Proposition de résolution - B7-0544/2010Proposition de résolution
B7-0544/2010

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la journée mondiale contre la peine de mort

29.9.2010

déposée à la suite d'une déclaration de la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
conformément à l'article 110, paragraphe 2, du règlement

Barbara Lochbihler, Heidi Hautala, Nicole Kiil-Nielsen et Frieda Brepoels au nom du groupe Verts/ALE

Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B7-0541/2010

Procédure : 2010/2855(RSP)
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B7-0544/2010
Textes déposés :
B7-0544/2010
Textes adoptés :

B7‑0544/2010

Résolution du Parlement européen sur la journée mondiale contre la peine de mort

Le Parlement européen,

–   vu le protocole n° 6 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatif à l’abolition de la peine de mort, du 28 avril 1983,

–   vu le deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, du 15 décembre 1989,

–   vu ses résolutions antérieures sur l'abolition de la peine de mort, en particulier celle adoptée par le Parlement européen le 26 avril 2007 sur la nécessité d'instaurer sans délai un moratoire sur les exécutions dans les pays où la peine de mort est toujours appliquée,

–   vu ses résolutions antérieures, en particulier celles ayant trait aux droits des minorités et à l'application de la peine de mort en Chine du 26 novembre 2009; à la peine de mort au Nigeria, du 20 novembre 2008; sur les exécutions en Libye, du 17 juin 2010; sur la situation dans la péninsule coréenne, du 8 juillet 2010, et sur l'Iran, des 22 octobre 2009, 10 février 2010 et 8 septembre 2010,

–   vu la résolution 62/149 de l'Assemblée générale des Nations unies du 18 décembre 2007 appelant à un moratoire mondial sur les exécutions et la résolution 63/168 de l'Assemblée générale des Nations unies demandant la mise en œuvre de la résolution 62/149 de l'Assemblée générale des Nations unies de 2007, adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 18 décembre 2008,

–   vu le rapport du Secrétaire général des Nations unies sur les moratoires sur les exécutions du 11 août 2010,

–   vu le rapport du Secrétaire général des Nations unies sur la question de la peine de mort du 16 juillet 2010,

–   vu le discours de la Haute représentante/Vice-présidente de la Commission, prononcé devant le Parlement le 16 juin 2010, sur la politique en matière de droits de l'homme, au cours duquel la Haute représentante/Vice-présidente de la Commission a rappelé que l'abolition de la peine de mort dans le monde entier était une priorité de l'Union européenne,

–   vu la déclaration de Jerzy Buzek, Président du PE, du 19 octobre 2009, qui appelait fermement à l'abolition de la peine de mort,

–   vu la déclaration finale adoptée par le 4ème Congrès mondial contre la peine de mort, réuni à Genève du 24 au 26 février 2010, demandant l'abolition universelle de la peine de mort,

–   vu la version actualisée et révisée des Lignes directrices de l'UE sur la peine de mort, adoptée par le Conseil le 3 juin 1998,

–   vu l'établissement d'une journée européenne contre la peine de mort le 10 octobre de chaque année,

–   vu l'article 2 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,

–   vu l'article 110, paragraphe 2, de son règlement,

A. considérant que l'Union européenne œuvre avec force à l'abolition de la peine de mort, où que ce soit, et souhaite que ce principe soit universellement adopté,

B.  considérant qu'en octobre 2008, l'Union européenne et le Conseil de l'Europe, dans une déclaration conjointe, ont établi une "Journée européenne contre la peine de mort",

C. considérant que l'Union est le principal acteur institutionnel dans la lutte contre la peine de mort dans le monde et que son action en la matière constitue une priorité essentielle de sa politique extérieure en matière de droits de l'homme; considérant que, dans le même temps, l'UE est le principal bailleur de fonds pour ce qui est du financement des efforts déployés par les organisations de la société civile dans le monde afin que la peine de mort soit abolie,

D. considérant que la peine de mort est la peine la plus cruelle, la plus inhumaine et la plus dégradante, qui constitue une violation du droit à la vie, tel que proclamé dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, et un acte de torture inacceptable pour des États respectueux des droits de l'homme,

E.  considérant que la peine de mort est un châtiment discriminatoire et arbitraire et que son application n'a aucun effet sur l'évolution de la criminalité violente,

F.  considérant que vu la faillibilité de la justice humaine, le recours à la peine de mort comporte inévitablement un risque que des personnes innocentes soient tuées; considérant que des études récentes ont démontré que les nouvelles technologies contribuent à identifier les coupables et ont révélé de nombreux cas d'injustice humaine,

G. considérant que les dispositions du Protocole n° 6 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales interdisent aux États membres du Conseil de l'Europe d'appliquer la peine de mort,

H. considérant que l'Union européenne s'efforce d'obtenir des moratoires sur l'application de la peine de mort et, en temps utile, l'abolition de la peine de mort et la ratification des instruments internationaux pertinents, des Nations unies et d'autres organisations, et, en particulier, du deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort,

I.   considérant que l'abolition de la peine de mort est l'une des priorités thématiques pour l'assistance au titre de l'instrument européen pour la démocratie et les droits de l'homme (IEDDH), qui, depuis 1994, a financé plus de 30 projets dans le monde, pour un budget global de plus de 15 millions d'euros,

J.   considérant que depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le Parlement européen doit donner son approbation pour la conclusion d'accords commerciaux et, de manière générale, d'accords internationaux avec des pays tiers,

K. considérant qu'en 2007 et en 2008, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté les résolutions historiques 62/149 et 63/168, qui appellent à un moratoire mondial sur les exécutions et ont pour objectif ultime l'abolition de la peine de mort, et, à cet égard, souligne que le nombre de pays soutenant cette résolution a augmenté, en conséquence de quoi la résolution 63/169 a été adoptée à une majorité écrasante de 106 voix pour, 46 contre et 34 abstentions,

L.  considérant que le quatrième Congrès mondial contre la peine de mort, réuni à Genève en février 2010, a invité les États abolitionnistes de facto à inscrire l'abolition de la peine de mort dans leur législation, les États abolitionnistes à intégrer le sujet de l'abolition universelle dans leurs relations internationales, et les organisations internationales et régionales à soutenir l'abolition universelle en adoptant des résolutions demandant un moratoire sur les exécutions,

M. considérant que 154 États dans le monde ont aboli la peine de mort en droit ou en fait, dont 96 l'ont abolie pour tous les crimes, 8 ne l'ont gardée que pour des crimes exceptionnels, par exemple ceux commis en temps de guerre, 6 ont mis en place un moratoire sur les exécutions et 44 sont des abolitionnistes de fait (à savoir des pays qui n'ont procédé à aucune exécution depuis au moins 10 ans ou des pays qui se sont engagés de manière contraignante à ne pas appliquer la peine de mort),

N. considérant que plus de 100 pays, qui maintiennent la peine de mort pour certains délits, ont interdit l’exécution des délinquants mineurs, mais qu'un petit nombre de pays continuent d’exécuter des délinquants mineurs, au mépris manifeste du droit international, en particulier de l'article 6, paragraphe 5, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP),

O. considérant qu'à l'heure actuelle, il est confirmé que des dizaines de ressortissants européens se trouvent dans le couloir de la mort ou encourent la peine de mort dans le monde et soulignant à cet égard la nécessité cruciale de consolider et de renforcer la réaction européenne à l'exécution potentielle de ressortissants européens,

P.  considérant que le 23 mars 2010, Boris Gryzlov, Président de la douma d'État de la fédération de Russie, a déclaré, lors d'une réunion à Moscou avec des membres de la commission de suivi de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, que la Russie s'était abstenue de ratifier le sixième protocole à la Convention européenne pour la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatif à l'abolition de la peine de mort, en raison de menaces terroristes dans le pays,

Q. considérant avec satisfaction que le 11 février 2010, le Parlement du Kirghizstan a adopté le deuxième protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, concernant l'abolition de la peine de mort, et que le 21 mai 2010, le gouvernement intérimaire du Kirghizstan a rendu public le projet final de constitution, qui interdit, entre autres, la peine de mort et qui a maintenant été adopté,

R.  considérant que 43 pays dans le monde maintiennent la peine de mort et que les pays ayant réalisé le plus grand nombre d'exécutions en 2009 sont la Chine, l'Iran et l'Irak; considérant que la Chine, à elle seule, a procédé à quelque 5000 exécutions, soit 88% du nombre total d'exécutions dans le monde; considérant que l'Iran a mis au moins 402 personnes à mort et l'Irak, au moins 77,

