PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la violence en République démocratique du Congo
9.12.2009
conformément à l'article 110, paragraphe 2, du règlement
Isabelle Durant, Raül Romeva i Rueda, Bart Staes, Barbara Lochbihler au nom du groupe Verts/ALE
Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B7-0187/2009
B7‑0193/2009
Résolution du Parlement européen sur la violence en République démocratique du Congo
Le Parlement européen,
– vu ses précédentes résolutions, et en particulier celle d'octobre 2008,
– vu sa résolution sur l'exploitation illégale des ressources naturelles de la République démocratique du Congo,
– vu sa résolution du 17 janvier 2008 sur la situation dans la République démocratique du Congo et le viol comme crime de guerre[1],
– vu la déclaration du Conseil du 27 octobre 2009 sur la région des Grands Lacs,
– vu la résolution 1856 (2008) du Conseil de sécurité des Nations unies sur le mandat de la MONUC,
– vu l'article 110, paragraphe 2, de son règlement,
A. considérant que la guerre et les troubles qui touchent l'est de la République démocratique du Congo ont entraîné une généralisation des meurtres, des déplacements de population et des violences sexuelles faites aux femmes, commis par les groupes de rebelles armés mais aussi par les forces armées et de police de l'État, phénomène qui a pris une ampleur inquiétante,
B. considérant que le conflit qui frappe la RDC a coûté la vie à 5 400 000 personnes depuis 1998 et qu'il continue d'être la cause, directe ou indirecte, de la mort de quelque 45 000 personnes chaque mois,
C. considérant que la MONUC est présente en RDC depuis 1999 pour protéger les populations civiles, mettre en place le processus de paix dans le pays et aider le gouvernement à rétablir son autorité sur les régions contrôlées par les factions combattantes,
D. considérant que le problème de l'exploitation illégale des ressources naturelles du pays, dont certaines sont transportées dans d'autres pays, y compris dans des États membres de l'Union européenne, est l'un des facteurs qui alimentent et aggravent le conflit en RDC,
E. considérant que, selon certaines informations, les Nations unies préparent une stratégie de sortie pour la MONUC, qui est la plus grande mission de maintien de la paix des Nations unies dans le monde,
F. considérant que, selon M. Atoki Ileka, ambassadeur de la RDC auprès des Nations unies, son gouvernement souhaite débattre d'une stratégie de sortie et préconise de fixer des jalons pour un retrait progressif des troupes onusiennes,
G. considérant que l'armée congolaise ne dispose toujours pas des moyens humains, techniques et financiers suffisants pour remplir ses missions dans les provinces orientales de la RDC et que cet état de choses, conjugué au manque de discipline dans ses rangs, continue d'entraver sa mission de protection de la population et de rétablissement de la paix,
H. considérant que le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (BCAH) a signalé qu'un total de 108 agressions avaient été commises en 2009 contre des travailleurs humanitaires, dont des meurtres, des enlèvements, des vols de véhicules et d'autres biens, soit une hausse significative par rapport à 2008,
I. considérant que plusieurs organisations humanitaires ont été contraintes de suspendre leurs activités et que, dans le Nord-Kivu, 70% au moins des personnes nécessitant une aide restent hors d'atteinte des travailleurs humanitaires,
1. demande qu'il soit immédiatement mis fin aux violences et aux atteintes aux droits de l'homme dans l'est de la RDC; insiste sur la nécessité de redoubler d'efforts pour mettre un terme à l'activité des groupes armés étrangers, en particulier des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), dans l'est de la RDC; demande aux gouvernements de la RDC et des autres pays de la région de prendre les mesures nécessaires à cet effet;
2. demeure extrêmement préoccupé par l'aggravation de la situation humanitaire dans l'est de la RDC, après les atrocités commises contre les populations locales par les FDLR, l'Armée de résistance du Seigneur (LRA) mais aussi l'armée congolaise;
3. est extrêmement préoccupé par les informations récentes faisant état de meurtres commis délibérément par des militaires congolais sur au moins 270 civils dans les villes de Nyabiondo et Pinga au Nord-Kivu mais aussi par les récents affrontements ayant entraîné la fuite de 21 800 personnes dans et autour de la ville de Dongo, dans l'ouest du pays
