RAPPORT sur la mise en œuvre des dispositions du traité concernant la coopération renforcée
28.1.2019 - (2018/2112(INI))
Commission des affaires constitutionnelles
Rapporteur: Alain Lamassoure
- EXPOSÉ DES MOTIFS – RÉSUMÉ DES FAITS ET CONSTATS
- PROPOSITION DE RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN
- AVIS de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures
- INFORMATIONS SUR L’ADOPTIONPAR LA COMMISSION COMPÉTENTE AU FOND
- VOTE FINAL PAR APPEL NOMINALEN COMMISSION COMPÉTENTE AU FOND
EXPOSÉ DES MOTIFS – RÉSUMÉ DES FAITS ET CONSTATS
Procédure et sources
Dans le cadre de la préparation du présent rapport de mise en œuvre, le rapporteur a recueilli des informations et s’est appuyé, entre autres, sur les sources suivantes:
l’audition intitulée «Institutional structure and governance of existing forms of enhanced cooperation» (Structure institutionnelle et gouvernance des formes de coopération renforcée existantes), organisée au sein de la commission des affaires constitutionnelles le 24 septembre 2018;
l’étude intitulée «The Implementation of Enhanced Cooperation in the EU» (Mise en œuvre d'une coopération renforcée au sein de l’UE), réalisée par le département thématique pour la commission des affaires constitutionnelles et présentée au sein de cette commission le 10 octobre 2018;
une analyse d’impact ex post réalisée par la direction générale des services de recherche parlementaire (EPRS) intitulée «The implementation of the Treaty provisions concerning enhanced cooperation» (La mise en œuvre des dispositions du traité concernant la coopération renforcée);
une analyse détaillée de la coopération intergouvernementale dans les États fédéraux, préparée par le département thématique des politiques externes de l’Union (EXPO);
une mission d'information à Washington, DC, aux États-Unis;
une mission d'information à Berne, en Suisse.
Principales conclusions du rapport
Dimension intérieure
Dispositions du traité relatives à la coopération renforcée
Selon les traités, une coopération renforcée peut être instaurée par un minimum de neuf États membres dans le cadre des politiques européennes, sauf dans les domaines de compétence exclusive de l’Union. Elle permet aux États participants d’organiser une coopération plus large que celle initialement prévue par les traités dans le cadre de la politique concernée. La coopération renforcée s’effectue sous les auspices de l’Union européenne, par le biais de ses institutions et de ses procédures [article 20 du traité sur l'Union européenne (TUE) et article 326 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE)].
Les coopérations renforcées sont ouvertes à tous les États membres dès leur instauration. Elles doivent rester ouvertes à tout moment, à condition que l’État membre qui souhaite y participer respecte les décisions prises dans ce cadre (article 20 du TUE et articles 327, 328 et 331 du TFUE).
L’article 329 du TFUE décrit la procédure à suivre pour instaurer une coopération renforcée, qui requiert l’accord du Conseil à la majorité qualifiée (de tous les États membres, même ceux qui ne participent pas à la coopération renforcée), sur proposition de la Commission et après approbation du Parlement.
Les actes adoptés dans le cadre d’une coopération renforcée ne font pas partie de l’acquis de l’Union. Ils ne sont appliqués que par les États membres participants (article 20 du TUE) et ne peuvent être imposés aux États membres non participants.
Le Conseil et la Commission veillent à la cohérence des actions entreprises dans le cadre d'une coopération renforcée avec les autres politiques et actions de l'Union (article 334 du TFUE).
Le traité de Lisbonne autorise l’application des clauses passerelles à une coopération renforcée, sauf en cas de décisions en matière de défense ou ayant des implications militaires. Les clauses passerelles permettent de passer du vote à l’unanimité au vote à la majorité qualifiée, ou de la procédure législative spéciale à la procédure législative ordinaire (article 333 du TFUE).
Le traité prévoit des procédures spécifiques pour la coopération renforcée dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune (articles 22 et 31 du TUE), pour la coopération structurée permanente dans le domaine de la défense (article 42, paragraphe 6, et article 46 du TUE), pour la coopération dans le cadre d’une mission européenne en matière de défense et pour le coopération dans le cadre de l’Agence européenne de défense (articles 44 et 45 du TUE), ainsi que pour la coopération en matière pénale et policière (articles 82, 86 et 87 du TFUE).
L’article 332 du TFUE traite des aspects financiers de la coopération renforcée et dispose que les coûts qui en découlent, autres que les coûts administratifs occasionnés pour les institutions, sont à la charge des États membres qui y participent, à moins que tous les membres du Conseil, statuant à l’unanimité, n’en décident autrement.
Conformément à l’article 330 du TFUE, tous les États membres peuvent participer aux délibérations, mais seuls ceux qui participent à la coopération renforcée peuvent prendre part au vote.
Exemples de coopération renforcée
Les dispositions spéciales du traité applicables à un État membre ou à un groupe d’États membres ont eu leur place dans le cadre juridique de l’Union européenne dès le traité de Rome, lequel contenait des dispositions spéciales permettant l’existence d’unions régionales entre les pays du Benelux. Cette tendance s’est maintenue avec l’adhésion du Danemark, de la Finlande et de la Suède, pays ayant continué à siéger au Conseil nordique.
Une coopération renforcée, sous une forme analogue à celle qui existe actuellement, est à la disposition de l’Union depuis l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam en 1999, mais le traité de Lisbonne a considérablement simplifié et rendu plus efficace cette coopération, en faisant ainsi la «procédure par défaut» de l’intégration différenciée.
Jusqu’à présent, seuls quatre cas de coopération renforcée ont été adoptés: le Parquet européen, la loi applicable en matière de divorce, les règles applicables aux régimes matrimoniaux et le brevet européen à effet unitaire. Parmi ces quatre cas, un seul a commencé à être mis en œuvre (la loi applicable en matière de divorce).
Un cas particulier de coopération renforcée, la coopération structurée permanente (CSP), a été approuvé et mis en œuvre en 2017.
Enfin, il est important de noter que la coopération renforcée en matière de taxes sur les transactions financières est toujours en suspens, bien que le dossier ait reçu l’autorisation du Conseil en vue du lancement de sa mise en œuvre par un groupe d’États membres.
En outre, il convient de mentionner les autres formes d’intégration différenciée existantes dans l’Union: l’accord de Schengen (le Danemark, l’Irlande et le Royaume-Uni bénéficient d’une clause d’exemption, et quelques autres États membres sont en attente d’adhésion), la monnaie unique (le Danemark et le Royaume-Uni bénéficient de dérogations, et la Suède, qui bénéficie d’une exemption, a choisi de ne pas y participer pour l’instant, tandis que quelques autres États membres devraient rejoindre la zone euro lorsqu’ils rempliront les conditions nécessaires), des clauses d’exemption de l’espace de liberté, de sécurité et de justice pour le Danemark, l’Irlande et le Royaume-Uni, et, enfin, la politique de sécurité et de défense commune (abstention constructive du Danemark).
