PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la situation en Iraq
19.2.2014 - (2014/2565(RSP))
conformément à l'article 110, paragraphe 2, du règlement
Jelko Kacin, Marietje Schaake au nom du groupe ALDE
Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B7-0188/2014
Le Parlement européen,
– vu ses résolutions précédentes sur l'Iraq, notamment celle du 14 mars 2013 sur l'Iraq: la situation des minorités, y compris les Turcomans d'Iraq[1],
– vu l'accord de partenariat et de coopération entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la République d'Iraq, d'autre part, ainsi que sa résolution du 17 janvier 2013 sur l'accord de partenariat et de coopération UE-Iraq[2],
– vu le document stratégique conjoint pour l'Iraq (2011-2013) de la Commission,
– vu le rapport sur la situation des droits de l'homme en Iraq pour la période allant de janvier à juin 2012, présenté conjointement par la Mission d'assistance des Nations unies en Iraq (MANUI) et le Haut-Commissaire aux droits de l'homme des Nations unies le 19 décembre 2012,
– vu le rapport n° 144 du 14 août 2013 du International Crisis Group sur le Moyen-Orient, intitulé "Make or Break: Iraq’s Sunnis and the State",
– vu les chiffres des Nations unies recensant les victimes de septembre 2013, communiqués le 1er octobre 2013,
– vu la déclaration du 29 juillet 2013 du Secrétaire général des Nations unies, Ban Ki‑moon, pressant les dirigeants d'éloigner l'Iraq "du précipice",
– vu la déclaration du 1er septembre 2013 du Secrétaire général des Nations unies, Ban Ki‑moon, sur les événements tragiques du camp d'Ashraf, qui ont fait 52 morts,
– vu la déclaration de 1981 des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction,
– vu le pacte international de 1966 relatif aux droits civils et politiques, auquel l'Iraq est partie,
– vu la déclaration du 5 septembre 2013 de la vice-présidente de la Commission / haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Catherine Ashton, sur les récents actes de violence en Iraq,
– vu sa résolution du 13 juin 2013 sur la liberté de la presse et des médias dans le monde[3],
– vu l'article 110, paragraphe 2, de son règlement,
A. considérant que l'Iraq demeure confronté à de sérieux défis politiques, sécuritaires et socio-économiques, et que le paysage politique est extrêmement fragmenté et marqué par la violence et les doctrines sectaires, au détriment des aspirations légitimes du peuple iraquien à la paix, à la prospérité et à une réelle transition vers la démocratie;
B. considérant, selon les chiffres de la MANUI, qu'au total, 7 818 civils ont été tués et 17 981 blessés en 2013, faisant de cette année la plus mortelle depuis 2008; considérant que 661 civils ont été tués et 1 201 blessés en janvier 2014; considérant que Bagdad est constamment la région la plus touchée;
C. considérant que l'effet de "contagion" de la crise syrienne a atteint de nouveaux sommets en début d'année quand les militants de l'État islamique en Iraq et au Levant (EIIL) ont pris le contrôle des villes de Ramadi et de Falloujah, ainsi que de certaines régions de la province d'Anbar; considérant que les combattants d'Iraq jouent également un rôle majeur dans la crise syrienne, dans un camp comme dans l'autre; considérant que l'Iraq aurait autorisé le transport d'armes et d'équipements depuis l'Iran à destination du régime syrien et du Hezbollah;
D. considérant, selon les chiffres du HCR, que 222 759 réfugiés syriens résident actuellement en Iraq, le nombre réel étant probablement plus élevé;
E. considérant que les autorités iraquiennes comptent souvent sur les tribus sunnites de la province d'Anbar pour combattre les insurgés extrémistes;
F. considérant que plus de 300 000 personnes ont fui le récent déferlement de violence dans la province d'Anbar;
G. considérant que de graves problèmes sociaux et économiques – pauvreté généralisée, chômage élevé, stagnation de l'économie, dégradation de l'environnement et pénurie de services publics de base – continuent d'affecter une large proportion de la population; considérant que nombre de manifestations pacifiques, pour demander davantage de droits sociaux, économiques et politiques, restent l'objet d'une répression systématique des forces de sécurité, en totale impunité;
H. considérant que la liberté de la presse et des médias a été attaquée à de multiples reprises et de façon croissante, à la fois par le gouvernement et par les groupes extrémistes; considérant que les journalistes et les organes de presse ont été la cible d'attaques ou de mesures de censure, et que l'organisation Reporters sans frontières a fait part d'une interruption des nouvelles dans la province d'Anbar; considérant que l'Iraq est classé "non libre" par la Freedom House dans son rapport 2014 sur la liberté dans le monde (Freedom in the World);
I. considérant que la Constitution de l'Iraq garantit à tous les citoyens l'égalité devant la loi, en même temps que "les droits administratifs, politiques et culturels, ainsi que le droit à l'éducation, aux différentes nationalités"; considérant que le gouvernement iraquien est responsable du bien-être et de la sécurité de l'ensemble de sa population;
J. considérant que les politiques du gouvernement iraquien, à dominante chiite, y compris la violente répression des manifestations sunnites, n'ont fait qu'intensifier les tensions sectaires et nourrir le mécontentement de plusieurs franges de la population iraquienne;
