PROPOSITION DE RÉSOLUTION
15.5.2007
conformément à l'article 103, paragraphe 2, du règlement
par Filip Kaczmarek et Edward McMillan-Scott, au nom du groupe PPE-DE
Margrietus van den Berg, John Attard-Montalto et Libor Rouček, au nom du groupe PSE
Toomas Savi, Thierry Cornillet et Johan Van Hecke, au nom du groupe ALDE
Ryszard Czarnecki, Eoin Ryan, Adam Bielan et Michał Tomasz Kamiński, au nom du groupe UEN
Margrete Auken, au nom du groupe Verts/ALE
Vittorio Agnoletto, au nom du groupe GUE/NGL
sur les récentes élections au Nigeria
B6‑0201/2007
Résolution du Parlement européen sur les récentes élections au Nigeria
Le Parlement européen,
– vu la déclaration préliminaire sur les observations et conclusions présentées par la mission d'observation électorale de l'Union européenne en République fédérale du Nigeria, datée du 23 avril 2007,
– vu la déclaration de principes relative à l'observation internationale d'élections et le code de conduite à l'usage des observateurs électoraux internationaux, commémorés le 27 octobre 2005 au sein des Nations unies,
– vu la communication de la Commission (2000)191 final, du 11 avril 2004, sur les missions d'assistance et d'observation électorales de l'UE,
– vu l'article 103, paragraphe 2, de son règlement,
A. considérant que les élections présidentielles et fédérales au Nigeria, en 2007, sont demeurées très en-deçà des normes élémentaires internationales et régionales en matière d'élections démocratiques et ne sauraient être considérées comme crédibles, libres et équitables,
B. considérant que ces élections n'ont pas répondu aux espoirs et attentes du peuple nigérian, qui s'est engagé avec ardeur dans le processus électoral et a voté dans des circonstances souvent très difficiles, ce qui témoigne de sa forte détermination à exercer son droit de vote et à faire valoir ses droits démocratiques, malgré l'atmosphère d'insécurité et d'intimidation imposée aux électeurs dans de nombreuses régions,
C. considérant que la mission d'observation électorale de l'Union européenne est parvenue à la conclusion que les élections avaient été profondément marquées par une organisation médiocre, par un manque de transparence, par des irrégularités procédurales généralisées et des preuves considérables de fraude, surtout pendant le processus de dépouillement des résultats, par la privation du droit électoral à plusieurs niveaux du processus et par l'inégalité des conditions accordées aux candidats;
D. considérant que, loin de garantir le droit élémentaire des citoyens à voter librement, le gouvernement nigérian et les responsables du scrutin ont pris une part active à la fraude et aux actes de violence ou ont, pour le moins, ignoré les violations des droits de l'homme commises par les supporters du parti au pouvoir et d'autres partis,
E. considérant que, le jour de l'élection présidentielle, les bureaux de vote ont ouvert à une heure très tardive ou n'ont pas ouvert du tout, ont manqué de matériel et n'ont pu compter que sur un nombre insuffisant de responsables du scrutin, dont la plupart ne disposaient pas d'une formation appropriée,
F. considérant que le caractère secret du scrutin n'a pu, dans de nombreux cas, être garanti du fait de l'absence d'isoloirs et d'un médiocre agencement des bureaux de vote, que les procédures n'ont pu être correctement respectées, qu'un contrôle indépendant s'est trouvé partiellement entravé et que l'on a vu voter des personnes qui n'étaient pas en âge de le faire,
G. considérant que les observateurs de l'UE ont fait état d'irrégularités durant le processus de décompte et de dépouillement des bulletins, y inclus des cas de perturbation des opérations, d'absence de décompte et de divergences entre les résultats; que les résultats des bureaux de vote n'ont été rendus publics à aucun échelon de l'administration électorale, et ce à l'échelle du pays,
H. considérant que ces problèmes ont conduit à des actes de violence qui ont provoqué la mort d'au moins 50 personnes et fait de nombreux blessés tout au long de la journée de l'élection présidentielle, le 14 avril, la moitié des décès ayant été enregistrés dans la région du delta du Niger, ainsi qu'à une situation chaotique caractérisée, entre autres, par des cas de détournement d'urnes par des groupes de casseurs,
I. considérant qu'il aurait été possible de remédier à certaines des carences entre les scrutins du 14 et du 21 avril, et que des mesures concrètes auraient pu être adoptées par les partis politiques et par la police en vue d'instaurer un environnement pacifique et stable,
J. considérant que, le jour des élections fédérales, les observateurs de l'UE ont constaté des irrégularités du même ordre que le 14 avril, à savoir bourrage des urnes, falsification des résultats officiels, vol de matériel électoral sensible, achat de votes et votes par des personnes n'ayant pas l'âge requis,
