Proposition de résolution - B7-0193/2014Proposition de résolution
B7-0193/2014

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la situation en Irak

19.2.2014 - (2014/2565(RSP))

déposée à la suite du débat sur la déclaration de la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
conformément à l'article 110, paragraphe 2, du règlement

Willy Meyer, Patrick Le Hyaric, Nikolaos Chountis, Marie-Christine Vergiat au nom du groupe GUE/NGL

Procédure : 2014/2565(RSP)
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B7-0193/2014
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B7‑0193/2014

Résolution du Parlement européen sur la situation en Irak

(2014/2565(RSP))

Le Parlement européen,

–       vu l'accord de partenariat et de coopération entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la République d'Iraq, d'autre part,

–       vu sa résolution du 17 janvier 2013 sur l’accord de partenariat et de coopération UE‑Iraq[1],

–       vu la première réunion du conseil de coopération UE‑Iraq du lundi 20 janvier 2014,

–       vu la déclaration de la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Catherine Ashton, sur les actes récents de violence survenus en Iraq le 5 septembre 2013 ainsi que sur les derniers attentats perpétrés dans ce pays le 5 février 2014,

–       vu ses résolutions précédentes sur l'Iraq, notamment celles du 14 mars 2013 sur l'Iraq: la situation des minorités, y compris les Turcomans d'Iraq[2], et du 10 octobre 2013 sur les violences récentes en Iraq[3],

–       vu les conclusions du Conseil du 10 février 2014 sur l'Iraq,

–       vu les déclarations du représentant spécial de l'ONU pour l'Iraq, Nikolaï Mladenov,

–       vu les déclarations du Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, sur l'Iraq, en particulier à la suite de sa dernière visite dans le pays en 2014,

–       vu le document stratégique conjoint pour l'Iraq (2011-2013) de la Commission,

–       vu le rapport publié en avril 2013 sur les caractéristiques environnementales et la prévalence de malformations à la naissance dans l'Iraq de l'après-guerre et sur les conséquences pour les politiques de reconstruction du système éducatif iraquien,

–       vu sa résolution du Parlement européen du 22 mai 2008 sur les armes contenant de l'uranium (appauvri) et leurs effets sur la santé humaine et l'environnement – Vers une interdiction mondiale de l'usage de ces armes[4]

–       vu les résolutions 1956 (2010), 1957 (2010) et 1958 (2010) adoptées par le Conseil de sécurité de l'ONU le 15 décembre 2010,

–       vu la déclaration de 1981 de l'ONU sur l'élimination de toutes les formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction,

–       vu la convention de l'ONU contre la corruption, que l'Iraq a ratifiée en 2008,

–       vu le pacte international de 1966 relatif aux droits civils et politiques, auquel l'Iraq est partie,

–       vu l'article 110, paragraphe 2, de son règlement,

A.     considérant que l'ensemble de la population iraquienne a été ébranlée par une guerre qui a fait plus de 1 million de morts et détruit de larges pans de l'infrastructure nationale, ainsi que par l'augmentation subséquente de la violence, qui s'est traduite par un nombre alarmant d'attentats terroristes et de violations des droits de l'homme;

B.     considérant que la forte augmentation récente de la violence dans le pays a entraîné un nombre de morts sans précédent depuis 2008; que les évènements dans la province d'Anbar ont provoqué le déplacement interne d'un grand nombre de personnes fuyant les zones de conflit;

C.     considérant que, selon les données de la MANUI (Mission de l'ONU pour l'Iraq) pour novembre 2013, la violence reste très préoccupante en Iraq car des actes de violence aveugle sont constamment perpétrés; rien qu'en octobre 2013, 979 Iraquiens ont été tués et 1 902 ont été blessés dans des actes de terrorisme et de violence;

D.     considérant qu'en raison des dix années d'occupation, le pays s'est appauvri, le taux d'analphabétisme a augmenté et le nombre de personnes qui meurent de faim est en hausse; que la pauvreté touche 88 % de la population et quelque six millions d'Iraquiens vivent au-dessous du seuil de pauvreté; que même si l'Iraq a été en mesure de rétablir la pleine capacité de sa production de pétrole, les inégalités sociales s'accroissent dans la mesure où l'État n'est toujours pas à même de fournir à sa population des services de base tels qu'un approvisionnement électrique régulier pendant l'été, de l'eau propre à la consommation et des soins de santé publics;

E.     considérant que ces dernières années, plutôt que d'aider l'Iraq à progresser, les États-Unis et ses alliés ont laissé le pays s'acheminer vers une profonde fracture sociale; considérant que ces dernières années, la situation s'est considérablement détériorée dans le pays et que les affrontements ethniques entre chiites et sunnites ont augmenté; que 20 % des ressources pétrolières de l'Iraq se trouvent dans la région de Kirkouk;