4. est particulièrement préoccupé par la participation de la MONUC à l'opération Kimia II aux côtés de l'armée congolaise et par les informations récentes qui mettent en cause certains membres de la MONUC dans les atrocités commises; invite les Nations unies à enquêter sur cette affaire et à prendre les mesures qui s'imposent contre les auteurs de ces atrocités;
5. constate que le rapport, non publié, du groupe d'experts des Nations unies indique que l'offensive menée contre les rebelles, dans le cadre de l'opération Kimia II, n'a pas seulement échoué mais a fait empirer la situation, déjà tragique, des populations civiles;
6. déplore, dans les termes les plus vifs, les massacres, les crimes contre l'humanité et les actes de violence sexuelle commis contre les femmes et les jeunes filles qui perdurent dans les provinces de l'Est; demande à cet égard à toutes les autorités compétentes d'intervenir sans délai pour traduire en justice les auteurs de ces crimes et invite de nouveau le Conseil de sécurité des Nations unies à prendre d'urgence toutes mesures susceptibles d'empêcher réellement quiconque de s'attaquer encore aux populations civiles dans les provinces orientales de la RDC;
7. appelle l'ensemble des acteurs à renforcer la lutte contre l'impunité et à faire respecter l'état de droit, en s'attaquant notamment aux viols des femmes et des jeunes filles et à l'enrôlement d'enfants soldats; demande au gouvernement de la RDC de veiller à ce que les responsables de violations des droits de l'homme et du droit humanitaire international rendent compte de leurs actes et de coopérer pleinement avec la Cour pénale internationale;
8. se félicite de l'arrestation par les autorités allemandes d'Ignace Murwanashyaka, chef des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), et de Straton Musoni, son adjoint, arrestation qui constitue un pas important dans la lutte contre l'impunité; invite la Belgique et la France à suivre l'exemple de l'Allemagne;
9. souligne l'importance de soumettre les cadres et les soldats de l'armée congolaise à des vérifications strictes; salue à cet égard l'adoption récente par le Conseil d'une action commune relative à la mission de conseil et d’assistance de l'Union européenne en matière de réforme du secteur de la sécurité en République démocratique du Congo (EUSEC RD Congo); rappelle que l'instruction et le versement d'une solde décente sont indispensables pour réformer l'armée congolaise et y améliorer la discipline;
10. estime que la présence de la MONUC reste indispensable, et demande que tout soit mis en œuvre pour lui permettre de remplir pleinement la mission qui lui a été confiée de protéger les personnes menacées; à cet égard, invite le Conseil à prendre l'initiative pour que le Conseil de sécurité soutienne la MONUC en renforçant ses capacités opérationnelles et en définissant mieux ses priorités, qui sont actuellement au nombre de quarante-et-une;
11. encourage tous les gouvernements de la région des Grands Lacs et la communauté internationale à engager le dialogue en vue de coordonner leurs efforts pour mettre fin à la violence dans l'est de la RDC, en mettant l'accent sur la réconciliation, la sécurité des personnes, le renforcement de la responsabilité de la justice, le retour et l'intégration des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur du pays;
12. salue les progrès permis dans la région par l'amélioration des relations diplomatiques bilatérales entre la RDC et le Rwanda; invite la RDC et le Rwanda à appliquer intégralement les accords de paix de Nairobi et de Goma, ainsi que l'accord d'Ihusi du 23 mars 2009;
13. déplore le nombre croissant des actes de violence commis contre des travailleurs humanitaires, qui ont de graves conséquences sur la situation humanitaire sur le terrain; exhorte les autorités du Nord-Kivu à lancer des enquêtes approfondies sur chaque incident et demande le renforcement immédiat des mesures de protection;
14. condamne l'exploitation illégale des ressources naturelles de la RDC par ses voisins et les multinationales, et déplore qu'aucune mesure n'ait été prise jusqu'à présent, en dépit des preuves nombreuses de leurs activités, situation qui contribue à entretenir l'existence des groupes armés; demande dès lors que celles et ceux qui participent au commerce et à la transformation des ressources minérales soient inscrits sur une liste de sanctions des Nations unies;
15. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux gouvernements et aux parlements des États membres, aux institutions de l'Union africaine et au Secrétaire général des Nations unies.
- [1] Textes adoptés de cette date, P6_TA(2008)0022.