PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur l'Irak
8.10.2013 - (2013/2874(RSP))
conformément à l'article 122 du règlement
Marie-Christine Vergiat, Søren Bo Søndergaard, Jacky Hénin au nom du groupe GUE/NGL
Le Parlement européen,
– vu le rapport du Haut Commissariat aux droits de l'Homme des Nations Unies (UNHCR) concernant la situation des droits de l'Homme en Irak: 2011,
– vu le Rapport du Groupe de travail sur l’utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits de l’Homme et d’empêcher l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, présenté à la 18e session du Conseil des droits de l'Homme des Nations unies, du 12 aout 2011
– vu ses résolutions antérieures sur l'abolition de la peine de mort et la nécessité d'instaurer sans délai un moratoire sur les exécutions dans les pays où la peine de mort est toujours appliquée,
–vu la résolution 62/149 de l'Assemblée générale des Nations unies du 18 décembre 2007 appelant à un moratoire mondial sur les exécutions (suite au rapport de la Troisième commission (A/62/439/Add2) et la résolution 63/168 de l'Assemblée générale des Nations unies demandant la mise en œuvre de la résolution 62/149 de l'Assemblée générale des Nations unies de 2007, adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 18 décembre 2008,
– u l'interdiction absolue de la torture et d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, laquelle s'applique en toutes circonstances et, en tant que norme impérative du droit international, à tous les États,
– vu ses précédentes résolutions sur l'Irak en particulier celle du 25 novembre 2010, du 17 janvier 2013 sur l’accord de partenariat avec l’Irak et celle 14 mars 2013 sur la situation des droits de groupes minoritaires notamment les Turkmènes,
– vu l'article 122 de son règlement,
A. Considérant que la situation des droits de l'Homme en Irak ne cesse de se dégrader en particulier pour les prisonniers, les journalistes, les militants politiques et syndicaux, les femmes et les minorités; considérant que les détentions arbitraires et la torture des prisonniers par les forces de sécurité continuent; considérant que le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) a classé en 2012 l'Irak au sommet de l’indice de l'impunité, concernant les meurtres non résolus de journalistes ;
B. Considérant que malgré l'annonce en mars 2011 par le ministère de la Justice de la fermeture des camps de détention secrète, différentes ONG dénoncent le fait que ces prisons continuent d'être utilisées et que l’on continue à y pratiquer la torture de façon systématique;
C. Considérant que, depuis la fin officielle de la guerre, le degré de violence dans le pays reste extrêmement élevé et a encore augmenté ces derniers mois; considérant que l'ONU évalue à 1 057 le nombre de civils tués en juillet 2013, à 979 en septembre, et à 2 326 le nombre de blessés en juillet contre 2 133 en septembre dans des actes terroristes et de violences sectaires; ce qui porte à plus de 4.850 le nombre de personnes tuées depuis le début de cette année dans des actes de violences, selon un bilan établi par l'AFP à partir de sources policières et médicales.