F.     considérant que, depuis l'invasion et l'occupation de l'Iraq par les forces de la coalition, la situation a nettement empiré et la violence, les violations des droits de l'homme, la torture ainsi que les conflits ethniques sont désormais monnaie courante; que la fréquence quotidienne des attentats et des fusillades place la plupart des Iraquiens dans une situation d'incertitude quant à leur avenir et empêche le pays de promouvoir l'intégration économique et sociale de l'ensemble de la population;

G.     considérant qu’à ce jour, selon le Haut‑Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR), le nombre de déplacés iraquiens à l’intérieur du territoire est de plus de 1 500 000 personnes, dont 500 000 sans‑abri, et que le nombre de réfugiés dans les pays voisins s’élève à présent à 230 000;

H.     considérant que le conflit en Syrie a de nombreuses répercussions négatives dans la région et a provoqué un flux migratoire important vers l'Iraq de plus de 220 000 réfugiés et rapatriés, qui vivent dans des conditions de vulnérabilité extrême sur le territoire iraquien;

I.      considérant que, depuis 2004, plus de 1 300 personnes auraient été condamnées à mort en Iraq; que la loi iraquienne permet de prononcer la peine de mort pour près de 50 crimes, dont les actes de terrorisme, les enlèvements et les meurtres, mais également les actes de dégradation de biens publics;

J.      considérant que selon Transparency International, l'Iraq a le gouvernement le plus corrompu du Moyen‑Orient; que la corruption est un problème structurel dans la mesure où le parlement n'exerce aucun contrôle effectif et le système judiciaire est inopérant, deux caractéristiques d'un État en faillite; que, selon l'Inspection générale spéciale des États‑Unis pour la reconstruction de l'Iraq, 800 000 000 USD sont transférés illégalement hors du pays toutes les semaines;

K.     considérant que le long contentieux sur les exportations de pétrole de la région de Kirkouk au moyen d'un nouvel oléoduc n'a pas été réglé;

L.     considérant qu'au moins dix journalistes ont été tués en 2013; que les meurtres de cent journalistes au cours de la décennie écoulée n'ont débouché sur aucune condamnation, ce qui fait de l'Iraq le pays affichant le taux d'impunité le plus élevé au monde pour des meurtres de journalistes non élucidés;

M.    considérant qu'en avril 2003, le journaliste espagnol José Couso – de même que les journalistes Tarasa Protsyuk et Tareq Ayoub – a été tué dans un assaut donné par l'armée américaine; qu'un tribunal espagnol a demandé l'arrestation de trois soldats américains pour leur implication dans le meurtre; que justice n'a toujours pas été rendue; que les États‑Unis ont bloqué les mandats d'arrestation et qu'Interpol ne les a pas exécutés;

N.     considérant que les États‑Unis et le Royaume‑Uni ont utilisé des quantités importantes de munitions contenant de l'uranium appauvri, provoquant une augmentation considérable des cancers chez les enfants ainsi que des malformations congénitales;

O.     considérant que le manque d'informations sur l'utilisation de résidus d'uranium appauvri par les États‑Unis entrave sérieusement les mesures de décontamination, de contrôle et de sensibilisation qui visent à réduire l'exposition des civils à ces résidus;

P.     considérant que, contrairement à la tendance mondiale à l'abolition de la peine de mort, le nombre d'exécutions en Iraq a augmenté; que, selon des articles parus dans la presse internationale, au moins 150 personnes ont été exécutées en Iraq en 2013;

Q.     considérant que de graves inquiétudes ont été exprimées par, notamment, le Haut‑Commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, Navi Pillay, quant à l'échec des démarches visant à faire en sorte que les procès aboutissant à des peines de mort soient conformes aux garanties internationales en matière de procès équitables, y compris en ce qui concerne des questions telles que l'absence de transparence des procès et les cas dans lesquels les "aveux" ont été obtenus par la torture ou par d'autres formes de mauvais traitements; que la peine de mort est une forme de traitement cruelle et inhumaine qui doit être abolie;

R.     considérant que des élections générales sont prévues pour le 30 avril 2014 en Iraq;

1.      condamne à nouveau fermement l'intervention militaire des forces de la coalition en Iraq, réaffirme que cette invasion a violé le droit international et rappelle qu'elle était illégale; souligne que l'effondrement quasi complet de l'État de droit en Iraq et l'avènement de l'extrémisme religieux dans le pays sont deux des principaux résultats de l'invasion américaine;

2.      condamne à nouveau une telle violation du droit international; estime que les responsables de cette guerre illégale et de ces crimes contre l'humanité devraient être traduits en justice;

3.      rappelle que le droit des peuples à l'autodétermination suppose une indépendance totale, au niveau tant politique qu'économique; condamne toute ingérence étrangère passée, présente ou future dans les affaires intérieures iraquiennes; souligne le fait que, pour acquérir une réelle indépendance, l'Iraq devrait exercer un contrôle total sur son économie, y compris ses ressources naturelles; rappelle que les recettes issues du pétrole devraient être utilisées comme un outil et une opportunité de reconstruction sociale et économique durable au bénéfice de la société iraquienne dans son ensemble; invite le gouvernement iraquien à faire en sorte que les ressources du pays soient utilisées de manière transparente et responsable au profit de l'ensemble de la population iraquienne;

