Proposition de résolution - B7-0365/2014Proposition de résolution
B7-0365/2014

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la politique étrangère de l'Union européenne dans un monde de différences religieuses et culturelles

11.4.2014 - (2014/2690(RSP))

déposée à la suite d'une déclaration de la vice-présidente de la Commission / haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
conformément à l'article 110, paragraphe 2, du règlement

Marietta Giannakou au nom de la commission des affaires étrangères

Procédure : 2014/2690(RSP)
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B7-0365/2014
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B7‑0365/2014

Résolution du Parlement européen sur la politique étrangère de l'Union européenne dans un monde de différences religieuses et culturelles

(2014/2690(RSP))

Le Parlement européen,

–       vu les articles 2 et 21 du traité sur l'Union européenne (traité UE) et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (traité FUE),

–       vu la charte des Nations unies,

–       vu la convention européenne des droits de l'homme et la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, notamment ses articles 10 et 22,

–       vu la convention des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes,

–       vu le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels,

–       vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques,

–       vu la convention de l'Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles,

–       vu les résolutions des Nations unies sur la liberté de religion ou de conviction et sur l'élimination de toutes formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction, en particulier la résolution A/RES/67/179 de l'Assemblée générale du 20 décembre 2012 et la résolution A/HRC/22/20/L.22 du Conseil des droits de l'homme du 22 mars 2013,

–       vu le cadre stratégique et le plan d'action de l'Union européenne en faveur des droits de l'homme et de la démocratie (11855/2012) adoptés par le Conseil "Affaires étrangères" le 25 juin 2012,

–       vu les conclusions du Conseil du 20 novembre 2008 sur la promotion de la diversité culturelle et du dialogue interculturel dans les relations extérieures de l'Union et de ses États membres,

–       vu l'agenda européen de la culture (COM(2007)0242), qui vise à sensibiliser à la diversité culturelle et aux valeurs de l'Union européenne et à encourager le dialogue avec la société civile et les échanges de bonnes pratiques,

–       vu sa recommandation du 2 février 2012 à l'intention du Conseil sur la définition d'une politique cohérente vis-à-vis des régimes autoritaires contre lesquels l'Union européenne applique des mesures restrictives[1],

–       vu sa résolution du 12 mai 2011 sur les dimensions culturelles des actions extérieures de l'UE[2],

–       vu sa recommandation du 13 juin 2013 à l'intention du Conseil sur le projet de lignes directrices de l'Union sur la promotion et la protection de la liberté de religion ou de conviction[3], et les lignes directrices de l'Union sur la promotion et la protection de la liberté de religion ou de conviction, adoptées par le Conseil "Affaires étrangères" le 24 juin 2013,

–       vu sa résolution du 11 décembre 2012 sur la stratégie pour la liberté numérique dans la politique étrangère de l'Union[4],

 

–       vu l'article 110, paragraphe 2, de son règlement,

 

A.     considérant que l'Union européenne repose sur les principes de droits de l'homme, d'état de droit et de démocratie inscrits dans la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et qu'elle a la volonté et le devoir moral et légal de promouvoir et de défendre ces valeurs dans ses relations extérieures avec tous les autres pays;

B.     considérant que l'article 21 du traité UE reconnaît que l'action de l'Union sur la scène internationale repose sur "la démocratie, l'état de droit, l'universalité et l'indivisibilité des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le respect de la dignité humaine, les principes d'égalité et de solidarité et le respect des principes de la charte des Nations unies et du droit international";

C.     considérant que la notion de différences culturelles et religieuses a souvent donné lieu à des conflits entre différents groupes de personnes et a été exploitée par des dirigeants et régimes afin de parvenir à leurs fins, alimentant ainsi les conflits;

D.     considérant qu'une vision de la diversité religieuse et culturelle qui permet l'intégration, le respect mutuel et la compréhension de mentalités différentes est une bonne façon de promouvoir la tolérance et la réconciliation dans des situations d'après-conflit et constitue une aide dans l'encouragement des droits de l'homme et de la démocratie;

E.     considérant qu'en ces temps de mondialisation, les nations, les États et les civilisations interagissent activement les uns avec les autres et que les règles et normes qui régissent le fonctionnement des systèmes économiques et politiques sont de plus en plus étroitement interconnectées et confrontées à des défis communs tels que le changement climatique, le terrorisme et la pauvreté, tout en reflétant les identités nationales et les différences culturelles, dont la bonne compréhension est cruciale pour un dialogue international fondé sur la tolérance;

