Proposition de résolution - B7-0147/2014Proposition de résolution
B7-0147/2014

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur sur la situation en Egypte

4.2.2014 - (2012/2013(RSP))

déposée à la suite d'une déclaration de la vice-présidente de la Commission / haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
conformément à l'article 110, paragraphe 2, du règlement

Véronique De Keyser, Libor Rouček, Pino Arlacchi, Saïd El Khadraoui, Ana Gomes, Richard Howitt, Liisa Jaakonsaari, Maria Eleni Koppa, María Muñiz De Urquiza, Raimon Obiols, Pier Antonio Panzeri, Joanna Senyszyn, Boris Zala au nom du groupe S&D

Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B7-0145/2014

Procédure : 2014/2532(RSP)
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B7-0147/2014
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B7‑0147/2014

Résolution du Parlement européen sur sur la situation en Egypte

(2012/2013(RSP))

Le Parlement européen,

–       vu ses résolutions antérieures sur l'Égypte, et notamment sa résolution du 12 septembre 2013 sur la situation en Égypte[1],

–       vu sa résolution du 23 octobre 2013 intitulée: "La politique européenne de voisinage, vers un renforcement du partenariat: position du Parlement européen sur les rapports de suivi 2012"[2],

–       vu sa résolution du 23 mai 2013 sur le recouvrement des avoirs par les pays du printemps arabe en transition[3],

–       vu les déclarations de la vice-présidente / haute représentante, Catherine Ashton, du 24 janvier 2014 sur les récents attentats violents perpétrés en Égypte, du 19 janvier 2014 sur le référendum constitutionnel en Égypte, du 11 janvier 2014 sur la situation en Égypte à la veille du référendum constitutionnel, du 24 décembre 2013 sur l'attentat à la voiture piégée de Mansourah, Égypte, et du 23 décembre 2013 sur la condamnation de militants politiques en Égypte,

–       vu l'accord d'association UE-Égypte de 2001 qui est entré en vigueur en 2004 et a été renforcé par le plan d'action de 2007, et le rapport de la Commission du 20 mars 2013 sur l'état d'avancement de sa mise en œuvre,

–       vu la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948,

–       vu le pacte international de 1966 relatif aux droits civils et politiques, auquel l'Égypte est partie,

–       vu la constitution égyptienne, adoptée par la commission constitutionnelle le 1er décembre 2013, et par référendum les 14 et 15 janvier 2014,

–       vu la loi égyptienne n° 107 du 24 novembre 2013 sur l'organisation du droit aux rassemblements, défilés et manifestations publics pacifiques,

–       vu la déclaration constitutionnelle publiée en Égypte, le 8 juillet 2013, comprenant une feuille de route politique en vue de modifications de la constitution et d'élections législatives et présidentielles, et le programme du gouvernement de transition fondé sur cette déclaration constitutionnelle,

–       vu l'article 110, paragraphe 2, de son règlement,

A.     considérant que les 14 et 15 janvier 2014, les Égyptiens ont approuvé, lors d'un scrutin se distinguant par un taux de participation de 38,6 % et à une écrasante majorité de 98,1 % des votants lors du référendum, la nouvelle constitution du pays;

B.     considérant que, dans sa déclaration du 19 janvier 2014, la vice-présidente / haute représentante, Catherine Ashton, a félicité les autorités et le peuple égyptiens pour l'organisation du scrutin d'une manière globalement ordonnée en faisant valoir que les allégations d'irrégularités n'en avaient manifestement pas fondamentalement influencé le résultat; considérant que, selon le ministère de l'intérieur, dix personnes ont perdu la vie, bien d'autres ont été blessées et 444 personnes ont été arrêtées au cours d'événements en marge du référendum; considérant que divers acteurs nationaux et internationaux ont fait part de leurs inquiétudes quant aux irrégularités de procédure lors du vote, à la répression à l'égard des personnes qui avaient fait campagne contre le projet de constitution, et au débat public partial ayant eu lieu avant la tenue du référendum;

C.     considérant que la nouvelle constitution de l'Égypte contient de nombreux éléments positifs, dans les domaines des libertés fondamentales et des droits de l'homme, de la protection des minorités et des droits des femmes en particulier, mais comprend également des articles qui placent les forces armées à l'abri du contrôle civil et leur budget à l'abri du contrôle parlementaire, et qui permettent aux militaires de juger des civils, tandis qu'un autre article restreint la liberté des pratiquants de religions monothéistes de se livrer à des rites religieux et de fonder de lieux de culte;

