PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la répression violente des manifestations pacifiques en Guinée
20.10.2009
conformément à l'article 122 du règlement
Marie-Christine Vergiat, Eva-Britt Svensson au nom du groupe GUE/NGL
Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B7-0102/2009
B7‑0114/2009
Résolution du Parlement européen sur la répression violente des manifestations pacifiques en Guinée
Le Parlement européen,
– vu sa résolution du 15 janvier 2009 sur le coup d'Etat en Guinée,
- vu l'article 122, paragraphe 5, de son règlement,
A. considérant la prise de pouvoir par le Capitaine Moussa Dadis Camara et un groupe d'officiers, le 23 décembre 2008, au lendemain du décès du président Lansana Conté,
B. considérant les déclarations du Capitaine Moussa Dadis Camara, chef de la junte militaire au pouvoir, de se présenter aux élections présidentielles de janvier 2010, en contradiction avec les déclarations et les engagements du Capitaine Moussa Dadis Camara et des membres du CNDD donnés aux Guinéens et au Groupe International de Contact de ne pas se présenter aux élections présidentielles,
C. considérant que ces déclarations ont déclenché les manifestations pacifiques du 28 septembre fortement soutenues par la population guinéenne, traduisant sa volonté que la Guinée ne soit plus dirigée par des militaires et son aspiration à un régime démocratique,
D. considérant la violente répression de ces manifestations qui a causé la mort par balles de plus de 150 personnes, et entraîné des blessures graves chez plus de 1.250 personnes, considérant les différentes exactions subies par la population et les violences sexuelles subies par de très nombreuses femmes; considérant les nombreux cas de disparitions forcées de victimes;
E. considérant que la répression a continué les jours suivants, faisant de nouveaux morts et blessés et faisant régner un état de terreur dans le pays qui perdure depuis lors,
F. considérant que la junte militaire au pouvoir nie toute responsabilité dans cette répression et ces violences, au mépris des témoignages qui affluent des organisations de défenses des droits de l'Homme et plus généralement de l'ensemble des organisations de la société civile,
G. considérant que l'armée ne devrait pas avoir la moindre place dans la gouvernance des nations,
H. considérant que la Commission de l'Union Africaine (CUA) a annoncé fin septembre qu'elle préparait des mesures, dont des sanctions, contre la Guinée, à la suite des violences qui ont fait de nombreuses victimes civiles et des consultations immédiates avec la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), ainsi qu'avec les membres du Groupe international de contact sur la Guinée (GIC-G) et les autres partenaires de l'UA afin de coordonner des réactions aux violences contre les manifestants pacifiques et les organisations de la société civile,
I. considérant que la CEDEAO et l'Union Africaine (UA) ont suspendu la participation de la Guinée à leurs activités depuis plusieurs mois,
J. considérant la réunion du Groupe international de contact le 13 octobre à Abuja,
K. considérant la déclaration du Conseil de sécurité mercredi 30 septembre qui condamne les violences commises le 28 septembre, qui exige la libération des prisonniers politiques, qui demande le retour rapide à l'ordre constitutionnel grâce à la tenue d'élections en 2010 et apporte son soutien aux initiatives régionales en cours,
L. considérant que la Guinée est un État partie au Statut de Rome depuis le 14 juillet 2003 et que par conséquence, la Cour Pénale Internationale a compétence à l’égard des crimes de guerre, crimes contre l’humanité ou crime de génocide pouvant être commis sur le territoire de la Guinée ou par ses ressortissants, y compris les meurtres de civils et les violences sexuelles,
M. considérant la condamnation ferme de la répression des manifestations du 28 septembre par la Présidence suédoise de l'Union européenne et par la Commission,
N. considérant que les décisions concernant l'avenir politique, économique et social de la Guinée appartiennent au peuple guinéen et à ses représentants,
O. considérant que la junte militaire guinéenne aura entamé très récemment des négociations avec la Chine et l'Angola, en vue de conclure des accords commerciaux,
