RAPPORT sur la demande de levée de l’immunité de Steeve Briois
22.10.2018 - (2018/2075(IMM))
Commission des affaires juridiques
Rapporteur: Tadeusz Zwiefka
PROPOSITION DE DÉCISION DU PARLEMENT EUROPÉEN
sur la demande de levée de l’immunité de Steeve Briois
Le Parlement européen,
– vu la demande de levée de l’immunité parlementaire de Steeve Briois, transmise le 21 février 2018 par le ministre de la justice français dans le cadre d’une information judiciaire (B-49 2018/00242) ouverte au tribunal de grande instance de Nanterre à l’encontre de Steeve Briois, sur plainte avec constitution de partie civile de l’association «Maison des Potes – Maison de l’Égalité» pour provocation publique à la discrimination raciale ou religieuse, annoncée en plénière le 28 mai 2018,
– ayant entendu Steeve Briois, conformément à l’article 9, paragraphe 6, de son règlement intérieur,
– vu les articles 8 et 9 du protocole nº 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne ainsi que l’article 6, paragraphe 2, de l’acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct, du 20 septembre 1976,
– vu les arrêts rendus par la Cour de justice de l’Union européenne les 12 mai 1964, 10 juillet 1986, 15 et 21 octobre 2008, 19 mars 2010, 6 septembre 2011 et 17 janvier 2013[1],
– vu l’article 26 de la Constitution de la République française, tel que modifié par la loi constitutionnelle nº 95-880 du 4 août 1995,
– vu l’article 5, paragraphe 2, l’article 6, paragraphe 1, et l’article 9 de son règlement intérieur,
– vu le rapport de la commission des affaires juridiques (A8-0349/2018),
A. considérant que le procureur général de la cour d’appel de Versailles a demandé la levée de l’immunité parlementaire de Steeve Briois, député au Parlement européen, dans le cadre d’une action en justice concernant un supposé délit;
B. considérant que la levée d’immunité de Steeve Briois porte sur un supposé délit de provocation publique à la discrimination nationale, raciale ou religieuse par parole, écrit, image ou moyen de communication au public par voie électronique, délit prévu par la loi française, à savoir l’article 24, alinéa 8, l’article 23, alinéa 1er, et l’article 42 de la loi du 29 juillet 1881 et par l’article 93-3 de la loi nº 82-652 du 29 juillet 1982, et réprimé par l’article 24, alinéas 8, 10, 11 et 12, de la loi du 29 juillet 1881 et par l’article 121, alinéa 7, du code pénal;
C. considérant que l’information judiciaire à l’encontre de Steeve Briois a été ouverte à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée par l’association «Maison des Potes - Maison de l’Égalité» le 22 mai 2014;
D. considérant que la plainte porte sur des déclarations contenues dans une brochure intitulée «Petit guide pratique de l’élu municipal Front national», publiée le 19 septembre 2013 et mise en ligne sur le site internet officiel de la fédération du Front national le 30 novembre 2013, dans laquelle les candidats FN élus conseillers municipaux lors des élections des 23 et 30 mars 2014 étaient incités à recommander, dès la première réunion du nouveau conseil municipal, à privilégier les Français («priorité nationale») dans l’accès au logement social;
E. considérant qu’en droit français, la responsabilité pénale d’une publication peut être étendue à d’autres qu’à l’auteur lui-même;
F. considérant que les enquêteurs ont été informés au cours de l’enquête par le directeur des publications du Front national de l’époque que la brochure en cause avait été établie par les services du secrétariat général; que Steeve Briois était à l’époque secrétaire général;
G. considérant que, pour pouvoir procéder à l’interrogatoire de première comparution de Steeve Briois sur les faits visés au réquisitoire introductif, les autorités compétentes ont demandé la levée de son immunité;
H. considérant que l’article 9 du protocole nº 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne dispose que les membres du Parlement européen bénéficient, sur leur territoire national, des immunités reconnues aux membres du parlement de leur pays;
I. considérant que l’article 26 de la Constitution française dispose qu’aucun membre du Parlement ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions;
J. considérant que l’étendue de l’immunité accordée aux députés au Parlement français correspond en fait à celle accordée aux députés au Parlement européen par l’article 8 du protocole nº 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne; considérant que la Cour de justice a soutenu que, pour être couverte par l’immunité, une opinion doit être émise par un député européen dans l’exercice de ses fonctions, impliquant ainsi l’exigence d’un lien entre l’opinion exprimée et les fonctions parlementaires; que ce lien doit être direct et s’imposer avec évidence;
K. considérant que Steeve Briois n’était pas député au Parlement européen lorsque le supposé délit a été commis, à savoir le 19 septembre et le 30 novembre 2013, mais que les documents sur lesquels porte la plainte étaient toujours libres d’accès les 23 juin et 2 octobre 2014;
L. considérant que les accusations portées ne sont pas, de toute évidence, liées à la fonction de député européen de Steeve Briois et se rapportent à des activités d’une nature nationale ou régionale, puisque les déclarations en question étaient adressées à des candidats à la fonction de conseiller municipal en vue des élections municipales des 23 et 30 mars 2014;
M. considérant que les actions en cause ne concernent pas des opinions ou des votes émis par le député au Parlement européen dans l’exercice de ses fonctions au sens de l’article 8 du protocole nº 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne;
N. considérant que rien ne porte à soupçonner une tentative d’entraver le travail parlementaire de Steeve Briois (fumus persecutionis) dans l’information judiciaire ouverte à la suite de la plainte déposée par l’association «Maison des Potes - Maison de l’Égalité» avant qu’il ne devienne député au Parlement européen;
1. décide de lever l’immunité de Steeve Briois;
2. charge son Président de transmettre immédiatement la présente décision et le rapport de sa commission compétente au ministre de la justice de la République française et à Steeve Briois.
- [1] Arrêt de la Cour de justice du 12 mai 1964, Wagner/Fohrmann et Krier, 101/63, ECLI:EU:C:1964:28; arrêt de la Cour de justice du 10 juillet 1986, Wybot/Faure et autres, 149/85, ECLI:EU:C:1986:310; arrêt du Tribunal du 15 octobre 2008, Mote/Parlement, T-345/05, ECLI:EU:T:2008:440; arrêt de la Cour de justice du 21 octobre 2008, Marra/De Gregorio et Clemente, C-200/07 et C-201/07, ECLI:EU:C:2008:579; arrêt du Tribunal du 19 mars 2010, Gollnisch/Parlement, T-42/06, ECLI:EU:T:2010:102; arrêt de la Cour de justice du 6 septembre 2011, Patriciello, C-163/10, ECLI: EU:C:2011:543; arrêt du Tribunal du 17 janvier 2013, Gollnisch/Parlement, T-346/11 et T-347/11, ECLI:EU:T:2013:23.
INFORMATIONS SUR L’ADOPTIONPAR LA COMMISSION COMPÉTENTE AU FOND
Date de l’adoption |
22.10.2018 |
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Résultat du vote final |
+: –: 0: |
12 1 2 |
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Membres présents au moment du vote final |
Max Andersson, Joëlle Bergeron, Marie-Christine Boutonnet, Mady Delvaux, Mary Honeyball, Sajjad Karim, Sylvia-Yvonne Kaufmann, Julia Reda, Evelyn Regner, Pavel Svoboda, Axel Voss, Francis Zammit Dimech, Tadeusz Zwiefka |
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Suppléants présents au moment du vote final |
Geoffroy Didier, Tiemo Wölken |
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