D.     considérant que les tensions politiques et la profonde polarisation de la société continuent à donner lieu à des attentats terroristes et à des affrontements violents en Égypte; considérant que, depuis juillet 2013, plus de mille personnes ont perdu la vie et bien davantage ont été blessées à l'occasion d'affrontements entre les manifestants et les forces de sécurité, ainsi qu'entre les opposants et les partisans de l'ex-président Morsi; considérant que les forces de sécurité ont apparemment fait un usage excessif de la force à l'encontre des manifestants et que des milliers de personnes ont été arrêtées et placées en détention, tandis que la pratique de l'impunité prévaut toujours; considérant que, le 12 novembre 2013, l'état d'urgence a été levé dans le pays;

E.     considérant que la déclaration du 8 juillet 2013 a défini une feuille de route politique pour l'Égypte; considérant que le programme du gouvernement de transition a traduit son engagement à œuvrer à la mise en place d'un système démocratique qui garantisse les droits et libertés de tous les Égyptiens, et à mener à bien la feuille de route avec la participation pleine et entière de tous les acteurs politiques ainsi qu'un référendum sur la nouvelle constitution, puis des élections législatives et présidentielles libres et équitables, qui se tiendront en temps voulu conformément à toutes les dispositions législatives;

F.     considérant que les violations des libertés fondamentales et des droits de l'homme demeurent largement répandues en Égypte; considérant que les violences, l'incitation à la violence et le harcèlement à l'encontre des opposants politiques, des journalistes et militants de la société civile ont encore connu une recrudescence à l'approche du référendum; considérant que de nombreux militants politiques et de la société civile, notamment Alaa Abdel Fattah, Mohamed Abdel, du Centre égyptien pour les droits économiques et sociaux, Ahmed Maher et Ahmed Douma, figures de proue du mouvement du 6 avril, ainsi que des membres de différents partis politiques ont été arrêtés et déclarés coupables ces dernières semaines; considérant que, le 12 janvier 2014, le Conseil national pour les droits de l'homme a publié un rapport après avoir rendu visite aux célèbres militants susmentionnés dans la prison de Tora, critiquant leurs conditions de détention et appelant à mettre fin aux mauvais traitements qui leur sont infligés;

G.     considérant que les Frères musulmans ont, à plusieurs reprises, refusé de participer au processus politique annoncé par le gouvernement de transition et appelé au boycott du référendum, tandis que plusieurs de ses dirigeants continuaient d'inciter à la violence à l'encontre des autorités de l'État et des forces de sécurité; considérant que les autorités intermédiaires de transition égyptiennes ont interdit les Frères musulmans, emprisonné ses dirigeants, saisi ses actifs, réduit au silence ses médias et érigé une adhésion au mouvement en infraction pénale, alors que le Parti Liberté et Justice continue d'exister; considérant que l'ex-président Morsi est en détention depuis le 3 juillet 2013 et que des charges ont été retenues au pénal à son encontre en lien avec son mandat; considérant que, le 20 décembre 2013, une équipe internationale de juristes représentant le Parti Liberté et Justice a officiellement saisi la Cour pénale internationale d'une plainte en son nom;

H.     considérant que les libertés fondamentales et les droits de l'homme, ainsi que la justice sociale et un niveau de vie plus élevé pour les citoyens sont des aspects déterminants de la transition vers une société égyptienne ouverte, libre, démocratique et prospère; considérant que les syndicats indépendants et les organisations de la société civile ont un rôle essentiel à jouer dans le cadre de ce processus, et que des médias libres constituent dans toute démocratie un pan essentiel de la société; considérant que les femmes égyptiennes sont toujours dans une situation particulièrement vulnérable durant la période actuelle de transition politique et sociale que traverse le pays;

I.      considérant que la loi n° 107 du 24 novembre 2013 sur l'organisation du droit aux rassemblements, défilés et manifestations publics pacifiques a suscité des critiques à la fois nombreuses et vives en Égypte et au-delà de ses frontières; considérant que la vice-présidente / haute représentante, Catherine Ashton, dans sa déclaration du 23 décembre 2013, a déclaré que cette loi était largement considérée comme restreignant de manière excessive la liberté d'expression et de réunion; considérant que les manifestations pacifiques ont été dispersées et que beaucoup de manifestants ont été arrêtés et placés en détention en vertu de cette loi ces dernières semaines;

J.      considérant que l'Égypte est toujours confrontée à de graves difficultés économiques; considérant que la prospérité économique dans le pays passe par la stabilité politique, une approche économique saine, la lutte contre la corruption et l'aide internationale;

