PROPOSITION DE RÉSOLUTION
8.2.2006
conformément à l'article 103, paragraphe 2, du règlement
par Angelika Beer, Daniel Marc Cohn-Bendit, Monica Frassoni, Rebecca Harms, Joost Lagendijk, Raül Romeva i Rueda et Claude Turmes
au nom du groupe Verts/ALE
sur l'Iran
B6‑0106/2006
Résolution du Parlement européen sur l'Iran
Le Parlement européen,
– vu l'accord conclu à Paris le 29 novembre 2004 entre la République islamique d'Iran (Iran) et le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne (E3) et vu la décision de l'Iran, du 1er août 2005, de reprendre ses activités de conversion de l'uranium en violation des dispositions de l'accord de Paris,
– vu la résolution adoptée par le Conseil des gouverneurs de l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique) le 11 août 2005 invitant instamment l'Iran à rétablir la suspension totale de toutes les activités liées à l'enrichissement et à autoriser le Directeur général de l'Agence à reposer les scellés qui avaient été retirés dans cette usine,
– vu la motion adoptée par le Parlement iranien (Majlis) le 28 septembre 2005, qui prévoit que le gouvernement suspende la mise en œuvre du protocole additionnel du TNP jusqu'à ce que Téhéran obtienne le droit d'opérer les activités se rattachant au cycle du combustible nucléaire;
– vu la résolution adoptée le 11 janvier 2006 par l'Assemblée générale lors de sa 60ème session sur le suivi des obligations en matière de désarmement nucléaire contractées à l’issue des conférences de 1995 et 2000 des parties au traité de non-prolifération des armes nucléaires,
– vu les conclusions du Conseil des relations extérieures du 31 janvier 2006,
– vu la déclaration du ministre des Affaires étrangères de la République islamique d'Iran du 1er février 2006,
– vu la résolution adoptée par le Conseil des gouverneurs de l'AIEA le 4 février 2006,
– vu l'article 103, paragraphe 2, de son règlement,
A. considérant que dans le cadre de la crise sur les ambitions nucléaires de l'Iran, l'E3/UE, pour tenter de désamorcer le conflit, a proposé à l'Iran un ensemble de concessions commerciales et de garanties en matière de fournitures nucléaires à la condition que l'Iran renonce à sa revendication portant sur le contrôle de l'ensemble des activités se rattachant au cycle du combustible nucléaire et considérant que l'Iran a rejeté cette offre comme insuffisante le 9 août 2005, au motif que ses expériences passées où les fournitures lui ont été refusées rendent indispensable l'indépendance nucléaire,
B. considérant que l'Iran a repris ses activités de conversion de l'uranium sur son site d'Ispahan le 8 août 2005 et a pris des mesures pour reprendre les activités d'enrichissement le 10 janvier 2006,
C. considérant que le 24 septembre 2005, le Conseil des gouverneurs de l'AIEA s'est rallié à la position de l'E3/USA et a adopté à la majorité une résolution sur l'Iran estimant que "les nombreux manquements de l’Iran et ses inobservations de son obligation de se conformer aux dispositions de son accord de garanties TNP, constituent une violation" du TNP,
D. considérant que la résolution de l'AIEA du 4 février 2006, qui relève "l'absence de confiance" dans le caractère pacifique du programme nucléaire iranien et déclare "qu'une politique de totale transparence de l’Iran est indispensable, et n’a que trop tardé, afin que l'Agence puisse élucider les questions en suspens", a été approuvée par 27 pays membres, y compris tous les membres du Conseil de sécurité ayant le droit de veto, tandis que 3 pays votaient contre et que 5 s'abstenaient,
E. considérant, cependant, que la même résolution rappelle également le "droit inaliénable de toutes les parties au Traité de développer la recherche, la production et l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques, sans discrimination" (article 4 du TNP) et considérant que les activités d'enrichissement nucléaire ne sont pas en contradiction avec le traité TNP,
F. considérant qu'en raison des carences du système international de non-prolifération, il n'a pas été possible d'empêcher l'Inde, le Pakistan, Israël et la Corée du Nord de développer une capacité d'armement nucléaire et considérant que l'Union européenne devrait élaborer des stratégies lui permettant de mettre fin à sa dépendance vis-à-vis de l'énergie nucléaire et fossile,
1. exprime sa profonde préoccupation face à l'escalade de la crise nucléaire avec l'Iran et condamne en particulier les propos menaçants du président Ahmadinejad à l'encontre d'Israël, qui augurent mal de la volonté du gouvernement iranien de jouer un rôle pacifique et constructif au Proche-Orient;
2. relève que dans sa résolution du 4 février 2006, le Conseil des gouverneurs de l'AIEA a décidé de renvoyer l'Iran devant le Conseil de sécurité en lui imposant une liste de conditions, notamment la suspension de toutes les activités liées à l'enrichissement et de retraitement;
3. prend acte des affirmations répétées de différents représentants du gouvernement iranien, y compris le président Ahmadinejad, selon lesquelles les armes nucléaires ne font pas partie des ambitions iraniennes en matière de défense et l'État iranien n'a aucune intention de développer des capacités d'armement nucléaire;
4. critique vivement la rencontre récente du président Ahmadinejad avec des représentants du Jihad islamique palestinien pendant son déplacement en Syrie et demande que l'Iran cesse immédiatement tout soutien à des groupes terroristes;
5. se félicite de la détermination du Conseil des gouverneurs à laisser la porte ouverte à une résolution diplomatique du dossier nucléaire iranien et souligne combien il importe que les inspecteurs de l'AIEA soient en mesure de poursuivre leurs travaux en Iran;
