PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur l'ouverture de négociations relatives à un accord multilatéral sur les services
26.6.2013 - (2013/2583(RSP))
conformément à l'article 110, paragraphe 2, du règlement
Franziska Keller, Yannick Jadot, Bart Staes, Eva Lichtenberger au nom du groupe Verts/ALE
B7‑03187/2013
Résolution du Parlement européen sur l'ouverture de négociations relatives à un accord multilatéral sur les services
Le Parlement européen,
– vu ses précédentes résolutions sur les services et, notamment, sa résolution du 4 septembre 2008 sur le commerce des services[1],
– vu l'accord général sur le commerce des services (AGCS), entré en vigueur le 1er janvier 1995,
– vu le projet de directives de négociation d'un accord multilatéral sur le commerce des services, publié par la Commission le 15 février 2013,
– vu l'article 110, paragraphe 2, de son règlement,
A. considérant que 129 pays membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ont pris des engagements au titre de l'accord général sur le commerce des services (AGCS);
B. considérant que les 22 membres de l'OMC[2] qui ont commencé, en avril 2013, à négocier sur un nouvel accord multilatéral sur les services (accord sur le commerce des services – ACS) sont pour la plupart des pays développés; considérant qu'aucun pays BRICS, qu'aucun membre de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE) et qu'aucun pays africain ne participe pour l'instant à ces négociations;
C. considérant que la Commission a présenté un projet de directives de négociation au Conseil le 15 février 2013 et qu'elle a reçu un mandat le 18 mars 2013; considérant que la Commission n'a pas jugé utile d'attendre l'avis du Parlement européen avant de soumettre le projet de directives de négociation au Conseil;
1. estime que le système commercial multilatéral reste le cadre le plus légitime et le plus efficace pour instaurer des règles justes et équitables en matière de commerce à l'échelle mondiale; constate avec préoccupation que les nouvelles initiatives visant à donner un élan à l'élaboration de règles commerciales, telles que les négociations plurilatérales sur l'accord sur le commerce des services (ACS), sont négociées en dehors du cadre de l'OMC; souligne cependant qu'il est capital d'ancrer fermement ces nouvelles initiatives dans le cadre de l'OMC;
2. souligne que les règles mondiales applicables au commerce des services sont codifiées dans l'AGCS, qui fait partie intégrante de l'accord de l'OMC; rappelle qu'en 1995, l'intégration de l'AGCS dans le cadre de l'OMC a été le fruit d'un compromis international entre les pays développés et les pays en développement s'agissant de l'inclusion de l'accord sur l'agriculture dans le cadre de l'OMC;
3. constate que, depuis la conférence ministérielle de l'OMC de 2005 à Hong‑Kong, peu d'attention est accordée au commerce des services dans le cycle de Doha; est conscient que certains services, tels que les transports, la communication et les services juridiques, constituent la pierre angulaire des relations commerciales entre les pays engagés dans les chaînes de valeur mondiales reposant dans une large mesure sur la libéralisation de ces services; souligne, cependant, que la stagnation de la libéralisation des services reflète largement l'impasse dans laquelle se trouvent les parties au cycle de Doha, notamment pour ce qui est du secteur agricole, et notamment du manque d'avancées dans la suppression graduelle des subventions aux exportations agricoles;
4. est conscient que les listes d'engagements spécifiques contractés par les parties au titre de l'AGCS sont partiellement dépassées et qu'elles dénotent par ailleurs des différences dans les niveaux de libéralisation et de discipline s'agissant des engagements pris par les membres de l'OMC en matière d'échanges de services; fait toutefois remarquer qu'il s'agit là de la véritable nature du secteur des services, qui diffère fondamentalement du secteur du commerce de biens;
5. rejette l'ouverture et la poursuite des négociations multilatérales sur l'accord sur le commerce des services (ACS) en raison des différents motifs présentés dans les paragraphes suivants;
6. estime qu'un ACS ne peut pas être conclu sur la base de l'article X.9 de l'accord de l'OMC dans le but d'ajouter un ACS à l'annexe 4 dudit accord; estime que la conférence ministérielle de l'OMC n'est pas habilitée à accepter un accord multilatéral négocié au sein d'un sous-ensemble de membres de l'OMC dans le secteur des services, pour lequel un accord plurilatéral fondé sur la clause de la nation la plus favorisée (AGCS) est déjà en place; invite les parties aux négociations de l'ACS à reconsidérer la pertinence de cette approche, étant donné qu'aucun précédent n'existe dans l'histoire de l'OMC et qu'un tel accord pourrait réellement bouleverser la structure du système d'échanges multilatéral;
7. note que la majorité des participants à cette initiative privilégient la conclusion d'un ACS dans le cadre de l'article V de l'AGCS, en tant qu'accord de libre-échange (ALE) plurilatéral en matière de services, sans étendre les bénéfices de ce futur accord à l'ensemble des membres de l'OMC et donc sans appliquer la clause de la nation la plus favorisée de l'AGCS[3]; rappelle que, pour être admissible au titre de l'article V de l'AGCS, l'ACS devrait être très ambitieux et couvrir une partie substantielle des échanges de services, dans tous les secteurs et pour tous les modes de prestation;
8. souligne que, pour l'heure, les pays en développement et les pays émergents ne participent pas aux négociations de l'ACS et que certains d'entre eux se montrent résolument opposés à cette initiative; est convaincu que les pays en développement et les pays émergents ne seront pas encouragés à rejoindre ultérieurement l'ACS si celui-ci doit être très ambitieux pour être qualifié d'ALE au titre de l'article V de l'AGCS;
9. conclut dès lors que les règles de l'OMC ne fournissent pas de base pour cette initiative ou pour l'intérêt déclaré de l'Union de libéraliser davantage le secteur des services; prévient que l'initiative d'ACS pourrait même nuire à la perspective de progrès dans la forme et la structure existantes de l'AGCS si l'ACS devait renoncer à la notion de liste positive des engagements, aux définitions et principes fondamentaux énoncés dans l'AGCS ainsi qu'aux règles sur le traitement national, l'accès au marché et les disciplines;
10. prie instamment la Commission de se retirer de l'initiative d'ACS;
11. estime qu'au regard des contraintes budgétaires auxquelles la Commission doit faire face, le Conseil pourrait envisager de répondre positivement à cette demande de retrait du mandat de négociation de l'ACS afin de faire en sorte que les ressources de la DG Commerce soient utilisées de manière plus appropriée pour l'économie européenne;
12. note que l'Union européenne a déjà conclu ou négocie actuellement des accords commerciaux bilatéraux avec certains des partenaires aux négociations de l'ACS (y compris avec le Japon et bientôt avec les États-Unis), lesquels accords comportent d'importants chapitres sur les services qui tiennent mieux compte des questions bilatérales spécifiques à chaque pays; estime que l'Union ne sera pas désavantagée par son retrait de l'initiative d'ACS;
13. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission.