre à leurs organisations indépendantes de les soutenir au regard du contrôle de leurs terres, ressources naturelles et programmes;

30.  est préoccupé par le fait que les investisseurs et les élites locales participant aux transactions foncières décrivent souvent les zones ciblées comme étant "inoccupées", "en friche" ou "sous-exploitées", alors qu'en Afrique, peu de terres sont réellement en friche si l'on tient compte, par exemple, de l'implantation des activités pastorales;

31.  souligne que 1,2 milliard de personnes ne disposent pas d'un accès permanent à la terre ou occupent des terres que, en l'absence de tout titre juridique, elles ne peuvent revendiquer officiellement, qu'aucun relevé ne permet de délimiter et qui, en l'absence des moyens juridiques et financiers requis, elles ne peuvent convertir en capital;

32.  se félicite de la prise en compte, dans tous les cadres de coopération, des directives volontaires de 2012 pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts; réclame la mise en œuvre effective de ces directives et l'évaluation systématique du respect de ces directives ainsi que des objectifs de développement durable lors de la révision de ces cadres de coopération;

33.  insiste pour que la NASAN mette l'accent sur la lutte contre l'accaparement des terres, qui constitue une violation des droits de l'homme en ce qu'il prive les communautés locales de terres dont elles dépendent pour produire des aliments et nourrir leurs familles; rappelle que dans plusieurs pays en développement, l'accaparement des terres a privé des populations de leur travail et de leurs moyens de subsistance, les contraignant à quitter leur foyer;

34.  invite les pays participants:

–  à garantir la mise en place de mécanismes participatifs et inclusifs axés sur les droits, les besoins et les intérêts des détenteurs légitimes des droits fonciers, en particulier des petits agriculteurs et des petites exploitations familiales; à veiller, en particulier, à obtenir le consentement libre et éclairé de toute communauté vivant sur les terres devant faire l'objet d'un transfert de propriété ou de contrôle;

–  à adopter, à l'échelon national, des mesures contraignantes contre l'accaparement des terres, la corruption basée sur le transfert foncier et l'utilisation des terres à des fins d'investissements spéculatifs;

–  à contrôler les régimes d'établissement de titres fonciers et de certification pour vérifier qu'ils sont transparents et qu'ils ne concentrent pas la propriété foncière ni ne dépossèdent les communautés des ressources dont elles dépendent;

–  à veiller à ce que l'aide financière ne serve pas à soutenir des projets permettant aux entreprises de déplacer des communautés locales;

–  à reconnaître tous les droits fonciers légitimes et à garantir une sécurité juridique à l'égard de ces droits, y compris des droits informels, indigènes et coutumiers; à promouvoir l'adoption de nouvelles lois ou l'application effective des lois existantes en vue d'instaurer des garanties au regard des transactions foncières de grande envergure, telles que le plafonnement des transactions foncières autorisées, et à réglementer les modalités d'approbation par les parlements nationaux des transactions dont le volume excède une certaine limite, comme le préconisent les directives volontaires de 2012 pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts;

–  à garantir l'obtention du consentement préalable, libre et éclairé de toutes les communautés touchées par l'accaparement de terres ainsi que l'organisation de consultations visant à assurer la participation, sur un pied d'égalité, de tous les groupes des communautés locales, notamment des plus vulnérables et des plus marginalisés;

35.  rappelle également que les droits des utilisateurs qui découlent d'un régime foncier coutumier devraient être reconnus et protégés par un système juridique conforme aux dispositions et décisions de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples;

36.  estime que la NASAN devrait faire l'objet d'une analyse d'impact préalable au regard des droits fonciers et être subordonnée au consentement préalable, libre et éclairé des populations locales concernées;

37.  plaide en faveur d'un mécanisme de suivi efficace et innovant au sein du Comité de la sécurité alimentaire mondiale; invite l'Union à adopter une démarche volontariste, en consultation avec les organisations de la société civile, au regard des activités de suivi inscrites au programme de la 43e session du Comité de la sécurité alimentaire mondiale, prévue en octobre 2016, afin de garantir que l'application et le respect des directives portant sur le régime foncier feront l'objet d'une évaluation détaillée et rigoureuse;

38.  invite les pouvoirs publics des États concernés à s'assurer que les entreprises évaluent soigneusement les répercussions de leurs activités sur les droits de l'homme (obligation de vigilance) en réalisant et en publiant des analyses préalables indépendantes de l'incidence de leur action sur les droits de l'homme et les droits sociaux et environnementaux, ainsi qu'à veiller à l'amélioration des procédures de plainte mises en œuvre à l'échelon national en matière de droits de l'homme et à garantir l'accès à des procédures indépendantes, transparentes, fiables et susceptibles de recours;

39.  invite les parties à la NASAN à mettre en place des moyens de recours indépendants pour les communautés dépossédées de leurs terres par des projets d'investissement de grande envergure;

40.  rappelle que la lutte contre la malnutrition exige d'établir un lien étroit entre les secteurs de l'agriculture, de l'alimentation et de la santé publique;

Sécurité alimentaire, nutrition et agriculture familiale durable

41.  rappelle la nécessité de faire tous les efforts possibles pour améliorer la nutrition et la sécurité alimentaire et lutter contre la faim, comme le préconise l'ODD nº 2; estime qu'il convient de soutenir davantage le renforcement des moyens d'action des coopératives agricoles, qui jouent un rôle essentiel dans le développement de l'agriculture et de la sécurité alimentaire;

42.  constate qu'une sécurité alimentaire fondée sur des sols vivants et sains et des écosystèmes agricoles productifs capables de s'adapter aux changements climatiques contribuent à une plus grande stabilité et une émigration plus faible;

43.  souligne qu'une alimentation équilibrée et de qualité est essentielle, et affirme que la nutrition devrait constituer l'élément central de la (re)construction des systèmes alimentaires;

44.  demande, dès lors, que des moyens soient mis en œuvre afin de remplacer la dépendance excessive vis-à-vis des denrées alimentaires importées par une production alimentaire résiliente à l'échelon national, en privilégiant les cultures locales qui répondent aux besoins nutritionnels de la population; relève l'importance croissante que revêt une telle démarche au regard de l'instabilité croissante du climat et des marchés;

45.  rappelle que le statut nutritionnel ne peut se résumer au seul apport énergétique;

46.  souligne la nécessité de mettre en place des stratégies visant à minimiser le gaspillage alimentaire tout au long de la chaîne alimentaire;

47.  insiste sur la nécessité de protéger la biodiversité agricole; invite les États membres de l'Union à investir dans les pratiques agricoles agroécologiques dans les pays en développement, conformément aux conclusions de l'Évaluation internationale des connaissances, des sciences et des technologies agricoles pour le développement, aux recommandations du rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l'alimentation et aux objectifs de développement durable;

48.  soutient l'élaboration de politiques favorisant une agriculture familiale durable et encourage les pouvoirs publics à instaurer un environnement propice au développement de ce type d'agriculture (mesures d'incitation, législation adaptée, planification participative d'un dialogue sur l'action à mener, investissements);

49.  invite les gouvernements africains:

–  à investir dans des systèmes agroalimentaires locaux pour stimuler l'économie rurale, à garantir des emplois décents, un système de sécurité sociale juste et des droits en matière de travail, à renforcer les dispositifs de contrôle démocratique au regard de l'accès aux ressources, y compris les semences paysannes, ainsi qu'à associer concrètement les petits producteurs aux processus d'élaboration des politiques et de mise en œuvre de ces dernières; à encourager la mise en place d'industries locales de transformation dans le secteur agricole ainsi que l'amélioration des techniques de stockage des aliments, et à renforcer le lien entre l'agriculture et le commerce afin de développer des marchés locaux, régionaux et nationaux qui profitent aux exploitations familiales et fournissent des aliments de qualité, économiquement accessibles, aux consommateurs;

–  à éviter une dépendance excessive des systèmes de production alimentaire à l'égard des combustibles fossiles afin de limiter l'instabilité des prix et d'atténuer les effets du changement climatique;