K.     considérant que la situation en matière de sécurité s'est encore détériorée et que les actes de terrorisme et les attentats contre les forces de sécurité ont encore connu une recrudescence au Sinaï; considérant que, selon les données officielles, au moins 95 agents de sécurité ont perdu la vie dans des attentats violents depuis le 30 juin 2013; considérant que des milliers de personnes, principalement des réfugiés en provenance d'Érythrée et de Somalie, y compris un grand nombre de femmes et d'enfants, sont portées disparues ou sont enlevées et retenues en otages contre une demande de rançon, torturées, sexuellement exploitées ou mises à mort en vue d'un commerce d'organes auquel se livrent des personnes pratiquant la traite des êtres humains dans la région;

L.     considérant que, dans ses conclusions du 21 août 2013, le Conseil "Affaires étrangères" a chargé la vice-présidente / haute représentante, Catherine Ashton, de se pencher, en coopération avec la Commission, sur la question de l'aide octroyée par l'Union à l'Égypte dans le cadre de la politique européenne de voisinage (PEV) et de l'accord d'association UE-Égypte; considérant que le partenariat avec les sociétés, une démarche fondée sur les incitations et le principe "plus pour plus" et, en définitive, "moins pour moins" sont des éléments primordiaux de la PEV révisée de l'Union; considérant que l'article 2 de l'accord d'association UE-Égypte dispose que "les relations entre les parties, de même que les dispositions de l'accord lui-même, se fondent sur le respect des principes démocratiques et des droits de l'homme fondamentaux énoncés dans la déclaration des droits de l'homme, lesquels inspirent leurs politiques internes et internationales et constitue un élément essentiel du présent accord"; considérant que, dans sa déclaration du 11 janvier 2014, la vice-présidente / haute représentante, Catherine Ashton, a déclaré que "l'UE demeure aux côtés de l'Égypte dans les efforts qu'elle déploie pour réaliser les objectifs de dignité, de justice sociale, de sécurité, de démocratie et d'amélioration de la situation économique";

1.      exprime une encore de plus sa solidarité envers le peuple d'Égypte et continue à soutenir ses aspirations démocratiques légitimes; prend acte de la nouvelle constitution de l'Égypte, approuvée par un référendum qui s'est déroulé les 14 et 15 janvier 2014, ce qui peut constituer un pas en avant important dans la difficile transition du pays vers la démocratie; plaide en faveur d'une mise en œuvre intégrale et efficace des dispositions en matière de libertés fondamentales – y compris les libertés de réunion, d'association et d'expression – et des droits de l'homme dans la nouvelle constitution, et demande que l'ensemble de la législation existante et future dans ces domaines y soit conforme;

2.      exprime néanmoins ses préoccupations quant à certains articles de la nouvelle constitution, notamment ceux liés au statut des forces armées, y compris les articles suivants: l'article 202, qui dispose que le ministre de la défense, qui est aussi le commandant en chef, est désigné parmi les officiers des forces armées, l'article 203 sur le budget des forces armées, l'article 204, qui permet le jugement de civils par des juges militaires en cas de délits ou d'attentats visant directement des installations militaires, des zones militaires, des équipements militaires, des documents et des secrets militaires, des fonds publics des forces armées, des installations militaires et du personnel militaire, ainsi qu'en cas de délits ayant trait au service militaire, et l'article 234, qui établit que le ministre de la défense est nommé après approbation du Conseil suprême des forces armées, disposition qui reste en vigueur pendant toute la durée de deux mandats présidentiels, sans aucune indication sur la manière dont le ministre peut être démis de ses fonctions ni par qui;

3.      prend acte du soutien d'une écrasante majorité à la nouvelle constitution parmi les votants lors du référendum et du taux de participation relativement faible ainsi que des cas d'irrégularités alléguées lors du scrutin; déplore vivement les affrontements violents ayant eu lieu avant, pendant et après le référendum, qui ont fait des morts et des blessés, ainsi que la répression à l'encontre des militants qui avaient fait campagne contre le projet de Constitution, ce qui s'est traduit par un débat public partial avant le scrutin;

4.      est profondément préoccupé par la poursuite des affrontements violents en Égypte, la polarisation et les profondes divisions internes au sein de la société égyptienne, et l'absence d'un environnement propice à un débat public pluraliste et démocratique dans le pays; condamne fermement tous les actes de terrorisme, les violences, l'incitation à la violence et les discours d'incitation à la haine, et présente ses condoléances aux familles des personnes qui ont perdu la vie dans de violents affrontements;

5.      condamne tout acte de recours excessif à la force par les forces de sécurité à l'encontre des manifestants, et prie le gouvernement de transition égyptien de garantir que soient menées des enquêtes rapides, indépendantes, sérieuses et impartiales dans toutes ces affaires et que les responsables soient tenus de rendre des comptes; rappelle au gouvernement de transition sa responsabilité d'assurer la sécurité de tous les citoyens égyptiens, indépendamment de leurs opinions politiques ou de leur appartenance religieuse, ainsi que la responsabilité, au-delà de toute affiliation partisane, des personnes responsables de violences, d'incitation à la violence ou de violations des droits de l'homme;

