Proposition de résolution - B7-0434/2012Proposition de résolution
B7-0434/2012

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur l'utilisation politique de la justice en Russie

10.9.2012 - (2012/2789(RSP))

déposée à la suite d'une déclaration de la vice-présidente de la Commission / haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
conformément à l'article 110, paragraphe 2, du règlement

Helmut Scholz, Alda Sousa, Marisa Matias au nom du groupe GUE/NGL

Procédure : 2012/2789(RSP)
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B7-0434/2012
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B7-0434/2012
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B7‑0434/2012

Résolution du Parlement européen sur l'utilisation politique de la justice en Russie

(2012/2789(RSP))

Le Parlement européen,

–   vu ses résolutions sur les relations entre l'Union européenne et la Russie,

–   vu l'article 110, paragraphe 2, de son règlement,

A. considérant que la Douma d'État a adopté plusieurs lois controversées qui dégradent sérieusement les conditions dans lesquelles les citoyens de la Fédération de Russie peuvent exercer leur droit à la liberté d'expression et à la liberté de réunion;

B.  considérant que dans une démocratie, le droit à la liberté d'expression peut être subordonné à des conditions destinées notamment à protéger la moralité et les droits d'autrui, mais que les sanctions imposées doivent être proportionnées à la gravité de l'infraction et que ces conditions ne devraient pas mettre en danger les libertés civiles;

C. considération que la nouvelle loi sur les organisations non commerciales qualifie les organisations non gouvernementales qui reçoivent des fonds de l'étranger d'"agents étrangers" et crée des obstacles administratifs supplémentaires à leurs activités;

D. considérant qu'en vertu de la nouvelle loi qui restreint le droit de manifestation, les individus qui participent à des manifestations non autorisées pourraient encourir des sanctions maximales de 300 000 roubles (7 400 euros ou 9 300 dollars) ou de 200 heures de peine d'intérêt général, tandis que les organisations pourraient se voir infliger des amendes pouvant s'élever jusqu'à 1 million de roubles, que les autorités administratives disposent désormais de pouvoirs plus larges pour refuser de délivrer des autorisations de rassemblements de masse;

E.  considérant qu'en juillet 2012, les dispositions relatives à la calomnie ont été rétablies dans le code pénal et que, de ce fait, la loi qui avait requalifié la calomnie en infraction administrative adoptée il y a à peine sept mois a été annulée;

F.  considérant que la nouvelle loi visant à lutter contre la pédopornographie et les sites internet illicites qui se rapportent aux drogues ou au suicide, par exemple, font l'objet de vives critiques, car son libellé laisse une marge d'interprétation qui permet aux autorités d'interdire les sites internet qui émettent des critiques politiques et peut être utilisé pour restreindre l'exercice légitime de la liberté de parole et d'information;

G. considérant que les membres du groupe punk féministe russe Pussy Riot ont interprété une chanson de protestation intitulée "Vierge Marie, libère‑nous de Poutine" dans la cathédrale du Christ‑Sauveur de Moscou le 21 février 2012, le visage dissimulé par des cagoules, que la chanson invite la Vierge Marie à devenir une féministe et à chasser Vladimir Poutine, qu'elle critique également l'attachement et le soutien que certains représentants de l'Église orthodoxe russe ont manifesté à Poutine, que la prestation faisait partie d'un mouvement de manifestations plus vaste contre Poutine et le déroulement inéquitable des élections en Russie, que Nadejda Tolokonnikova, Maria Aliokhina et Ekaterina Samoutsevitch, toutes âgées d'une vingtaine d'années, ont été arrêtées en mars et accusées de "vandalisme motivé par la haine religieuse et hostilité contre un groupe social, planifiés par un groupe organisé", et que le 17 août, un tribunal moscovite a condamné les trois membres du groupe punk Pussy Riot à deux ans d'emprisonnement dans une colonie pénitentiaire;

H. considérant que plusieurs dizaines de manifestants pour la plupart pacifiques ont été tenus à l'écart du tribunal lorsque le jugement a été prononcé le 17 août;

I.   considérant que la prestation des Pussy Riot dans la cathédrale du Christ‑Sauveur a permis d'ouvrir un large débat sur les blogs et les réseaux sociaux ainsi que dans les médias en Russie et a donné lieu à des actions de soutien en faveur des trois femmes arrêtées mais aussi à des actions dirigées contre elles, que des artistes, des musiciens, des acteurs et des réalisateurs en Russie et dans le monde ont demandé la libération des trois femmes;