–  à mettre en place des chaînes d'approvisionnement alimentaire courtes à l'échelle locale et régionale, plus efficaces dans la lutte contre la faim et la pauvreté en milieu rural, ainsi que des infrastructures de stockage et de communication adaptées à cette fin;

–  à permettre aux agriculteurs africains d'accéder à des solutions technologiques peu coûteuses et à faible utilisation d'intrants afin de répondre aux problématiques agronomiques propres à l'Afrique;

–  à encourager une grande variété de cultures alimentaires locales et, dans la mesure du possible, saisonnières, de préférence des variétés et des espèces indigènes ou adaptées aux conditions locales, notamment des fruits, des légumes et des fruits à coque, afin d'améliorer la nutrition grâce à un accès durable à un régime varié, sain et abordable, adéquat du point de vue de la qualité, de la quantité et de la diversité, plutôt que du seul point de vue de l'apport calorique, et conforme aux valeurs culturelles;

–  à s'engager en faveur de la mise en œuvre intégrale du Code international de commercialisation des substituts du lait maternel, et des résolutions adoptées par l'Assemblée mondiale de la santé (AMS) sur l'alimentation des nourrissons et des jeunes enfants;

–  à établir, à promouvoir et à soutenir les organisations de producteurs, telles que les coopératives, qui renforcent le pouvoir de négociation des petits agriculteurs et, ainsi, instaurent les conditions requises pour garantir que les marchés les rémunèrent mieux, et qui permettent le partage de connaissances et de bonnes pratiques entre ces agriculteurs;

50.  souligne que la NASAN doit conduire à la mise en place d'une structure agricole adaptée aux régions dans le secteur primaire et celui de la transformation;

51.  invite les gouvernements africains à favoriser le développement de la solidarité intergénérationnelle et à reconnaître le rôle essentiel qu'elle joue dans la lutte contre la pauvreté;

52.  souligne l'importance de promouvoir des programmes d'éducation à la nutrition dans les écoles et les communautés locales;

53.  souligne le fait que le droit à l'eau va de pair avec le droit à l'alimentation et que la résolution de l'ONU de 2010 n'a pas encore abouti à une action décisive pour définir le droit à l'eau en tant que droit fondamental; demande à l'Union d'examiner la proposition du "Comitato italiano Contratto Mondiale sull'acqua" (CICMA, Comité italien pour un contrat mondial de l'eau) en faveur d'un protocole facultatif au pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels;

54.  reconnaît le rôle vital que revêt l'accès à une eau potable saine et les effets que l'agriculture peut avoir à cet égard;

55.  reconnaît l'importance de l'accès à l'eau pour les besoins de l'agriculture, ainsi que les risques liés à une dépendance excessive aux précieuses ressources en eau pour l'irrigation et, dans ce contexte, insiste sur la nécessité de réduire le gaspillage lié aux pratiques d'irrigation et souligne le rôle que peuvent jouer les techniques agronomiques de conservation de l'eau pour empêcher l'évapotranspiration, retenir l'eau dans un sol vivant et sain et éviter que les sources d'eau potable ne soient polluées;

56.  relève qu'une gestion durable des sols peut permettre de produire jusqu'à 58 % de denrées alimentaires en plus à l'échelle mondiale[48];

57.  prend acte des synergies qui existent entre les démarches axées sur les sols et celles fondées sur les arbres ainsi que de l'importance de l'adaptation des agro-écosystèmes aux changements climatiques; constate en particulier la demande importante en bois de chauffage; relève notamment les utilisations multiples d'arbres fixateurs d'azote;

58.  reconnaît les besoins spécifiques de l'agriculture tropicale et semi-aride, en particulier des cultures qui ont besoin d'ombre et d'une protection du sol, estime que les monocultures extractives sont obsolètes et constate qu'elles sont, de plus en plus, supprimées progressivement dans les pays donateurs de la NASAN;

59.  préconise de ne pas privilégier de manière excessive la production de matières premières agricoles non alimentaires, en particulier de matières premières destinées à la fabrication de biocarburants, au détriment de denrées alimentaires dans le cadre des initiatives financées par la NASAN, étant donné que la production de ces matières premières peut avoir des effets préjudiciables sur la sécurité alimentaire et la souveraineté alimentaire des pays participants;

60.  indique que les techniques agronomiques, qui stimulent les processus naturels comme la formation de la terre végétale, la régulation de l'eau et des nuisibles ou le cycle des nutriments en circuit fermé, peuvent garantir une productivité et une fertilité sur le long terme à un coût peu élevé pour les agriculteurs et les administrations;

61.  note que les produits agrochimiques peuvent être utilisés de manière à la fois excessive et inappropriée dans les pays en développement tels que ceux qui participent à la NASAN;

62.  indique que ce problème est aggravé par l'analphabétisme et l'absence de formations appropriées, et peut donner lieu à des niveaux extrêmement élevés de résidus de pesticides dans les fruits et les légumes frais, ainsi qu'à des empoisonnements et à d'autres effets sur la santé humaine pour les agriculteurs et leurs familles;

Réforme réglementaire du secteur des semences

63.  rappelle qu'en Afrique, 90 % des moyens de subsistance des agriculteurs reposent sur leur droit de produire, d'échanger et de vendre librement des semences, et que la diversité de celles-ci est vitale pour améliorer la résilience de l'agriculture au changement climatique; souligne que la demande des entreprises de renforcer les droits d'obtention végétale conformément à la convention UPOV de 1991 ne doit pas conduire à l'interdiction de ces pratiques informelles;

64.  prend note des dangers liés à une déréglementation du secteur des semences dans les pays participants, qui pourrait conduire à une dépendance excessive des petits agriculteurs à des semences et des produits phytopharmaceutiques fabriqués par des sociétés étrangères;

65.  rappelle que les dispositions de l'accord sur les ADPIC, qui préconise une certaine forme de protection des variétés végétales, n'obligent pas les pays en développement à adopter le régime de la convention UPOV; souligne cependant qu'elles permettent aux pays d'élaborer des systèmes sui generis mieux adaptés aux caractéristiques de leur production agricole et aux systèmes traditionnels de semences paysannes, et que les pays les moins avancés membres de l'OMC sont exemptés du respect des dispositions concernées de l'accord sur les ADPIC; souligne que ces systèmes sui generis doivent venir en appui des objectifs et des obligations de la convention sur la diversité biologique, du protocole de Nagoya et du traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture, et non les contrecarrer;

66.  déplore que dans le contexte africain, des entreprises demandent une harmonisation des lois sur les semences fondée sur les principes de distinction, d'homogénéité et de stabilité (DHS) par l'intermédiaire d'institutions régionales, qui est vouée à entraver la mise en place et le développement de systèmes de semences paysannes au niveau national et régional, étant donné que les semences produites et conservées dans le cadre de tels systèmes ne répondent généralement pas aux critères DHS;

67.  demande instamment aux États membres du G7 de soutenir les systèmes de semences gérés par les agriculteurs par l'intermédiaire de banques de semences communautaires;

68.  rappelle que si les variétés de semences commerciales peuvent améliorer les rendements à court terme, les variétés traditionnelles et les variétés rustiques utilisées par les agriculteurs ainsi que les savoir-faire qui y sont associés sont les plus indiqués en vue de l'adaptation à des environnements agroécologiques particuliers et au changement climatique; précise en outre que l'accroissement des rendements est lié à l'utilisation d'intrants (engrais, pesticides, semences hybrides) qui risquent d'entraîner les agriculteurs dans un cercle vicieux de l'endettement;

69.  constate avec inquiétude que l'introduction et la diffusion de semences certifiées en Afrique accroissent la dépendance ainsi que le risque d'endettement des petits exploitants et diminuent la diversité des semences;

70.  plaide en faveur du soutien de dispositifs locaux visant à garantir un accès régulier et durable à un régime alimentaire diversifié et nutritif, suivant les principes de propriété et de subsidiarité;