6.      souligne une fois encore que la réconciliation et un processus politique sans exclusive mené par les civils, associant tous les acteurs politiques démocratiques, sont des éléments fondamentaux de la transition démocratique en Égypte, et que la tenue d'élections présidentielles et législatives libres et équitables dans les délais définis par la nouvelle constitution – débouchant sur une représentation suffisante des différentes tendances politiques ainsi que des femmes et des minorités – constitue une autre étape essentielle de processus; encourage tous les acteurs politiques et sociaux, y compris les partisans de l'ex-président Morsi, à s'abstenir de tout acte de violence, d'incitation à la violence, ou de provocation, et à contribuer aux efforts de réconciliation; réitère son appel en faveur de la libération de tous les prisonniers politiques, y compris de l'ex-président Morsi; continue de croire que toute interdiction ou exclusion ou toutes poursuites à l'encontre d'une force ou d'un acteur politiques démocratiques en Égypte ne peuvent qu'être une répétition des erreurs du passé et qu'entraîner une recrudescence du radicalisme;

7.      demande que soit immédiatement mis un terme à tous les actes de violence, de harcèlement ou d'intimidation – qu'ils soient le fait des autorités nationales, des forces de sécurité ou d'autres groupes – à l'encontre d'opposants politiques, de manifestants pacifiques, de représentants syndicaux, de journalistes, de militants des droits de la femme et d'autres acteurs de la société civile en Égypte; demande que ces affaires fassent l'objet d'enquêtes sérieuses et impartiales et que les responsables soient traduits en justice; prie une fois encore le gouvernement de transition de veiller à ce que les organisations nationales ou internationales de la société civile, les syndicats indépendants et les journalistes puissent exercer librement leurs activités dans le pays sans ingérence du gouvernement;

8.      fait part de ses préoccupations au sujet de la loi n° 107 du 24 novembre 2013 sur l'organisation du droit aux rassemblements, défilés et manifestations publics pacifiques, laquelle restreint arbitrairement le droit de réunion pacifique et permet la répression, ainsi que de sa mise en œuvre, y compris des récentes arrestations opérées en vertu de ladite loi; demande que soit révisée cette loi dans le respect des normes internationales et des obligations internationales de l'Égypte, dans le cadre d'un dialogue avec la société civile, et que soient libérées toutes les personnes arrêtées, détenues et déclarées coupables pour avoir exercé leurs droits légitimes de liberté de réunion, de manifestation ou de liberté d'expression ou d'association;

9.      condamne les récents attentats terroristes perpétrés contre les forces de sécurité en Égypte; est profondément préoccupé par la détérioration continue de la situation en matière de sécurité au Sinaï, et appelle à des efforts renouvelés du gouvernement de transition et des forces de sécurité égyptiennes pour rétablir la sécurité, notamment par la lutte contre la traite des êtres humains, dans la région; rappelle, à cet égard, que selon l'article 89 de la nouvelle constitution, toutes les formes d'esclavage, d'oppression, d'exploitation forcée des êtres humains, de commerce du sexe et les autres formes de traite des êtres humains sont interdites et punissables par la loi en Égypte;

10.    réitère son appel au Conseil, à la vice-présidente / haute représentante et à la Commission à prendre en considération le principe de conditionnalité ("donner plus pour recevoir plus") et les lourds défis économiques auxquels l'Égypte est confrontée dans les relations bilatérales qu'elle entretient avec ce pays et dans le soutien financier qu'elle lui apporte, ainsi que son appel à la définition claire et conjointe d'indicateurs à cet égard;

11.    réitère son appel en faveur d'un renforcement de l'aide et de l'assistance octroyées par l'Union à l'Égypte et aux autres pays du printemps arabe, dans le cadre d'un processus de recouvrement des avoirs, tel que mentionné dans ses résolutions des 23 mai 2013 et 12 septembre 2013; souligne, une fois encore, que le fait de contribuer au recouvrement des avoirs volés par d'anciens régimes dictatoriaux constitue une obligation morale pour l'Union et qu'il s'agit d'une question hautement politique, en raison de sa valeur symbolique, dans le cadre des relations que l'Union entretient avec son voisinage méridional;

12.    charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la vice-présidente de la Commission et haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux gouvernements et aux parlements des États membres, ainsi qu'au gouvernement de transition de la République arabe d'Égypte.