PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la transparence et l'état d'avancement des négociations ACTA (accord commercial anti-contrefaçon)
8.3.2010
conformément à l'article 115, paragraphe 5, du règlement
Kader Arif, Gianluca Susta, Bernd Lange, David Martin au nom du groupe S&D
Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B7-0154/2010
B7‑0179/2010
Résolution du Parlement européen sur la transparence et et l'état d'avancement des négociations ACTA (accord commercial anti-contrefaçon)
Le Parlement européen,
– vu les articles 207 et 218 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE),
– vu sa résolution du 9 février 2010 sur un accord-cadre révisé entre le Parlement européen et la Commission pour la prochaine législature[1],
– vu sa résolution du 11 mars 2009 sur l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (refonte), à considérer comme la position du Parlement en première lecture[2],
– vu sa résolution du 18 décembre 2008 sur l'impact de la contrefaçon sur le commerce international[3],
– vu l'avis du Contrôleur européen de la protection des données en date du 22 février 2010 sur les négociations menées actuellement par l'Union européenne sur un accord commercial anti-contrefaçon (ACTA),
– vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et en particulier son article 8,
– vu la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques, modifiée en dernier lieu par la directive 2009/136/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009,
– vu la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur ("directive sur le commerce électronique"),
– vu l'article 115, paragraphe 5, et l'article 110, paragraphe 2, de son règlement,
A. considérant que le traité de Lisbonne est en vigueur depuis le 1er décembre 2009,
B. considérant qu'en 2008, l'Union européenne et d'autres pays de l'OCDE ont ouvert des négociations sur un nouvel accord multilatéral visant à renforcer la protection des droits de propriété intellectuelle (DPI) et à lutter contre la contrefaçon et le piratage (accord commercial anti-contrefaçon - ACTA),
C. considérant que, du fait de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le Parlement devra donner son accord sur le contenu du traité ACTA avant l'entrée en vigueur de ce dernier dans l'Union européenne,
D. considérant que, dans son rapport du 11 mars 2009, le Parlement invite la Commission à "rendre accessibles au public tous les documents relatifs aux négociations internationales en cours sur l'accord commercial anti-contrefaçon",
E. considérant que le 27 janvier 2010, la Commission a affirmé son engagement en faveur d'une association renforcée avec le Parlement, dans le droit fil de la résolution du Parlement européen du 9 février 2010 sur un accord-cadre révisé avec la Commission, qui demande que la Commission lui fournisse "immédiatement des informations complètes à chaque étape des négociations d'accords internationaux (...), notamment dans le domaine commercial et pour les autres négociations impliquant la procédure d'avis conforme, de manière à donner plein effet à l'article 218 du traité FUE",
F. considérant que des représentants du Conseil ont participé aux cycles de négociations avec les représentants de la Commission,
G. considérant que la Commission, en tant que gardienne des traités, est tenue de veiller au respect de l'acquis communautaire lorsqu'elle négocie des accords internationaux ayant une incidence sur la législation de l'Union européenne,
H. considérant que selon certains documents obtenus en sous-main, les négociations ACTA portent, entre autres, sur la législation européenne en instance concernant l'application des DPI (2005/0127(COD), mesures pénales visant à assurer le respect des droits de propriété intellectuelle (IPRED-II)), et sur la législation européenne existante en matière de commerce électronique et de protection des données,
I. considérant que les efforts déployés actuellement par l'Union européenne pour harmoniser les mesures d'application des DPI ne devraient pas être réduits à néant par des négociations commerciales qui sortent du cadre décisionnel normal de l'Union,
J. considérant qu'il importe de veiller à ce que les mesures d'application des DPI soient mises en place sans faire obstacle à l'innovation ou à la concurrence, sans porter atteinte aux limitations applicables aux DPI ou à la protection des données à caractère personnel, sans limiter la libre circulation des informations et sans pénaliser de manière indue les échanges commerciaux légitimes,
K. considérant que tout accord conclu par l'Union européenne en ce qui concerne l'ACTA doit respecter les obligations juridiques imposées à l'Union européenne en ce qui concerne la législation sur la contrefaçon et la protection des données, telle que définie notamment dans la directive 95/46/CE, la directive 2002/58/CE et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et de la Cour de justice de l'Union européenne,
1. souligne que depuis le 1er décembre 2009, la Commission a l'obligation légale d'informer immédiatement et pleinement le Parlement à toutes les étapes des négociations internationales;
2. se dit vivement préoccupé par l'absence de processus transparent et de légitimité démocratique dans la conduite des négociations ACTA, une situation qui est contraire à la lettre et à l'esprit du traité FUE;
3. demande à la Commission et au Conseil de garantir au Parlement un accès à tous les textes primaires relatifs à l'ACTA, en particulier le mandat de négociation établi par le Conseil, les procès-verbaux des réunions de négociation, les projets de chapitres de l'ACTA et les observations des participants sur lesdits projets;
4. invite la Commission et le Conseil à engager en amont un dialogue avec les partenaires ACTA, en les pressant d'annuler tous les accords internes formels ou informels antérieurs sur la nature confidentielle de la conduite des négociations, et à informer le Parlement intégralement et en temps utile des initiatives qu'elle aura prises en ce sens; compte sur la Commission pour formuler des propositions avant le prochain cycle de négociation qui se tiendra en avril 2010 en Nouvelle-Zélande et pour demander que la question de la transparence figure à l'ordre du jour de cette réunion;
5. souligne que s'il n'est pas informé immédiatement et intégralement à tous les stades des négociations, le Parlement se réserve le droit d'intenter une action en justice auprès de la Cour de justice de l'Union européenne afin de défendre ses prérogatives;
6. demande à la Commission de réaliser une analyse d'impact sur la mise en œuvre de l'ACTA en ce qui concerne les droits fondamentaux et la protection des données, sur les efforts menés actuellement par l'Union européenne afin d'harmoniser les mesures d'application des DPI et sur le commerce électronique, avant tout accord au niveau de l'Union européenne sur un texte d'ACTA consolidé, et de tenir le Parlement informé des résultats de cette étude en temps utile;
7. invite la Commission et le Conseil à limiter les négociations ACTA à l'application des DPI existants, afin de garantir que le développement d'une législation de fond en matière de propriété intellectuelle dans l'Union européenne n'est pas compromis; subordonne toute approbation éventuelle de l'accord ACTA au respect d'un engagement à cet égard;
8. prie instamment la Commission et le Conseil de s'assurer que la mise en œuvre des dispositions de l'ACTA – en particulier celles concernant les procédures d'application des droits d'auteur dans l'environnement numérique – soit pleinement conforme à la lettre et à l'esprit de l'acquis communautaire;
9. souligne que le respect de la vie privée et la protection des données sont des valeurs essentielles de l'Union européenne, reconnues par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et les articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui doivent être respectées dans toutes les politiques et dispositions adoptées par l'Union européenne conformément à l'article 16 du TFUE;
10. estime que l'accord proposé ne doit pas permettre à des entités privées ou administratives d'imposer la procédure dite de la "riposte graduée en trois temps" ou d'autres mesures similaires, et qu'il doit tenir compte de la nécessité de respecter les droits fondamentaux tels que la liberté d'expression et le droit à la vie privée, dans le plein respect du principe de subsidiarité;
11. signale que toute mesure visant à renforcer les compétences en termes de contrôle transfrontalier et de saisies de marchandises ne peut porter atteinte à l'accès à des médicaments légaux, abordables et sûrs à l'échelle mondiale;
12. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission, ainsi qu'aux gouvernements et aux parlements des États parties aux négociations ACTA.
- [1] Textes adoptés de cette date, P7_TA(2010)0009.
- [2] Textes adoptés de cette date, P6_TA(2009)0114.
- [3] Textes adoptés de cette date, P6_TA(2008)0634.