71.  exhorte la Commission à tout mettre en œuvre pour que les engagements de l'Union au regard des droits des agriculteurs en vertu du traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture soient pris en compte dans tous les dispositifs d'assistance technique et de soutien financier à l'appui de l'élaboration d'une politique en matière de semences; demande à l'Union de soutenir les régimes de droits de la propriété intellectuelle qui favorisent la production de variétés de semences adaptées à l'échelle locale et de semences paysannes;

72.  prie instamment les membres du G8 de ne pas soutenir les cultures d'OGM en Afrique;

73.  rappelle que la loi-modèle africaine sur la sécurité en biotechnologie établit un niveau de référence élevé en la matière; estime que toute assistance apportée par des bailleurs de fonds internationaux pour le développement de la sécurité en biotechnologie à l'échelon national et régional devrait, en conséquence, s'inscrire dans ce cadre;

74.  demande instamment aux pays africains de ne pas appliquer, à l'échelon national ou régional, de dispositifs de biosécurité reposant sur des normes moins strictes que celles préconisées par le protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques;

75.  invite les pays participants à donner aux agriculteurs la possibilité d'éviter la dépendance vis-à-vis des intrants et à soutenir les systèmes de semences paysannes afin de préserver et d'améliorer la biodiversité agricole grâce à des banques de semences locales relevant du domaine public, à l'échange et au développement constant de variétés de semences locales et, plus particulièrement, à la mise en œuvre flexible des catalogues de semences dans l'optique de ne pas en exclure les variétés paysannes et de garantir le préservation des produits traditionnels;

76.  invite les pays participants à protéger et à promouvoir l'accès des petits agriculteurs, des groupes marginalisés et des communautés rurales aux semences et aux intrants agricoles ainsi que l'échange de ces derniers; demande de respecter les accords internationaux sur la non-brevetabilité des processus vitaux et biologiques, en particulier des souches et des espèces autochtones;

77.  souligne le risque de marginalisation accrue des femmes au regard des processus décisionnels dans le contexte du développement de certaines cultures commerciales; fait observer que les formations agricoles ciblent souvent les hommes et tendent à marginaliser les femmes qui, par conséquent, se sentent exclues de la gestion des terres et des cultures dont elles s'occupaient traditionnellement;

Égalité des sexes

78.  déplore que les cadres de coopération omettent, dans une large mesure, de définir des engagements concrets pour la prise en compte des questions d'égalité des sexes dans l'élaboration des budgets, et de suivre les progrès accomplis en s'appuyant sur des données ventilées; souligne la nécessité de passer d'engagements abstraits et généraux à des engagements concrets et précis dans le cadre d'un plan d'action national visant à renforcer la position des femmes en tant que titulaires de droits;

79.  exhorte les gouvernements à éliminer toute discrimination à l'égard des femmes au regard de l'accès à la terre ainsi qu'aux dispositifs et services de microcrédit, et à veiller à la participation effective des femmes à la conception et à la mise en œuvre des politiques en matière de recherche et développement dans le domaine agricole;

Financement des investissements dans l'agriculture en Afrique

80.  souligne qu'il convient de garantir la transparence de tous les financements accordés à des entreprises privées ainsi que leur publication;

81.  demande à tous les bailleurs de fonds de veiller à ce que l'aide publique au développement soient conforme aux principes d'efficacité de l'aide, de mettre l'accent sur les résultats au regard de l'éradication de la pauvreté ainsi que de promouvoir des partenariats ouverts, la transparence et la responsabilisation;

82.  appelle les bailleurs de fonds à soutenir le développement de l'agriculture principalement par l'intermédiaire de fonds de développement nationaux qui octroient des subventions et des prêts aux petits exploitants agricoles et aux exploitations familiales;

83.  presse les bailleurs de fonds d'apporter leur appui pour que les agriculteurs bénéficient d'une éducation et de formations ainsi que de conseils techniques;

84.  invite les bailleurs de fonds à appuyer la constitution d'organisations d'agriculteurs à visée professionnelle et économique, ainsi qu'à favoriser la mise en place de coopératives agricoles capables de mettre à la disposition des agriculteurs des moyens de production à un coût abordable et de les aider à transformer et à commercialiser leurs produits de telle sorte que la rentabilité de leur production soit garantie;

85.  estime que les financements apportés à la NASAN par les membres du G8 vont à l'encontre de l'objectif de soutien des entreprises locales, qui ne peuvent concurrencer des multinationales qui bénéficient déjà d'une position dominante et, souvent, de conditions commerciales, tarifaires et fiscales préférentielles;

86.  rappelle que l'aide au développement a pour objectif la réduction et, à terme, l'éradication de la pauvreté; est convaincu que l'aide publique au développement devrait se concentrer sur l'aide directe à l'agriculture à petite échelle;

87.  insiste sur la nécessité de redynamiser l'investissement public dans l'agriculture africaine tout en favorisant l'investissement privé, et d'accorder la priorité à l'investissement dans l'agroécologie afin d'améliorer durablement la sécurité alimentaire, de réduire la pauvreté et la faim et, dans le même temps, de préserver la biodiversité ainsi que de respecter les connaissances autochtones et l'innovation locale;

88.  demande instamment aux États membres du G7 de garantir aux pays africains le droit de protéger leur secteur agricole par des régimes tarifaires et fiscaux qui favorisent l'exploitation agricole familiale et les petits exploitants;

89.  demande à l'Union de remédier à toutes les lacunes de la NASAN décrites ci-dessus, d'œuvrer au renforcement de la transparence et de la gouvernance, ainsi que de garantir que les mesures prise dans le cadre de l'alliance sont compatibles avec les objectifs en matière de développement;

90.  charge son président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission et aux parties à la NASAN.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition en Afrique (NASAN) a été mise sur pied en 2012 sous l'égide du G8 en tant que vaste partenariat public-privé (PPP) visant à mobiliser des investissements privés dans l'agriculture en vue d'améliorer la sécurité alimentaire et la nutrition en Afrique subsaharienne. Elle englobe les membres du G8, l'Union africaine (UA), le nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) et son programme détaillé de développement de l'agriculture africaine, les gouvernements du Burkina Faso, du Bénin, de Côte d'Ivoire, d'Éthiopie, du Ghana, du Malawi, du Mozambique, du Nigeria, du Sénégal et de la Tanzanie, ainsi que des entreprises locales et internationales. Chacun des partenaires du G7 est chargé de coordonner la mise en œuvre du projet dans des pays africains spécifiques. L'Union est responsable de la coordination en Côte d'Ivoire et au Malawi.

Chaque pays africain participant a adopté un cadre de coopération qui établit les engagements de chacune des parties concernée. Ces engagements portent sur les réformes législatives dans les différents pays africains, les intentions des donateurs du G7 en matière de financement et les promesses des 180 entreprises participantes d'investir 8 milliards de dollars au total. Deux entreprises tiennent le haut du pavé au regard de leur part dans les investissements dans l'agriculture: le producteur de semences suisse Syngenta et le fabricant d'engrais norvégien Yara International.

Le rapporteur reconnaît la nécessité pour les pays africains d'investir dans l'agriculture. Bien que l'objectif de la NASAN soit louable, elle présente de nombreux défauts.

La NASAN vise à reproduire en Afrique le modèle de la révolution verte mis en œuvre en Asie dans les années 60 et 70 fondé sur la monoculture, la mécanisation, la biotechnologie, la dépendance à l'égard des engrais, de longues chaînes de distribution et la production de cultures d'exportation. Les limites de cette démarche sont bien connues, particulièrement en ce qui concerne les risques environnementaux y afférents.

En outre, les mesures convenues sont mises en œuvre par les pays d'accueil dans le but de créer un environnement favorable aux entreprises: les politiques fiscales, foncières, commerciales ou encore dans le domaine des infrastructures sont réformées, la conclusion de baux emphytéotiques est facilitée pour des terres "en friche" et la réglementation dans le domaine des semences est modifiée dans le sens d'un renforcement des droits de propriété intellectuelle des obtenteurs.