Principales conclusions des recherches sur la mise en œuvre des cas de coopération renforcée existants
• les cas existants de coopération renforcée présentent une grande disparité eu égard au nombre d’États membres participants, à la technique de réglementation utilisée, au type de secrétariat ou autre organe administratif choisi pour la phase opérationnelle, ainsi qu’au financement et à la dotation en personnel;
• tous les cas existants de coopération renforcée ont été instaurés suite à l’impossibilité de parvenir à l’unanimité au sein du Conseil;
• sauf dans le cas de la CSP, la coopération renforcée est une mesure adoptée en «dernier ressort», suite à une tentative infructueuse du Conseil d’aboutir à un accord sur un projet de proposition législative de la Commission;
• même s’il s’agit d’une mesure de «dernier ressort», la coopération renforcée est un outil qui permet de surmonter la paralysie législative induite par l’exigence d’unanimité, sauf dans le cas de la taxe sur les transactions financières, qui fait toujours l’objet de négociations;
• dans la plupart des cas, la base juridique est un règlement du Conseil, à l’exception de la CSP, qui repose sur une décision du Conseil;
• d’une manière générale, le nombre d’États membres participants dépasse largement le seuil nécessaire de neuf, et varie entre 17 et 26. Du point de vue de la participation, il est également intéressant de noter que la Belgique, l’Allemagne, la Grèce, la France, l’Italie, l’Autriche, le Portugal et la Slovénie participent à tous les cas de coopération renforcée depuis leur instauration, que les États membres de la zone euro sont généralement au cœur de la coopération renforcée, et que les États membres de l’Est et du Nord ainsi que ceux qui bénéficient déjà d’une clause d’exemption sont moins susceptibles de s’engager dans une coopération renforcée;
• bien que seuls les États membres participants prennent part au vote, tous les États membres sont généralement autorisés à participer aux discussions sur la coopération renforcée;
• tous les cas de coopération renforcée prévoient une certaine forme de clause de révision;
• le Parquet européen dispose de loin de la structure opérationnelle la plus complexe, car elle implique une coopération renforcée pour le brevet unitaire mais aussi un accord intergouvernemental satellite en dehors des traités pour la juridiction unifiée en matière de brevets;
• bien que le processus de coopération renforcée sur la taxe sur les transactions financières soit toujours en suspens, les travaux qui s’y rapportent sont toujours en cours, les États membres intéressés poursuivant leurs échanges sur le sujet, tandis que la Commission tente de continuer d’y associer également les États membres non participants;
• bien que certains cas de coopération renforcée pourraient provoquer du parasitisme de la part d’États membres non participants (comme dans le cas du Parquet européen), ces mêmes cas rassemblent en pratique le plus grand nombre d’États membres participants (26);
Obstacles et défis à la coopération renforcée
• Le délai d’engagement dans les cas existants de coopération renforcée est assez long (4 à 5 ans en moyenne, voire 12 ans pour le brevet européen à effet unitaire), à l’exception du cas de la CSP, laquelle s’est mise en place beaucoup plus rapidement, en environ une année. La lenteur de la procédure s’explique en partie par l’exigence de ne recourir à la coopération renforcée qu’en dernier ressort, lorsqu’il est clair que l’unanimité ne peut être obtenue au sein du Conseil, mais cette lenteur pourrait également être attribuée au manque de volonté politique de progresser plus rapidement sur les sujets très sensibles que couvre la coopération renforcée. Le principal exemple de cet état de fait est la CSP, à l’égard de laquelle il existait une forte volonté politique, ce qui a permis de l’adopter et de la mettre en œuvre beaucoup plus rapidement que les autres cas de coopération renforcée;
• la coopération renforcée ne peut pas être créée ex nihilo. Elle ne peut être instaurée qu’à la suite d’une proposition de la Commission qui ne parvient pas à faire l’objet d’un accord dans le cadre du cycle législatif normal;
• l’exigence d’unanimité et les différentes questions liées à la souveraineté des États membres font partie des principaux obstacles à la coopération renforcée;
• elle se limite aux domaines de compétence partagée et ne doit pas porter atteinte au marché intérieur. Ce dernier critère est important mais subjectif, et c’est la Commission qui décide, à son entière discrétion, si ce critère est, ou non, respecté; ce critère pourrait également décourager les États membres de poursuivre une coopération renforcée dans des domaines liés au marché intérieur, car ils auraient l’obligation de justifier que leur coopération ne nuira pas au marché intérieur;
• compte tenu de la participation de tous les États membres à la phase d’autorisation d’une coopération renforcée, le vote à la majorité qualifiée rend assez difficile le lancement d’une coopération renforcée avec le nombre minimum d’États membres exigé, et encore plus improbable si une coopération renforcée doit être lancée dans un domaine où un précédent vote à la majorité qualifié a déjà échoué;
• il est difficile de déterminer le délai raisonnable exigé par l’article 20, paragraphe 2, du TUE au-delà duquel il peut être constaté que l’impasse de l’unanimité ne peut être résolue et qu’il convient par conséquent de rechercher l’instauration d’une coopération renforcée;
• l’implication du Parlement est assez marginale, même si son consentement est nécessaire avant que le Conseil ne puisse autoriser les États membres qui le souhaitent à instaurer une coopération renforcée;
• les traités ne contiennent aucune disposition relative à la manière de traiter avec un État membre qui souhaite mettre fin à un cas existant de coopération renforcée ou qui ne satisfait plus aux exigences requises, sauf dans le cas particulier de la CSP (article 46, paragraphes 4 et 5 du TUE);
• il existe une échappatoire éventuelle dans l’organisation de la coopération renforcée, qui est liée au fait que l’exigence d’unanimité doit être maintenue dans le cadre de la coopération renforcée, à moins que la clause passerelle prévue à l’article 333 du TFUE ne soit utilisée pour passer au vote à la majorité qualifiée. Il existe un risque qu’un État membre non intéressé participe à une coopération renforcée dans le seul but de saboter son avancement, en empêchant l’exigence d’unanimité de se réaliser, et d’empêcher le passage au vote à la majorité qualifiée par l’application de la clause passerelle;
• la coopération renforcée propose certes des solutions à des problèmes communs avec l’avantage de pouvoir s’appuyer sur le soutien institutionnel et administratif de l’Union, mais cela n’a pas empêché les États membres de rechercher des solutions en dehors des traités européens.
