PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur le Qatar: la situation des travailleurs migrants
19.11.2013 - (2013/2952(RSP))
conformément à l'article 122 du règlement
Marie-Christine Vergiat, Paul Murphy, Willy Meyer, Patrick Le Hyaric, Younous Omarjee, Thomas Händel au nom du groupe GUE/NGL
Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B7-0498/2013
B7‑0534/2013
Résolution du Parlement européen sur le Qatar: la situation des travailleurs migrants
Le Parlement européen,
– vu les conventions de l'OIT notamment celles sur le travail forcé de 1930 (n°29), l'abolition du travail forcé de 1957 (n°105), concernant la discrimination (emploi et profession) de 1958 (n°138) et celle sur les pires formes de travail des enfants de 1999 (n°182),
– vu le rapport des Nations Unies du 25 avril 2007 sur le Trafic de personnes en Particulier les femmes et les enfants au Bahreïn, Oman et Qatar,
– vu la déclaration et les recommandations du rapporteur spécial aux Nations Unies sur les droits des migrants suite à sa visite au Qatar le 10 novembre 2013,
– vu la
– vu l'article 122 de son règlement,
A. Considérant que le Qatar n’a ratifié que 5 des 8 conventions fondamentales de l’OIT dont celle sur le travail forcé, considérant que l’État qatari n’est pas signataire des conventions n°87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, n°98 sur le droit d’organisation et de négociation collective et n°100 sur l’égalité de rémunération, conventions qui ont toutes une répercussion significative sur la situation des travailleurs migrants,
B. Considérant que le Qatar n’est pas partie aux traités internationaux fondamentaux en matière de droits de l’Homme : Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels,
C. Considérant que seuls les nationaux peuvent fonder une association ou disposer des droits syndicaux, considérant que cela a pour conséquence que des centaines de milliers de travailleurs migrants ne peuvent dénoncer collectivement, ni dans le cadre d’une organisation syndicale, ni même dans le cadre d’une association, les violations des droits dont ils font l’objet et ne peuvent dès lors pas agir pour faire assurer le respect de leurs droits,
D. Considérant le système de kafala qui régit l'organisation du travail chez les migrants et instaure un principe de parrainage qui impose à tout travailleur étranger d'être parrainés par une entité qatarienne (entreprise, association ou même citoyen), considérant la loi de 2009 sur le parrainage, qui oblige les travailleurs étrangers à obtenir l’autorisation de leur garant pour quitter le pays ou changer d’employeur, est utilisée par les employeurs pour empêcher les travailleurs maltraités de se plaindre auprès des autorités ou de changer d’emploi,
E. Considérant qu'entre 80 et 94% des travailleurs du Qatar sont des migrants venus principalement d’Asie de l’Est et du Sud (Pakistan, Inde, Népal, Philippines, Bangladesh et Sri Lanka) et de certains pays voisins
F. Considérant que les conditions de travail épouvantables d’une grande partie de ces travailleurs migrants s’apparentent à du travail forcé, considérant que la CSI (Confédération Syndicale Internationale) et l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois ont largement dénoncé la situation et conjointement déposé une plainte auprès de l’OIT concernant les conditions de travail le 18 janvier dernier, considérant qu'en septembre 2012, la CSI avait déjà porté plainte devant l l’OIT pour un cas de déni de liberté d’association,
G. Considérant que parmi les pratiques dénoncées à l’égard des travailleurs migrants, on peut citer : l’endettement des travailleurs vis-à-vis des recruteurs, la confiscation des passeports par les employeurs, l’installation forcée dans des camps de travail surpeuplés et insalubres, l’absence de contrat de travail ou encore les déductions de salaire.