D. Considérant que le premier de Septembre 2013, les forces de sécurité irakiennes ont attaqué les 100 gardiens du camp Ashraf, en tuant 52 personnes, et en en enlevant 7;
E. considérant que les mercenaires et les services de sécurité privés, notamment ceux liés aux Etats-Unis et à leurs alliés, continuent de commettre des crimes dans le pays; considérant que l’Iraq continue d’appliquer l’«Ordonnance n° 17» de l’Autorité provisoire de la Coalition, qui accorde l’immunité de juridiction aux agents de sécurité privés empêchant ainsi de poursuivre les intéressés devant les tribunaux iraquiens alors même que ladite autorité de coalition est dissoute depuis plusieurs mois ; Considérant que selon le rapport du Groupe de travail de l’ONU sur l’utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits de l’Homme et d’empêcher l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, de « nombreuses sociétés militaires et de sécurité privées opèrent sur le territoire iraquien depuis une dizaine d’années »,
F. Considérant que la situation sociale et économique dramatique - s'exprimant par une pauvreté généralisée, un chômage élevé, une stagnation économique, une dégradation de l'environnement et une absence de services publics de base - continue de toucher une grande partie de la population; considérant que nombres de manifestations pacifiques réclamant plus de droits sociaux, économiques et politiques continuent de se solder par une répression très systématique très dure de la part des forces de l'ordre et des milices privées et ce, en toute impunité ;
G. Considérant que la violence perpétrée contre les femmes reste extrêmement importante, que le gouvernement irakien n'a pas abrogé les articles du code pénal qui reconnait "l'honneur" comme une circonstance atténuante pour la violence commise contre les femmes; considérant que la violence contre les femmes s'exprime également par des normes patriarcales et une culture de mépris et de soumission extrêmement forte ;
H. Considérant qu’ entre le 28 septembre et le 1er octobre 2013, 23 personnes ont été exécutées par la justice irakienne portant à 90 le nombre de condamnés à mort depuis le début de l’année malgré des appels répétés de la communauté internationale pour la mise en place d'un moratoire sur la peine capitale ; considérant que vingt des personnes exécutées ces derniers jours sont des membres d'Al-Qaïda ou des terroristes, selon le ministère ; considérant que les trois autres l'ont été pour des actes criminels non-précisés; considérant qu’en 2012, 129 personnes ont également été exécutées ;
I. Considérant que l'invasion de l'Irak a ouvert la voie à la division du pays en trois « patries ethniques » une kurde, l’autre sunnite et la troisième chiite, entrainant une aggravation du conflit entre les différentes composantes de la population ;
J. Considérant que, depuis la création de l'Etat irakien en 1921, les Turkmènes et les Kurdes ont été écartés des administrations et ont été victimes de la politique d'assimilation sous le régime bassiste ; Considérant que la discrimination à l'encontre des minorités était déjà catastrophiques du temps de Saddam Hussein et que celles-ci, tout comme l'ensemble des violences "interethniques", n'ont fait que s'aggraver depuis l'invasion de ce pays par les forces américaines et britanniques;
K. Considérant que l'Irak est signataire d'un certain nombre de conventions internationales comme: la convention 111 de l'OIT concernant les discriminations en matière d'emploi et de profession (1958), le Pacte international relatif aux droits sociaux, économiques, civils et politiques (1966) et la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1965), et de la Convention 169 OIT relative aux peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants (1989).
1. Condamne fermement les violences et les actes terroristes encore amplifiés ces derniers mois et notamment celles des 5 et 6 octobre à Bagdad, Qabak, non loin de la frontière syrienne, Balad qui ont coûté la vie à plus d’une centaine de personnes dont deux journalistes de la chaîne irakienne Sharqiya A Mossoul (nord);
2. Constate que ces violences touchent essentiellement des pélerins chiites et qu’alors que des millions de pèlerins visitent les sites religieux chiites en Irak, ils sont fréquemment pris pour cible par des insurgés sunnites --dont certains sont liés à Al-Qaïda-- considérant les chiites comme des apostats.
