Proposition de résolution - B6-0433/2008Proposition de résolution
B6-0433/2008

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

17.8.2008

déposée à la suite de déclarations du Conseil européen et de la Commission
conformément à l'article 103, paragraphe 2, du règlement
par Martin Schulz, Harlem Désir et Stephen Hughes
au nom du groupe PSE
sur le paquet social

Procédure : 2008/2613(RSP)
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B6-0433/2008
Textes déposés :
B6-0433/2008
Textes adoptés :

B6‑0433/2008

Résolution du Parlement européen sur le paquet social

Le Parlement européen,

–  vu le paquet social présenté par la Commission le 2 juillet 2008, contenant la communication de la Commission sur: "Un agenda social renouvelé: opportunités, accès et solidarité dans l'Europe du XXIe siècle" (COM(2008)412) et de nombreuses autres propositions non législatives,

–  vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d'entreprises de dimension communautaire en vue d'informer et de consulter les travailleurs (refonte), présentée par la Commission (COM(2008)419),

–  vu la proposition de directive du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d'âge ou d'orientation sexuelle, présentée par la Commission (COM(2008)426),

–  vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers, présentée par la Commission (COM(2008)414),

–  vu les arrêts rendus par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires Viking Line, CityLavalcountry-region, Rüffert et Commission contre placeLuxembourg, ainsi que les controverses politiques qu'ils suscitent,

–  vu les accords politiques auquel le Conseil "Emploi et affaires sociales" est parvenu sur les directives concernant respectivement les travailleurs intérimaires et le temps de travail,

–  vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et en particulier ses dispositions relatives aux droits sociaux, l'article 136 du traité CE, selon lequel les États membres ont pour objectifs la promotion de l'emploi, l'amélioration des conditions de vie et de travail, permettant leur égalisation dans le progrès, une protection sociale adéquate, le dialogue social, le développement des ressources humaines permettant un niveau d'emploi élevé et durable et la lutte contre les exclusions, et son article 152, relatif à la santé publique,

–  vu l'intention exprimée par le Conseil européen de procéder avant la fin 2008 à un nouvel examen des mesures à prendre pour améliorer l'intégration de la population rom d'Europe,

–  vu l'article 103, paragraphe 2, de son règlement,

A.  considérant que la mission historique de l'Union européenne est de sauvegarder et de promouvoir la sécurité et le bien-être de ses citoyens,

B.   considérant que l'Union était considérée par le passé comme un gage de confiance, d'espoir et de progrès social par ses citoyens, mais qu'elle fait désormais bien trop souvent figure de menace,

C.   considérant que l'abandon par le centre-droit de la vision sociale fondatrice de l'Europe a entamé profondément la confiance que les Européens placent dans l'Union européenne,

A. Nouvelle vision sociale

1.  rappelle les progrès sociaux importants qui avaient été obtenus par l'Union européenne sous la direction de Jacques Delors, alors Président de la Commission; déplore que, au cours de la dernière décennie, les chefs de file du centre-droit de l'Union européenne aient transformé les politiques du marché intérieur de l'Union, avec le potentiel énorme de création de prospérité pour tous qu'elles recelaient, en un véritable symbole de toute la méfiance qu'inspire l'Union européenne;

2.  réclame un changement d'orientation, qui replace la vocation sociale de l'Europe au cœur de l'agenda politique européen;

3.  estime que ce changement d'orientation exige:

