Proposition de résolution - B8-0138/2014Proposition de résolution
B8-0138/2014

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la situation en Iraq et en Syrie: offensive de l'EIIL et persécution des minorités

16.9.2014 - (2014/2843(RSP))

déposée à la suite d'une déclaration de la vice-présidente de la Commission / haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
conformément à l'article 123, paragraphe 2, du règlement

Victor Boştinaru, Richard Howitt, Ana Gomes, Kati Piri, Liisa Jaakonsaari, Gilles Pargneaux, Boris Zala, Goffredo Maria Bettini, Elena Valenciano Martínez-Orozco, Silvia Costa, Nicola Caputo, Andi Cristea, Demetris Papadakis, Miroslav Poche au nom du groupe S&D

Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B8-0109/2014

Procédure : 2014/2843(RSP)
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B8-0138/2014
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B8‑0138/2014

Résolution du Parlement européen sur la situation en Iraq et en Syrie: offensive de l'EIIL et persécution des minorités

(2014/2843(RSP))

Le Parlement européen,

–       vu ses résolutions antérieures sur l'Iraq et sur la Syrie, et notamment celle du 17 juillet 2014 sur la situation en Iraq[1],

–       vu l'accord de partenariat et de coopération entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la République d'Iraq, d'autre part, ainsi que sa résolution du 17 janvier 2013 sur l'accord de partenariat et de coopération UE-Iraq,

–       vu les conclusions du Conseil "Affaires étrangères" sur l'Iraq/la Syrie, notamment celles du 30 août 2014,

–       vu la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948,

–       vu l'article 123, paragraphe 2, de son règlement,

A.     considérant que la situation du point de vue humanitaire et de la sécurité en Iraq et en Syrie a connu une nette détérioration en raison de l'occupation partielle de leurs territoires par l'"État islamique en Iraq et au Levant" (EIIL); que la mise à l'écart de la minorité sunnite par le gouvernement de Nouri Al-Maliki en Iraq a joué un rôle important dans le renforcement du soutien à l'EIIL chez les sunnites iraquiens;

B.     considérant que des assassinats aveugles et des violations massives des droits de l'homme, en particulier à l'encontre de minorités ethniques et religieuses, ont été perpétrés par l'EIIL sur les territoires qu'il contrôle; que l'EIIL s'est livré à un nettoyage ethnique à une échelle historique dans le nord de l'Iraq, en ciblant systématiquement les communautés musulmanes non arabes et non sunnites, assassinant ou enlevant des milliers de personnes, et forçant plus de 830 000 autres à fuir les zones dont il s'est emparé depuis le 10 juin 2014; que parmi les groupes ciblés figurent les yézidis, les chrétiens assyriens, les turkmènes chiites, les shabaks chiites, les kakaï et les mandéens sabéens, ainsi que de nombreux Arabes et musulmans sunnites soupçonnés d'être des opposants à l'EIIL;

C.    considérant que la conquête des territoires en Iraq et en Syrie a été suivie de l'imposition d'une interprétation rigoriste de la charia inspirée de la version extrémiste wahhabiste, incluant notamment la discrimination à l'égard des femmes et des enfants, la destruction des lieux de prière et de culte chiites, soufis, sunnites et chrétiens, et d'autres atrocités contre la population civile;

D.     considérant que l'EIIL a proclamé la création d'un "califat islamique" en Iraq et en Syrie; que l'EIIL conteste les frontières reconnues au niveau international et qu'il a déclaré son intention d'étendre le "califat islamique" à d'autres pays à majorité musulmane;

E.     considérant que l'EIIL et d'autres organisations extrémistes à l'œuvre en Iraq et en Syrie reçoivent des financements de la part de riches donateurs, notamment l'Arabie saoudite, le Qatar, le Koweït et les Émirats arabes unis;

F.     considérant que certains États membres de l'Union européenne ont décidé de fournir un soutien militaire à l'Iraq, notamment aux autorités régionales kurdes, afin de stopper et d'inverser la montée de l'EIIL;

G.     considérant que le président américain Barack Obama a annoncé une stratégie de lutte contre l'EIIL, qui inclut une composante militaire et la formation d'une coalition englobant des acteurs régionaux clés tels que la Turquie, l'Arabie saoudite, la Jordanie et le Liban;