F.     considérant que toutes les nations sont très attachées à leur patrimoine culturel national, qui constitue le fondement de l'identité culturelle des citoyens;

Principes de la politique étrangère de l'Union européenne

1.      affirme que le respect de la diversité culturelle et la tolérance à l'égard des différentes doctrines et croyances, combinés à une action de lutte contre toutes les formes d'extrémisme et contre les inégalités, demeurent une partie intégrante et nécessaire de la mise en place réussie d'un ordre international pacifique, fondé sur des valeurs démocratiques universellement partagées;

2.      réaffirme sa conviction que, lorsqu'elle défend ses propres intérêts dans le monde, l'Union doit toujours fonder ses politiques sur la promotion des valeurs fondamentales qui la sous-tendent (démocratie, état de droit et droits de l'homme, justice sociale et lutte contre la pauvreté) et sur le respect des autres pays;

3.      insiste pour que la protection des personnes appartenant à des groupes vulnérables, tels que les minorités ethniques ou religieuses, la promotion des droits des femmes et leur émancipation, leur représentation et leur participation aux processus économiques, politiques et sociaux, ainsi que la lutte contre toutes les formes de violence et de discrimination fondée sur le sexe ou l'orientation sexuelle figurent parmi les objectifs de l'Union européenne dans ses relations extérieures;

4.      estime que l'accès à l'éducation sous toutes ses formes, en particulier par le biais de la mémoire des événements passés, de l'histoire et de la promotion des échanges culturels, est indispensable pour comprendre et respecter le patrimoine religieux et culturel;

5.      invite l'Union européenne à encourager la ratification et l'application des principaux traités internationaux sur les droits de l'homme, notamment tous les accords en faveur des droits de la femme et de la lutte contre la discrimination, les conventions sur les droits fondamentaux des travailleurs, ainsi que les instruments régionaux des droits de l'homme; souhaite une ratification rapide de la Convention européenne des droits de l'homme après la décision finale de la Cour de justice de l'Union européenne;

6.      invite l'Union européenne à encourager la ratification et la mise en œuvre de la Convention de l'Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles;

7.      affirme que l'Union, qui a déjà obtenu des résultats concrets par le passé dans sa lutte contre la peine de mort, doit s'engager de manière plus déterminée et demander aux institutions et aux États membres de maintenir et de renforcer leur attachement politique à cette cause, afin que la peine de mort soit définitivement abolie dans le monde entier;

8.      estime que des démocraties stables et modernes, fondées sur un état de droit efficace, sont un instrument de paix, de coopération internationale et de volonté de faire face de manière constructive aux problématiques mondiales, et estime qu'il est dans l'intérêt de l'Union d'encourager activement une culture politique de la liberté, de la tolérance et de l'ouverture, la séparation de l'État et de la religion, ainsi que l'établissement d'institutions démocratiques à travers le monde;

9.      observe, en particulier, que le passage à la démocratie dans de nombreux États du monde au cours des deux dernières décennies et, plus récemment, les soulèvements dans le monde arabe, ont révélé que les aspirations à la démocratie, à la justice sociale, à la dignité humaine et à la participation sur un pied d'égalité sont un moteur universel au sein et au travers des divers cadres culturels et religieux et ne devraient pas être uniquement considérées comme une préoccupation occidentale;

10.    estime que la notion de différences culturelles et religieuses a été instrumentalisée à de nombreuses reprises pour justifier des violations flagrantes des droits de l'homme par des régimes autoritaires ainsi que par des acteurs non étatiques radicaux;

11.    rejette les visions essentialistes qui font des cultures des entités fixes; pense que la mondialisation et l'interaction croissante de personnes d'origines culturelles et religieuses différentes peuvent donner lieu au développement et au renforcement d'un noyau commun de valeurs universelles;

12.    rappelle que respecter et défendre les cultures plus petites et minoritaires et encourager leur capacité à s'exprimer pacifiquement et dans le respect des droits de l'homme est un moyen d'éviter que les différences culturelles ne soient vues comme une confrontation entre des blocs inconciliables et de promouvoir la paix et la stabilité;