Il est frappant de constater que les petits exploitants ont à peine été consultés dans le contexte de l'élaboration des cadres de coopération alors mêmes qu'ils sont censés être les bénéficiaires ultimes de la NASAN. Cette dernière a ainsi été vivement critiquée par la société civile, par des personnalités comme le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l'alimentation et par les petits exploitants agricoles africains eux-mêmes, qui mettent en garde contre le fait que la NASAN risque de favoriser l'accaparement de terres, de marginaliser davantage encore les petits agriculteurs et les femmes et de soutenir l'agriculture non durable.

L'Union et les États membres ont un rôle déterminant à jouer dans la transformation de la NASAN en un véritable dispositif d'appui à l'agriculture familiale et aux économies locales en Afrique subsaharienne en vue de lutter contre la pauvreté ainsi que l'insécurité alimentaire et nutritionnelle. À cet effet, il est primordial de répondre aux enjeux exposés ci-dessous.

1.  Gouvernance et propriété

Les grandes entreprises internationales et les bailleurs de fonds doivent disposer de structures de gouvernance solides dans les différents pays partenaires pour garantir un partage équitable des risques et des bénéfices entre les parties concernées. Des cadres institutionnels et juridiques appropriés sont également nécessaires pour une réglementation adéquate des PPP, de même que la consultation préalable des nombreuses parties prenantes et des utilisateurs finaux. Or, les organisations de producteurs et les groupes locaux n'ont pas pu, dans une large mesure, faire entendre leur voix dans le contexte de la NASAN. Les PPP de très grande envergure sont, par nature, très risqués en Afrique subsaharienne – où la gouvernance est souvent défaillante – et ouvrent la porte à la corruption.

Le rapporteur est préoccupé par le fait que les cadres de coopération ne renvoient que de manière sélective aux normes internationales pour un investissement responsable dans l'agriculture. Ils ne font par exemple nullement mention des directives volontaires à l'appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale adoptées par la FAO en 2004, ni des obligations qui incombent aux investisseurs privés en matière de droits de l'homme, telles qu'elles sont établies par les principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales (2011).

Le rapporteur estime que les pays participants doivent clairement s'engager à appliquer les normes internationales qui régissent l'investissement suivant une démarche fondée sur les droits de l'homme, notamment le cadre et les lignes directrices sur les politiques foncières en Afrique de l'Union africaine et ses principes directeurs relatifs aux investissements fonciers à grande échelle en Afrique.

2.  Cadre de responsabilité

Les cadres de coopération ne sont pas disponibles dans leur intégralité, ce qui empêche la société civile locale d'en assurer un suivi efficace. En outre, les entreprises participantes ne se conforment pas à un format ni à des indicateurs qualitatifs communs pour permettre l'évaluation des projets.

Le rapporteur demande que toutes les lettres d'intention soient publiées dans leur intégralité et que tous les cadres de coopération soient assortis de mécanismes de suivi stricts ainsi que d'indicateurs de performance. Il convient également d'instaurer un mécanisme de recours pour les populations et les communautés locales concernées. La société civile locale doit être étroitement associée au suivi et à l'évaluation de la NASAN.

L'agriculture contractuelle est un élément central de l'intégration des petits exploitants dans la chaîne de valeur ajoutée. Il convient toutefois de réviser les cadres de coopération pour améliorer les clauses contractuelles conclues entre les acheteurs et les fournisseurs locaux et pour établir un cadre juridique favorable du point de vue, entre autres, de la fixation des prix, du respect des droits de la femme, de l'action en faveur de l'agriculture durable, de la mise en place de mécanismes appropriés de résolution des différends ainsi que du renforcement des organisations de représentation des agriculteurs, afin de donner davantage de poids à ces derniers dans le contexte de la négociation de contrats agricoles.

3.  Agir en faveur de l'agriculture familiale durable

Le programme pour le développement durable à l'horizon 2030 et l'accord de Paris sur le changement climatique de décembre 2015 soulignent tous deux qu'il importe d'élaborer un modèle d'agriculture qui améliore la résilience et crée des systèmes agroalimentaires durables. Les exploitations familiales et les petites exploitations sont les principaux investisseurs dans le secteur agricole en Afrique et elles représentent 60 % de l'emploi en Afrique subsaharienne[1]. Elles ont démontré leur capacité à augmenter durablement la production alimentaire (souvent grâce à des pratiques agroécologiques), à diversifier la production, à favoriser le développement rural, à accroître leurs revenus et, partant, à contribuer à la réduction de la pauvreté.

Plutôt que de soutenir un modèle agricole "moderne", axé sur l'entreprise et fondé sur l'exploitation industrielle à grande échelle, votre rapporteur invite les gouvernements africains, dans le droit fil des recommandations du rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l'alimentation ainsi que de l'Évaluation internationale des connaissances, des sciences et des technologies agricoles pour le développement publiée en 2009, à investir dans l'agriculture familiale et l'agroécologie.

4.  Accès à la terre et sécurité foncière

Alors qu'il existe différentes formes de régime foncier (coutumier, public et privé), les cadres de coopération s'appuient, en matière de droits fonciers, presque exclusivement sur l'établissement de titres fonciers (ou la certification foncière).

Il a été démontré que l'établissement de titres fonciers n'est pas automatiquement synonyme de sécurité foncière pour les communautés locales. En fait, l'abolition des régimes coutumiers ou communaux et la focalisation sur l'établissement de titres fonciers engendrent souvent davantage d'insécurité au regard des droits fonciers des plus pauvres, et des femmes en particulier. Les droits fonciers des petits producteurs alimentaires et des populations autochtones sont habituellement insuffisamment reconnus et ceux-ci sont, de ce fait, à la merci de transactions foncières injustes, d'expropriations forcées ou de conditions d'indemnisations iniques, notamment dans un contexte de gouvernance défaillante et de réforme foncière incomplète. En outre, les investisseurs et les élites locales impliquées dans les transactions foncières ont tendance à décrire les terres en vente comme étant "en friche" ou "sous-exploitées", souvent en ignorant ou en dissimulant des activités pastorales.

Ces risques sont parfaitement illustrés par les "pôles de croissance" (le projet PROSAVANA au Mozambique, par exemple), qui visent à attirer des investisseurs internationaux en Afrique en mettant des terres à la disposition de grandes entreprises privées, souvent dans des régions très fertiles, au détriment d'exploitations agricoles familiales.

Le rapporteur presse par conséquent les pays africains participant de respecter les droits fonciers traditionnels des communautés et d'appliquer pleinement les directives volontaires de 2012 pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts. Les investissements opérés dans le cadre de la NASAN devraient faire l'objet d'une analyse d'impact préalable et être soumis au consentement préalable, libre et éclairé des populations locales.

5.  Législation sur les semences

En Afrique, 90 % des moyens de subsistance des agriculteurs reposent sur leur droit de produire, d'échanger et de vendre librement des semences[2]. Le rapporteur s'inquiète de ce que les entreprises demandent de renforcer les droits d'obtention végétale en alignant la législation africaine en matière de semences sur la convention UPOV de 1991, qui interdit la plupart de ces pratiques informelles. Une telle démarche pourrait nuire à la diversité des semences, qui est vitale pour l'adaptation au changement climatique et la sécurité alimentaire. En outre, les brevets, associés à la progression des ventes de semences certifiées en Afrique, accroissent la dépendance et le risque d'endettement des petits agriculteurs.

Eu égard à l'importance vitale du contrôle, de la propriété et de l'accessibilité économique des semences au regard de la sécurité alimentaire et de la résilience des agriculteurs pauvres, le rapporteur estime que les bailleurs de fonds devraient soutenir les systèmes de semences paysannes, qui garantissent une certaine indépendance vis-à-vis du secteur semencier commercial et sont, du fait de leur variété génétique, mieux adaptées aux conditions agroécologiques locales.

6.  Égalité des sexes

Il y a peu encore, l'aide à l'agriculture se concentrait souvent sur des cultures d'exportation gérées par des hommes, tandis qu'il revenait aux femmes de s'occuper de la production alimentaire nécessaire à la subsistance de la famille.

