PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la situation au Soudan du Sud
13.1.2014 - (2014/2512(RSP))
conformément à l'article 110, paragraphe 2, du règlement
Louis Michel, Niccolò Rinaldi, Graham Watson, Jelko Kacin, Liam Aylward, Marielle de Sarnez, Marietje Schaake, Sarah Ludford, Kristiina Ojuland, Hannu Takkula, Johannes Cornelis van Baalen, Robert Rochefort au nom du groupe ALDE
Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B7-0018/2014
Le Parlement européen,
– vu sa résolution du 13 juin 2012 sur la situation au Soudan et au Soudan du Sud[1],
– vu la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966,
– vu l'accord de partenariat 2000/483/CE entre les membres du groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, signé à Cotonou, au Bénin, le 23 juin 2000, et révisé successivement en 2005 et en 2010,
– vu l'accord de paix global de 2005,
– vu les accords d'Addis-Abeba du 27 septembre 2012,
– vu les déclarations de Mme Catherine Ashton, haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, des 24 décembre 2013 et 2 janvier 2014 sur la situation au Soudan du Sud,
– vu les déclarations des 16 décembre et 28 décembre 2013 du porte-parole de la haute représentante de l'Union sur la situation au Soudan du Sud,
– vu la déclaration locale de l'Union européenne du 20 décembre 2013 sur le conflit en cours au Soudan du Sud,
– vu les déclarations faites par le Conseil de sécurité des Nations unies les 17, 20 et 30 décembre 2013 sur la situation au Soudan du Sud,
– vu la résolution 2132 (2013) du 24 décembre 2013 du Conseil de sécurité des Nations unies sur le Soudan du Sud,
– vu la déclaration faite le 4 janvier 2014 par Mme Nkosazana Dlamini Zuma, présidente de la Commission de l'Union africaine, sur la situation au Soudan du Sud,
– vu l'article 110, paragraphe 2, de son règlement,
A. considérant que les autorités sud-soudanaises peinent à établir un État viable depuis que leur pays est devenu indépendant du Soudan, le 9 juillet 2011; considérant qu'après que des rumeurs eurent couru à Djouba à la fin de l'année 2012, qui affirmaient qu'un coup d'État avait été ourdi, M. Salva Kiir, le président sud-soudanais, a opéré par une série de décrets des changements majeurs à la tête de l'État, de l'armée et de son parti, sans bénéficier d'un large consensus;
B. considérant que le 23 juillet 2013, le président, M. Kiir, qui appartient à l'ethnie dinka, a limogé l'ensemble du gouvernement et démis de sa fonction son vice-président, M. Riek Machar, issu de l'ethnie nuer; considérant qu'en novembre 2013, M. Kiir a dissous tous les organes dirigeants du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM), parmi lesquels le bureau politique, la convention nationale et le conseil de libération nationale;
C. considérant que le 14 décembre 2013, certains dirigeants du bureau politique du SPLM, notamment M. Riek Machar, vice-président du parti, ont quitté une réunion du conseil de libération nationale en dénonçant un "manque d'esprit de dialogue";
D. considérant que le 15 décembre 2013, des affrontements armés se sont produits entre des gardes présidentiels stationnés dans des casernes de Djouba, la capitale sud-soudanaise, et que le président, M. Kiir, a accusé M. Riek Machar d'avoir tenté de s'emparer du pouvoir;
E. considérant que le 16 décembre 2013, les combats ont commencé à s'étendre de Djouba à la région du Jonglei;
F. considérant que depuis septembre 2011, avant même la détérioration de la situation à la mi-décembre 2013, les forces gouvernementales soudanaises bombardent aveuglément la région de l'État du Nil bleu, déclenchant une peur tangible parmi les civils qui y vivent;
G. considérant que le 19 décembre 2013, une milice nuer dirigée par l'ancien officier Peter Gadet, qui commandait la 8e division avant de faire défection, a affirmé avoir pris le contrôle de Bor, la capitale de l'État du Jonglei; considérant qu'entre la fin du mois de décembre 2013 et le début du mois de janvier 2014, Bor a été prise et reprise, tantôt par des hommes de l'armée sud-soudanaise, tantôt par des rebelles, et que depuis le 4 janvier, les forces gouvernementales se battent pour réinvestir la ville;