H. Considérant que depuis l'obtention par le Qatar de l'organisation de la Coupe du monde de football 2022, on estime à 1 voire 1.5 million de personnes la main d'œuvre supplémentaire à laquelle le Qatar devra faire appel,
I. Considérant qu'en février 2013, la Secrétaire générale de la CSI, Sharan Burrow, a alerté les autorités qataries sur les risques de mort des travailleurs migrants en raison des conditions de travail sur les chantiers du Mondial 2022, notamment en raison des températures pouvant aller jusqu’à 50 degrés l’été, considérant que les autorités népalaises ont dénoncé la mort de191 travailleurs népalais des suites de ces conditions de travail durant la seule année 2010,
J. Considérant que différentes estime à 4 000 le nombre de personnes pouvant trouver la mort d'ici aux débuts du Mondial si les conditions de travail restent les mêmes,
K. Considérant que la situation de discrimination et de racisme à laquelle font face les travailleurs migrants est pour le moins également préoccupante, considérant que le Comité des droits de l’enfant a exprimé lors de l’examen du rapport du Qatar en 2009, sa préoccupation quant à la discrimination dont les enfants de travailleurs migrants sont l’objet, considérant que la Rapporteur spéciale sur les droits fondamentaux des victimes de la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants s’est également dite préoccupée par la discrimination à l’égard des travailleurs migrants,
L. Considérant que plusieurs entreprises étrangères sont présentes sur le territoire qatari notamment l'entreprise française du BTP Vinci, en charge de la construction du métro de Doha,
M. Considérant que de récents rapports ont révélé que les conditions de travail dans les compagnies aériennes qataries violaient les droits des travailleurs, considérant que les travailleurs auraient été contraints de signer des contrats interdisant explicitement les femmes de se marier dans un délai de cinq ans à compter du début du contrat et que des femmes auraient été renvoyées du fait de leur grossesse ; considérant que les travailleurs sont obligés de respecter un couvre-feu, dans des logements de fonction et sous surveillance vidéo constante
N. Considérant que la famille souveraine Al Thani détient seule le pouvoir depuis l'indépendance de 1971, considérant que les partis politique ne sont pas autorisés,
O. Considérant que les autorités maintiennent un contrôle étroit sur la liberté d’expression et ont présenté un projet de loi relatif aux médias visant à renforcer la censure considérant que si ce texte était adopté, toutes les publications devraient être approuvées par une « autorité compétente » désignée par le gouvernement, qui serait habilitée à supprimer une partie de leur contenu ou à les empêcher de paraître,
P. Considérant que le poète Mohammed al Ajami, également connu sous le nom de Mohamed Ibn al Dheeb, a été accusé d’« incitation au renversement du régime » et d’« outrage à l’émir », considérant qu'il été condamné à la réclusion à perpétuité le 29 novembre 2012 par la Cour pénale de Doha, considérant qu'après avoir fait appel, il a de été condamné à 15 ans de prison en février 2013, jugement confirmé le 21 octobre 2013 par la plus haute instance du Qatar, considérant que le plus probable est qu’il a en réalité été condamné pour avoir osé écrire un poème en 2011 intitulé « Poème du Jasmin » qui rend hommage aux soulèvements populaires dans les pays arabes et notamment en Tunisie et critique a contrario les pays du Golfe
Q. Considérant que de nouveaux cas de torture et de mauvais traitements ont été signalés, considérant que jusqu'à présent les autorités qataries n'ont pris aucune mesure pour enquêter sur ces allégations et traduire en justice les responsables,
R. Considérant que en novembre 2012 à la suite de l’examen de l’application par le Qatar des dispositions de la Convention contre la torture, le Comité contre la torture de l'ONU a prié le gouvernement de faire en sorte que les garanties fondamentales prévues par la Convention soient appliquées dans la pratique à toutes les personnes privées de liberté, y compris en veillant à ce que les plaintes pour mauvais traitements fassent sans délai l’objet d’une enquête impartiale et que les détenus aient la possibilité de contester le bien-fondé de leur détention ou du traitement qui leur est infligé,
S. Considérant que selon différentes ONG, si les lois qataries sont moins contraignantes que dans d'autres pays pour les femmes (pas d'obligation de tenue vestimentaires...) celles-ci continuent d’être victimes de discrimination dans la législation et dans la pratique et ne sont pas suffisamment protégées contre les violences exercées au sein de la famille et plus largement dans la sphère domestique, considérant que le Code de la famille est discriminatoire à l’égard des femmes , considérant notamment qu'il est beaucoup plus facile pour les hommes de solliciter le divorce, considérant que les femmes sont fortement désavantagées du point de vue économique si la demande de divorce venait d’elles ou si leur mari les quittait,
T. Considérant que la peine de mort n'est pas abolie dans le pays, considérant les dernières exécutions datent de 2003 mais qu'au moins une condamnation à mort aurait été prononcée en 2012 alors qu'au moins six autres prisonniers seraient encore dans le couloir de la mort depuis leur condamnation en 2001 pour leur participation à la tentative de coup d'État de 1996, considérant que le Qatar s'oppose à un moratoire en la matière,