13.    souligne que l'éducation inclusive doit s'inscrire au cœur de la politique de développement, de la gestion de crise et de la stabilisation des situations d'après-conflit;

14.    souligne que le respect de la liberté de religion est un principe important de la politique étrangère, qui renforce les relations internationales et facilite la coopération entre les peuples fondée sur l'humanité, la tolérance et la reconnaissance mutuelle;

15.    s'oppose au soutien et à la propagation de doctrines religieuses fondamentalistes visant à fragiliser ou à violer les droits de certaines communautés;

16.    exprime sa préoccupation face à la prolifération de l'intolérance et déplore vivement les actes de violence à l'encontre de communautés religieuses, dont les chrétiens, les musulmans, les juifs et les Bahá’ís, à qui les droits fondamentaux sont refusés au seul motif de leur foi dans différents pays; condamne vivement, en particulier, les nombreux attentats visant à fermer ou à détruire des églises, des mosquées, des synagogues, des temples et d'autres lieux de culte dans le monde entier;

17.    souligne l'importance de la diplomatie et de la coopération culturelles ainsi que des échanges dans le domaine de l'éducation et de la culture dans la communication des valeurs qui constituent la culture européenne et dans la défense des intérêts de l'Union et de ses États membres; insiste sur la nécessité pour l'Union de jouer un rôle cohérent sur la scène mondiale, dans une perspective mondiale et avec des responsabilités mondiales;

Le rôle de l'Union européenne dans le système des Nation unies et dans les instances multilatérales

18.    reconnaît que la structure actuelle du système des Nations unies, en particulier celle du Conseil de sécurité, devraient mieux refléter la diversité des acteurs mondiaux;

19.    observe toutefois que l'Union et ses États membres sont parvenus à trouver un terrain d'entente pour le dialogue et la coopération en vue de trouver des solutions communes avec les États membres des Nations unies, qui transcendent les différences culturelles et religieuses; observe aussi que les tensions et les impasses qui entravent l'élaboration de ces solutions trouvent leur origine dans l'opposition des États et des parties en conflit à de tels accords pour des raisons stratégiques plutôt que sur la base de valeurs morales incompatibles;

20.    souligne qu'il importe de coordonner les instances visant à encourager le dialogue et la compréhension mutuelle entre les cultures et les religions; est néanmoins d'avis que l'efficacité de ces instances devrait être évaluée et que des moyens d'accroître leur portée devraient être envisagés;

21.    reconnaît la valeur de la diplomatie parlementaire et souligne le travail des assemblées parlementaires des organisations internationales encourageant le dialogue interculturel et interreligieux; salue à cet égard les initiatives telles que la recommandation de l'Assemblée parlementaire de l'Union pour la Méditerranée (mars 2012, Rabat) en faveur de l'élaboration d'une "Charte de valeurs pour la Méditerranée";

Les défis de l'influence religieuse sur la scène politique internationale

22.    observe avec préoccupation que, en plus de la menace que les réseaux terroristes représentent pour l'Union et pour le reste du monde, les groupes religieux extrémistes qui usent de la violence pour promouvoir la haine et l'intolérance et influencer les sociétés et les législations en vue de restreindre les droits de l'homme et les libertés fondamentales portent atteinte aux principes mêmes que l'Union promeut dans ses politiques étrangères et de développement et fonctionnent avec le soutien, ouvert ou occulte, de certains États;

23.    estime que l'Union européenne devrait être plus affirmée dans son soutien à la promotion et à la défense des droits de l'homme et des droits sociaux et politiques par la société civile, ainsi qu'à des interprétations plus ouvertes et inclusives du dogme religieux dans les pays dont les gouvernements encouragent ou tolèrent des visions intolérantes de la religion et de la culture;

24.    observe que, dans de nombreux pays non européens, même lorsque différentes expressions religieuses sont tolérées, la laïcité et les opinions athées ou agnostiques n'en sont pas moins souvent frappées de discrimination juridique ou sociale et les athées sont confrontés aux menaces, aux pressions et au danger et devraient bénéficier de la même protection que les minorités religieuses ou autres de la part des programmes et des politiques de l'Union européenne; souligne que la liberté de religion et de conscience implique à la fois le droit à la croyance et à la pratique religieuse et à l'absence d'une telle croyance et d'une telle pratique, le droit de choisir ou de promouvoir les convictions religieuses en tant que partie intégrante de la liberté d'expression, et le droit d'abandonner sa confession ou d'en changer; s'attend à ce que tous ces aspects soient présents dans les initiatives de l'Union pour le dialogue interculturel;