H. considérant que le 21 décembre 2013, le gouvernement a reconnu avoir perdu le contrôle de Bentiu, la capitale de l'État pétrolifère stratégique d'Unité, prise par le général James Koang, un officier nuer fidèle à M. Machar, ce que ce dernier conteste; considérant que dans ce contexte de prolifération des violences ethniques au Soudan du Sud, les enquêteurs des Nations unies ont découvert un charnier à Bentiu, ville tenue par les rebelles, et que, selon M. Michael Makuei Lueth, ministre de l'information, les rebelles peuvent être tenus responsables de ces meurtres;
I. considérant que le conflit se propage aux zones pétrolifères et qu'à la fin du mois de décembre 2013, des combats avaient été signalés dans cinq des dix États du Soudan du Sud, dont le Jonglei, Unité, le Nil supérieur et Équatoria-Central, et que des violences à caractère ethnique étaient également signalées dans l'ensemble du pays; considérant que le 2 janvier 2014, le président Salva Kiir a décrété l'état d'urgence dans les deux États d'Unité et du Jonglei, dont les capitales sont aux mains de rebelles fidèles à M. Machar;
J. considérant que le 24 décembre 2013, des rebelles sont entrés dans la ville de Malakal, capitale de l'État du Nil supérieur, qui approvisionnait l'ensemble du Soudan du Sud en pétrole brut, et que le 27 décembre, l'armée sud-soudanaise affirmait avoir totalement repris le contrôle de la ville;
K. considérant que le 30 décembre 2013, les troupes gouvernementales du Soudan du Sud ont affronté des combattants de l'Armée blanche, une milice clanique, et d'autres factions rebelles fidèles à M. Machar, à proximité du foyer de tensions que constitue la ville de Bor, et qu'un porte-parole des rebelles a affirmé que M. Machar ne contrôlait pas les miliciens de l'Armée blanche; considérant que ce qui était au départ une lutte pour le pouvoir politique a pris une dimension ethnique et se traduit, selon des éléments recueillis par la Mission des Nations unies au Soudan du Sud (Minuss), par des meurtres à caractère ethnique;
L. considérant que des personnes de l'ethnie nuba ont récemment subi des attaques et que des civils vivant dans les monts Nuba ont été victimes de meurtres, de viols de masse et d'arrestations arbitraires; considérant que durant les deux dernières semaines du mois de décembre 2013, des milices gouvernementales et les forces armées soudanaises, appuyées par des membres des forces de sécurité, ont attaqué de nombreuses zones autour des villes de Kadugli et de Dillanj, que des milliers de civils ont abandonné leurs maisons et que des meurtres et des viols massifs de femmes ont été signalés;
M. considérant que le 5 janvier 2014, des représentants du président, M. Salva Kiir, et de M. Riek Machar se sont réunis en Éthiopie pour entamer des négociations de paix, portant principalement sur un cessez-le-feu et la libération des prisonniers politiques; considérant que les combats continuent en dépit de ces négociations; considérant que la principale pierre d'achoppement de ces dernières est la libération de prisonniers accusés d'avoir fomenté un coup d'État à la mi-décembre;
N. considérant que le 3 septembre 2013, un sommet a réuni les présidents du Soudan et du Soudan du Sud à Khartoum; considérant que les deux parties ont réaffirmé leur engagement d'appliquer les accords d'Addis-Abeba du 27 septembre 2012, sous le contrôle du groupe de mise en œuvre de haut niveau de l'Union africaine, présidé par M. Thabo Mbeki, et d'œuvrer à résoudre d'autres questions toujours ouvertes, notamment le statut de la région d'Abiyé et des questions frontalières; considérant que ces négociations constituent un progrès vers la stabilisation du Soudan du Sud;