H.     considérant que les dirigeants de la République islamique d'Iran ont indiqué qu'ils étaient prêts à contribuer aux efforts conduits par les États-Unis pour combattre l'EIIL;

I.      considérant qu'un nouveau gouvernement dirigé par le premier ministre Haïder Al-Abadi a été formé en Iraq, ce qui représente une chance de répondre aux préoccupations légitimes de la minorité sunnite de l'Iraq;

J.      considérant que des centaines de combattants étrangers, y compris de nombreux combattants provenant des États membres de l'Union, prendraient également part aux combats aux côtés des forces de l'EIIL; que les citoyens de l'Union en question sont considérés comme une menace pour la sécurité par les autorités des États membres;

K.     considérant que l'Union européenne a conscience du fardeau qui pèse sur la région du Kurdistan et sur le gouvernement de cette région, qui accueille un grand nombre de personnes déplacées;

L.     considérant que, selon l'ONU, quelque 4,67 millions de personnes, dont près d'un million d'enfants, vivent dans des zones difficiles d'accès en Iraq et en Syrie dans lesquelles la situation humanitaire se dégraderait;

1.      exprime sa profonde inquiétude face à la détérioration rapide des conditions humanitaires et de sécurité en Iraq et en Syrie en raison de l'occupation partielle des territoires de ces pays par l'EIIL; condamne fermement les attaques de l'EIIL contre les citoyens iraquiens et syriens, ayant entraîné des exécutions sommaires, des violations massives des droits de l'homme, l'imposition d'une interprétation rigoriste de la charia, la destruction de lieux de culte et de sites historiques, culturels et artistiques de la région, ainsi que d'autres atrocités; met en garde contre les positions extrémistes anti-chiites et anti-chrétiennes de l'EIIL, qui multiplient le risque de nouveaux massacres interconfessionnels si cette faction parvenait à se maintenir sur le territoire qu'elle a conquis et à s'y développer;

2.      condamne vivement les attaques dirigées contre des cibles civiles, y compris les hôpitaux, les écoles et les lieux de culte, et le recours aux exécutions et aux violences sexuelles par l'EIIL en Iraq et en Syrie; réaffirme qu'il ne saurait y avoir d'impunité pour les auteurs de tels actes; est gravement préoccupé par la crise humanitaire et les déplacements massifs de civils;

3.      invite la communauté internationale à coordonner ses efforts pour protéger toutes les victimes civiles du conflit, indépendamment de leur appartenance ethnique ou religieuse, en veillant tout particulièrement aux groupes les plus vulnérables, tels les yézidis, cibles d'une campagne brutale menée par l'EIIL dans le but de détruire leur communauté en Iraq;

4.      réitère son rejet catégorique de l'annonce par les dirigeants de l'EIIL de la création d'un "califat islamique" ainsi que l'idée d'une modification unilatérale, par la force, des frontières reconnues au niveau international;

5.      souligne que la création et l'expansion du "califat islamique", ainsi que les agissements d'autres groupes extrémistes en Iraq et en Syrie, constituent une menace directe pour la sécurité des pays européens;

6.      salue les efforts déployés par les États-Unis pour contrer la menace posée par l'EIIL en Iraq et en Syrie, y compris en utilisant les moyens militaires nécessaires;

7.      se félicite de la décision, adoptée par une coalition de 30 pays lors du sommet de Paris du 15 septembre 2014, de s'engager à soutenir le nouveau gouvernement iraquien dans son combat par tous les moyens nécessaires, y compris l'assistance militaire appropriée;

8.      soutient la décision de certains États membres de l'Union européenne consistant à fournir du matériel militaire à l'Iraq, notamment aux autorités régionales kurdes; invite le Conseil à mettre en place des mécanismes de suivi, de coordination et d'enregistrement de la quantité et de la destination des armes fournies par ces États membres à l'Iraq; apprécie le sacrifice et la détermination dont font preuve les forces militaires kurdes dans leurs efforts pour endiguer la menace que représente l'EIIL;