S.  considérant que, bien que la peine de mort soit toujours un secret d'État en Chine, l'introduction d'une réforme juridique le 1er janvier 2007, qui prévoit que chaque peine de mort soit examinée par la Cour suprême, pourrait avoir entraîné une diminution des exécutions,

T.  considérant que l'Iran applique toujours la peine de mort par lapidation, ce qui est une violation du deuxième protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

U. considérant qu'en Arabie saoudite, il y a un nombre d'exécutions disproportionnellement élevé par rapport à la population locale; considérant que jusqu'à présent, pour l'année 2010, 19 personnes ont été exécutées et qu'il y a un risque sérieux d'augmentation des exécutions à la suite du moratoire temporaire auto-imposé pour le Ramadan,

V. considérant que tant l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe que l'Union européenne ont, à plusieurs reprises, pressé le Belarus d'abolir la peine de mort;

W. considérant qu'au Belarus, les détails concernant la peine de mort sont secrets et que, selon le Code pénal exécutif, la peine de mort est appliquée en privé par fusillade, l'administration de l'établissement pénitentiaire informe le juge des exécutions et le juge informe les proches du prisonnier; le corps d'une personne exécutée n'est pas remis à ses proches, et l'endroit où la dépouille est enterrée n'est pas communiqué,

X. considérant que la peine de mort est en vigueur dans 38 des 50 États qui composent les États-Unis d'Amérique, bien que 4 d'entre eux n'aient procédé à aucune exécution depuis 1976; considérant qu'en 2009 le nombre d'exécutions est passé à 52, en raison de la fin d'un moratoire en vigueur de facto de septembre 2007 à mai 2008, bien que pour la septième année consécutive le nombre de condamnations à mort ait reculé aux États-Unis d'Amérique, tombant à 106;

Y. considérant avec satisfaction que certains États, comme le Montana, le New Jersey, New York, la Caroline du Nord et le Kentucky ont abandonné la peine de mort au profit de mesures telles qu'un moratoire sur les exécutions ou l'abolition de cette peine;

Z.   considérant les exécutions, au mois de septembre 2010, de Teresa Lewis, âgée de 41 ans, dans l'État de Virginie, et de Holly Wood, dans l'État d'Alabama, en dépit d'éléments indiquant que toutes deux étaient des retardées; considérant que Mumia Abu-Jamal, ancien présentateur de radio et Président de l'association des journalistes noirs de Philadelphie, est dans le couloir de la mort en Pennsylvanie depuis 1982 à l'issue d'un procès déloyal et raciste; considérant que dans le cas de Troy Davis, qui se trouve dans le couloir de la mort dans l'État de Géorgie depuis plus de 18 ans, les preuves ne sont ni claires, ni incontestables et que le doute subsiste ;

Z bis.   considérant que le rapport de 2010 élaboré par l'IHRA (association internationale pour la réduction des risques et méfaits) fait état d'une assistance en matière de lutte contre la drogue de la part d'États membres de l'UE à des pays comme la Chine, l'Iran et le Vietnam, qui prévoient la peine de mort pour les délits liés aux drogues;

1.  réitère son opposition de longue date à la peine de mort dans tous les cas et dans toutes les circonstances et souligne une fois de plus que l'abolition de la peine de mort contribue au renforcement de la dignité humaine et au développement progressif des droits de l'homme;

2.  condamne toutes les exécutions, où qu'elles aient lieu, et est convaincu que le pouvoir de la clémence dans les cas de crimes passibles de la peine capitale existe en tant que filet de sécurité contre une erreur irréversible auquel les tribunaux n'ont pas pu ou n'ont pas souhaité recourir;

3.  exhorte l'Union européenne et ses États membres à garantir l'application de la résolution de l'ONU appelant à un moratoire universel sur les exécutions en vue d'une abolition totale dans tous les États qui pratiquent encore la peine capitale;

4.  demande au Conseil et à la Commission de prendre toutes les mesures appropriées en vue d'une limitation progressive du recours à la peine de mort tout en insistant pour que les exécutions respectent les normes minimales internationales et que l'accès aux statistiques liées aux exécutions soit garanti; presse l'Union européenne d'utiliser tous les outils de diplomatie et d’aide à la coopération dont elle dispose pour œuvrer à l’abolition de la peine de mort; souligne que cette question doit être systématiquement abordée dans tous les dialogues sur les droits de l'homme avec les pays tiers, y compris au plus haut niveau;

