RAPPORT sur la demande de levée de l’immunité de Manolis Kefalogiannis
16.10.2018 - (2017/2133(IMM))
Commission des affaires juridiques
Rapporteur: Jean-Marie Cavada
PROPOSITION DE DÉCISION DU PARLEMENT EUROPÉEN
sur la demande de levée de l’immunité de Manolis Kefalogiannis
Le Parlement européen,
– vu la demande de levée de l’immunité de Manolis Kefalogiannis, transmise en date du 31 mai 2017 par le procureur général de la Cour suprême de la République hellénique en liaison avec la procédure nº ABM:EOE 20/2017, et communiquée en séance plénière le 3 juillet 2017,
– ayant entendu Manolis Kefalogiannis, conformément à l’article 9, paragraphe 6, de son règlement intérieur,
– ayant également entendu Kristian Knudsen, directeur général faisant fonction de la direction générale du personnel du Parlement européen,
– ayant procédé à un échange de vues avec le procureur public adjoint de la République hellénique,
– vu les articles 8 et 9 du protocole n° 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne ainsi que l’article 6, paragraphe 2, de l’acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct, du 20 septembre 1976,
– vu les arrêts rendus par la Cour de justice de l’Union européenne les 12 mai 1964, 10 juillet 1986, 15 et 21 octobre 2008, 19 mars 2010, 6 septembre 2011 et 17 janvier 2013[1],
– vu l'article 62 de la Constitution de la République hellénique,
– vu l’article 5, paragraphe 2, l’article 6, paragraphe 1, et l’article 9 de son règlement intérieur,
– vu le rapport de la commission des affaires juridiques (A8-0333/2018),
A. considérant que le substitut du procureur de la Cour suprême de Grèce a demandé la levée de l'immunité parlementaire d'un député au Parlement européen, Manolis Kefalogiannis, de manière à engager des poursuites pénales à son encontre pour deux délits présumés;
B. considérant que l’article 8 du protocole n° 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne dispose que les membres du parlement européen ne peuvent être recherchés, détenus ou poursuivis en raison des opinions ou votes émis par eux dans l’exercice de leur fonction;
C. considérant qu'en vertu de l'article 9 du protocole n° 7 sur les privilèges et immunités de l'Union européenne, les députés bénéficient, sur leur territoire national, des immunités reconnues aux membres du parlement de leur pays;
D. considérant que, conformément à l'article 62 de la Constitution de la République hellénique, aucun député ne peut être, durant son mandat, poursuivi, arrêté, emprisonné ou soumis à d'autres mesures privatives de liberté sans l'autorisation de la Chambre des députés;
E. considérant que la demande du substitut du procureur de la Cour suprême de la République hellénique a trait aux procédures concernant des allégations d'infraction en vertu de l’article 385, paragraphe 1, point b, du code pénal grec et de l’article 4 de la loi nº 2803/2000, lesquels portent respectivement sur l’extorsion avec menace et la fraude;
F. considérant qu'il est reproché à Manolis Kefalogiannis d’avoir tenté de commettre une fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne ayant entraîné un préjudice de plus de 73 000 euros pour avoir tenté de détourner illégalement une partie du salaire de son assistante pour un montant de 4 240 euros par mois, entre juillet 2014 et la fin de l’année 2016;
G. considérant que, conformément à l'article 9, paragraphe 8, du règlement, la commission des affaires juridiques ne se prononce en aucun cas sur la culpabilité ou la non culpabilité du député ni sur l'opportunité ou non de le poursuivre au pénal pour les opinions ou actes qui lui sont imputés, même dans le cas où l'examen de la demande permet à la commission d'acquérir une connaissance approfondie de l'affaire;
H. considérant également qu’il n’appartient pas au Parlement européen de prendre position sur la culpabilité ou la non-culpabilité du député, sur la question de savoir si les actes qui lui sont imputables justifient l’ouverture de poursuites pénales, ou sur les mérites relatifs des systèmes juridiques et judiciaires nationaux;
I. considérant que, conformément à l’article 5, paragraphe 2, du règlement du Parlement européen, l’immunité parlementaire n’est pas un privilège personnel du député, mais une garantie d’indépendance du Parlement dans son ensemble et de ses députés;
J. considérant que l’immunité parlementaire a pour objet de protéger le Parlement et ses députés contre des procédures judiciaires visant des activités menées dans l’exercice des fonctions parlementaires et indissociables de celles-ci;
K. considérant que, lorsque la procédure en question ne porte pas sur des opinions ou votes émis par un député au sens de l'article 8 du protocole n° 7 sur les privilèges et immunités de l'Union européenne, l’immunité devrait être levée, sauf s’il apparaît que l’intention sous-jacente de la procédure judiciaire peut être de nuire à l’activité politique du député ou à sa réputation et, partant, à l’indépendance du Parlement (fumus persecutionis);
L. considérant toutefois, sur la base des informations et explications fournies dans la présente affaire, y compris les réponses données par le procureur public adjoint de la République hellénique lors de l’échange de vues tenu avec lui, et étant donné les circonstances dans lesquelles l'affaire portée contre Manolis Kefalogiannis a été traitée par les instances impliquées, les incertitudes quant aux éléments sur lesquels repose la demande de levée d’immunité et les sérieux doutes qui pèsent sur la procédure, y compris sur la motivation qui sous-tend la demande de levée d’immunité;
M. considérant qu'il est dès lors apparu qu'il s'agit d'une affaire où l'on peut supposer l'existence d'un cas de fumus persecutionis;
N. considérant que l'immunité de Manolis Kefalogiannis ne devrait par conséquent pas être levée;
1. décide de ne pas lever l’immunité de Manolis Kefalogiannis;
2. charge son Président de transmettre immédiatement la présente décision et le rapport de sa commission compétente au procureur de la Cour suprême de la République hellénique et à Manolis Kefalogiannis.
- [1] Arrêt de la Cour de justice du 12 mai 1964, Wagner/Fohrmann et Krier, 101/63, ECLI:EU:C:1964:28; arrêt de la Cour de justice du 10 juillet 1986, Wybot/Faure et autres, 149/85, ECLI:EU:C:1986:310; arrêt du Tribunal du 15 octobre 2008, Mote/Parlement, T-345/05, ECLI:EU:T:2008:440; arrêt de la Cour de justice du 21 octobre 2008, Marra/De Gregorio et Clemente, C-200/07 et C-201/07, ECLI:EU:C:2008:579; arrêt du Tribunal du 19 mars 2010, Gollnisch/Parlement, T-42/06, ECLI:EU:T:2010:102; arrêt de la Cour de justice du 6 septembre 2011, Patriciello, C-163/10, ECLI:EU:C:2011:543; arrêt du Tribunal du 17 janvier 2013, Gollnisch/Parlement, T346/11 et T-347/11, ECLI:EU:T:2013:23.
INFORMATIONS SUR L’ADOPTIONPAR LA COMMISSION COMPÉTENTE AU FOND
Date de l’adoption |
10.10.2018 |
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Résultat du vote final |
+: –: 0: |
14 0 1 |
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Membres présents au moment du vote final |
Joëlle Bergeron, Jean-Marie Cavada, Kostas Chrysogonos, Laura Ferrara, Heidi Hautala, Sylvia-Yvonne Kaufmann, Gilles Lebreton, António Marinho e Pinto, Evelyn Regner, Pavel Svoboda, Axel Voss, Francis Zammit Dimech, Tadeusz Zwiefka |
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Suppléants présents au moment du vote final |
Geoffroy Didier, Angelika Niebler |
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