Dimension extérieure
Formes flexibles de coopération au niveau sous-fédéral dans les États membres de l’Union européenne
Parmi les États membres de l’Union européenne, l’Allemagne et l’Italie ont des dispositions légales permettant différentes formes flexibles de coopération entre les niveaux sous-fédéraux, lesquelles s’apparentent à des coopérations renforcées. L’article 117, avant-dernier paragraphe, de la Constitution italienne dispose: «La loi régionale ratifie les ententes de la région avec d’autres régions pour un meilleur exercice de ses fonctions; dans ce but des organes communs peuvent également être établis». Ces ententes sont souvent adoptées pour mener à bien des projets communs, en particulier ceux présentant une dimension transfrontière, tels que les projets en matière de santé, de transports, de passage au numérique des services publics, etc. Elles sont adoptées dans des secteurs qui ne relèvent pas de la compétence exclusive de l’État. Elles portent des noms différents, tels que conventions, protocoles, ou accords.
Les Länder (états fédérés) allemands se sont engagés dans une coordination verticale et horizontale en vue de résoudre des problèmes pratiques nécessitant généralement une coopération transrégionale temporaire ou permanente. La coopération horizontale entre et les Länder s’effectue à ce que l’on appelle un «troisième niveau» constitutionnel supplémentaire se situant entre la fédération et les Länder. Les conférences des ministres présidents des Länder ont lieu environ tous les trois mois afin d’examiner les demandes communes à adresser à la fédération, et les différents ministres des Länder se réunissent régulièrement pour examiner un large éventail de thèmes, y compris des projets de loi. La conférence des ministres présidents des Länder remplit diverses fonctions, dont celles de garant de la continuité des actions du gouvernement du Land malgré les majorités changeantes au Bundesrat (le Conseil fédéral allemand), d’instrument de contrôle vis-à-vis de la fédération et d’organe de surveillance des évolutions européennes, de centralisation (clearing house) pour divers pactes entre les Länder, et d’arbitre lors des réunions ministérielles des Länder. La règle de l’unanimité et la rotation de la présidence des conférences des ministres présidents décourage les approches fortement partisanes.
L’instrument juridique de coopération le plus répandu et le plus connu parmi les Länder est le pacte interétatique. Il ne repose ni sur la législation fédérale ni sur celle du Land, mais plutôt sur le «droit coutumier coopératif» (Kooperationsgewohnheitsrecht) qui existe entre la fédération et les Länder au «troisième niveau». Il existe deux formes de pacte: l’«accord administratif» et le «contrat d’État». La différence est que le premier est réservé aux autorités exécutives des Länder, tandis que le second, le contrat d’État, lie les Länder en tant que tels et doit être approuvé par les parlements des Länder, comme les pactes qui établissent certains réseaux de radiodiffusion et de télévision publics et leurs redevances d’écoute et de visionnage ou le pacte qui réglemente la répartition des étudiants entre les différentes universités. Les pactes peuvent concerner tous les Länder, ou seulement certains d’entre eux.
Outre les accords formels juridiquement contraignants, il existe une «entente politique» (politische Absprache), qui résulte généralement d’une conférence des ministres des Länder traitant de questions de politique d’importance supranationale. Par exemple, la Conférence permanente des ministres de l’éducation et des affaires culturelles des Länder de la République fédérale d'Allemagne réunit les ministres et les sénateurs des Länder responsables de l’éducation et de la formation, de l’enseignement supérieur et de la recherche ainsi que des affaires culturelles. Cet organe adopte des décisions qui ont le statut de recommandations. Ces «ententes» ne sont pas juridiquement contraignantes, mais elles sont considérées comme politiquement et moralement contraignantes.
À l'extérieur de l’Union
La coopération intergouvernementale est une notion qui se manifeste à des degrés divers et dans des configurations différentes dans un certain nombre d’États fédéraux qui ne font pas partie de l’Union européenne. Le rapporteur a examiné en particulier le cas des États-Unis, de la Suisse, de l’Australie et du Canada.
États-Unis d’Amérique
Le système politique et juridique américain prévoit plusieurs formes de coopération flexible entre les États, comme les pactes interétatiques, les lois uniformes et les protocoles d’accord, qui pourraient s’apparenter à une coopération renforcée au sein de l’Union européenne. Toutefois, en raison de la nature différente du fédéralisme américain (fédéralisme concurrentiel), les domaines d’action régis par les accords interétatiques sont très différents de ceux dans lesquels une coopération renforcée est le plus susceptible d’être utilisée au sein de l’Union européenne. Aux États-Unis, un grand nombre des pactes interétatiques concernent des politiques liées au marché intérieur, comme la fiscalité, la reconnaissance mutuelle des qualifications et l’accès à des infrastructures partagées (voies navigables, métro et transports). L’objectif général est de faciliter la vie des citoyens et des entreprises sans passer par le niveau fédéral, dont les délais de réglementation sont trop longs. Certains pactes interétatiques sont établis au niveau national, ce qui signifie que tous les États y participent mais que le niveau fédéral n’est pas impliqué. Les pactes sont généralement préférés parce qu’ils permettent d’obtenir le résultat attendu plus rapidement que si le niveau fédéral était impliqué.
Au contraire, l’Union européenne a déjà atteint un degré d’harmonisation important en ce qui concerne les règles du marché intérieur et les domaines dans lesquels se dessine une coopération renforcée sont les domaines les plus controversés sur le plan politique et pour lesquels un accord unanime entre tous les États membres ne peut être obtenu. De nombreux domaines dans lesquels l’Union européenne met en place des coopérations renforcées à l’heure actuelle, tels que la CSP et le Parquet européen, relèvent de la compétence fédérale dans le système américain.
En ce qui concerne la position des pactes interétatiques et de la coopération renforcée dans l’ordre juridique, les pactes interétatiques sont des accords conclus entre les États et ne constituent pas des lois fédérales. Cependant, ces pactes ont valeur de loi fédérale lorsque le Congrès juge nécessaire de les valider, ce qui arrive régulièrement. Dans le cas de la coopération renforcée au sein de l’Union, en revanche, toutes les législations adoptées dans le cadre de cette procédure acquièrent le statut de législation de l’Union.
Les pactes interétatiques semblent également être très flexibles: les membres du pacte peuvent varier, et l’ajout et le retrait d’États, ainsi que l’expulsion de certains d’entre eux, est une pratique normale.
