PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la République Centrafricaine
10.9.2013 - (2013/2823(RSP))
conformément à l'article 122 du règlement
Marie-Christine Vergiat au nom du groupe GUE/NGL
Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B7-0399/2013
Le Parlement européen,
- vu la déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948 , le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes de 1979 ;
- vu l'article 3 et le protocole II de la Convention de Genève de 1949, qui interdisent les exécutions sommaires, les viols, les recrutements forcés et d'autres exactions;
- vu le protocole optionnel de la convention sur les droits de l'enfant concernant l'engagement d'enfants dans les conflits armés, signé par la République centrafricaine;
- vu les résolutions 1325 (2000), 1820 (2008), 1888 (2009) et 1960 (2010) du Conseil de sécurité des Nations unies sur les femmes, la paix et la sécurité,
- vu la résolution 60/1 de l'Assemblée générale des Nations unies, du 24 octobre 2005, sur les résultats du Sommet mondial de 2005, et en particulier ses paragraphes 138 à 140 sur la responsabilité de protéger les populations;
- vu la charte africaine des droits de l'Homme et des peuples, ratifiée par la République centrafricaine en 1986;
- vu l'Accord de Cotonou de juin 2000;
- vu le document stratégie pays (DSP) et le Programme indicatif National (PIN) signés entre la République centrafricaine et l’Union européenne pour la période 2008-2013;
- vu la résolution 1923 (2010) adoptée par le Conseil de sécurité à sa 6321e séance, le 25 mai 2010;
- vu la déclaration du Conseil de sécurité sur la République centrafricaine du 3 janvier 2013;
- vu la Constitution de la République centrafricaine du 27 décembre 2004;
- vu la mise en place par l'ONU en 2000 du BONUCA puis en 2009 du BINUCA;
- vu la charte de l'organisation de l'unité africaine (OUA);
- vu la déclaration de la Commissaire à la coopération internationale, à l'aide humanitaire et à la réaction aux crises Kristalina Georgieva sur le conflit en République centrafricaine du 21 décembre 2012
- vu la déclaration du porte-parole de Catherine Ashton du 1er janvier 2013.
- vu le pacte d'assistance mutuelle entre les membres de la Communauté économique des Etats d'Afrique Centrale (CEEAC);
- vu les accords de paix signés à Libreville en 2008 entre la République centrafricaine et les mouvements politico-militaires centrafricains (APRD, FDPC, UFDR);
- vu les déclarations du 25 mars de l'Union africaine et du Conseil de Sécurité de l'ONU qui condamnent l'éviction du président Bozizé.
- vu la déclaration du Président Hollande lors de la conférence des ambassadeurs du mardi 27 août, lançant un appel à la mobilisation de l'Union africaine et du Conseil de sécurité de l'ONU.
A. considérant que la RCA connait depuis 2003 une série de troubles politiques et sécuritaires dus aux violences perpétrées par des groupes politico-militaires, dans le nord et l’est du pays; considérant que Seleka est constitué de quatre groupes rebelles qui ont signé un accord de paix avec le président François Bozizé en 2007;
B. considérant que le 24 mars 2013, les rebelles ont pris le contrôle de la capitale Bangui et évincé le président Bozizé, engendrant la mort de nombreux soldats et de civils, que le chef rebelle, ancien ministre de la défense du gouvernement unitaire, Michel Djotodia, a pris le pouvoir transitionnel, puis a été officiellement investi le 18 août, qu'il ne maitrise plus totalement les troupes de la Séléka, que le pays fait depuis lors l'objet de violences et de pillages réguliers;
C. considérant que le 1er août une force de l'Union africaine, la Misca (Mission de consolidation de la paix en Centrafrique) s'est déployée en République centrafricaine et que le 4 septembre une opération de désarmement de la Seleka a été lancée par les forces de l'armée centrafricaine.
D. considérant que le quartier de Boy-Rabé, au nord de Bangui a été le 21 août le théâtre de violences faisant plus de 10 morts, considérant que le 29 août 6.000 personnes se sont regroupées sur l'aéroport de Bangui, sécurisé par des soldats français et de la Misca pour fuir leur quartier Boeing (à Bangui) ciblé par la Séléka.
E. considérant que selon l'ONU, la crise humanitaire affecte l'ensemble de la population, soit 4,6 millions de personnes, dont la moitié sont des enfants; considérant que 1,6 millions de personnes ont urgemment besoin d'assistance, notamment une aide alimentaire, la protection, accès aux soins de santé, à l'eau potable, à l'assainissement et au logement.
F considérant que les peuples ont le droit à disposer d'institutions démocratiques.
F. considérant que 400 personnes au moins auraient trouvé la mort depuis le début de conflit, que plus de 200.000 personnes ont été déplacées dans le pays et plus de 60.000 personnes ont fui vers les pays voisins (RDC, Tchad, Congo, Cameroun), que la plupart de ces personnes sont situées dans des zones où elles n'ont pas accès aux services élémentaires mais qu'il est difficile d'avoir des chiffres précis compte tenu de la difficulté d'accès à ces zones, que le pays fait face à de nombreuses pénuries alimentaires.
