PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur Droits de l'homme en matière de sécurité dans la région du Sahel
12.6.2012 - (2012/2680(RSP))
conformément à l'article 122 du règlement
Véronique De Keyser, Ana Gomes, Liisa Jaakonsaari, Ricardo Cortés Lastra, Corina Creţu au nom du groupe S&D
Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B7-0305/2012
B7‑0324/2012
Résolution du Parlement européen sur Droits de l'homme en matière de sécurité dans la région du Sahel
Le Parlement européen,
– vu l'article 122 de son règlement,
– vu la "Stratégie de l'Union européenne pour la sécurité et le développement dans la région du Sahel, adoptée le 23 mars 2012 par le Conseil "Affaires étrangères",
– vu la Stratégie contre le terrorisme de l'Union européenne, adoptée à Bruxelles le 30 novembre 2005,
– vu la Stratégie européenne de sécurité, adoptée à Bruxelles le 12 décembre 2003,
– vu les dispositions supplémentaires pertinentes du traité sur l'Union européenne (TUE) et notamment ses articles 3, 6, 21 et 39, et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), et notamment ses articles 205, 208, 214 et 222,
– vu l'accord de partenariat ACP-UE (Accord de Cotonou) et en particulier ses articles 1, 8, 25 et 28,
– vu le Partenariat Afrique-UE pour la paix et la sécurité, en particulier les initiatives 2, 7 et 8 du Plan d'action 2011-2013, adopté lors du sommet Afrique/ Union européenne de Tripoli, des 29 et 30 novembre 2010,
– vu le protocole de la Convention de l'Union africaine sur la prévention et la lutte contre le terrorisme, adoptée à Addis–Abeba le 8 juillet 2004 par la 3e session ordinaire de la Conférence de l'Union africaine,
– vu la Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif, adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies à New York, le 15 décembre 1997,
– vu la résolution 60/288 du 8 septembre 2006 de l'Assemblée générale des Nations unies sur la stratégie antiterroriste mondiale des Nations unies,
– vu la Convention des Nations unies sur le crime organisé transnational du 15 novembre 2000, et ses protocoles,
– vu le Programme d'action des Nations unies, en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects, adopté à New York le 20 juillet 2001,
– vu le "programme de Stockholm" et les orientations qu'il fixe, au point 1.2.4, en vue d'une cohérence accrue entre les aspects internes et externes des problèmes de sécurité, et au point 4.4.2, sur une approche globale, y compris des relations extérieures, dans la lutte contre la traite des êtres humains,
– vu la convention de l'Organisation de la conférence islamique pour combattre le terrorisme international, approuvée par la 26e session de la Conférence islamique des ministres des affaires étrangères tenue à Ouagadougou, du 28 juin au 1er juillet 1999,
A. considérant la détérioration de la situation en matière de sécurité et de Droits de l'Homme dans la région du Sahel ;
B. considérant l'occupation du nord Mali, qui représente deux tiers du territoire malien, par des groupes armés illégaux qui terrorisent les populations locales et bafouent les droits de l'Homme ;
C. considérant que certains de ces groupes armés illégaux sont composés majoritairement d'étrangers qui se réclament du "Jihad global" et veulent imposer par la force un Etat islamique au Nord Mali ;
D. considérant que la chute de la dictature libyenne a entraîné la prolifération, dans la zone sahélo-saharienne, d’énormes quantités d’armes entre les mains des divers groupes terroristes, des groupes criminels et des narcotrafiquants sévissant dans cette zone, et constituent une grave menace pour la sécurité et la stabilité de l’ensemble de la sous-région ;
E. considérant que les ex-combattants qui sont revenus de Libye avec d’importantes quantités d’armes et de munitions ont souvent été recrutés par des mouvements rebelles et des bandes criminelles ;
F. considérant que cette évolution, conjuguée à la résurgence de l’irrédentisme touareg dans des pays comme le Mali et le Niger, met en péril la stabilité et l’intégrité territoriale des pays de la région sahélo-saharienne ;
G. considérant que l'occupation du Nord du Mali suscite de vives inquiétudes ;
H. considérant que l'immensité d'un territoire, peu peuplé de 4 millions de kilomètres carrés et que la longueur de frontières, peu délimitées, nécessitent une bonne coordination des renseignements et des actions, ainsi que des moyens sophistiqués de détection, de protection et de prévention ;
I. considérant la nécessité de mobiliser l'ensemble des acteurs internationaux, régionaux et nationaux pour intensifier la lutte contre le terrorisme et renforcer la sécurité dans la région, y compris par un dialogue structuré ;
J. considérant que l'arc sahélien est un espace charnière entre l'Afrique subsaharienne et l'Europe, et que, par conséquent, la situation dans la bande sahélo-saharienne constitue un enjeu de sécurité essentiel, à la fois pour l'Afrique et pour l'Europe ;
K. considérant que la transformation de la bande sahélo-saharienne en espace propice aux activités et trafics illicites et dangereux est une menace pour la sécurité dans le monde ;
L. considérant le sous-développement des régions arides et ses effets sur une jeunesse en proie au désœuvrement, terroristes utilisant, pour leur recrutement, le déficit de développement, la précarité, les frustrations sociales et le désœuvrement de nombreux jeunes de la région, sans perspective d'avenir, en leur proposant des revenus illicites mais importants ;
M. considérant les graves répercussions de l'insécurité sur l'économie de la région, en particulier les secteurs minier et touristique, sur son développement, ainsi qu'en matière de création d'emplois, considérant que la dégradation de la situation sur le plan de la sécurité a entraîné l’arrêt des projets de développement en cours dans plusieurs pays de la sous-région, précipitant ainsi dans le chômage de nombreux jeunes dont la fragilisation risque de profiter aux groupes terroristes ou criminels ;
N. considérant la transformation de la région en zone de transit et de transaction pour narcotrafiquants, vendeurs d'armes, passeurs de migrants clandestins vers l'Europe et refuge pour groupes terroristes ;
O. considérant la recrudescence de l'insécurité dans cette zone, causée par la branche maghrébine d'Al Qaïda (AQMI), avec ses enlèvements et séquestrations d'otages transformés en objets de marchandage ;
P. considérant les moyens et possibilités énormes dont disposent les terroristes et les narcotrafiquants face à ceux des États menacés ;
Q. considérant les traditions de tolérance, de solidarité et de respect de la personne humaine qui sont celles de l'islam pratiqué dans la région ;
R. considérant que les enlèvements contre rançon relèvent plus du grand banditisme que de la lutte idéologique ou religieuse ;
S. considérant que l'option militaire ne peut être efficace qu'adossée à une politique de développement durable ;
T. considérant que les instruments internationaux susmentionnés constituent la base d'une coopération renforcée ;
U. considérant que le Centre international pour les études terroristes a fait état d'une hausse significative des attaques terroristes en Afrique du Nord et de l'Ouest, lesquelles ont augmenté de plus de 500 % depuis le 11 septembre 2001, ce qui représente 1500 personnes décédées et 6000 blessés ;
V. considérant le caractère alarmant pour la région du renforcement des liens entre les trafiquants de drogue d'Amérique latine et des États d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique centrale, et que cette région apparaît désormais comme un point de transit essentiel pour l'expédition de drogue vers l'Europe – qui représente plus de 25 % de la consommation mondiale de cocaïne –, soulignant que ce phénomène nécessite un engagement accru de l'Union européenne ;
W. considérant que, dans les pays du Sahel, le risque augmente de voir se renforcer les liens entre les cartels de la drogue latino-américains, très organisés et très riches, et des organisations terroristes ;
X. considérant que la Stratégie européenne pour la sécurité de 2003 indique que le terrorisme constitue "une menace stratégique croissante pour l'ensemble de l'Union" et que, par conséquent, la région sahélo-saharienne est une des priorités de l'Union européenne pour l'action contre le terrorisme ;
Y. considérant qu'il est essentiel de tarir les sources de revenus provenant des trafics illicites et des enlèvements, et, pour cela, de prendre toutes les mesures en vue d'éviter le blanchiment d'argent ;
Z. considérant que de nombreux témoignages attestent de graves violations des droits de l'homme dans les régions occupées par les groupes armés illégaux, où tous les hôpitaux qui avaient été saccagés ne pouvaient même pas assurer les services de soins essentiels minimums;
AA. considérant la situation de crise humanitaire et alimentaire qui frappe 15 millions de personnes, dont 1,4 millions d'enfants, le prix de la nourriture étant le double d'une année normale, aggravée par les attaques violentes des rebelles touaregs et des groupes des radicaux islamistes, qui ont provoqué le déplacement de 81 000 personnes à l’intérieur du pays et vers les pays voisins ;
BB. considérant que l'insécurité rend difficile, et parfois impossible, la mise en œuvre des projets de développement et les activités des ONG humanitaires ;