Il est néanmoins possible d’établir certains parallèles entre les deux systèmes. Par exemple, lesdites lois uniformes semblent très semblables aux cas de coopération renforcée de l’Union européenne en matière de loi applicable au divorce et de règles applicables aux régimes matrimoniaux, tandis que la taxe sur les transactions financières pourrait s’apparenter, si elle aboutissait un jour, à l’un de pactes interétatiques liés à la fiscalité.
Cependant, l’exemple américain des formes de coopération interétatique est susceptible d’inspirer l’organisation pratique des coopérations renforcées au sein de l’Union européenne. La création d’une commission spéciale chargée de suivre les domaines dans lesquels une coopération renforcée pourrait être mise en place à l’avenir pourrait être particulièrement bénéfique. Aux États-Unis, la National Governors’ Association (association nationale des gouverneurs), la Uniform Law Commission (commission des lois uniformes) et le National Centre for Interstate Compacts (centre national des pactes interétatiques) se chargent de rechercher activement des domaines dans lesquels une coopération interétatique pourrait être fructueuse. De plus, les pactes interétatiques ont généralement un contenu très détaillé, et des règlements qui régissent le fonctionnement quotidien du pacte sont adoptés suite à l’obtention de l’accord politique. Cela pourrait également être appliqué à des futurs cas de coopération renforcée: des règles de procédure, qui déterminent avec précision le processus décisionnel, le fonctionnement, l’administration et le budget d’un cas de coopération renforcée après son lancement.
Canada
Au Canada, les relations intergouvernementales sont dominées par le pouvoir exécutif, et la constitution canadienne ne contient pas de disposition spécifique sur la coopération intergouvernementale entre les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral. En outre, le rôle des parlements dans la coopération intergouvernementale est presque inexistant.
Les relations intergouvernementales sont institutionnalisées dans le cadre des réunions des premiers ministres (avec le premier ministre) et du Conseil de la fédération (sans le premier ministre). Cependant, ces instances ne semblent pas créer de législation intergouvernementale contraignante. Des concordats officiels ou officieux existent au Canada mais ils ne sont que suggestifs et ne lient pas juridiquement les parties contractantes.
L’une des particularités du système canadien réside dans la possibilité, pour une province, de ne pas participer à un programme fédéral-provincial à coûts partagés ou de ne pas accepter des modifications constitutionnelles futures qui transféreraient les pouvoirs législatifs des assemblées législatives provinciales au Parlement. En vertu de la loi constitutionnelle de 1982, une compensation financière est garantie aux provinces qui refusent des modifications relatives à l’éducation ou à d’autres questions culturelles. De fait, le Québec a déjà obtenu des dérogations à de grands programmes depuis 1965, tels que l’assurance hospitalisation, la formation professionnelle, la santé publique et l’aide aux personnes âgées et handicapées, grâce à la loi sur les programmes établis (Established Programs Act).
Suisse
L’article 48 de la Constitution suisse confère aux cantons le droit de conclure des «accords intercantonaux». Les concordats constituent la forme de coopération intercantonale la plus importante. Ils sont utilisés pour mettre en œuvre une législation existante ou pour mettre en place et harmoniser la législation et la réglementation dans l’ensemble des cantons. Chaque concordat doit suivre le processus législatif des cantons participants et est considéré comme une loi d’interaction contraignante.
Les conférences intercantonales, qui sont des forums permanents pour les relations intergouvernementales où les membres du conseil des gouverneurs responsable de certains domaines dans chaque canton se rencontrent pour échanger leurs points de vue, sont une autre forme de coopération horizontale. Parmi ces conférences figure, par exemple, la conférence des gouvernements cantonaux, mise en place principalement pour influencer les politiques concernant les relations internationales, et en particulier l’intégration européenne.
Australie
Outre les accords intergouvernementaux entre les provinces, qui sont des instruments importants et flexibles destinés à régler les problèmes pour lesquels les autorités fédérales et sous-fédérales disposent de certains pouvoirs, les provinces australiennes recourent souvent à la pratique dite de la «législation miroir». Fondamentalement, cela signifie qu’un État peut adopter une législation en suivant la procédure législative habituelle applicable au niveau des États et, lorsque cette législation a été adoptée, elle est directement applicable dans tout autre État souhaitant l’adopter.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN
sur la mise en œuvre des dispositions du traité concernant la coopération renforcée
Le Parlement européen,
– vu les dispositions du traité concernant la coopération renforcée, en particulier l’article 20, l’article 42, paragraphe 6, et les articles 44, 45 et 46 du traité sur l’Union européenne, ainsi que les articles 82, 83, 86, 87, 187 et 188 et les articles 326 à 334 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
– vu les dispositions du traité relatives aux autres formes d’intégration différenciée existantes, notamment les articles 136, 137 et 138 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne concernant les dispositions spécifiques aux États membres dont la monnaie est l’euro,
– vu le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire,
– vu le protocole nº 10 sur la coopération structurée permanente établie par l’article 42 du traité sur l’Union européenne, le protocole nº 14 sur l’Eurogroupe et le protocole nº 19 sur l’acquis de Schengen, intégrés dans le cadre de l’Union européenne,
– vu sa résolution du 16 février 2017 sur l’amélioration du fonctionnement de l’Union européenne en mettant à profit le potentiel du traité de Lisbonne[1],
– vu sa résolution du 16 février 2017 sur les évolutions et adaptations possibles de la structure institutionnelle actuelle de l’Union européenne[2],
– vu sa résolution du 16 février 2017 sur la capacité budgétaire de la zone euro[3],
– vu sa résolution du 16 mars 2017 sur les conséquences constitutionnelles, juridiques et institutionnelles de la politique de sécurité et de défense commune: possibilités offertes par le traité de Lisbonne[4],
– vu sa résolution du 17 janvier 2019 sur l’intégration différenciée[5],
– vu le livre blanc de la Commission du 1er mars 2017 [COM(2017)2025] et les cinq documents de réflexion ultérieurs [COM(2017)0206), COM(2017)0240, COM(2017)0291, COM(2017)0315, COM(2017)0358],
– vu la déclaration de Rome du 25 mars 2017,
– vu l’article 52 de son règlement intérieur ainsi que l’article 1er, paragraphe 1, point e), et l’annexe 3 de la décision de la conférence des présidents du 12 décembre 2002 sur la procédure d’autorisation pour l’élaboration de rapports d’initiative,
– vu le rapport de la commission des affaires constitutionnelles et l’avis de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (A8-0038/2019),
A. considérant que l’Union a un intérêt particulier à mettre en œuvre une coopération renforcée dans certains domaines ne relevant pas de sa compétence exclusive afin de faire avancer le projet européen et de faciliter la vie des citoyens;
B. considérant que, conformément à l’article 20, paragraphe 2, du traité UE, les coopérations renforcées sont considérées comme une mesure de dernier ressort lorsque les objectifs d’une coopération ne peuvent être atteints dans un délai raisonnable par l’Union dans son ensemble;
