PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la décision du gouvernement de l'Argentine de prendre le contrôle d'YPF
18.4.2012 - (2012/2619(RSP))
conformément à l'article 110, paragraphe 2, du règlement
Catherine Grèze, Ana Miranda, Raül Romeva i Rueda, Rui Tavares au nom du groupe Verts/ALE
B7‑0219/2012
Résolution du Parlement européen sur la décision du gouvernement de l'Argentine de prendre le contrôle d'YPF
Le Parlement européen,
– vu le projet de loi du gouvernement de l'Argentine sur la nationalisation d'YPF,
– vu la loi relative à la souveraineté de l'Argentine sur les hydrocarbures, Titre I, Chapitre unique, selon laquelle la réalisation de l'autosuffisance en matière d'hydrocarbures et l'exploitation, le raffinage, le transport et la commercialisation des hydrocarbures relèvent de l'intérêt national,
– vu l'accord-cadre de coopération commerciale et économique conclu entre la Communauté économique européenne et la République argentine en 1990 et le Programme de travail Union européenne - Argentine (2010 - 2013),
– vu l'accord-cadre interrégional de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et le Marché commun du Sud et ses États parties, d'autre part,
– vu les déclarations de Catherine Ashton, haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité de l'UE concernant la décision du gouvernement de l'Argentine de renationaliser la compagnie pétrolière YPF,
– vu l'article 110, paragraphe 2, de son règlement,
A. considérant qu'en Argentine, les prix élevés du pétrole sont devenus une lourde charge qui entrave le rétablissement de l'économie en ces temps de crise économique globale;
B. considérant qu'YPF, bien qu'ayant engrangé des bénéfices nets s'élevant à 16 450 millions de dollars entre 1999 et 2011, n'a pas respecté ses engagements visant à investir dans les infrastructures, ce qui a désorganisé la distribution et la consommation, mais également contribué à des prix élevés en raison d'un recul de la production;
C. considérant en revanche que l'Argentine dispose de ressources pétrolières suffisantes lui permettant d'assurer son autosuffisance énergétique et que, dès lors, l'énergie est un instrument de réactivation de l'économie et de l'amélioration des conditions de vie de la population;
D. considérant que la République argentine, bien qu'elle soit en mesure d'être autosuffisante, dépense actuellement 11 milliards de dollars pour les importations de pétrole et de gaz, empêchant ainsi le gouvernement d'investir davantage dans les secteurs productifs et les besoins sociaux;
E. considérant que la combustion de carburants fossiles est la première cause du changement climatique et que, bien qu'il ait été démontré qu'il est possible d'exploiter des énergies alternatives propres, les gouvernements argentin et espagnol s'opposent sur une source d'énergie obsolète, onéreuse et polluante;
F. considérant qu'YPF a mené une politique contraire à l'intérêt général de l'Argentine et au principe de souveraineté énergétique du pays en réduisant ses investissements et en diminuant la production et les réserves de pétrole de 8,6 millions de mètres cubes entre 1998 et 2011;
1. reconnaît le droit des gouvernements de nationaliser des secteurs stratégiques de l'économie, y compris le secteur de l'énergie, lorsque les intérêts d'une entreprise privée et ceux de la majeure partie de la population divergent fortement et que le secteur est devenu crucial pour mettre en œuvre des politiques économiques fondamentales, notamment dans le contexte d'une grave crise économique;
2. invite le gouvernement argentin à mieux réglementer des secteurs stratégiques afin d'éviter que des entreprises portent atteinte à l'intérêt national et qu'apparaisse l'incertitude juridique; demande également au gouvernement argentin d'assurer une gestion efficace et transparente d'YPF qui soit à l'avantage de la population argentine et non de groupes d'intérêt déconnectés de l'économie productive et de la création d'emplois;
3. invite le gouvernement espagnol à ne pas confondre intérêts public et privé; estime que les intérêts de l'entreprise privée Repsol ne coïncident pas avec l'intérêt général de l'Espagne ni avec les intérêts de l'Union européenne;
4. invite la Commission européenne à incorporer dans la négociation d'un accord avec le Mercosur des clauses visant à garantir que la gestion privée de secteurs stratégiques corresponde aux intérêts du pays pour les deux parties et à promouvoir également la certitude juridique et les investissements étrangers;
5. observe que l'intervention du gouvernement argentin au sujet d'YPF est un cas isolé et légitime et qu'elle ne doit donc aucunement constituer d'obstacle aux bonnes relations diplomatiques qu'entretiennent actuellement l'UE et l'Argentine;
6. invite la République argentine à mener un processus de nationalisation transparent et négocié, dans le respect du Valuation Tribunal de l'Argentine prévu par la loi sur l'expropriation et conformément au droit international;
7. exhorte l'Union européenne et le Mercosur à mettre en place des mécanismes de coopération en vue de surmonter le contexte de crise actuel en élaborant une politique énergétique qui soit détachée du pétrole et des compagnies pétrolières et de promouvoir un modèle énergétique renouvelable, efficace et intelligent dans les deux régions;
8. incite la République argentine à investir une part appropriée des revenus du pétrole dans la production d'énergies renouvelables, afin de réduire sa dépendance à l'égard du pétrole et de lutter sans faiblir contre le changement climatique conformément à ses engagements internationaux;
9. demande à la Commission européenne de ne pas faire obstacle aux négociations d'accords commerciaux avec le bloc du Mercosur à cause de ce conflit isolé, et rappelle que l'Union devrait maintenir son engagement à l'égard du processus d'intégration de la région d'Amérique latine;
10. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, à la Commission, au gouvernement de l'Argentine et au Mercosur.