CC. considérant que la commission des budgets du Parlement européen a débloqué une aide d'urgence de 40 millions d'euros, en plus des 123,5 millions d'aide humanitaire du FED ;
1. condamne fermement le terrorisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations, et demande la libération sans condition de tous les otages ;
2. condamne toute prise du pouvoir par la force ;
3. condamne fermement les activités des groupes armés dans la région, notamment l’occupation du Nord du Mali par les troupes du MNLA, d’Ançar Eddine, d’AQMI et d’autres groupes armés illégaux, et demande le retrait immédiat et sans condition de ces troupes ;
4. déplore la détérioration de la situation en matière de sécurité dans la région sahélo-saharienne, qui a coûté la vie à de nombreuses personnes et menace de saper les progrès réalisés ces dernières années en matière de démocratie et de lutte antiterroriste dans la région ;
5. condamne les graves violations des droits de l’homme, les pillages et autres exactions auxquelles les occupants se livrent sur des populations civiles sans défense ;
6. condamne notamment les atrocités commises à l’encontre des populations civiles, et dirigées majoritairement contre les femmes et les enfants, et condamne tout particulièrement le recours à l’enlèvement et au viol comme armes de guerre ;
7. demande une enquête sur les atrocités commises ces derniers mois au Mali ;
8. invite la Commission à accorder une attention particulière à la situation des femmes et des filles dans la région du Sahel et à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer leur protection contre tous les types de violences et contre les violations des droits humains ;
9. souligne l'importance de l'aide, du soutien et du suivi psychologique aux victimes du terrorisme et à leurs familles ;
10. demande au Conseil de sécurité des Nations Unies d’adopter une résolution d’urgence dans le cadre de la pacification de la zone sahélo-saharienne ;
11. invite les Nations unies à développer, sans tarder, une réponse plus coordonnée dans le Sahel, comme exprimé dans la déclaration présidentielle du Conseil de sécurité des Nations unies (S/PRST/2009/20) du 10 juillet 2009 sur la lutte contre les activités criminelles transfrontalières et les menaces terroristes, en particulier dans la bande sahélienne, y compris la mise en œuvre de la stratégie antiterroriste mondiale dans la région ;
12. souligne qu'il est indispensable que la communauté internationale, et en particulier l'Union européenne et les pays de la région sahélo-saharienne adopte une approche commune efficace pour lutter contre la violence dans la région sahélo-saharienne ;
13. appuie le renforcement de la coopération internationale relative à la lutte contre le terrorisme; se félicite des efforts de coordination réalisés par certains pays; encourage tous les pays de la région à continuer de mettre en commun leurs efforts pour rendre plus efficace leur lutte contre le terrorisme et le grand banditisme, et souhaite que l'échange de renseignements ne soit pas compromis par des rivalités régionales ;
14. demande au Secrétaire général des Nations unies, au Président du Conseil de l'Union européenne, et au Président de la Commission de l'Union africaine, de faciliter la tenue d'une rencontre au sommet des chefs d'État de la région, afin de parvenir à une stratégie commune de lutte contre les éléments terroristes et mafieux afin d'assurer un contrôle coordonné de toute la bande sahélo-saharienne ;
15. demande aux États ayant en partage l'espace sahélo-saharien de mutualiser leurs moyens de communication et de renseignements afin de s'informer en temps réel sur la position des groupes terroristes ;
16. demande à la communauté internationale d'appuyer les États riverains de la bande sahélo saharienne par des moyens efficaces de surveillance aérienne et terrestre, et de les doter, pour ce faire, des équipements militaires et de l'appui technique leur permettant de lutter contre ces terroristes;
17. appelle la Commission et le Conseil à accélérer la capacité de réaction de l’Union en matière de gestion intégrée des frontières et à soutenir la société civile et les médias, ainsi qu'il en a été convenu lors de la conférence internationale tenue à Paris le 2 septembre 2011 ;
18. espère qu’une mission de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) aidera les pays de la sous-région à contrôler plus efficacement leurs frontières, et en particulier à combattre le trafic d’armes et de stupéfiants ainsi que la traite des êtres humains ;
19. exhorte les chefs d’État concernés à créer un cadre permanent de concertation sur la paix et la sécurité dans la région et d’en faire un pôle de stabilité et de développement; recommande que les relations entre sécurité et développement soient clairement déterminées afin d'augmenter autant que possible l'efficacité des programmes engagés;