Le rapport d'étape 2014 sur la NASAN souligne que 21 % seulement des petits exploitants agricoles qui participent à la Nouvelle alliance sont des femmes. Or, elles représentent jusqu'à 50 % de la main-d'œuvre des exploitations familiales en Afrique subsaharienne[3]. Par le peu de cas qu'elle fait des questions d'égalité des sexes, la NASAN contribue à aggraver les inégalités et la marginalisation des femmes africaines.

Des indicateurs spécifiques devraient être utilisés pour mesurer l'incidence de la NASAN sur l'égalité des sexes. De même, il convient d'accorder la priorité à l'éradication de toutes les formes de discrimination des femmes au regard de l'accès à la terre, d'améliorer l'accès des femmes aux dispositifs et aux services de microcrédit, et de veiller à la participation effective des femmes à la conception ainsi qu'à la mise en œuvre des politiques de recherche et développement dans le domaine agricole.

7.  Financement des investissements dans l'agriculture en Afrique

Le rapporteur est très circonspect quant à l'opportunité de favoriser l'investissement dans l'agriculture en Afrique par des PPP de très grande envergure tels que la NASAN.

Les principaux acteurs privés de la NASAN sont des multinationales qui bénéficient déjà d'une position dominante sur le marché et jouissent souvent de conditions préférentielles dans le pays d'accueil sur le plan commercial, tarifaire et fiscal. Les investissements prévus reposent sur l'idée que les petits exploitants peuvent être "sortis" de la pauvreté par leur intégration dans la chaîne de valeur de l'industrie agroalimentaire. En réalité, la très grande majorité des producteurs ne sont pas suffisamment proches du marché et ne disposent ni des capacités requises pour produire les volumes demandés, ni de la formation technique nécessaire pour satisfaire aux exigences strictes en matière de gestion de la production, de comptabilité, d'hygiène et d'investissement. Le rapport de force est en outre parfaitement inégal entre les groupes agroalimentaires multinationaux, les acteurs régionaux et nationaux ainsi que les petites entreprises africaines.

L'aide publique au développement devrait servir l'objectif de réduction de la pauvreté et non les intérêts de la politique commerciale de l'Union. Le rapporteur est d'avis que l'Union ne devrait pas utiliser l'aide publique au développement pour soutenir des entreprises multinationales qui détiennent des monopoles ou constituent des cartels et contribuent à saper le secteur privé local, menaçant ainsi les exploitations agricoles familiales et les petites exploitations.

***

En conclusion: le rapporteur n'est absolument pas convaincu de la capacité des PPP de très grande envergure tels que la NASAN à contribuer à la réduction de la pauvreté et à la sécurité alimentaire, car il est probable que les communautés les plus pauvres porteront tout le poids des risques environnementaux et sociaux y afférents. Compte tenu de ces problèmes, le rapporteur estime que l'Union et ses États membres devraient retirer leur soutien à la NASAN. Les bailleurs de fonds et les gouvernements nationaux devraient plutôt investir dans un modèle d'agriculture durable, favorable aux petites exploitations et aux femmes et capable de réaliser le potentiel des marchés nationaux et régionaux au profit des exploitations familiales ainsi que de fournir aux consommateurs des produits de qualité à des prix abordables.

AVIS de la commission de l'agriculture et du développement rural (18.3.2016)

à l'intention de la commission du développement

sur la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition
(2015/2277(INI))

Rapporteure pour avis: Molly Scott Cato

SUGGESTIONS

La commission de l'agriculture et du développement rural invite la commission du développement, compétente au fond, à incorporer dans la proposition de résolution qu'elle adoptera les suggestions suivantes:

Approche générale

1.  relève que les gouvernements du G8 se sont engagés, dans l'initiative de sécurité alimentaire de 2009, à soutenir les stratégies nationales visant à accroître la production alimentaire, et donc l'accès aux denrées alimentaires, en s'attachant tout particulièrement à donner davantage de moyens d'action aux petits exploitants et aux agricultrices et à renforcer leur accès aux terres et aux services financiers, notamment au microfinancement et aux marchés;

2.  observe que le CSSA de l'Union[1] met en avant la nécessité pour l'Union et ses États membres de se concentrer sur la production alimentaire à petite échelle afin d'accroître la disponibilité des denrées alimentaires dans les pays les moins développés, ce qui aura de multiples effets, à savoir doper les revenus et la résilience des producteurs, accroître la disponibilité des denrées alimentaires pour la population générale, améliorer la qualité environnementale et encourager les PME et le développement rural par la transformation;

3.  reconnaît, en ce qui concerne les politiques de sécurité alimentaire dans les pays en développement, que l'accent porte désormais moins sur la simple augmentation de la production de biens agricoles et davantage sur l'assurance que les pays ont la capacité de se nourrir et de renforcer leur souveraineté alimentaire, c'est-à-dire sur le droit des populations de décider de leurs propres politiques et production alimentaires et agricoles;

4.  demande, dès lors, que des moyens soient mis en œuvre afin de remplacer la dépendance excessive vis-à-vis des denrées alimentaires importées par une production alimentaire nationale et résiliente, privilégiant les cultures locales qui répondent aux besoins nutritionnels de la population; relève l'importance croissante que cela revêt face à un climat et des marchés de plus en plus instables;

5.  estime qu'une telle autosuffisance, axée sur une production alimentaire locale et sur une réduction des chaînes alimentaires régionales, contribuerait à réduire la faim et à garantir aux populations locales un accès équitable aux denrées alimentaires, à améliorer leurs conditions de vie et à leur assurer une sécurité alimentaire à long terme; insiste sur le fait que des accords commerciaux injustes peuvent affaiblir la capacité de ces pays à se nourrir et entraîner l'exclusion de leurs agriculteurs de certains marchés et que, dès lors, les exportations ne devraient être envisagées que lorsque ces objectifs fondamentaux en matière de sécurité alimentaire auront été atteints;

6.  soutient les "programmes à moyen et long termes dans les domaines de l'agriculture durable, de la sécurité alimentaire, de la nutrition et du développement rural visant à éliminer les causes profondes de la faim et de la pauvreté, en particulier grâce à la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate" et de l'accès à l'eau potable, en faisant participer les communautés aux activités de développement agricole (exploitation, transformation et commercialisation), notamment par un renforcement des capacités, et "en axant nos efforts sur des actions intégrées concernant les politiques, les institutions et les personnes, un accent particulier étant mis sur les petits agriculteurs et les agricultrices"[2], afin de renforcer leur position et de promouvoir leur droit à un travail décent;

7.  constate qu'une sécurité alimentaire fondée sur des sols vivants et sains et des écosystèmes agricoles productifs capables de résister aux changements climatiques contribue à une plus grande stabilité et une émigration plus faible;

Petits exploitants agricoles

8.  observe que les petites exploitations agricoles ont toujours joué un rôle fondamental pour amorcer le développement économique et social en assurant la sécurité alimentaire de populations entières, ce qui a permis de réduire la nécessité d'utiliser des réserves de monnaies étrangères pour les importations alimentaires et de créer des emplois;

9.  souligne que les petits exploitants agricoles, qui produisent environ 70 % des denrées alimentaires consommées en Afrique, jouent un rôle essentiel pour les économies locales et le développement d'une agriculture ouverte;

10.  souligne, par conséquent, que la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition en Afrique (NASAN) doit avant tout profiter aux petits agriculteurs et aux petites exploitations familiales afin qu'ils puissent s'assurer une place et renforcer leur rôle dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire;

11.  constate que les investissements privés étrangers et les politiques de libéralisation des échanges peuvent avoir des incidences considérables sur les secteurs agricoles des économies en développement;

Accaparement des terres, accès aux terres et concentration des terres

12.  relève les dangers liés à une déréglementation excessive de la propriété foncière; souligne, dans ce contexte, que les moyens de subsistance, l'accès aux terres agricoles et le recours à des méthodes d'élevage traditionnelles par les petits exploitants agricoles sont sérieusement mis en péril;