1. Souligne de nouveau son attachement à la Déclaration Universelle des droits de l'Homme de 1948 et rappelle que selon son article premier: " Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.",
2. Condamne les conditions de travail des travailleurs migrants au Qatar, demande aux autorités qataris de prendre toutes les dispositions nécessaires pour les travailleurs migrants aient droit à des conditions de travail décentes et permettant à tout le moins que leur vie ne soit plus mise en danger, demandent instamment aux autorités qataris de ratifier et mettre en œuvre toutes les Conventions de l'OIT ainsi que les recommandations du rapporteur spécial des Nations Unies du 10 novembre 2013, et de permettre l'organisation des syndicats et de garantir qu'au minimum les conventions fondamentales de l'OIT soient appliquées et respectées
3. Condamne de la même façon la complicité de certaines entreprises étrangères dans l'exploitation des travailleurs migrants et exige que celles-ci se conforment au droit international
4. Appelle les autorités des pays organisateurs de la coupe du monde de football à obtenir un engagement écrit de la part des entreprises travaillant aux infrastructures de la Coupe du Monde de 2022 spécifiant qu’elles s’engagent à adopter des pratiques socialement responsables, notamment en matière de recrutement et de conditions de travail, en accord avec les normes internationales du travail et les Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme; exige que des mesures soient prises par les États Membres (par exemple en terme de pénalités douanières) à l'encontre des entreprises qui ne respectent pas les droits de l'Homme dans les pays tiers,
5. demande l'ouverture d'une enquête internationale sous l'égide de l'ONU et de l'OIT sur les situations de travail forcé des travailleurs migrants afin d'établir les responsabilités de chacun dans ce phénomène et prendre les mesures nécessaires pour l'éradiquer ; Condamne à cet égard le refus par les autorités qataries de permettre aux représentants de la Fédération international des travailleurs du bâtiment et du bois de se rendre sur les chantiers afin de contrôler pleinement le respect des normes de santé et sécurité
6. Demande à la FIFA d'exiger des États candidats à l’organisation de la Coupe du monde la réalisation d’une étude préalable et indépendante mesurant l’impact de leur projet sur les droits de l’Homme, et en particulier sur les droits des travailleurs,
7. Se déclare très préoccupé par le manque de liberté d'expression au Qatar, demande instamment aux autorités qataries d'abandonner leur projet de loi relative aux médias et de se conformer au droit international en la matière,
8. Prend note des récentes déclarations faites par les autorités qataries faisant part de leur volonté de ratifier les Conventions des Nations Unies comme celles sur les droits Civils et Politiques ainsi que celle concernant les droits Économiques, Sociaux et Culturels et qui reflètent le tollé général contre le travail forcé des travailleurs migrants sur les chantiers du Qatar ; appelle les autorités du Qatar à ratifier et à mettre en œuvre ces conventions ainsi que les conventions en suspens telles que la Convention de l'OIT n ° 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical , la Convention de l'OIT n ° 98 sur le droit d'organisation et de négociation collective et la Convention n°100 de l'OIT sur l'égalité de rémunération, sans plus de retard ; est d'avis que la ratification et la mise en œuvre de ces conventions, ainsi que la mise en œuvre rapide des conventions dont le Qatar est déjà signataire, est une condition préalable pour accueillir la Coupe du Monde 2022 ; appelle donc la FIFA de reconsidérer sa décision d'accueillir la Coupe du Monde 2022 au Qatar et invite les États membres à boycotter la Coupe du monde 2022 , si ces conditions ne sont pas remplies ;
9. Condamne la situation des travailleurs migrants et en particulier les travailleuses migrantes de Qatar Airlines et déplore que Qatar Airlines ait été récemment autorisé à rejoindre l'Alliance One World, malgré ses violations flagrantes des droits des travailleurs ; rappelle qu'il n'y a pas de représentation syndicale autorisée chez Qatar Airlines et demande que cette situation soit corrigée immédiatement
10. Demande par conséquent la libération de tous les prisonniers politiques notamment du poète Mohammed al Ajami, également connu sous le nom de Mohamed Ibn al Dheeb,
11. Demande de la même façon à ce que les allégations de tortures et de mauvais traitements fassent l'objet d'une enquête impartiale et indépendante, que les responsables soient traduits en justice et que toutes les mesures soient prisent pour mettre fin à ces pratiques,
12. Rappelle son engagement pour l'abolition universelle de la peine de mort et demande aux autorités qataries d'adopter un moratoire à ce sujet,
13. Demande à ce que tout soit mis en œuvre pour garantir l'égalité homme/femme en termes de droit du Travail comme dans le Code de la Famille ou dans le reste de la société,
14. Charge son Président de transmettre la présente résolution au président du Conseil de l'Union européenne, au président de la Commission européenne, à la haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux gouvernements et aux parlements des États membres, aux Nations Unies et à l'OIT ainsi qu'au gouvernement du Qatar,