25.    propose que les dirigeants religieux des trois religions abrahamiques (judaïsme, christianisme et islam) s'engagent dans un dialogue interreligieux, dans un esprit d'unité et de tolérance pour toutes leurs différentes expressions organisées;

Crédibilité et cohérence de la politique de l'Union

26.    estime que l'efficacité de l'action de l'Union européenne réside dans son exemplarité et sa cohérence entre la pratique intérieure et l'action extérieure;

27.    invite tous les États membres à abroger toute législation en vigueur qui contredit la liberté fondamentale de religion et de conscience et la liberté fondamentale d'expression;

28.    souligne combien il importe que l'Union européenne favorise le respect de la liberté d'expression, de la liberté de religion ou de conviction, de la liberté de la presse et de la liberté d'accès aux médias et aux nouvelles technologies de l'information dans ses actions extérieures tout en promouvant et en protégeant activement les libertés numériques de la personne;

29.    appelle à une politique de l'Union européenne en matière de droits de l'homme qui soit cohérente, fondée sur des normes fondamentales communes et sur une approche constructive orientée vers les résultats; souligne que, face aux violations des droits de l'homme, l'Union devrait recourir à toute la gamme d'instruments dont elle dispose, y compris les sanctions;

30.    réaffirme son soutien à l'inclusion, dans tous les accords de l'Union avec des pays tiers, de clauses de conditionnalité et de clauses politiques réciproques concernant les droits de l'homme et la démocratie, en tant que réaffirmation commune de l'attachement mutuel à ces valeurs et indépendamment de l'état de protection des droits de l'homme dans un pays donné, ainsi que de garanties suffisantes afin de veiller à ce qu'aucune des parties ne puisse abuser du mécanisme de suspension;

Recommandations au Service européen pour l'action extérieure et à la Commission

31.    demande au SEAE et aux délégations de l'Union à travers le monde de continuer à nouer des liens avec des pays tiers et des organisations régionales afin d'encourager le dialogue interculturel et interreligieux;

32.    attend des représentants de l'Union que, dans leurs déclarations politiques, ils affirment clairement que les interprétations intolérantes de toute religion ou foi, qui permettent la violence et la répression à l'encontre des adeptes d'autres confessions sont incompatibles avec les valeurs de l'Union et les droits de l'homme universels et doivent être rejetées avec la même autorité que le serait n'importe quel régime politique répressif;

33.    invite l'Union à renforcer le rôle de la culture dans le dialogue politique avec les pays et régions partenaires dans le monde, en promouvant les échanges culturels et en intégrant de manière systématique la culture dans les programmes et projets de développement; souligne à cet égard qu'il est nécessaire de rationaliser les activités internes de la Commission au sein des différentes DG axées sur les relations extérieures (politique étrangère, élargissement, commerce et développement), l'éducation, la culture et la stratégie numérique;

34.    souligne l'importance de former le personnel de l'Union de manière adéquate à cette fin et met en avant le travail important accompli par de nombreuses organisations telles que la Fondation Anna Lindh et le Centre de dialogue KAICIID à Vienne;

35.    reconnaît que l'internet et les technologies de la communication sont des instruments essentiels facilitant la liberté d'expression, le pluralisme, l'échange d'informations, l'éducation, les droits de l'homme, le développement, la liberté d'association, la démocratie, les interactions entre cultures et religions et l'intégration, favorisant ainsi la tolérance et la compréhension; prie dès lors la Commission d'appliquer les recommandations formulées dans le rapport sur une stratégie pour la liberté numérique dans la politique étrangère de l'Union;

36.    souligne les multiples possibilités offertes par les nouvelles technologies afin de promouvoir le dialogue interculturel et interreligieux ainsi que les principes et valeurs de l'Union européenne; encourage tous les chefs des délégations de l'Union à exploiter pleinement les instruments de diplomatie numériques en intervenant de manière active et cohérente sur les réseaux sociaux; invite le SEAE à explorer les possibilités de nouveaux programmes virtuels;

37.    charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission ainsi qu'à la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au représentant spécial de l'Union européenne pour les droits de l'homme et aux gouvernements des États membres.