K. considérant que les deux scrutins se sont traduits par une victoire écrasante du parti au pouvoir, le Parti démocratique populaire (PDP), avec, dans certains cas, 100% de tous les suffrages exprimés;
L. considérant que les partis politiques, la société civile et les médias ont fait état de graves préoccupations devant le déroulement des élections,
M. considérant que le "Transition Monitoring Group", qui constitue la plus importante organisation nationale d'observation des élections au Nigeria, a préconisé l'organisation d'un second scrutin présidentiel,
N. considérant que la commission électorale nationale indépendante n'était pas convenablement préparée pour les élections et n'a pas su inspirer confiance aux parties intéressées en termes de capacité et d'impartialité,
O. considérant que les phases préparatoires des élections ont révélé des défaillances en termes d'équité élémentaire pour l'opposition, de transparence, de listes électorales et de respect de l'État de droit, le président Olusegun Obasanjo ayant même voulu exclure certains candidats,
P. considérant que, si la présidence d'Obasanjo peut se prévaloir de réalisations impressionnantes et s'est faite le champion de la démocratie sur le continent africain, elle doit désormais consolider ces mesures positives et s'engager à organiser des élections libres et équitables, conformément aux normes internationales,
Q. considérant que les femmes demeurent sous-représentées en tant que candidates et au sein de l'administration électorale,
R. considérant que les élections législatives ont offert au pays la possibilité d'expérimenter, pour la première fois dans son histoire, la transition d'un pouvoir civil à un autre, ce qui aurait permis de consolider la démocratie,
S. considérant que, avec quelque 250 groupes ethniques répartis au Nigeria dans 36 États, dont chacun est doté d'un gouverneur et d'une législature propres, et représentant 110 millions de personnes dont 64 millions d'électeurs inscrits, ce scrutin a été le plus important jamais organisé en Afrique,
T. considérant que la transparence et la crédibilité des élections influent largement sur l'image de marque internationale du Nigeria, de même que sur la qualité des relations bilatérales et de la coopération économique,
U. considérant qu'un scrutin crédible et couronné de succès exige également l'implication immédiate et résolue des instances nationales, régionales et, plus généralement, internationales en vue de prévenir toute violence et manipulation électorales,
V. considérant que, malgré le caractère professionnel de la tâche accomplie par la mission d'observation électorale de l'Union européenne, propre à gagner la confiance des électeurs en faisant état des irrégularités, en dissuadant les fraudes et en formulant des recommandations visant à améliorer le processus électoral, la crédibilité de l'UE souffre de l'absence d'une politique post-électorale cohérente dès lors qu'il s'agit d'élections qui se sont soldées par un échec,
X. considérant que la stabilité du Nigeria se trouve dès lors fragilisée,
1. demande que des solutions d'urgence soient mises en œuvre par les autorités compétentes et les parties intéressées afin de rétablir les conditions d'un scrutin crédible et transparent au Nigeria;
2. invite les autorités nigérianes à procéder à une enquête d'urgence, approfondie et transparente sur les irrégularités du scrutin et à adopter des mesures immédiates visant à remédier à la situation et à faire en sorte que les responsables de ces irrégularités rendent compte de leurs actions;
3. demande l'adoption de mesures concrètes visant à mettre en place une administration électorale véritablement indépendante, qui sera pleinement habilitée à organiser des élections libres et équitables;
4. affirme que le peuple nigérian a droit à de nouvelles élections crédibles qui doivent être organisées sous le contrôle d'une commission électorale nationale (INEC) véritablement indépendante et efficace; souligne que, à l'heure actuelle, l'INEC n'est pas en mesure de relever les défis auxquels elle est confrontée sur les plans organisationnel et logistique;
5. déplore que la loi électorale de 2006 demeure dépourvue de certaines exigences fondamentales en matière de transparence, en ce qui concerne en particulier le dépouillement et la publication des résultats, et demande qu'elle soit modifiée;
6. considère qu'une commission composée de membres de l'Assemblée et du Sénat appartenant à tous les partis pourrait être mise sur pied afin de réformer le processus électoral et de soumettre des suggestions en vue de nouvelles élections crédibles;