G. considérant que depuis le début de ce conflit, les droits de l’Homme sont bafoués par les groupes armés, que l'on dénombre des morts, des viols, y compris sur des filles mineures, des tortures et massacres, des enfants enrôlés de force dans des groupes armés; que le recours à la violence et notamment à la violence sexuelle et l'utilisation commune du viol comme arme de guerre ont de conséquences dramatiques sur les personnes qui en sont victimes telles que la destruction physique et psychologique et doivent être considérés comme des crimes de guerre; que l'UNICEF a affirmé qu'au moins 2500 enfants, filles et garçons, étaient déjà enrôlés dans des groupes armés avant que le conflit n'éclate en décembre;
H. considérant que l'absence de poursuites des auteurs des violations des droits de l'Homme et des crimes de guerre devant les tribunaux favorise le climat d'impunité et la perpétration de nouveaux crimes;
I. considérant que d'après le rapport mondial sur le développement humain de 2005, la République centrafricaine est classée 171ème sur 177 Etats pour l'indicateur de développement humain (IDH) et 138ème sur 144 Etats pour l'indicateur sexo-spécifique de développement humain (ISDH); que d'après Médecins Sans Frontières les cas de paludisme auraient augmenté de 33% en 2013 par rapport à 2012; considérant que l’accroissement du chômage, la dégradation de la situation sociale et la paupérisation de la population sont des facteurs déterminant de l'instabilité dont souffre la région et que ces problèmes exigent une stratégie et un plan de développement;
J. considérant que les conflits antérieurs à la situation actuelle ont encore des influences résurgentes sur les événements actuels; considérant qu'il est nécessaire de traiter les conséquences des conflits, notamment par la démilitarisation, la démobilisation et la réinsertion des anciens combattants, le rapatriement des réfugiés, la réinstallation des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays et la mise en œuvre de programmes de développement viables;
K. considérant que d'importants gisements de pétrole ont été découverts dans le nord du pays que le pays regorge de richesses naturelles (uranium, diamants, bois...) suscitant la convoitise et de pays étrangers, et que de nombreuses entreprises étrangères s'y sont installées, considérant que la RCA a rejoint l'Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) en 2008;
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1. appelle le gouvernement à respecter la Constitution, les règles de droit, et à assurer la sécurité de ses citoyens; affirme son attachement au respect de la souveraineté, de l’unité, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de la République centrafricaine, ainsi qu’à la cause de la paix dans la région; appelle à la création d'un comité national aux droits de l’Homme, d’un plan d'action pour les droits de l'Homme et d'un fonds pour les victimes.
2. condamne avec force toutes les violences menées ces derniers mois, encourage les opérations de désarmement, salue la volonté du Conseil de sécurité de l'ONU de mettre fin à la crise en soutenant la Misca, demande aux Nations Unies de doter la Misca d'un budget et d'un mandat adéquats lui permettant de garantir la protection de la population dans tout le pays et rappelle que la protection des civils doit être au coeur de toute action internationale, demande à l'Union européenne de renforcer son soutien financier à la Misca.
3. demande à l'ONU d'organiser une conférence internationale sur la situation en RCA, de renforcer la BINUCA notamment dans le cadre de la lutte contre l'impunité et la protection des défenseurs des droits de l'Homme et des journalistes, juge primordial d'enquêter de manière impartiale et approfondie sur tous les cas passés et actuels de violation des droits de l'Homme; demande que les auteurs de violations des droits de l'Homme, de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité, de violences sexuelles contre les femmes et les jeunes mineures et d'enrôlement d'enfants soldats soient dénoncés, identifiés, poursuivis et punis conformément au droit national et au droit pénal international;
4. exhorte toutes les parties à respecter les droits de l'Homme et le droit international humanitaire, à faire cesser toute attaque contre les civils, en particulier à l'encontre des femmes et des enfants, à protéger les défenseurs des droits de l'Homme, les journalistes; et les représentants des agences et organisations humanitaires, qui viennent en aide aux populations civiles; appelle à une participation accrue des femmes dans la construction de la paix, la prévention des conflits, et la démilitarisation de la République centrafricaine; invite la République centrafricaine à ratifier le protocole optionnel de la Convention sur les droits de l'enfant concernant l'engagement d'enfants qu'elle a signé en 2010; demande le respect des libertés de réunions, d’expression et de manifestation conformément aux conventions internationales de protection des droits humains et la Constitution de la République centrafricaine;
5. demande à l'Union européenne de tout mettre en œuvre pour apporter une aide plus coordonnée et efficace aux populations de la République centrafricaine et de contribuer aux efforts visant à faire face à la catastrophe humanitaire, de mobiliser tous les fonds nécessaires afin de mettre en œuvre une aide médicale et humanitaire effective
6. juge que l’impossibilité pour la population d’avoir accès aux ressources naturelles du pays, l’accroissement du chômage, la dégradation de la situation sociale et la paupérisation sont des obstacles à la stabilité et doivent être des priorités absolues pour la prochaine période; considère qu'un accès et un contrôle transparents des richesses naturelles de la République centrafricaine (or, diamants, uranium, bois, pétrole...) ainsi que la redistribution équitable à travers le budget de l'État des revenus générés par l'exploitation de ces ressources sont indispensables pour un développement durable du pays, notamment dans les domaines de l'éducation, de la santé et de la sécurité.
7. charge son président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux Etats membres de l'Union africaine, au gouvernement de la République centrafricaine, à la Haute représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurit, au secrétaire des Nations Unies, au président de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, au conseil des droits de l'Homme des Nations Unies.