5.  invite le Conseil et la Commission à profiter de la Journée européenne contre la peine de mort du 10 octobre pour évoquer, entre autres, les cas de Mumia Abu Jamal et de Troy Davis, et condamner les exécutions de personnes mentalement retardées où qu'elles aient lieu;

6.  encourage vivement les États membres de l'Union européenne à introduire, dans le cadre d'une alliance transrégionale, une résolution de suivi sur la peine de mort lors de la 65e assemblée générale des Nations unies;

7.  invite les États participants qui appliquent la peine de mort à déclarer immédiatement un moratoire sur les exécutions;

8.  encourage les États participants qui n'ont pas aboli la peine de mort à respecter les garanties protégeant les droits des personnes encourant la peine de mort, ainsi qu'il est stipulé dans les Garanties du Conseil économique et social des Nations Unies; invite la présidence de l'Union à encourager les pays qui ne l'ont pas encore fait à signer et à ratifier le deuxième protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits civils et politiques et à encourager les États membres qui ne l'ont pas encore fait à signer le protocole n° 13 à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif à l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances;

9.  appelle en particulier les pays participants de l'OSCE, à savoir les États-Unis et le Belarus, à instaurer immédiatement un moratoire sur les exécutions; invite en même temps le Kazakhstan et la Lettonie à amender leur législation nationale, qui autorise toujours la peine de mort pour certains crimes commis dans des circonstances exceptionnelles;

10. invite les États participants qui sont favorables au maintien de la peine de mort à inciter les missions du BIDDH et de l'OSCE à conduire, en coopération avec le Conseil de l'Europe, des activités de sensibilisation contre le recours à la peine de mort, notamment auprès des médias, des services de police, des décideurs et du grand public;

11. presse l'Union européenne, considérant notamment la création du service européen pour l'action extérieure, de fournir des orientations pour une politique européenne globale et efficace en matière de peine de mort en ce qui concerne les ressortissants de nationalité européenne qui risquent d'être exécutés dans des pays tiers; cette politique doit inclure des mécanismes puissants et renforcés en termes de système d'identification, de fourniture d'une assistance juridique, d'interventions légales de l'Union européenne et de représentations diplomatiques;

12. exhorte les États membres de l'UE à revoir leurs politiques concernant le financement d'activités de lutte contre la drogue dans les pays qui appliquent la peine de mort pour les infractions liées aux drogues;

13. demande au Conseil à la Commission, lorsqu'ils concluent des accords avec des pays qui appliquent toujours la peine de mort ou avec des pays qui n'ont pas signé le moratoire, de les encourager vivement à signer ce moratoire;

14. encourage également les activités d'organisations non gouvernementales œuvrant à l'abolition de la peine de mort, y compris Hands Off Cain, Amnesty International, Penal Reform International, la Coalition mondiale contre la peine de mort, la Fédération internationale de Helsinki pour les droits de l'homme, Sant’Egidio et Reprieve;

15. s'engage à suivre la question de la peine de mort et à envisager d'éventuelles initiatives et missions ad hoc dans les pays qui maintiennent la peine de mort, de manière à presser les pouvoirs publics de ces pays d'adopter un moratoire sur les exécutions en vue de leur abolition complète;

16. demande à la Haute Représentante de l'UE/vice-présidente de la Commission et aux États membres de continuer à parler d'une seule voix et de garder à l'esprit que le principal contenu politique de la résolution doit être l'adoption d'un moratoire mondial, étape cruciale vers l'abolition de la peine de mort;

17. rappelle que l'abolition totale de la peine de mort demeure l'un des principaux objectifs de la politique de l'Union européenne en matière de droits de l'homme; estime que seules une coopération étroite entre les États, la coopération, l'éducation et la sensibilisation, l'efficience et l'efficacité permettront d'atteindre cet objectif;

18. encourage la coopération régionale en ce sens; par exemple, la Mongolie a officiellement établi un moratoire sur les exécutions en janvier 2010 et, conséquence positive, plusieurs pays qui maintiennent la peine de mort se sont penchés sur la constitutionnalité de cette forme de châtiment;

19. charge son Président de transmettre la présente résolution à la Haute représentante, au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux parlements des États membres de l'Union européenne, au Secrétaire général des Nations unies, au président de l'Assemblée générale des Nations unies ainsi qu'aux gouvernements des États membres des Nations unies.