6. invite toutes les parties concernées à utiliser le temps qui reste avant la prochaine réunion du Conseil de l'AIEA, le 6 mars, pour trouver une solution négociée tenant compte des problèmes de sécurité des différents acteurs;
7. invite instamment le gouvernement et le parlement iraniens à adopter une attitude constructive à l'égard des mesures d’instauration de la confiance requises par l'AIEA; se félicite que l'Iran ait annoncé vouloir poursuivre les négociations et l'invite à autoriser la poursuite sans entrave des inspections de l'AIEA;
8. répète sa vive opposition à l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins civiles aussi bien que militaires, insiste sur l'impossibilité d'établir une distinction claire entre l'utilisation de la technologie nucléaire à des fins civiles ou militaires et souligne que la crise sur les ambitions nucléaires de l'Iran démontre clairement les conséquences dommageables de la politique mondiale mal orientée en matière d'énergie nucléaire, promue sous l'égide de l'AIEA;
9. invite l'Iran à tirer parti de ses énormes réserves d'énergie et du savoir-faire technologique dont dispose le pays de manière à investir dans le développement d'énergies renouvelables et dans l'utilisation moderne et rationnelle des énergies fossiles plutôt que de chercher à utiliser une énergie nucléaire coûteuse, peu sûre et archaïque;
10. souligne que le choix de sources d'énergie non nucléaires crée davantage de sûreté et de sécurité pour les citoyens en Iran et à l'étranger;
11. invite instamment le gouvernement iranien, dans un souci d'apaisement, à étudier sérieusement la proposition russe d'un enrichissement en commun de l'uranium sur le sol russe, éventuellement avec l'association de la Chine, et invite l'Union européenne à appuyer des propositions telles que celles du groupe d'experts de haut niveau des Nations unies relatives à une administration multilatérale de l'enrichissement de l'uranium, par exemple pour la région proche-orientale, la distribution étant placée sous le contrôle de l'AIEA;
12. répète que, de l'avis général, il ne peut y avoir de solution militaire à ce conflit et invite tous les pays, notamment les États-Unis et Israël, à s'abstenir de toute menace contre l'intégrité territoriale de l'Iran et à exclure sans ambiguïté toute frappe préventive; insiste sur le fait que les instances compétentes des Nations unies sont les seuls organes habilités à décider du recours à la force;
13. se félicite de la déclaration de Kofi Annan, Secrétaire général des Nations unies, selon laquelle il est nécessaire de négocier même en cas de renvoi de l'Iran devant le Conseil de sécurité;
14. se félicite du lien que la résolution de l'AIEA établit entre le dossier iranien et l'objectif d'une zone sans armes nucléaires au Proche-Orient et invite l'Union européenne et les États-Unis à présenter une stratégie globale de paix pour le Proche-Orient qui tienne compte des préoccupations de sécurité légitimes, tant d'Israël que de l'Iran, en incluant des garanties de sécurité pour les deux pays;
15. insiste sur le fait que la position de négociation de l'Union européenne pourrait être grandement renforcée si les États membres concernés proposaient des mesures sérieuses en vue de l'élimination progressive de leurs arsenaux et centrales nucléaires;
16. regrette profondément que toutes les tentatives auxquelles il a été procédé en 2005 pour obtenir des progrès dans le domaine du désarmement nucléaire, la révision du TNP et le sommet sur la réforme des Nations unies aient été des échecs complets et souligne que les États qui disposent de l'arme nucléaire et qui ont signé le TNP contreviennent à l'obligation de désarmement qui leur est faite en vertu du TNP;
17. regrette vivement la déclaration récente du Président Chirac, décrivant la force nucléaire de la France comme la preuve des capacités supérieures du pays ("l'image même de ce qu'est capable de produire notre pays quand il s'est fixé une tâche et qu'il s'y tient") et avertissant qu'elle pourrait être utilisée contre "les dirigeants d'États qui auraient recours à des moyens terroristes", ce qui encourage plus encore les pays à acquérir la bombe nucléaire;
18. condamne sévèrement les plans du gouvernement britannique visant à moderniser ses sous-marins lance-missiles Trident et la décision prise auparavant par le gouvernement français de remplacer son actuel missile nucléaire M-45 par le nouveau modèle M-51 d'ici 2010 de manière à renforcer sa force de frappe nucléaire et invite le Conseil européen à présenter une action commune prévoyant des mesures concrètes et montrant la façon dont les membres de l'Union européenne entendent satisfaire à l'obligation de désarmement qui leur incombe en vertu du TNP;
19. demeure très inquiet de la détérioration de la situation des droits de l'Homme en Iran, notamment du refus de la liberté d'opinion, des arrestations arbitraires, des aveux obtenus sous la contrainte, de la torture et de la peine de mort et demande à nouveau de libérer tous les prisonniers politiques, y compris Akbar Ganji et Abdolfattah Soltani; invite instamment l'Iran à reprendre sans retard le dialogue sur les droits de l'Homme;
20. condamne la récente violation des droits des travailleurs, quelque 500 employés de la régie des bus de Téhéran demeurant détenus sans inculpation ni procès après l'appel à la grève du 28 janvier du Syndicat des travailleurs de la régie des bus de Téhéran et de sa banlieue et demande leur libération immédiate et sans condition;
21. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au gouvernement de la République islamique d'Iran et au Directeur général de l'AIEA.