3. Exprime ses condoléances aux familles des victimes et demande instamment au gouvernement irakien de tout mettre en œuvre pour assurer la sécurité des civils;
4. Condamne de nouveau l'intervention des forces de la Coalition en Irak et rappelle que cette invasion constitue une violation du droit international et de la décision des Nations Unies; exige la dissolution immédiate des sociétés militaires et de sécurité privées financées notamment par les forces de la Coalition dans le pays et la levée de l'immunité les concernant;
5. Souligne que le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes signifie une pleine indépendance en termes politiques, économiques et sociaux, condamne par conséquence toute ingérence passée, présente ou future d’Etats tiers dans les affaires internes de l'Irak; souligne que, pour ce faire, le pays doit garder le plein contrôle de son économie et notamment de ses ressources naturelles ; Condamne par conséquent le pillage des ressources par quelques grandes firmes multinationales; demande que la lumière soit faite sur les affaires de corruption les concernant et que réparation soit faite;
6. Souligne de la même manière que la reconstruction effective du pays ne pourra se faire qu'en s'attaquant aux problèmes structurels comme: la pauvreté, le chômage, l'absence de services publics de base (éducation, santé, transports, sécurité), le droit à la souveraineté alimentaire ; réitère par conséquent son soutien aux mouvements populaires réclamant plus de justice sociale et le respect des droits économiques, sociaux et politiques fondamentaux et condamne la répression de ces mouvements ;
7. Demande l'ouverture d'une commission d'enquête sous l'égide de l'ONU et l'ouverture d'un procès sur les crimes de guerres, tortures, atrocités et assassinats de civils, passés et présents, perpétués en Irak;
8. Demande la mise en place d'une enquête internationale sous l'égide de l'ONU pour établir, l'utilisation généralisée de la torture, la présence de sites secrets ou d'autres types de centres de torture sur le territoire irakien et demande que toutes les responsabilités soient établies en ce domaine et que les responsables de violations des droits de l’Homme soient poursuivis et condamnés;
9. Demande la mise en place d'une enquête internationale sur le massacre du 1er septembre au camp Ashraf par les forces de polices iraquiennes et appelle le gouvernement a coopérer pleinement afin de traduire les responsables en justice;
10. Réitère sa condamnation de toutes les exécutions, où qu'elles aient lieu; exhorte l'Union européenne et ses États membres à tout mettre en œuvre pour assurer l'application de la résolution des Nations unies appelant à un moratoire universel sur les exécutions en vue d'une abolition totale dans tous les États qui pratiquent encore la peine capitale comme l’Irak ;
11. Condamne les arrestations arbitraires, les violences des forces de sécurité, les abus de pouvoirs commis à l'encontre des manifestants, des journalistes, des militants politiques et syndicaux, des femmes et des minorités et demande à ce que les droits d'expression, d'information, de réunion, de rassemblement et plus largement d'association soient pleinement respectés.
12. S'inquiète des attaques à l'encontre des syndicats; souligne que la liberté syndicale doit être considérée comme un droit fondamental et doit être garantie par le gouvernement notamment par la tenue d'élections transparentes et justes;
13. Condamne toutes les persécutions à l'encontre de groupes politiques, culturels, sociaux ou religieux; constate et déplore qu'une des conséquences de l'invasion de l'Irak est l'effondrement quasi total de la loi et de l'ordre et une montée des extrémismes religieux
14. Déplore les violences à l'encontre des femmes en Irak et exhorte l’ensemble des autorités irakiennes à prendre des mesures afin de lutter contre les "crimes d'honneur" et les discriminations en général à l'encontre des femmes ;
15. Demande au gouvernement irakien, conformément aux recommandations des Nations unies, de prendre les mesures nécessaires pour que le projet de loi portant réglementation des agences de sécurité, en instance depuis 2008, soit adopté d’urgence.et derespecter les conventions internationales que le pays a ratifié notamment la convention 111 de l'OIT concernant les discriminations en matière d'emploi et de profession (1958), le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux, civils et politiques (1966) et la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1965) ainsi que la Constitution irakienne de 2005 (articles 3, 4, 14, 125) et la Constitution du Kurdistan de 2009 (articles 20 et chapitre 3);
16. Soutient l'appel des forces progressistes irakiennes à une union de tous " les patriotes; les forces, les personnalités et les organisations civiles" afin de trouver une solution pacifique à la crise politique, économique et sociale actuelle;
17. Charge son Président de transmettre la présente résolution à la Haute représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux Parlements des États membres de l'Union européenne, au Secrétaire général des Nations unies, au président de l'Assemblée générale des Nations unies ainsi qu'aux gouvernements et aux Parlements des États membres des Nations unies, notamment irakien et Etats-unien;