4.      considère que les pays ayant participé à l'invasion de l'Iraq, dont certains États membres, doivent demander pardon au peuple iraquien pour une guerre qu'ils ont livrée sur la base de mensonges; reconnaît que cette guerre illégale a entraîné la destruction du pays et une recrudescence de la violence dans l'ensemble de la région; condamne le pillage des ressources naturelles du pays par des compagnies pétrolières telles que Royal Dutch Shell Oil Company, BP et ExxonMobil;

5.      condamne toutes les formes de violence à l'encontre des groupes sociaux, politiques ou religieux; déplore le nombre élevé de personnes tuées ou blessées; condamne tous les crimes et toutes les exécutions commis depuis le début de la guerre en 2003; se déclare très préoccupé par l'augmentation du nombre d'attaques violentes; présente ses condoléances aux familles des victimes et blessés; demande l'arrêt immédiat des violences; estime que ceux qui ont commis ces crimes devraient être traduits en justice;

6.      rappelle qu'il est urgent de remédier aux problèmes humanitaires que connaît le peuple iraquien; souligne la nécessité de garantir que les actions coordonnées entre les autorités iraquiennes et les organisations d'aide internationale qui travaillent sur le terrain visent à venir en aide aux groupes vulnérables, notamment les réfugiés et les déplacés, en les protégeant et en créant les conditions adéquates permettant d'assurer leur sécurité et le respect de leur dignité;

7.      observe que, selon l'UNHCR, plus de 220 000 réfugiés syriens ont fui vers la partie kurde de l'Iraq depuis le début de la guerre; demande instamment à l'Union de prêter assistance à ces personnes; rappelle l'importance de respecter pleinement le droit humanitaire international et la protection des civils, demande aux autorités iraquiennes de veiller à fournir les services de base ainsi qu'à autoriser l'accès des agences humanitaires au zones de combat; se déclaré préoccupé par l'aide insuffisante fournie aux réfugiés syriens;

8.      déplore le caractère endémique de la corruption en Iraq – en particulier dans l'armée et la police –, qui est à l'origine de graves problèmes au sein des services de sécurité iraquiens; regrette que cette culture de la corruption touche jusqu'aux strates les plus élevées du gouvernement;

9.      déplore l'augmentation spectaculaire des exécutions et l'utilisation d'"aveux" obtenus sous la torture ou après d'autres mauvais traitements en tant preuves à charge contre les prisonniers;

10.    condamne l'application de la peine de mort quelles que soient les circonstances; demande au gouvernement iraquien d'abord d'abolir la peine de mort puis de déclarer et d'appliquer immédiatement un moratoire sur les exécutions;

11.    exige l'ouverture d'une enquête internationale, menée sous les auspices de l'ONU, qui confirmera le recours généralisé à la torture ainsi que l'existence en Iraq de prisons secrètes ou d'autres centres de torture et aura pour but d'établir les responsabilités de chacune des parties impliquées et de punir les responsables;

12.    condamne toutes les formes de violence perpétrée contre les groupes sociaux, politiques et religieux, condamne tous les crimes et exécutions commis depuis le début de la guerre en 2003, et déplore la dernière vague d'attentats terroristes;

13.    rappelle l'importance des principes de justice, de vérité et de réparation; estime que les auteurs de cette guerre illégale et de ces crimes contre l'humanité qui s'en sont suivis doivent être traduits en justice; dix ans après leurs meurtres, exige que justice soit rendue dans les affaires des journalistes Couso, Protsyuk et Ayoub, de sorte que ces meurtres ne restent pas impunis;

14.    s'oppose au partenariat et à l'accord de coopération entre l'Union et la République d'Iraq; estime que les principaux objectifs de la coopération de l'Union avec l'Iraq doivent être la fin des violences, le développement social et économique, le respect total des droits de l'homme et le rétablissement du bien‑être des Iraquiens et non l'entrée et le développement des compagnies pétrolières européennes sur le territoire iraquien;

15.    condamne l'utilisation de munitions contenant de l'uranium appauvri pendant la guerre, en particulier par les États‑Unis et le Royaume‑Uni; demande à l'Union de parvenir à une position commune en faveur de la restriction ou de l'interdiction de l'utilisation de munitions contenant de l'uranium appauvri, et d'élaborer des programmes de nettoyage dans les zones touchées;

16.    demande aux autorités iraquiennes de prendre des mesures visant à garantir le respect total de l'égalité des sexes ainsi que des droits des femmes;

17.    exhorte le parlement et le gouvernement iraquiens à garantir le respect de Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant et à lutter contre le travail des enfants, la prostitution des enfants ainsi que la traite des êtres humains;

18.    charge son Président de transmettre la présente résolution au Président du Conseil européen, au Président de la Commission européenne, à la haute représentante/vice-présidente de la Commission européenne, aux Présidents des parlements des États membres, ainsi qu'au gouvernement et au Conseil des représentants de la République d'Iraq.