J.   considérant qu'à l'issue du jugement, l'Église orthodoxe a publié une déclaration officielle indiquant que le procès et le jugement étaient équitables et justes mais demandant au gouvernement de faire preuve de clémence à l'égard des trois femmes;

K. considérant que la police a également publié une déclaration selon laquelle deux autres membres des Pussy Riot, qui ont également participé à l'action de février, figurent sur la "liste de personnes recherchées" et sont mises en cause dans une affaire pénale distincte;

1.  souligne l'importance du respect intégral par la Russie et l'Union européenne de leurs obligations juridiques internationales et des principes fondamentaux des droits de l'homme consacrés par les conventions des Nations unies et de l'Union européenne, à savoir la Convention européenne des droits de l'homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auxquels la Russie est partie;

2.  regrette que le dialogue entre l'Union européenne et la Russie relatif à la politique et aux droits de l'homme se soit révélé jusqu'à présent inefficace et qu'en dépit des déclarations officielles, il n'existe aucune optique commune des droits de l'homme, des droits civils et démocratiques ni de l'état de droit;

3.  estime que seul le dialogue, notamment le renforcement de sa dimension parlementaire, peut contribuer à surmonter ces profondes différences; invite la délégation à la commission de coopération parlementaire UE‑Russie à intensifier le dialogue avec ses partenaires russes, à leur faire part de ses inquiétudes et à les leur expliquer;

4.  note et soutient les efforts déployés récemment par la Cour suprême de la Fédération de Russie destinés entre autres à renforcer la sécurité juridique de l'État russe en mettant en œuvre des objectifs contraignants sur la base de la Constitution et de la législation pertinente relative aux activités des services répressifs pour empêcher tout abus et toute situation arbitraire;

5.  se déclare préoccupé par le fait qu'en l'espace de deux mois à peine, nous avons constaté une modification inquiétante de l'environnement législatif régissant le respect des libertés de réunion, d'association, de parole et d'information dans la Fédération de Russie; invite instamment le gouvernement et le parlement de la Fédération de Russie à ne pas revenir en arrière, à des restrictions plus nombreuses en matière de droits civils et démocratiques;

6.  invite le gouvernement et le parlement de la Fédération de Russie à créer un climat dans lequel les individus et les organisations de la société civile sont en mesure d'exercer leurs activités sans avoir à craindre d'être harcelés ou intimidés, comme le garantit la constitution russe et conformément aux obligations internationales qui incombent à la Russie, notamment en tant que membre du Conseil de l'Europe;

7.  constate que le président russe Poutine a indiqué dans ses récentes déclarations que le gouvernement n'interviendra à aucun moment dans l'instruction de l'affaire;

8.  estime que la condamnation des trois jeunes femmes à deux ans d'emprisonnement pour avoir exprimé leurs opinions de manière pacifique, si tant est qu'elle soit controversée, est totalement injustifiée; invite les tribunaux russes à réexaminer rapidement la condamnation de Nadejda Tolokonnikova, Maria Aliokhina et Ekaterina Samoutsevitch dans le respect des engagements internationaux pris par la Russie et à ouvrir dans les meilleurs délais l'audience de la cour d'appel conformément au dossier de requête en appel présentée par les avocats des jeunes femmes;

9.  invite les autorités à mettre un terme aux poursuites pénales engagées contre les membres de Pussy Riot et à clore l'enquête judiciaire contre les deux autres participantes à l'action de février;

10. regrette que le dialogue sur les droits de l'homme entre l'Union européenne et la Russie se soit révélé jusqu'à présent inefficace; estime que le renforcement de la dimension parlementaire du dialogue sur les droits de l'homme serait un instrument important pour améliorer la situation; invite la délégation à la commission de coopération parlementaire UE‑Russie à intensifier le dialogue avec ses partenaires russes;

11. encourage le Conseil à suivre de près les évolutions internes en Russie en matière d'état de droits, de droits de l'homme et de respect des principes démocratiques; souligne que le respect de ces valeurs et principes communs constitue une condition sine qua non pour l'établissement de relations dans le cadre d'un partenariat stratégique;

12. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission ainsi qu'au Service européen pour l'action extérieure, au gouvernement de la Fédération de Russie et à la Douma russe.