13.  déplore la concentration à grande échelle de la propriété foncière, notamment l'accaparement des terres par des investisseurs étrangers, qui frappe de plein fouet les petits exploitants agricoles et a de graves répercussions sur la production agricole, ce qui entraîne une augmentation des prix alimentaires et contribue à l'insécurité alimentaire et à la pauvreté à l'échelle locale, régionale et nationale;

Changement de modèle agricole

14.  reconnaît le rôle que revêt l'accès à l'eau pour les besoins de l'agriculture, ainsi que les risques liés à une dépendance excessive aux ressources précieuses en eau pour l'irrigation et, dans ce contexte, prend acte de la nécessité de réduire les pratiques d'irrigation à perte et souligne le rôle que peuvent jouer les techniques agronomiques de conservation de l'eau pour empêcher l'évapotranspiration, retenir l'eau dans un sol vivant et sain et éviter que les sources d'eau potable ne soient polluées;

15.  reconnaît les besoins spécifiques de l'agriculture tropicale et semi-aride, en particulier des cultures qui ont besoin d'ombre et d'une protection du sol, et estime que les monocultures extractives sont obsolètes et qu'elles sont de plus en plus souvent supprimées progressivement dans les pays donateurs de la NASAN;

16.  prend note de la nécessité de privilégier une agriculture durable et diversifiée, fondée sur une réduction de la dépendance aux intrants et de la dégradation des terres et sur une plus grande résilience aux effets négatifs du changement climatique;

17.  souligne que la NASAN doit conduire à la mise en place d'une structure agricole adaptée aux régions dans le secteur primaire et celui de la transformation;

18.  met en garde contre la dépendance excessive à la production de matières premières agricoles non alimentaires plutôt que de denrées alimentaires, en particulier de matières premières destinées à la fabrication de biocarburants, dans le cadre des initiatives financées par la NASAN, étant donné que la production de ces matières premières peut avoir des effets préjudiciables sur la sécurité alimentaire et la souveraineté alimentaire des pays participants;

19.  demande que, lorsqu'il s'agit d'élaborer des stratégies et des plans d'action, le savoir-faire local et les variétés locales soient pris en compte et que soient appliquées des techniques naturelles de production des semences et du matériel de multiplication, en concertation avec les collectivités locales;

Agro-écologie et agroforesterie

20.  prend note du potentiel considérable que renferment les pratiques agro-écologiques à long terme économes en ressources fondées sur une grande diversité des espèces et sur la présence d'espèces bénéfiques, la diversification des risques et le recyclage des déchets;

21.  indique que ces techniques agronomiques, qui stimulent les processus naturels comme la formation de la terre végétale, la régulation de l'eau et des nuisibles ou le cycle des nutriments à circuit fermé, peuvent garantir une productivité et une fertilité sur le long terme à un coût peu élevé pour les agriculteurs et les administrations;

22.  relève qu'une gestion durable des sols peut permettre de produire jusqu'à 58 % de denrées alimentaires en plus à l'échelle mondiale[3];

23.  défend les pratiques agro-écologiques, en particulier celles qui se concentrent sur les sols, comme la permaculture, l'agroforesterie, la rotation des cultures et les cultures intercalaires, en particulier à l'aide de plantes légumineuses, le sous-ensemencement, le compostage et le paillage, afin d'accroître les performances des fonctions ecosystémiques et, partant, la productivité et la fertilité à long terme à l'aide de processus naturels;

24.  prend acte des synergies qui existent entre les approches basées sur les sols et les arbres et l'adaptation des écosystèmes agricoles aux changements climatiques; constate en particulier la demande importante en bois de chauffage; relève notamment les utilisations multiples d'arbres fixateurs d'azote;

25.  note que les produits agrochimiques peuvent être utilisés à la fois de manière excessive et inappropriée dans les pays en développement tels que ceux qui participent à la NASAN;

26.  indique que ce problème est aggravé par l'analphabétisme et l'absence de formations appropriées, et peut donner lieu à des niveaux extrêmement élevés de résidus de pesticides dans les fruits et les légumes frais, ainsi qu'à des empoisonnements et à d'autres effets sur la santé humaine pour les agriculteurs et leurs familles;

Accès à des aliments nutritifs et à l'eau

27.  souligne qu'une alimentation équilibrée et de qualité est essentielle, et affirme que la nutrition devrait constituer l'élément central de la (re)construction des systèmes alimentaires;

28.  rappelle que le statut nutritionnel ne peut pas se résumer au seul apport énergétique;

29.  souligne que des millions de personnes en Afrique, en particulier des enfants, souffrent de famine et de malnutrition, qui sont les principales causes de mortalité sur le continent, et que la faim est l'une des principales raisons qui incitent les personnes à abandonner leurs foyers, outre l'accaparement des terres et les changements climatiques;

30.  reconnaît le rôle vital que revêt l'accès à une eau saine et potable et les effets que l'agriculture peut avoir à cet égard;

31.  souhaite l'élaboration de politiques adaptées au contexte local dans les domaines agricole et alimentaire, qui répondent aux besoins de la société dans son ensemble en vue d'éradiquer la famine et la malnutrition;

32.  souligne la nécessité de mettre en place des stratégies visant à minimiser le gaspillage alimentaire tout au long de la chaîne alimentaire;

Observations critiques

33.  salue l'engagement pris par la NASAN en faveur de la sécurité alimentaire, mais redoute que les moyens mis en œuvre ne reposent sur des modèles de développement agricole aujourd'hui obsolètes et sur des rapports de force inégaux;

34.  craint que la NASAN ne profite pas aux petites exploitations familiales comme c'était l'intention initialement, mais contribue à les rendre dépendantes à des intrants extérieurs coûteux;

35.  prend note des dangers liés à une déréglementation du secteur des semences dans les pays participants, qui pourrait conduire à une surdépendance des petits agriculteurs aux semences et aux produits phytopharmaceutiques fabriqués par des sociétés étrangères;

36.  dénonce le fait que le processus de prise de décision dans le cadre de coopération n'ait pas tenu compte de la participation de toutes les parties intéressées, mais qu'il ait plutôt exclu, entre autres, les communautés rurales, les travailleurs agricoles, les petits agriculteurs, les pêcheurs et les peuples indigènes, en ignorant leur droit d'y être associés;

37.  affirme que les États africains doivent être considérés comme des partenaires dans cette alliance, plutôt qu'uniquement comme des prestataires de services qui réduisent les risques et l'insécurité des investisseurs privés;

38.  prend note du rapport du G20 de 2011 qui insiste sur le fait que les investissements réalisés à des fins fiscales pourraient être provisoires; rappelle que de nombreuses études sur la motivation des investisseurs ont montré que les effets des incitations fiscales spéciales sur leurs décisions d'investissement étaient neutres ou négatifs[4];

39.  relève que les incitations fiscales, notamment les exemptions de l'impôt sur les sociétés dans des zones économiques spéciales, privent les États africains de recettes fiscales qui auraient pu être une source vitale d'investissement public dans l'agriculture, en particulier en faveur des programmes de sécurité alimentaire et de nutrition[5];

40.  regrette que le seul indicateur commun aux dix cadres de coopération au sein de la NASAN soit l'indice de la facilité de faire des affaires de la Banque mondiale;

Demandes – pays participants

41.  invite les pays participants:

–  à mettre en œuvre les directives volontaires à l'appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, publiées par la FAO en 2004, et les principes pour un investissement responsable dans l'agriculture et les systèmes alimentaires, énoncés par la FAO en 2014, ainsi qu'à se mettre en conformité avec les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme;

–  à s'assurer que l'évaluation des activités de la NASAN ne se limite pas à la qualité des investissements et qu'elle tient également compte de la qualité de l'incidence sur le développement, en ciblant notamment les objectifs relatifs aux droits des femmes et à l'adhésion des parties intéressées, à une alimentation équilibrée et saine et à la résilience de l'approvisionnement alimentaire;