O. considérant qu'un nombre sans cesse croissant de civils fuit vers les pays voisins; considérant que, selon M. Toby Lanzer, coordonnateur humanitaire au Soudan du Sud, quelque 200 000 personnes ont été chassées de leurs maisons et des centaines de milliers d'autres ont été touchées indirectement par les violences des deux dernières semaines; considérant que le 18 décembre 2013, les Nations unies ont annoncé que 13 000 personnes fuyant les combats avaient trouvé refuge dans ses deux campements de Djouba; considérant que la crise risque de s'étendre dans une région déjà sujette à l'instabilité et que la réponse internationale sur le terrain doit constamment tenir compte de ce facteur;
P. considérant que l'Union africaine mène une médiation pour tenter de mettre un terme à la crise au Soudan du Sud; considérant que l'Union africaine et l'Autorité intergouvernementale sur le développement (IGAD) ont réclamé à de nombreuses reprises un cessez-le-feu immédiat au Soudan du Sud;
Q. considérant que les Nations unies renforcent leur présence sur le terrain, avec notamment le déploiement de trois hélicoptères au début du mois de janvier 2014 à Djouba, la capitale du Soudan du Sud, en appui à leurs bases de maintien de la paix dans le pays; considérant que cet effort supplémentaire s'inscrit dans le plan, approuvé par le Conseil de sécurité, de multiplier par deux les forces armées de la Minuss, qui passeront à près de 14 000 hommes, afin de protéger les civils victimes depuis trois semaines des combats actuels entre les troupes pro- et antigouvernementales;
R. considérant qu'au Soudan du Sud, 62 000 civils sont aujourd'hui sous la protection des forces de maintien de la paix des Nations unies dans les bases de la Minuss;
S. considérant que l'Union a considérablement accru son aide au développement pour répondre aux besoins du Soudan du Sud; considérant qu'elle a annoncé, le 23 décembre 2013, qu'elle fournirait 50 000 000 EUR au titre de l'action humanitaire au Soudan du Sud, afin de couvrir des besoins de base et étant donné qu'il est avéré que la situation dans son ensemble compte parmi les plus graves crises humanitaires actuelles; considérant que cet effort supplémentaire porte l'aide humanitaire de l'Union à 170 000 000 EUR à ce jour au titre des exercices 2013 et 2014;
T. considérant que le mandat de la mission de l'Union européenne relative à la sûreté aérienne du Soudan du Sud prend fin en janvier 2014; considérant que la mission avait pour objectif de sécuriser l'aéroport international de Djouba;
1. se déclare vivement préoccupé par la rapide aggravation de la crise sécuritaire et humanitaire au Soudan du Sud du fait du conflit politique et des violences imputables aux dirigeants politiques du pays qui en ont résulté; souligne que cette crise met gravement en péril la stabilité et la sécurité à long terme du Soudan du Sud, ainsi que la stabilité de la région dans son ensemble;
2. condamne fermement les atrocités commises à l'encontre de civils innocents issus de différentes communautés par des belligérants des deux camps, ainsi que les violations des droits de l'homme et autres exactions qui auraient été commises par toutes les parties au conflit, dont des groupes armés et les forces de sécurité nationales; condamne fermement l'attaque du 19 décembre 2013 contre le camp de la Minuss à Akobo, lors de laquelle deux soldats indiens ont perdu la vie, un autre soldat a été blessé et au moins 20 personnes qui cherchaient refuge auprès de la Minuss ont également été tuées; condamne les violations du droit humanitaire international et des droits de l'homme internationaux et souligne que leurs auteurs devront être rendus comptables de leurs actes et poursuivis; condamne fermement les attaques d'installations pétrolières, qui ont fait de nombreuses victimes parmi les travailleurs des sites, et invite toutes les parties à assurer la sûreté des infrastructures économiques et des employés y travaillant; se félicite de la décision de l'Union africaine de mettre sur pied une commission pour enquêter sur les violations des droits de l'homme et autres exactions;