  • -une meilleure réglementation du secteur financier propre à mettre un terme à un capitalisme de casino qui a plongé l'économie européenne dans la crise et menace le milieu de vie et l'emploi de millions d'Européens;
  • -un nouveau cadre juridique précisant que, dans l'Union européenne, les libertés économiques ne sauraient en aucun cas aboutir à la régression des droits sociaux fondamentaux;
  • -la garantie d'un certain niveau de vie, y compris sur le plan des revenus, exigeant de la Commission qu'elle présente des propositions obligeant les États membres à fixer des revenus minimums nationaux tels que plus aucun citoyen européen ne se trouve en dessous du seuil de pauvreté;
  • -une stratégie européenne visant à éliminer la pauvreté et en particulier la pauvreté chez les enfants;
  • -un salaire décent, basé sur une politique nationale de salaire minimum, déterminé en fonction du PIB de chaque État membre via la législation ou des conventions collectives;
  • -une retraite sûre, garantie par des réglementations de l'Union européenne sur la mobilité des régimes de pension, tenant compte des formes atypiques d'emploi et des interruptions de carrière;
  • -des actions propres à combler les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes;
  • -l'application du principe du salaire égal à travail égal;
  • -la libre circulation des travailleurs, qui doit être assortie de mesures sociales strictes propres à préserver et à améliorer les conditions qui s'appliquent sur le marché du travail dans les pays d'accueil;
  • -une législation antidiscrimination complète et efficace;
  • -un soutien plus important à la négociation collective et au renforcement des syndicats à l'échelle européenne;
  • -la sécurité, le partenariat et l'ouverture de perspectives sur le lieu de travail, plutôt que l'insécurité, la réduction des coûts et les pratiques abusives;
  • -la conciliation des conditions de travail avec la vie familiale;
  • -des politiques de l'immigration efficaces et humaines;
  • -des politiques de prolongation de la vie active assurant de meilleures conditions de travail et perspectives de formation et de formation tout au long de la vie à toutes les catégories d'âge;
  • -un cadre juridique européen clair pour la sauvegarde des services publics;
  • -un accès plus large à l'éducation et à la formation de qualité, y compris la création d'un droit européen à la formation tout au long de la vie;
  • -des politiques fiscales équitables, efficaces et durables, prévoyant une plus grande coordination pour aider les États membres à atteindre des objectifs sociaux, économiques, environnementaux et énergétiques communs;
  • -une amélioration de la coordination des politiques économiques et sociales nationales au service d'objectifs communs;
  • -un niveau élevé de protection de la santé et un accès équitable à des soins de santé de qualité pour tous, à proximité de leur lieu de vie;

4.  souligne que l'Europe doit garantir que son essor économique contribue à améliorer la vie de tous ses citoyens et à créer une société plus équitable;

5.  observe que la Commission a enfin compris la nécessité de redonner vie à l'agenda de la politique sociale de l'Europe, mais estime que le paquet social proposé par la Commission le 2 juillet 2008 a une portée trop limitée et arrive trop tard;

6.  souligne que les citoyens européens ne soutiendront l'approfondissement de l'Union européenne et n'accepteront le processus de mondialisation que si les progrès économiques se traduisent par des progrès sociaux, des actions efficaces de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et une amélioration des conditions de vie et de travail;

7.  observe que l'absence d'initiatives de politique sociale à l'échelle de l'Union européenne au cours des 10 dernières années, conjuguée à l'intensification des délocalisations, du chômage et de l'emploi précaire et marginal, auxquelles vient à présent s'ajouter l'augmentation des prix de l'énergie et de l'alimentation, monte de nombreux Européens contre le projet de l'Union européenne;

Un nouvel agenda plus rigoureux

8.  se félicite de quelques points positifs que contient le paquet social, mais estime que le paquet dans son ensemble constitue une réponse inappropriée et incomplète aux problèmes auxquels sont confrontés les citoyens européens et note que certaines des propositions arrivent trop tard pour pouvoir être mises en œuvre avant la fin du mandat de la Commission actuelle;

9.  regrette en particulier que ne figurent pas dans le paquet des propositions sur les questions suivantes, qui sont pourtant cruciales pour l'érection d'une Union européenne durable:

-  une directive régissant des droits du travail fondamentaux applicables à tous les travailleurs, quel que soit leur statut professionnel, propre à protéger le nombre sans cesse croissant des travailleurs atypiques, tels que ceux dont les contrats ne stipulent pas le nombre d'heures de travail ("zéro heure"), les télétravailleurs, ceux qui travaillent à domicile, etc.;