–  à procéder, dans le cadre des rapports de suivi par pays, à des évaluations annuelles de la mise en œuvre du cadre de coopération avec les pays afin de vérifier si les engagements ont été respectés, ainsi qu'à publier ces résultats;

–  à garantir une approche fondée sur les droits de l'homme en ce qui concerne l'établissement de titres fonciers, en adoptant et en mettant pleinement en œuvre les directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes de propriété applicables aux terres, à la pêche et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, publiées par la FAO en 2012;

–  à garantir des mécanismes participatifs et inclusifs accordant la priorité aux droits, aux besoins et aux intérêts des détenteurs légitimes des droits sur la terre, en particulier des petits agriculteurs et des petites exploitations familiales; à mettre en place, en particulier, des consultations préalables libres et informées au profit de toutes les communautés vivant sur des terres soumises au transfert de propriété et/ou de contrôle;

–  à revoir les politiques et les projets publics dans le but de supprimer toute incitation en faveur de l'accaparement des terres et de la propriété non productive de terres;

–  à prendre des mesures nationales contraignantes contre l'accaparement des terres, la corruption basée sur le transfert foncier et l'utilisation des terres à des fins d'investissements spéculatifs;

–  à surveiller les régimes d'établissement de titres fonciers et de certification pour vérifier qu'ils sont transparents et qu'ils ne concentrent pas la propriété foncière ou ne dépossèdent pas les communautés des ressources dont elles ont besoin;

–  à veiller à ce que l'aide financière ne serve pas à soutenir des initiatives permettant aux entreprises de déplacer les communautés locales;

–  à passer par des procédures participatives pour concevoir des modèles de régimes d'agriculture sous contrat adaptés aux besoins des communautés locales;

–  à établir, à promouvoir et à soutenir les organisations de producteurs comme les coopératives qui renforcent le pouvoir de négociation des petits agriculteurs, en aménageant les conditions nécessaires pour que les petits agriculteurs puissent être davantage récompensés par les marchés et en permettant un partage de connaissances et de bonnes pratiques entre les petits agriculteurs;

–  à établir une coopération entre des agriculteurs nationaux, des communautés locales, des autorités locales et des organisations de la société civile afin de lutter contre l'insécurité alimentaire et d'améliorer les moyens de subsistance, à consulter des parties prenantes nationales et à s'assurer que les acteurs locaux soient pleinement impliqués dans la mise en œuvre du programme;

–  à renforcer la création des plateformes multi-acteurs (organisations de petits agriculteurs, communautés concernées, représentants de la société civile organisée);

–  à s'assurer que les petits agriculteurs, en particulier les femmes, ont des droits d'accès à la terre et à l'eau bien définis, et qu'ils profitent pleinement du développement; à procéder à une véritable consultation auprès des éleveurs lorsque des investissements financés par la NASAN sont envisagés, afin d'éviter des conflits fonciers et d'optimiser l'utilisation de terrains communaux; à mettre au cœur de leurs actions les intérêts et le potentiel des petits agriculteurs locaux;

–  à garantir des niveaux adéquats d'investissements publics, de façon à apporter des solutions durables et inclusives;

–  à donner aux agriculteurs la possibilité d'éviter la dépendance vis-à-vis des intrants et à soutenir les systèmes de semences des agriculteurs afin de préserver et d'améliorer la biodiversité agricole grâce au maintien de banques de graines locales publiques, à l'échange et au développement en continu de variétés de semences locales, et plus particulièrement en élaborant des catalogues de semences flexibles de manière à n'exclure aucune variété cultivée du marché, et à garantir le maintien des produits traditionnels;

–  à protéger et à promouvoir l'accès aux semences et aux intrants agricoles, ainsi que leur échange, par les petits agriculteurs, les groupes marginalisés et les communautés rurales; à respecter les accords internationaux sur la non-brevetabilité des processus vitaux et biologiques, en particulier des souches et des espèces autochtones;

–  à éviter de rendre les systèmes de production alimentaire trop dépendants des combustibles fossiles afin de limiter la volatilité des prix et d'atténuer les effets du changement climatique;

–  à mettre en place des chaînes d'approvisionnement alimentaire courtes à l'échelle locale et régionale, qui sont les plus efficaces dans la lutte contre la faim et la pauvreté en milieu rural, ainsi que des infrastructures appropriées en matière de stockage et de communication à cette fin;

–  à élaborer des politiques qui soutiennent une agriculture durable, en encourageant des systèmes d'élevage plus diversifiés gérés selon les principes de l'agro-écologie, et notamment de l'agroforesterie et de la lutte intégrée contre les organismes nuisibles;

–  à permettre aux agriculteurs africains d'accéder à des solutions technologiques abordables à faible utilisation d'intrants afin de répondre aux défis agronomiques propres à l'Afrique;

–  à s'assurer que les objectifs poursuivis par la NASAN soient mieux communiqués et mis en œuvre au moyen d'investissements dans l'éducation, la formation et les services de vulgarisation agricole, en adoptant des approches participatives axées sur les communautés, notamment dans les domaines de la nutrition, des régimes fonciers, des droits, de l'agroforesterie et de l'agriculture durable à faible utilisation d'intrants, y compris des techniques traditionnelles durables;

–  à encourager une grande variété de cultures alimentaires locales et, dans la mesure du possible, saisonnières, de préférence des variétés et des espèces indigènes ou adaptées aux conditions locales, notamment des fruits, des légumes et des fruits à coque, afin d'améliorer la nutrition grâce à un accès continu à un régime varié, sain et abordable, adéquat du point de vue de la qualité, de la quantité et de la diversité, plutôt que du seul point de vue de l'apport calorique, et conforme aux valeurs culturelles;

–  à s'assurer que les stratégies ne sont pas axées uniquement sur davantage de production alimentaire, en particulier sur la production de volumes importants de cultures présentant uniquement une haute teneur calorique et dont la prépondérance peut entraîner des carences diététiques;

–  à prévenir des mesures qui entraveraient l'accès à une alimentation adéquate, notamment des mesures qui empêcheraient les populations de disposer et de faire usage des ressources et des moyens de production qui assurent leur survie;

–  à s'assurer que la nutrition est intégrée aux services publics de base (y compris la santé, l'eau et l'assainissement);

–  à s'engager en faveur de la mise en œuvre intégrale du Code international de commercialisation des substituts du lait maternel, et des résolutions adoptées par l'Assemblée mondiale de la santé (AMS) sur l'alimentation des nourrissons et des jeunes enfants;

–  à concevoir des politiques qui renforcent l'autonomie et l'émancipation des femmes en milieu rural, en tenant compte notamment de leurs contraintes en matière de temps et de mobilité;

–  à garantir aux femmes des droits égaux ainsi que des rôles dans la société et la prise de décisions, en particulier en ce qui concerne l'accès aux terres, aux financements et aux ressources;

–  à veiller à ce que les femmes bénéficient de la transformation du secteur agricole par l'intermédiaire de la lutte contre les coutumes discriminatoires et la suppression des dispositions discriminatoires qui entravent l'accès aux ressources;

–  à définir, dans les cadres de coopération avec les pays, des objectifs spécifiques visant à donner davantage de moyens d'action aux femmes, ainsi qu'un calendrier pour leur réalisation; à définir les budgets des projets en tenant compte de la dimension hommes-femmes, ainsi qu'à procéder à une évaluation continue à l'aide de données ventilées par genre;

–  à inclure la perspective du genre dans les statistiques officielles et les indices des politiques de développement rural de manière à identifier les meilleures pratiques et à mieux orienter les stratégies;

–  à mettre en place des mécanismes de transparence et de redevabilité pour l'ensemble des initiatives;

–  à s'assurer que les évaluations, notamment les analyses d'impact, de tous les projets sont effectuées par des organes indépendants, à l'aide d'un vaste éventail d'indicateurs permettant de mesurer les incidences sur la sécurité alimentaire, la nutrition et la pauvreté, afin d'évaluer de manière exhaustive les progrès de chaque pays dans le contexte de la NASAN;