C. considérant que la coopération renforcée ne devrait pas être considérée comme un instrument d’exclusion ou de division des États membres, mais comme une solution pragmatique pour faire progresser l’intégration européenne;
D. considérant que le caractère sensible de certains domaines d’action empêche de suivre la procédure législative ordinaire, non seulement en raison de l’exigence d’unanimité, mais aussi du fait de la pratique bien établie au sein du Conseil de toujours rechercher un consensus entre les États membres, même lorsqu’une majorité qualifiée serait suffisante pour prendre une décision;
E. considérant qu’à l’exception de la taxe sur les transactions financières, toutes les initiatives de coopérations renforcées auraient pu être adoptées au Conseil à la majorité qualifiée si cette règle avait été prévue en lieu et place de l’unanimité;
F. considérant qu’il existe un certain nombre de cas dans lesquels des sous-groupes d’États membres mettent en œuvre des coopérations bilatérales ou multilatérales entre eux en dehors du cadre du traité, dans des domaines tels que la défense, par exemple; que les pressions exercées par la crise économique et monétaire, imposant de prendre des décisions rapides et de surmonter l’exigence d’unanimité dans certains domaines, ont conduit à l’adoption d’instruments intergouvernementaux en dehors du cadre juridique de l’Union, comme le mécanisme européen de stabilité et le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG ou pacte budgétaire);
G. considérant que la coopération renforcée est une procédure par laquelle au moins neuf États membres sont habilités à mettre en place une coopération plus étroite dans un domaine relevant des structures de l’Union, sans que les États membres restants y soient associés; que ce mécanisme permet aux États membres participants de mener à bien une initiative ou un objectif communs et de pallier l’enlisement éventuel des négociations ou leur obstruction par un ou plusieurs autres États membres lorsque l’unanimité est requise; qu’en vertu de l’article 20, paragraphe 4, du traité sur l’Union européenne, les actes adoptés dans le cadre d’une coopération renforcée ne lient que les États membres participants; que la coopération renforcée se limite aux domaines à l’égard desquels l’Union n’exerce pas de compétence exclusive;
H. considérant qu’en vertu de l’article 328, paragraphe 1, du traité FUE, la Commission et les États membres qui participent à une coopération renforcée veillent à promouvoir la participation du plus grand nombre possible d’États membres;
I. considérant que l’expérience montre que la coopération renforcée a donné des résultats satisfaisants concernant la loi applicable en matière de divorce[6], et qu’elle offre des perspectives intéressantes en ce qui concerne les règles applicables aux régimes matrimoniaux[7], le brevet européen à effet unitaire et le Parquet européen;
J. considérant que les premières expériences de coopération renforcée ont mis en évidence les difficultés d’application de cette notion, dues aux dispositions limitées qu’offrent les traités concernant sa mise en œuvre concrète ainsi qu’à l’absence d’un suivi adéquat de la part des institutions de l’Union;
K. considérant que l’examen de différents modèles fédéraux appliqués dans des États membres de l’Union européenne ainsi que dans des fédérations extérieures à l’Union a révélé que des mécanismes de coopération flexibles sont souvent utilisés par les entités sous-fédérales dans des domaines d’intérêt commun;
L. considérant que sans l’utilisation des clauses passerelles pour passer du vote à l’unanimité au vote à la majorité qualifiée au Conseil et en l’absence d’une réforme approfondie des traités, il semble possible que les États membres devront, à l’avenir, recourir aux dispositions concernant la coopération renforcée afin de résoudre des problèmes communs et de réaliser des objectifs communs;
M. considérant qu’il importe, en vue de la bonne application des coopérations renforcées, de dresser une liste des questions à aborder et d’adopter une feuille de route pour permettre le fonctionnement efficace de chacune d’entre elles selon l’esprit et la lettre des traités;
Observations principales
1. est préoccupé par le fait que, même si la coopération renforcée offre une solution à un problème commun, en tirant parti de la structure institutionnelle de l’Union et en réduisant ainsi les coûts administratifs pour les États membres participants, elle n’a pas complètement éliminé la nécessité de recourir à des solutions sous la forme de sous-groupes intergouvernementaux en dehors du cadre des traités, avec des conséquences négatives sur la cohérence du cadre juridique de l’Union, et empêche par conséquent l’exercice d’un contrôle démocratique approprié;
2. estime que le cadre institutionnel unique de l’Union devrait être préservé afin d’atteindre les objectifs communs qu’elle poursuit, sans saper le principe d’égalité de tous les citoyens; insiste pour que la méthode communautaire ou de l’Union soit respectée;
3. souligne que, contrairement aux traités intergouvernementaux, la coopération renforcée constitue un outil de résolution de problèmes à la fois juridique et approprié, car elle est fondée sur les dispositions du traité et fonctionne dans le cadre de la structure institutionnelle de l’Union;
4. souligne que si, en raison de son caractère de mesure de dernier ressort, la coopération renforcée n’a pas été beaucoup utilisée depuis sa mise en place par le traité d’Amsterdam, elle semble gagner en importance et donner des résultats tangibles;
5. constate que, d’après l’expérience acquise, les coopérations renforcées se développent le plus souvent dans des domaines régis par une procédure législative spéciale exigeant un vote à l’unanimité et sont principalement utilisées dans le domaine de la justice et des affaires intérieures;
6. souligne que la procédure d’adoption et de mise en œuvre des coopérations renforcées est relativement longue, notamment en raison du manque de précision de la définition du délai raisonnable au-delà duquel le seuil de votes nécessaire est réputé comme ne pouvant être atteint ainsi que de l’absence d’une volonté politique forte d’avancer plus rapidement;
7. note que l’absence de lignes directrices opérationnelles claires pour la création et l’administration d’une coopération renforcée, par exemple le droit applicable aux institutions communes ou les procédures de retrait d’une coopération existante, aurait pu rendre moins probable la conclusion de telles coopérations;
8. rappelle que, bien que la coopération renforcée s’appuie sur l’ordre juridique et institutionnel de l’Union, son intégration automatique à l’acquis n’est pas prévue;
9. estime que, bien que la coopération renforcée soit considérée comme une solution de second ordre, elle n’en demeure pas moins un outil viable permettant de résoudre des problèmes à l’échelle de l’Union ainsi qu’un moyen de surmonter certaines impasses institutionnelles;
10. est d’avis qu’il est nécessaire de répondre à un même ensemble de questions pour mettre en œuvre et organiser efficacement une coopération renforcée, quel que soit le domaine d’action concerné ou la forme qu’elle revêt;
Recommandations
11. propose, dès lors, de répondre à un certain nombre de questions et de suivre la feuille de route décrite ci-dessous afin de garantir la mise en œuvre harmonieuse et efficace des coopérations renforcées;
Processus de prise de décision
12. souligne que l’impulsion politique en faveur d’une coopération renforcée devrait émaner des États membres, mais que les discussions sur son contenu devraient s’appuyer sur une proposition de la Commission;