P. considérant qu'il importe de tenir compte pleinement des propositions des partis politiques, des syndicats et des organisations de la société civile pour qu'un dialogue national puisse s'engager en vue de parvenir à un accord sur une transition pacifique et démocratique ainsi que sur un calendrier pour l'organisation des élections présidentielles et législatives,
Q. considérant les risques d'escalade des violences en Guinée si une solution à la crise actuelle n'était pas rapidement trouvée,
1. condamne fermement la répression violente des manifestations du 28 septembre 2009 et les nombreuses exactions et autres violences commises par les forces armées sur les populations commises ces jours-là et dans les jours qui ont suivi;
2. demande l'arrêt des persécutions et des violences contre la population, les représentants de la société civile et les journalistes et la libération de toutes les personnes emprisonnées à la suite des répressions menées depuis le 28 septembre; demande en outre la restitution aux familles des corps des victimes disparues ;
3. demande à la junte au pouvoir de respecter les droits à la liberté d'opinion, d'expression et d'association, notamment le droit à se réunir pacifiquement, tels qu'ils sont exprimés dans la Déclaration universelle des droits de l'Homme ;
4. demande la suspension immédiate des ventes d'armes à la junte militaire guinéenne et l'interdiction du port d'armes de guerre par les militaires en-dehors des casernes lorsqu'ils ne sont pas en service commandé;
5. appelle à l'établissement d'une commission d'enquête internationale sur les événements du 28 septembre, y compris la disparition des corps de victimes des violences, et la répression qui a suivie;
6. demande que toutes les mesures soient prises pour garantir la sécurité des témoins et des familles des victimes qui seront auditionnés par la commission d'enquête internationale;
7. demande une mission internationale d'observation des élections présidentielles;
8. demande la suspension temporaire de la Guinée des Accords de Cotonou tant que les responsables politiques guinéens n'auront pas remplis leurs engagements concernant notamment la lutte sans relâche contre la corruption et l'établissement d'un système démocratique transparent en Guinée;
9. se félicite de la condamnation ferme des événements en Guinée par la Présidence suédoise de l'Union et par la Commission européenne et des actions engagées avec d'autres organisations de la Communauté internationale;
10. demande à la Présidence suédoise et à la Commission de travailler de concert et avec les autres organisations internationales pour adopter rapidement des sanctions contre la junte militaire au pouvoir, les auteurs de la répression du 28 septembre et des exactions commises et pour trouver rapidement une solution à la crise actuelle;
11. demande plus précisément au Conseil et à la Commission de geler toute forme d'aide autre qu'humanitaire et alimentaire, la suspension temporaire immédiate de l'accord de partenariat sur la pêche entre l'UE et la Guinée tant que des sanctions ciblées contre les membres des autorités qui ont organisé et couvert la répression et les différentes exactions et violences, n'ont pas été prises et qu'une transition démocratique n'a pas été mise en œuvre;
12. se félicite que le Procureur de la Cour pénale internationale a annoncé le 15 octobre que le Bureau de la Cour pénale internationale procédait à un examen de la situation en Guinée à la suite des événements survenus le 28 septembre et ultérieurement et estime avoir des informations selon lesquelles des crimes relevant de la compétence de la Cour pénale internationale pourraient avoir été commis;
13. soutient l'appel du GIC-G adressé le 13 octobre au président du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) à formaliser l’engagement pris, que ni lui-même, ni les autres membres du CNDD, ni le Premier ministre, ne se présenteront à l’élection présidentielle, réaffirmant la position du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union africaine qui avait demandé, le 17 septembre dernier à Addis Abeba, aux membres de la junte guinéenne de ne pas se porter candidats à l’élection présidentielle de janvier 2010;
14. demande plus largement que tout soit mis en œuvre pour faciliter l'organisation d'élections transparentes, libres et équitables dans les plus brefs délais;
15. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission, au Conseil de sécurité des Nations unies, aux institutions de l'Union africaine, à la CEDEAO, à l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE, ainsi qu'aux autorités guinéennes.