–  à garantir que les réformes financières, fiscales ou administratives ne dispensent pas les investisseurs d'apporter une contribution équitable à la base d'imposition des pays participants, ni ne donnent aux investisseurs un avantage inéquitable sur les petits exploitants;

–  à veiller à ce que leurs gouvernements respectifs conservent le droit de protéger leurs marchés agricoles et alimentaires à l'aide de régimes fiscaux et tarifaires appropriés, particulièrement nécessaires pour lutter contre la spéculation financière et la fraude fiscale;

–  à mettre en œuvre les directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes de propriété applicables aux terres, à la pêche et aux forêts publiées par la FAO en 2012 par le biais de mécanismes participatifs et inclusifs accordant la priorité aux droits et aux besoins des détenteurs légitimes des droits sur la terre;

–  à revoir les politiques et les projets publics dans le but de supprimer toute incitation en faveur de l'accaparement des terres;

–  à adopter des politiques qui favorisent un commerce responsable et visent à supprimer les barrières commerciales qui découragent le commerce régional;

Demandes – Union et États membres

42.  invite l'Union européenne et ses États membres, en tant que premiers donateurs d'aide au développement au monde:

–  à conditionner la poursuite de leur soutien à la NASAN et à la coopération intensive à la réalisation des conditions ci-dessus;

–  à engager la responsabilité des entreprises lorsqu'il s'agit de droits de l'homme, de droits du sol et de normes sociales, environnementales et du travail et, en particulier, à s'assurer que les États membres remplissent les obligations extraterritoriales en veillant à ce que leurs politiques ne contribuent pas à la violation des droits de l'homme dans d'autres pays et à ce que les acteurs non étatiques n'empêchent pas le bénéfice de ces droits;

–  à veiller à ce que les investisseurs basés dans l'Union européenne respectent et incitent les autres partenaires de l'alliance à respecter les droits des communautés locales et les besoins des petites exploitations agricoles, en adoptant une approche fondée sur le respect des droits de l'homme dans les cadres de coopération, et notamment en préservant les droits environnementaux, sociaux, fonciers, du travail et de l'homme et en garantissant les normes de transparence les plus élevées dans leurs plans d'investissements;

–  à veiller à ce que les investisseurs basés dans l'Union européenne mettent en œuvre une politique de responsabilité sociale lors de l'élaboration de contrats de travail et à ce qu'ils n'exploitent pas leur avantage économique sur les travailleurs des communautés locales;

–  à encourager les pays participants à mettre en œuvre, par des moyens démocratiques, leurs propres politiques, priorités et stratégies dans les domaines agricole et alimentaire, établies dans un modèle d'agriculture durable;

–  à reconnaître la nécessité pour les pays participants d'assurer leur sécurité alimentaire et de défendre leur droit à une autosuffisance aussi marquée que possible;

–  à soutenir et à défendre les entreprises et les parties prenantes africaines locales en tant qu'acteurs de premier plan et bénéficiaires des initiatives de la NASAN;

–  à mettre en œuvre la récente décision de l'OMC de supprimer les subventions agricoles à l'exportation, qui provoquent des distorsions sur les marchés locaux et détruisent des moyens de subsistance dans les pays en développement;

–  à supprimer les barrières commerciales qui découragent les pays africains d'apporter une valeur ajoutée locale aux produits de base;

–  à garantir la mise en place de programmes de l'Union efficaces qui mettent l'accent sur des projets à plus petite échelle au niveau local et régional;

–  à considérer que des économies et des communautés rurales dynamiques et robustes, et des systèmes agricoles fertiles, productifs et résilients, peuvent assurer le maintien de populations dans le monde rural, et ainsi contribuer à accroître la stabilité à l'échelle mondiale en empêchant des migrations massives;

43.  invite les gouvernements et les investisseurs participants à engager le dialogue avec la société civile, les communautés locales et d'autres institutions au sujet de la NASAN, à veiller à ce que les accords conclus soient mis à la disposition du public de manière transparente et à s'assurer de la représentation, au sein des organes décisionnels de celle-ci, des organisations de la société civile concernées.

RÉSULTAT DU VOTE FINALEN COMMISSION SAISIE POUR AVIS

Date de l'adoption

15.3.2016

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

35

3

5

Membres présents au moment du vote final

John Stuart Agnew, Clara Eugenia Aguilera García, Eric Andrieu, Paul Brannen, Daniel Buda, Nicola Caputo, Matt Carthy, Michel Dantin, Paolo De Castro, Albert Deß, Diane Dodds, Herbert Dorfmann, Norbert Erdős, Edouard Ferrand, Luke Ming Flanagan, Beata Gosiewska, Martin Häusling, Esther Herranz García, Jan Huitema, Peter Jahr, Elisabeth Köstinger, Zbigniew Kuźmiuk, Philippe Loiseau, Mairead McGuinness, Giulia Moi, Ulrike Müller, James Nicholson, Maria Noichl, Marijana Petir, Laurenţiu Rebega, Bronis Ropė, Jordi Sebastià, Jasenko Selimovic, Lidia Senra Rodríguez, Czesław Adam Siekierski, Marc Tarabella

Suppléants présents au moment du vote final

Pilar Ayuso, Franc Bogovič, Rosa D’Amato, Jørn Dohrmann, Peter Eriksson, Julie Girling, Ivan Jakovčić, Karin Kadenbach, Sofia Ribeiro, Tibor Szanyi

  • [1]  Cadre stratégique de l'UE pour aider les pays en développement à relever les défis liés à la sécurité alimentaire, COM(2010)127.
  • [2]  Déclaration du sommet mondial sur la sécurité alimentaire, FAO, 2009.
  • [3]  FAO, Partenariat mondial sur les sols.
  • [4]  Mwachinga, E. (Équipe de simplification fiscale mondiale, Groupe de la Banque mondiale), "Results of investor motivation survey conducted in the EAC", présentation donnée à Lusaka le 12 février 2013.
  • [5]  "Supporting the development of more effective tax systems" – rapport de l'IMF, de l'OCDE et de la Banque mondiale au groupe de travail du G20, 2011.

RÉSULTAT DU VOTE FINALEN COMMISSION COMPÉTENTE AU FOND

Date de l’adoption

20.4.2016

 

 

 

Résultat du vote final

+:

–:

0:

23

0

1

Membres présents au moment du vote final

Beatriz Becerra Basterrechea, Ignazio Corrao, Nirj Deva, Doru-Claudian Frunzulică, Enrique Guerrero Salom, Heidi Hautala, Maria Heubuch, Teresa Jiménez-Becerril Barrio, Linda McAvan, Maurice Ponga, Cristian Dan Preda, Lola Sánchez Caldentey, Elly Schlein, Pedro Silva Pereira, Davor Ivo Stier, Paavo Väyrynen, Bogdan Brunon Wenta, Anna Záborská

Suppléants présents au moment du vote final

Marina Albiol Guzmán, Brian Hayes, Paul Rübig

Suppléants (art. 200, par. 2) présents au moment du vote final

Amjad Bashir, Tiziana Beghin, Miroslav Poche

RÉSULTAT DU VOTE FINALEN COMMISSION COMPÉTENTE AU FOND

23

+

ALDE

Beatriz Becerra Basterrechea, Paavo Väyrynen

ECR

Amjad Bashir, Nirj Deva

EFDD

Tiziana Beghin, Ignazio Corrao

GUE/NGL

Marina Albiol Guzmán, Lola Sánchez Caldentey

PPE

Brian Hayes, Teresa Jiménez-Becerril Barrio, Maurice Ponga, Cristian Dan Preda, Davor Ivo Stier, Bogdan Brunon Wenta, Anna Záborská

S&D

Doru-Claudian Frunzulică, Enrique Guerrero Salom, Linda McAvan, Miroslav Poche, Elly Schlein, Pedro Silva Pereira

VERTS/ALE

Heidi Hautala, Maria Heubuch

0

-

1

0

PPE

Paul Rübig

Key to symbols:

+  :  in favour

-  :  against

0  :  abstention