13. rappelle que l’article 225 du traité FUE donne au Parlement le droit d’initiative quasi législative, ce qui doit être interprété comme une possibilité pour le Parlement d’amorcer une coopération renforcée sur la base d’une proposition de la Commission pour laquelle il a été impossible d’aboutir à un accord au sein du Conseil selon la procédure décisionnelle habituelle dans le cadre du mandat de deux présidences consécutives du Conseil;
14. estime que les objectifs de la coopération doivent être considérés comme irréalisables par l’Union dans son ensemble, tel que l’exige le libellé de l’article 20 du traité UE, si durant une période couvrant deux présidences consécutives du Conseil, aucune avancée substantielle n'a été enregistrée au Conseil;
15. recommande que les demandes d’États membres souhaitant instaurer entre eux une coopération renforcée soient par principe fondées sur des objectifs au moins aussi ambitieux que ceux présentés par la Commission avant qu’il soit établi qu’ils ne peuvent être atteints dans un délai raisonnable par l’Union dans son ensemble;
16. recommande vivement que la clause passerelle spéciale inscrite à l’article 333 du traité FUE soit activée afin de passer du vote à l’unanimité au vote à la majorité qualifiée, et de la procédure législative spéciale à la procédure législative ordinaire, dès l’approbation par le Conseil d’un accord sur le lancement d’une coopération renforcée, afin d’éviter de nouveaux blocages si le nombre d’États membres participants est important;
17. juge nécessaire que la décision autorisant une coopération renforcée précise le cadre des relations avec les États membres non participants; estime que les États membres qui ne participent pas à une coopération renforcée devraient néanmoins être associés aux délibérations concernant le sujet sur lequel elle porte;
18. rappelle que les secrétariats de la Commission et du Conseil ont tous deux un rôle important à jouer pour faire en sorte que les États membres qui ne participent pas à la coopération renforcée ne soient pas laissés pour compte d’une manière qui entrave leur participation à un stade ultérieur;
Administration
19. recommande à la Commission de jouer un rôle actif à toutes les étapes de la coopération renforcée, depuis sa proposition jusqu’à sa mise en œuvre, y compris dans les délibérations qui s’y rapportent;
20. affirme que l’unité des institutions européennes doit être maintenue et qu’une coopération renforcée ne devrait pas conduire à la création d’arrangements institutionnels parallèles, mais qu’elle pourrait permettre la mise en place, le cas échéant, d’organes spécifiques au sein du cadre juridique de l’Union, sans préjudice des compétences et du rôle des institutions et organes de celle-ci;
Contrôle parlementaire
21. rappelle que le Parlement doit assurer le contrôle parlementaire des coopérations renforcées; plaide pour une participation plus active des parlements nationaux et, dans les États membres concernés, des parlements régionaux au contrôle démocratique des coopérations renforcées, aux côtés du Parlement européen, lorsque ces coopérations s’appliquent à des domaines relevant de leurs compétences communes; souligne qu’il est possible, si nécessaire et sans porter atteinte aux pouvoirs du Parlement, de mettre en place un forum interparlementaire semblable, par exemple, à la conférence interparlementaire prévue à l’article 13 du TSCG ou à la conférence interparlementaire pour la politique extérieure et de sécurité commune et la politique de sécurité et de défense commune;
22. souligne la nécessité pour les États membres participant à une coopération renforcée d’intégrer les régions qui disposent de pouvoirs législatifs dans les domaines qui les concernent, afin de respecter la répartition interne des compétences et de renforcer la légitimité sociale de cette coopération;
23. recommande que le Parlement joue un rôle plus important dans les coopérations renforcées, en proposant à la Commission de nouvelles formes de coopération en vertu de l’article 225 du traité FUE, et via des propositions de suivi ou la coopération existante; exprime sa conviction que le Parlement devrait être associé à tous les stades de la procédure de la coopération renforcée, plutôt que d’être seulement invité à donner son approbation, qu’il devrait recevoir des bilans réguliers de cette coopération et qu’il devrait pouvoir formuler des observations sur son déroulement;
24. demande au Conseil d’examiner, avec le Parlement, la question d’une future procédure de coopération renforcée, avant de demander l’approbation du Parlement concernant le texte final, afin de garantir une coopération optimale entre les colégislateurs de l’Union;
25. déplore cependant qu’en dépit de l’approche constructive et mesurée adoptée par le Parlement au sujet de la procédure de coopération renforcée, le Conseil n’ait pas fait preuve d’une réelle volonté d’entrer en contact avec lui avant de lui demander son approbation concernant le texte négocié final;
26. estime nécessaire que le Parlement améliore son organisation interne au sujet des coopérations renforcées; estime à cette fin que chaque coopération renforcée devrait faire l’objet d’un suivi par la commission permanente compétente du Parlement et recommande que le règlement intérieur autorise la mise en place de sous-commissions ad hoc dont seraient membres de plein droit et prioritairement les députés élus dans les États membres qui participent à ces coopérations;
Budget
27. estime que les dépenses de fonctionnement liées à une coopération renforcée devraient être à la charge des États membres participants et que, si ces coûts sont supportés par le budget de l’Union, les États membres non participants devraient être remboursés, sauf si le Conseil décide, après avoir consulté le Parlement et conformément à l’article 332 du traité FUE, que la coopération devrait être financée par le budget de l’Union, en y intégrant par conséquent les dépenses qu’elle occasionne et en les soumettant à la procédure budgétaire annuelle;
28. considère que, si l’activité réglementée par une coopération renforcée génère des recettes, celles-ci devraient être affectées à la couverture des dépenses de fonctionnement découlant de cette coopération;
Compétence
29. estime que la coopération renforcée devrait être soumise à la compétence directe de la Cour de justice de l’Union européenne, sans préjudice de la possibilité de créer une procédure d’arbitrage ou un tribunal de règlement des litiges au stade de la première instance, qui pourraient être nécessaires au fonctionnement d’un cas particulier de coopération renforcée, sauf disposition contraire du traité, ce qui devrait être précisé dans l’acte juridique instaurant la coopération;
30. souligne que si une coopération renforcée nécessite la mise en place d’un mécanisme d’arbitrage spécifique ou d’un tribunal spécial, l’organe d’arbitrage en dernier ressort devrait toujours être la Cour de justice de l’Union européenne;
Adaptation à la structure institutionnelle de l’Union
31. propose la création d’une unité spéciale sur les coopérations renforcées au sein de la Commission, sous la direction du commissaire aux relations interinstitutionnelles, afin de coordonner et de rationaliser la mise en place institutionnelle d’initiatives de coopération renforcée;
32. estime qu’il est nécessaire que les secrétariats de la Commission et du Conseil soient dotés d’un rôle plus actif dans le cadre de la coopération renforcée, et propose dès lors qu’ils recherchent activement, en coopération avec le Comité des régions, et notamment sa plate-forme sur les groupements européens de coopération territoriale (GECT), des domaines dans lesquels une coopération renforcée pourrait être utile en vue de faire avancer le projet européen, ou des domaines proches des formes de coopération renforcée existantes, afin d’éviter des chevauchements ou des contradictions;
Retrait ou expulsion d’États membres