9.      souligne la nécessité d'une action coordonnée des pays de la région afin de combattre la menace que constitue l'EIIL; invite tous les acteurs régionaux à tout mettre en œuvre pour mettre fin à l'ensemble des activités menées par des organismes officiels ou privés ayant pour but de diffuser des idéologies islamistes extrémistes, telles que le wahhabisme, en théorie et dans la pratique; invite la communauté internationale, notamment l'Union européenne, à faciliter un dialogue régional sur les problèmes du Moyen-Orient et à y associer toutes les parties concernées, en particulier l'Iran et l'Arabie saoudite;

10.    est préoccupé par l'expansion du commerce entre la Turquie et les territoires sous contrôle de l'EIIL; demande à la Turquie de s'engager clairement et sans ambiguïté dans la lutte contre la menace pour la sécurité commune que pose l'EIIL;

11.    souligne que l'EIIL est soumis à l'embargo sur les armes et au gel de ses avoirs imposés par les résolutions 1267 (1999) et 2083 (2012) du Conseil de sécurité des Nations unies; qu'il est important de mettre en œuvre ces mesures rapidement et efficacement; demande au Conseil de se pencher sur les moyens d'utiliser plus efficacement d'autres mesures restrictives existantes, en particulier celle consistant à priver l'EIIL des revenus provenant de la vente illicite de pétrole ou de la vente d'autres ressources sur les marchés internationaux; est profondément inquiet au sujet des allégations selon lesquelles certains États membres de l'Union se livreraient au commerce illicite du pétrole avec l'EIIL; demande à la Commission si elle est en mesure de confirmer ces allégations et, dans l'affirmative, de nommer les États membres concernés et de veiller à ce qu'il soit immédiatement mis un terme au commerce illicite du pétrole;

12.    salue l'établissement d'un nouveau gouvernement en Iraq dirigé par le premier ministre Haïder Al-Abadi et invite celui-ci à utiliser cette occasion pour former un gouvernement véritablement représentatif et porteur d'un programme marqué par l'ouverture; souligne que ce gouvernement devrait être représentatif de la diversité politique, religieuse et ethnique de la société iraquienne, incluant sa minorité sunnite, afin de mettre un terme au bain de sang dans le pays et à la fragmentation de celui-ci;

13.    souligne la nécessité d'explorer toutes les voies possibles pour contrer efficacement la menace posée par l'EIIL en Syrie, dans le plein respect du droit international; souligne que, sur le long terme, seule une solution politique durable et plurielle, prévoyant une transition pacifique vers une gouvernement véritablement représentatif en Syrie, contribuerait à désamorcer la menace posée par l'EIIL et par d'autres organisations extrémistes;

14.    demande au Conseil d'accélérer la mise en œuvre du train de mesures de l'Union européenne visant à soutenir les efforts consentis par les États membres, dont le Conseil est convenu depuis juin 2013, en particulier pour prévenir la radicalisation et l'extrémisme, partager plus efficacement les informations – y compris avec les pays tiers concernés – dissuader, repérer et interrompre les déplacements suspects, notamment en mettant en place un système européen de données passagers, enquêter sur les combattants étrangers et engager des poursuites à leur encontre;

15.    invite la Commission et les États membres à adopter des mesures spécifiques afin de remédier à la situation des femmes en Iraq et en Syrie, de garantir leur liberté et le respect de leurs droits les plus fondamentaux, ainsi que des mesures visant la prévention de l'exploitation, des abus et des violences à l'égard des femmes et des enfants, en particulier du mariage précoce des filles; est particulièrement préoccupé par l'intensification des toutes les formes de violence à l'égard des femmes yézidis, qui sont emprisonnées, violées, abusées sexuellement et vendues par les membres de l'EIIL;

16.    exprime son inquiétude devant la multiplication de cas de recrutement d'enfants et de jeunes gens en Iraq et en Syrie; encourage la Commission à collaborer avec des partenaires – y compris des organisations internationales – afin d'élaborer un programme complet visant à répondre à la nécessité de protéger les femmes et les enfants touchés par les conflits armés;

17.    charge son Président de transmettre la présente résolution à la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au Conseil, à la Commission, au représentant spécial de l'Union européenne pour les droits de l'homme, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au gouvernement et au Conseil des représentants de la République d'Iraq, au gouvernement régional du Kurdistan, au Secrétaire général de l'Organisation des Nations unies et au Conseil des droits de l'homme des Nations unies.