7. déplore que, malgré une amélioration du climat marqué, en règle générale, par le respect de la liberté d'expression et de réunion durant la campagne, par le fait que les tribunaux ont joué un rôle généralement positif et indépendant et que les citoyens ont témoigné de leur attachement à la démocratie, ces élections ne peuvent pas être considérées comme crédibles;
8. déplore vivement que, malgré les dispositions prises par le gouvernement en faveur d'un déploiement massif des forces de police, de l'armée et des services de sécurité, ces élections ont provoqué la mort de personnes, parfois même avant le début des opérations de dépouillement ou avant les opérations de vote, deux cents personnes au moins, dont des candidats et des policiers, ayant trouvé la mort au cours d'incidents liés aux élections;
9. demande aux autorités nigérianes, à l'INEC et aux partis politiques de faire la lumière sur tous les cas de violence et de faire en sorte que les responsables soient amenés à rendre des comptes;
10. condamne l'atmosphère d'impunité dans laquelle se sont déroulées les violations électorales, l'immunité des responsables et la pratique consistant à recruter des nervis chargés de commettre des violences électorales, et demande que des actions concrètes soient prises dans ce domaine;
11. demande au gouvernement nigérian de s'abstenir de toute ingérence dans les recours touchant à la procédure électorale et invite les partis politiques d'opposition à recourir aux procédures du tribunal électoral, à s'abstenir de tout recours à la violence et à soutenir la médiation conjointe de l'UA - CEDEAO en faveur de l'organisation de nouvelles élections crédibles, afin de remédier à une situation post-électorale dramatique;
12. se félicite de la mise en place des mécanismes des cours d'appel visant à simplifier et à garantir le traitement, en temps utile, des recours post-électoraux, mais déplore que les partis d'opposition lésés qui ont adressé des pétitions au tribunal électoral attendent toujours, deux semaines après les élections présidentielles, que celui-ci commence ses travaux;
13. demande que des droits civiques effectifs soient largement conférés aux citoyens et qu'une éducation électorale leur soit dispensée, et souligne la nécessité de lutter contre l'analphabétisme à vaste échelle, qui empêche le peuple nigérian d'accéder à la presse écrite et constitue également un des principaux obstacles à sa participation aux élections, notamment dans le cas des femmes;
14. souscrit aux conclusions de la mission d'observation électorale de l'Union européenne;
15. demande à la Commission de soumettre au Conseil et au Parlement européen une proposition cohérente et crédible en matière de politique post-électorale de l'UE, qui respectera le libre choix de la population dans un pays donné; redoute que, faisant comme si de rien n'était, la politique actuelle ne porte atteinte à la mission d'observation électorale de l'UE et ne lui et ôte toute crédibilité;
16. souligne que l'aide apportée par l'UE au Nigeria ne doit pas être allouée aux structures fédérales ou étatiques aussi longtemps que de nouvelles élections crédibles n'auront pas été organisées; que ces fonds doivent bénéficier au peuple nigérian et être, par conséquent, allouées au titre de la bonne gouvernance, de la démocratisation, de l'éducation des électeurs et des services sociaux élémentaires fonctionnant sur des bases communautaires, à travers notamment les organisations de la société civile;
17. demande à la Commission et à sa délégation au Nigeria de veiller à ce que le gouvernement ne soit pas impliqué dans la sélection de projets ou dans la mise en œuvre de tout financement relevant de l'instrument européen pour la démocratie et les droits de l'homme, lequel est explicitement censé opérer sans le consentement du pays hôte;
18. invite instamment le gouvernement fédéral à lutter contre les pratiques de corruption, de violence et d'impunité qui ont pour effet de saper la gouvernance dans la majeure partie du pays, notamment aux échelons étatique et local, et de maintenir la plupart des citoyens nigérians dans un état de pauvreté en les privant des services élémentaires de santé et d'éducation; demande en outre au gouvernement de respecter les droits de l'homme;
19. demande aux autorités nigérianes d'entamer des négociations avec les populations locales sur l'avenir de la région du Delta du Niger, et notamment sur son développement social, économique et environnemental;
20. estime que la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement constitue un aspect crucial de la démocratie et contribuerait à améliorer la justice sociale et le développement économique;
21. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux gouvernements des États membres, au gouvernement du Nigeria, aux coprésidents de l'Assemblée parlementaire paritaire ACP‑UE et au Président de la Commission et du Conseil exécutif de l'Union africaine ainsi qu'au Conseil de la CEDEAO.