  • -un cadre juridique, en droit primaire et secondaire, qui permettrait à la Cour de justice des Communautés européennes d'assurer un meilleur équilibre entre les droits sociaux et les libertés économiques, via par exemple des clauses sociales horizontales et une charte des droits fondamentaux complète; ce qui l'amène à souligner l'importance d'obtenir l'adoption du traité de Lisbonne et l'entrée en vigueur, au plus tôt, d'une charte des droits fondamentaux qui l'accompagne, et à se féliciter de l'engagement pris en dernière minute dans la communication de la Commission d'organiser un forum sur les répercussions des arrêts récents de la Cour de justice des Communautés européennes concernant les conventions collectives;

-  une révision de la directive sur le détachement des travailleurs à la lumière des affaires récentes portées devant la Cour, propre à garantir l'application du principe du salaire égal à travail égal, la prise en compte de toutes les conventions collectives pour la protection des intérêts des travailleurs et l'intégration des législations les plus récentes, comme la directive de 2004 sur les marchés publics;

-  une révision de la directive sur l'égalité des salaires, prévoyant un système d'évaluation du travail non discriminatoire sur le plan des genres, permettant de réduire l'écart des rémunérations entre les hommes et femmes à la fois à l'intérieur des secteurs économiques et entre les différents secteurs économiques;

-  un renforcement de la directive sur le congé parental, assorti de mesures visant à encourager les États membres à honorer les engagements qu'ils avaient pris lors du sommet de Barcelone de 2002 concernant des services de garde d'enfants de qualité, engagements qu'ils ont été très loin de tenir;

-  une directive cadre de l'Union européenne visant à protéger la fourniture de services publics de qualité, ouverts, transparents et accessibles à tous, de toute entrave imputable à la réglementation régissant le marché intérieur;

-  une directive sur les licenciements injustifiés, propre à prévenir tout abus en cas de licenciement individuel;

-  une directive sur la responsabilité conjointe et solidaire, propre à combler les vides juridiques que des employeurs sans scrupules exploitent pour éluder les obligations qu'ils ont à l'égard de leurs travailleurs;

-  une directive sur les conventions collectives transfrontalières, collant à la réalité des transactions commerciales transfrontalières;

-  une directive sur la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs contre les blessures par piqûre d'aiguille, qui se comptent par millions chaque année dans l'Union européenne, et d'un code de bonne pratique à l'échelle de l'Union européenne sur la prévention des infections liées aux soins de santé;

-  la conversion de sa recommandation concernant la liste européenne des maladies professionnelles en directive;

-  une directive cadre sur la conception ergonomique des lieux de travail et des postes de travail;

10.  invite la Commission à renforcer le paquet social et à utiliser son droit d'initiative dans ce domaine;

11.  invite par ailleurs les États membres à sortir d'urgence de l'impasse la directive sur la portabilité des droits à pension complémentaire de manière à éviter à de nombreux citoyens européens la perte de leurs droits à pension complémentaire;

12.  se félicite de la position commune dégagée par le Conseil, qui va dans le sens de l'avis adopté en 2002 par le Parlement européen sur la protection des travailleurs intérimaires, et espère que la directive sera adoptée rapidement;

13.  se félicite de la proposition de la Commission sur l'égalité de traitement, qui confirme le principe selon lequel toute discrimination est inacceptable, qu'elle se fonde sur la religion, les convictions, le handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle, comme l'avait demandé le Parlement européen dans sa résolution du 20 mai 2008; observe cependant qu'il convient de faire la lumière sur les dispositions susceptibles de limiter le droit à l'égalité de traitement; invite le Conseil et les États membres à adopter la directive au plus tôt et à mettre fin à toute discrimination à l'égard des citoyens européens dans tous les domaines; invite les États membres à ratifier et à mettre en œuvre la Convention des Nations unies la plus récente sur les droits des personnes handicapées et son protocole facultatif;

14.  estime que la position commune dégagée par les États membres sur la directive relative au temps de travail contrevient au principe selon lequel aucune dérogation n'est permise à une législation concernant la santé la sécurité; rappelle aux États membres que l'approche équilibrée adoptée en première lecture par le Parlement en 2005 garantissait suffisamment de souplesse et de sécurité à la fois aux entreprises et aux travailleurs et mettait fin à la clause de renonciation au temps de travail hebdomadaire de 48 heures;