20. demande au Conseil de l'Union européenne et à ses États membres de mobiliser tous les moyens disponibles pour promouvoir la sécurité et le développement de la région sahélo-saharienne en coopération avec les États de la région, les Nations unies et les autres partenaires internationaux ;
21. condamne la prolifération des armes et appelle à la mise en place d'une stratégie d´urgence de désarmement, de démobilisation et de réintégration des combattants rebelles ;
22. exhorte les États de la région sahélo-saharienne et les agences multilatérales compétentes à prendre toutes les mesures nécessaires pour enrayer la prolifération des armements dans la région, y compris le transfert d’armes légères et de petit calibre, et à mettre en œuvre des programmes de collecte et de destruction des armes légères et de petit calibre, ainsi qu'à instaurer des mesures en vue d’échanges d’informations et d’opérations de sécurité conjointes dans la région;
23. soutient toutes les initiatives en vue d'empêcher et de contrer le trafic de drogues, la traite des êtres humains et la criminalité organisée dans la région sahélo-saharienne de l'Afrique de l'Ouest au moyen d'un plan d'action régional ;
24. insiste sur la nécessité de mesures efficaces en vue du tarissement des sources de financement des terroristes et de leurs complices, et souhaite que les États de la région adoptent les dispositions préconisées par l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC): réforme des systèmes de justice pénale, lois contre la corruption, amélioration du contrôle du commerce d'armes légères, gel des comptes bancaires des suspects ;
25. encourage l'aide fournie au Centre africain d'étude et de recherche sur le terrorisme (CAERT), mandaté afin de faciliter la mise en œuvre du cadre antiterroriste de l'Union africaine (AU), dans son action visant à développer une base de données confidentielle répertoriant les terroristes présumés et les évolutions de l'activité terroriste ;
26. se félicite de la mise en place du Comité d’état-major opérationnel conjoint (Cemoc) créé en 2010 par l’Algérie, le Mali, la Mauritanie et le Niger pour coordonner la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée et l’activité des narcotrafiquants dans la zone sahélo-saharienne ;
27. se félicite que l'utilisation des fonds de "l'instrument de stabilité" de l'Union européenne ait été étendue à la région sahélo-saharienne ;
28. soutient le renforcement des capacités dans un cadre multilatéral tel que les Nations unies:
29. demande que toutes les mesures prises pour lutter contre le terrorisme soient conformes aux conventions et protocoles internationaux en matière de respect des droits humains ;
30. insiste sur la nécessité de concilier la lutte contre les groupes terroristes et le développement de la région ;
31. demande à l’Union européenne, dans le cadre des Programmes Indicatifs Régionaux (PIR) et des Programmes Indicatifs Nationaux (PIN), d’accentuer son action en faveur des populations de la région en aidant à leur fournir un meilleur accès à l’eau et aux services publics d’éducation et de santé ainsi que de meilleures infrastructures pour permettre l'épanouissement des entreprises et des activités commerciales dans la région ;
32. se félicite que les activités des ONG contribuent substantiellement au développement, à la démocratie et au respect des droits de l'homme, et qu'il pourrait s'avérer utile de les consulter de façon à obtenir des informations précieuses sur la situation dans ce domaine; indique que les mesures répressives de lutte antiterroriste ne devraient pas faire obstacle aux efforts de ces organisations dans les domaines du développement, de la démocratie et des droits de l'homme ;
33. observe que la région sahélienne est l'une des régions les plus touchées par le changement climatique et l'appauvrissement de la biodiversité, des phénomènes qui ont une incidence majeure sur l'agriculture et les agriculteurs, ainsi que sur les conditions de vie de la population locale, et qui accroissent la pauvreté et les inégalités ;
34. demande instamment à la Commission européenne de soutenir les actions visant à empêcher la désertification progressive de cette région, notamment en utilisant les connaissances locales et la recherche dans ce domaine ;
35. charge son Président de transmettre la présente résolution au Président du Conseil de l'Union européenne, à la Vice-présidente de la Commission européenne/ Haute Représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au Secrétaire général des Nations unis et aux gouvernements des pays riverains de la bande sahélo-saharienne.