K. considérant que l'accord UE-Iraq de partenariat et de coopération, et en particulier sa clause relative aux droits de l'homme, souligne que le dialogue politique UE-Iraq doit être axé sur les droits de l'homme et sur le renforcement des institutions démocratiques;
1. condamne fermement les actes de terrorisme et l'aggravation des violences sectaires, qui font courir le danger que le pays ne retombe dans des querelles sectaires et craindre un élargissement du conflit interconfessionnel dans la région; souligne que, si les causes de la violence sont plus politiques que religieuses, l'implication des groupes extrémistes tels que l'EIIL a davantage intensifié la crise;
2. présente ses condoléances aux familles et aux proches des victimes;
3. fait observer que la lutte contre le terrorisme et les mesures anti-insurrectionnelles doivent comporter plus qu'une intervention militaire, qu'elles doivent consister d'une approche globale visant à remédier aux causes profondes de la violence ainsi que de politiques dont l'objectif est de favoriser la confiance, la sécurité et un développement économique et social inclusif;
4. exprime sa vive préoccupation devant la résurgence de l'instabilité et invite tous les dirigeants politiques en Iraq, de toutes les composantes ethniques ou religieuses, à œuvrer ensemble pour mettre un terme aux violences sectaires et à la défiance et rassembler le peuple iraquien;
5. invite à la fois le gouvernement de l'Iraq et les gouvernements régionaux à condamner les attentats et à faciliter une enquête internationale indépendante, approfondie et rapide sur les récents attentats terroristes dans la région; demande au gouvernement iraquien de coopérer pleinement à cette enquête afin de traduire les responsables en justice;
6. s'inquiète du débordement de la violence du conflit syrien en Iraq, où les djihadistes en lien avec l'EIIL ont pris le dessus; exhorte le gouvernement iraquien à faire tout son possible pour empêcher les combattants de passer la frontière depuis ou vers la Syrie et de stopper les transferts d'armes depuis l'Iran qui, pour avoir lieu, franchissent éventuellement les frontières iraquiennes ou passent par son espace aérien;
7. loue le gouvernement iraquien pour son accueil d'un grand nombre de réfugiés syriens; incite la Commission et les États membres à maintenir leur soutien à l'Iraq et aux autres pays voisins de la Syrie pour l'accueil des réfugiés et leur bien-être;
8. demande instamment aux dirigeants politiques, religieux et civils et aux forces de sécurité d'œuvrer ensemble pour faire cesser le bain de sang et faire en sorte que tous les citoyens d'Iraq soient réellement protégés de manière égale;
9. demande au gouvernement iraquien et à tous les dirigeants politiques de prendre les mesures nécessaires pour garantir sécurité et protection à toute la population iraquienne, et aux membres des minorités vulnérables en particulier; invite le gouvernement iraquien à veiller à ce que les forces de sécurité respectent l'état de droit et les normes internationales;
10. demande à tous les acteurs, appartenant ou non au gouvernement, de respecter la liberté de la presse et des médias et de protéger de la violence les journalistes et les organes de presse; signale qu'une presse et des médias libres sont un élément essentiel d'une démocratie fonctionnelle, en donnant accès à l'information et en fournissant une plateforme pour les citoyens;
11. invite la communauté internationale, dont l'Union européenne, à soutenir le gouvernement iraquien en encourageant des initiatives en vue du dialogue national, de la consolidation de l'état de droit et de la fourniture des services de base, dans le but de créer un pays sûr, stable, uni, prospère et démocratique dans lequel les droits de l'homme et les droits politiques de tous seront protégés;
12. invite les autorités iraquiennes, étant donné que la situation sécuritaire a exacerbé les problèmes pour les groupes vulnérables, tels que les femmes, les journalistes, les jeunes et les défenseurs des droits fondamentaux, dont les syndicalistes, à consacrer d'urgence davantage de ressources aux programmes destinés à améliorer la situation;
13. encourage un dialogue interconfessionnel entre clergés sunnite et chiite, en tant qu'instrument nécessaire à la résolution des conflits; estime que les entretiens récents entre l'E3+3 et l'Iran offrent aussi à l'Iraq l'occasion de servir de pont, puisqu'il est l'un des rares pays à avoir des relations fortes avec les deux parties; invite les dirigeants iraniens à s'engager de manière constructive dans la stabilisation de la région;
14. charge son Président de transmettre la présente résolution à la vice-présidente de la Commission / haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au Conseil, à la Commission, au représentant spécial de l'Union européenne pour les droits de l'homme, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au gouvernement et au Conseil des représentants de la République d'Iraq, au gouvernement régional du Kurdistan, au Secrétaire général des Nations unies et au Conseil des droits de l'homme des Nations unies.
- [1] Textes adoptés de cette date, P7_TA(2013)0101.
- [2] Textes adoptés de cette date, P7_TA(2013)0022.
- [3] Textes adoptés de cette date, P7_TA(2013)0274.