3. demande qu'il soit immédiatement mis un terme au harcèlement et aux arrestations arbitraires de membres de l'opposition qui avaient fait usage, pacifiquement et en toute légalité, de leur liberté d'expression et de réunion;
4. réaffirme son ferme attachement à la souveraineté, à l'indépendance, à l'unité et à l'intégrité territoriale de la République du Soudan du Sud;
5. exhorte les deux parties à se conformer à la constitution et à respecter les institutions établies par celle-ci;
6. relève que le Soudan du Sud dispose d'importantes ressources pétrolières, ce qui représente une source de tensions potentielle;
7. condamne les combats et les violences ciblées contre les populations civiles et des groupes ethniques ou autres communautés bien déterminés dans l'ensemble du pays, qui ont fait des centaines de morts et de blessés, provoqué le déplacement de plus de 300 000 personnes et contraint 30 000 personnes à trouver refuge dans les pays voisins (Ouganda, Kenya, Éthiopie et Soudan); s'inquiète de la transformation du conflit en un affrontement ethnique entre différentes factions au Soudan du Sud et redoute qu'il ne dégénère en guerre civile;
8. s'inquiète de la situation humanitaire dans le pays, en particulier pour les citoyens sud‒soudanais déplacés ou réfugiés dans les pays voisins; invite toutes les parties à garantir un accès en toute sécurité et sans restriction aux organisations humanitaires;
9. redoute vivement que le Soudan du Sud s'engage dans un cercle vicieux aux conséquences désastreuses, aussi bien pour ses habitants que du point de vue de la stabilité régionale, avec l'éventualité d'une action militaire menée soit par le Soudan, soit par le Soudan du Sud pour contrôler les sites pétroliers stratégiques; souligne que la situation au Soudan du Sud continue de constituer une menace pour la paix internationale et la sécurité de la région;
10. se félicite de l'ouverture de négociations de paix et encourage ceux qui y participent à poursuivre leurs discussions sous les auspices de l'IGAD; demande un accord immédiat englobant un cessez-le-feu, sa surveillance et l'accès à l'aide humanitaire;
11. soutient qu'une solution politique globale, prévoyant un accord de cessez-le-feu et la libération des prisonniers politiques, est cruciale pour résoudre la crise et ouvrir la voie au développement durable du Soudan du Sud;
12. encourage le gouvernement de la République du Soudan du Sud à manifester sa bonne volonté en libérant sans délai tous les détenus politiques qui ne sont pas impliqués dans les affrontements en cours, afin qu'ils puissent contribuer efficacement au règlement pacifique du conflit;
13. encourage les pays voisins, les organisations régionales et la communauté internationale à poursuivre leurs efforts pour mettre fin à la violence; apporte son soutien à la médiation menée par l'IGAD; salue le travail de la représentante spéciale des Nations unies et chef de la Minuss, Mme Hilde Johnson, ainsi que le travail de l'Union africaine, et se félicite du renforcement des moyens d'enquête de la Minuss en matière de droits de l'homme avec l'appui du Haut-Commissariat aux droits de l'homme;
14. salue l'aide humanitaire apportée notamment par l'Union européenne, l'Union africaine et les Nations unies aux personnes touchées par le conflit et les déplacements au Soudan du Sud et invite ces institutions et d'autres partenaires internationaux et régionaux à encourager activement la reconstruction du Soudan du Sud et le processus de consolidation de la paix; invite les autorités sud-soudanaises à travailler avec l'ensemble des partenaires régionaux et internationaux à la stabilité du pays;
15. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au Conseil de sécurité des Nations unies, au Secrétaire général des Nations unies, aux institutions de l'Union africaine, à la Communauté économique des États de l'Afrique centrale, à l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE, ainsi qu'aux États membres de l'Union européenne.
- [1] Textes adoptés de cette date, P7_TA(2012)0248.