33. souligne que les traités ne contiennent aucune disposition concernant la possibilité, pour des États membres, de se retirer d’une coopération renforcée ou d’en être expulsés, à l’exception de la coopération structurée permanente;
34. estime que des règles claires devraient être prévues dans toutes les coopérations renforcées pour encadrer le retrait d’un État membre qui ne souhaite plus participer et l’expulsion d’un État membre qui ne remplit plus les conditions de participation à la coopération renforcée; recommande que les modalités du retrait ou de l’expulsion éventuelle d’un État membre soient précisées dans l’acte instaurant la coopération renforcée;
Recommandations pour l’évolution future de la coopération renforcée
35. estime qu’il est nécessaire d’élaborer une procédure en vue de l’autorisation accélérée d’une coopération renforcée dans des domaines de grande importance politique, devant être achevée dans un délai inférieur à celui correspondant à deux présidences consécutives du Conseil;
36. exhorte les États membres participant à une coopération renforcée à œuvrer en faveur de l’intégration des coopérations renforcées à l’acquis de l’Union;
37. invite la Commission européenne à proposer un règlement fondé sur l’article 175, troisième alinéa, ou sur l’article 352 du traité FUE afin de simplifier et d’unifier le cadre juridique applicable aux coopérations renforcées (par exemple les principes directeurs sur la loi applicable aux institutions communes ou le retrait d’un État membre) et de faciliter ainsi la conclusion de ces coopérations;
38. suggère d’explorer, à l’occasion de la prochaine révision des traités, la possibilité pour les régions ou entités infranationales de jouer un rôle dans les coopérations renforcées lorsque ces dernières concernent un domaine de compétence exclusive de l’échelon en question, dans le respect des Constitutions nationales;
°
° °
39. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission et aux parlements nationaux.
- [1] JO C 252 du 18.7.2018, p. 215.
- [2] JO C 252 du 18.7.2018, p. 201.
- [3] JO C 252 du 18.7.2018, p. 235.
- [4] JO C 263 du 25.7.2018, p. 125.
- [5] Textes adoptés de cette date, P8_TA(2019)0044.
- [6] Règlement (UE) nº 1259/2010 du Conseil du 20 décembre 2010 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps (JO L 343, du 29.12.2010, p. 10).
- [7] Règlement (UE) 2016/1103 du Conseil du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l'exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux (JO L 167, du 4.7.2018, p. 36).
AVIS de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (11.1.2019)
à l’intention de la commission des affaires constitutionnelles
sur la mise en œuvre des dispositions du traité concernant la coopération renforcée
(2018/2112(INI))
Rapporteur pour avis: Tomáš Zdechovský
SUGGESTIONS
La commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures invite la commission des affaires constitutionnelles, compétente au fond, à incorporer dans la proposition de résolution qu’elle adoptera les suggestions suivantes:
A. considérant que l’article 86 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traité FUE) offre une base officielle explicite pour la création d’un Parquet européen et définit la procédure législative applicable et l’instrument ainsi que le champ d’application et la compétence du futur Parquet européen;
B. considérant qu’il importe que l’Union et tous ses États membres fassent preuve d’efficacité et de dissuasion pour détecter la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union et engager des poursuites en la matière, afin de protéger les intérêts des contribuables de tous les États membres qui participent au budget de l’Union;
C. considérant que l’article 86 du traité FUE prévoit explicitement la possibilité d’une coopération renforcée en cas de désaccord;
D. considérant que la coopération renforcée est une procédure par laquelle au moins neuf États membres sont habilités à mettre en place une coopération renforcée dans un domaine relevant des structures de l’Union, sans que les États membres restants y soient associés; que la coopération renforcée permet aux États membres participants de mener à bien une initiative ou un objectif communs et de pallier l’enlisement éventuel des négociations ou leur obstruction par un ou plusieurs autres États membres lorsque l’unanimité est requise; qu’en vertu de l’article 20, paragraphe 4, du traité sur l’Union européenne, les actes adoptés dans le cadre d’une coopération renforcée ne lient que les États membres participants; considérant que la coopération renforcée se limite aux domaines à l’égard desquels l’Union n’exerce pas de compétence exclusive;
E. considérant qu’en vertu de l’article 328, paragraphe 1, du traité FUE, la Commission et les États membres qui participent à une coopération renforcée veillent à promouvoir la participation du plus grand nombre possible d’États membres;
1. réaffirme son soutien résolu à la création d’un Parquet européen efficace et indépendant, afin de coordonner les efforts répressifs sporadiques actuellement déployés à l’échelle nationale pour protéger le budget de l’Union et de renforcer la lutte contre la fraude dans l’Union européenne;
2. rappelle que le Parlement a adopté trois résolutions sur la création du Parquet européen, le 29 avril 2015[1], le 5 octobre 2016[2] et le 5 octobre 2017[3]; reconnaît qu’une grande partie des préoccupations du Parlement, telles qu’exprimées dans ces résolutions, ont été prises en compte, dans une certaine mesure, dans le texte négocié final adopté par le Conseil; demande au Conseil d’examiner, avec le Parlement, la question d’une future procédure de coopération renforcée, avant de demander l’approbation du Parlement concernant le texte final, afin de garantir une coopération optimale entre les colégislateurs de l’Union;
3. déplore cependant qu’en dépit de l’approche constructive et mesurée adoptée par le Parlement au sujet de la procédure de coopération renforcée, le Conseil n’ait pas fait preuve d’une réelle volonté d’entrer en contact avec le Parlement avant de lui demander son approbation concernant le texte négocié final;
4. salue le fait que 22 États membres participent déjà à une procédure de coopération renforcée concernant le Parquet européen, et rappelle la nature inclusive de ce dernier; encourage les États membres non participants à rejoindre cette coopération le plus rapidement possible, en vue d’améliorer l’efficacité du Parquet;
5. relève qu’une fois la phase de mise en place de trois ans achevée, le Parquet devrait assurer ses fonctions d’ici la fin de l’année 2020, rendant prématurée toute évaluation de sa mise en œuvre à ce stade;
6. souligne que la mise en place du Parquet européen requerra une coopération efficace et performante entre les parquets nationaux et le Parquet européen, ainsi qu’avec les agences de l’Union, comme l’Office européen de la lutte antifraude (OLAF) et Eurojust;
7. suit de très près toutes les mesures prises jusqu’ici pour d’établir le Parquet européen, y compris les mesures de mise en œuvre en vue de la sélection et de la nomination du chef du Parquet européen et des procureurs européens, ainsi que les mesures budgétaires;
8. invite la Commission à le tenir régulièrement et pleinement informé, à toutes les étapes du processus, de la mise en œuvre et du développement institutionnel du Parquet en vue de l’élargissement possible de son mandat, de façon à y inclure la lutte contre le terrorisme transfrontière;
9. se félicite du fait que 18 États membres participeront à une coopération renforcée concernant les régimes matrimoniaux et les partenariats enregistrés, applicable à compter du 29 janvier 2019; souligne la nécessité de protéger les droits fondamentaux, y compris le droit au respect de la vie privée et familiale et l’interdiction des discriminations.