15.  prend acte des améliorations apportées dans la proposition en ce qui concerne la prestation de services de soins de santé au-delà des frontières, mais demande que la directive soit encore renforcée de manière à améliorer les droits et la mobilité des patients et à garantir aux États membres le pouvoir d'organiser leur régime de soins de santé national et de préserver le principe de l'égalité d'accès de tous à des soins de santé de qualité, à proximité de leur lieu de vie, et cela en toute autonomie;

16.  prend acte de la proposition de révision de la directive concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen, mais regrette qu'elle ne prévoit que des améliorations fort limitées; souligne que la directive doit permettre aux entreprises et aux travailleurs de mieux anticiper et gérer les restructurations; invite la Commission et les États membres à prendre sérieusement en compte la position du Parlement telle qu'elle figure dans le rapport Menrad de 2001; demande en particulier que des mesures plus sévères soient prises pour lutter contre le non-respect des dispositions, pour assouplir les règles relatives à la confidentialité et pour favoriser les négociations entre les représentants des travailleurs et les conseils d'administration;

17.  prie instamment la Commission de traduire dans les faits son intention de réviser le règlement sur le Fonds européen d'ajustement à la mondialisation, et en particulier d'élargir la définition du licenciement économique et les critères d'attribution en abaissant les seuils, d'intégrer différents types de délocalisations et de restructurations et de soutenir les travailleurs qui ont perdu leur emploi suite à une délocalisation à l'intérieur même de l'Union européenne;

18.  invite la Commission à renforcer le rôle de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail établi à Dublin (Eurofound) consistant à récolter et à évaluer les informations sur les tendances du marché du travail et la restructuration au sein de l'Union européenne;

19.  invite la Commission à renforcer son soutien à la promotion du travail décent à l'échelle mondiale en soumettant à des conditions strictes les relations commerciales de l'Union européenne et en encourageant l'inscription du travail décent à l'ordre du jour des négociations à l'OMC;

Protection sociale et intégration sociale

20.  regrette que les politiques européennes et nationales s'avèrent tout aussi timides face à la recrudescence de la pauvreté et en particulier de la pauvreté chez les enfants;

21.  invite la Commission et les États membres à adopter un programme d'action visant résolument à garantir à tous les citoyens européens le droit à un logement décent et abordable financièrement, conformément à la charte européenne du logement;

22.  invite les États membres et la Commission à opter pour la formule d'un impôt progressif qui doit éviter d'amener quiconque sous le seuil de pauvreté et pour un code de conduite de la fiscalité, et à résister à tout affaiblissement de l'assiette fiscale sous l'effet de la concurrence pour un capital mobile et des travailleurs hautement qualifiés et mobiles; propose l'instauration d'un pacte de stabilité sociale prévoyant des niveaux minimums de protection sociale et encourageant la convergence vers le haut;

23.  invite la Commission à renforcer la coopération intergouvernementale en donnant davantage de poids à la méthode ouverte de coordination et en utilisant des objectifs et des indicateurs quantitatifs pour encourager le passage à des retraites durables, et à commencer à mettre en pratique au cours des prochains mois l'intégration de la politique sociale dans toutes les autres politiques et l'évaluation de l'impact social de tous les domaines de politiques;

24.  souligne la nécessité d'adopter une stratégie plus structurée pour lutter contre l'exclusion des Rom, consistant notamment à adopter des objectifs et des mécanismes concrets; souligne que la question des Rom est une question européenne, qui concerne tous les États membres de l'Union européenne et devrait être intégrée dans toutes les politiques européennes; met en garde contre toute tentative de faire de cette question une question sectorielle et demande l'établissement d'indicateurs permettant de mesurer l'utilité des instruments existants;

25.  charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission, ainsi qu'aux gouvernements et aux parlements des États membres, et aux partenaires sociaux.