INFORMATIONS SUR L’ADOPTIONPAR LA COMMISSION SAISIE POUR AVIS
Date de l’adoption |
10.1.2019 |
|
|
|
|
Résultat du vote final |
+: –: 0: |
36 6 3 |
|||
Membres présents au moment du vote final |
Asim Ademov, Martina Anderson, Heinz K. Becker, Monika Beňová, Michał Boni, Caterina Chinnici, Rachida Dati, Frank Engel, Laura Ferrara, Romeo Franz, Ana Gomes, Nathalie Griesbeck, Sylvie Guillaume, Monika Hohlmeier, Sophia in ‘t Veld, Cécile Kashetu Kyenge, Monica Macovei, Roberta Metsola, Claude Moraes, Ivari Padar, Judith Sargentini, Birgit Sippel, Csaba Sógor, Helga Stevens, Traian Ungureanu, Bodil Valero, Marie-Christine Vergiat, Udo Voigt, Josef Weidenholzer, Cecilia Wikström, Kristina Winberg, Tomáš Zdechovský, Auke Zijlstra |
||||
Suppléants présents au moment du vote final |
Dennis de Jong, Anna Hedh, Lívia Járóka, Marek Jurek, Jean Lambert, Jeroen Lenaers, Andrejs Mamikins, Angelika Mlinar, Maite Pagazaurtundúa Ruiz, Christine Revault d’Allonnes Bonnefoy |
||||
Suppléants (art. 200, par. 2) présents au moment du vote final |
Fernando Ruas, Adam Szejnfeld |
||||
VOTE FINAL PAR APPEL NOMINALEN COMMISSION SAISIE POUR AVIS
36 |
+ |
|
ALDE |
Nathalie Griesbeck, Sophia in ‘t Veld, Angelika Mlinar, Maite Pagazaurtundúa Ruiz, Cecilia Wikström |
|
EFDD |
Laura Ferrara |
|
PPE |
Asim Ademov, Heinz K. Becker, Michał Boni, Rachida Dati, Frank Engel, Monika Hohlmeier, Lívia Járóka, Jeroen Lenaers, Roberta Metsola, Fernando Ruas, Csaba Sógor, Adam Szejnfeld, Traian Ungureanu, Tomáš Zdechovský |
|
S&D |
Monika Beňová, Caterina Chinnici, Ana Gomes, Sylvie Guillaume, Anna Hedh, Cécile Kashetu Kyenge, Andrejs Mamikins, Claude Moraes, Ivari Padar, Christine Revault d’Allonnes Bonnefoy, Birgit Sippel, Josef Weidenholzer |
|
VERTS/ALE |
Romeo Franz, Jean Lambert, Judith Sargentini, Bodil Valero |
|
6 |
- |
|
ECR |
Marek Jurek, Monica Macovei, Helga Stevens, Kristina Winberg |
|
ENF |
Auke Zijlstra |
|
NI |
Udo Voigt |
|
3 |
0 |
|
GUE/NGL |
Martina Anderson, Dennis de Jong, Marie-Christine Vergiat |
|
Légende des signes utilisés:
+ : pour
- : contre
0 : abstention
INFORMATIONS SUR L’ADOPTIONPAR LA COMMISSION COMPÉTENTE AU FOND
Date de l’adoption |
22.1.2019 |
|
|
|
|
Résultat du vote final |
+: –: 0: |
18 2 2 |
|||
Membres présents au moment du vote final |
Gerolf Annemans, Mercedes Bresso, Pascal Durand, Esteban González Pons, Danuta Maria Hübner, Ramón Jáuregui Atondo, Alain Lamassoure, Jo Leinen, Maite Pagazaurtundúa Ruiz, Markus Pieper, Paulo Rangel, Helmut Scholz, György Schöpflin, Pedro Silva Pereira, Barbara Spinelli, Josep-Maria Terricabras, Kazimierz Michał Ujazdowski |
||||
Suppléants présents au moment du vote final |
Pervenche Berès, Ashley Fox, Sylvia-Yvonne Kaufmann |
||||
Suppléants (art. 200, par. 2) présents au moment du vote final |
Michael Gahler, Jarosław Wałęsa |
||||
VOTE FINAL PAR APPEL NOMINALEN COMMISSION COMPÉTENTE AU FOND
18 |
+ |
|
ALDE |
Maite Pagazaurtundúa Ruiz |
|
NI |
Kazimierz Michał Ujazdowski |
|
PPE |
Michael Gahler, Esteban González Pons, Danuta Maria Hübner, Alain Lamassoure, Markus Pieper, Paulo Rangel, György Schöpflin, Jarosław Wałęsa |
|
S&D |
Pervenche Berès, Mercedes Bresso, Ramón Jáuregui Atondo, Sylvia Yvonne Kaufmann, Jo Leinen, Pedro Silva Pereira |
|
VERTS/ALE |
Pascal Durand, Josep Maria Terricabras |
|
2 |
- |
|
ECR |
Ashley Fox |
|
ENF |
Gerolf Annemans |
|
2 |
0 |
|
GUE/NGL |
Helmut Scholz, Barbara Spinelli |
|
Légende des signes utilisés:
+ : pour
- : contre
0 : abstention