Proposition de résolution - B8-0350/2014/REV1Proposition de résolution
B8-0350/2014/REV1

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur le renouvellement de la stratégie de sécurité intérieure de l'Union européenne

10.12.2014 - (2014/2918(RSP))

déposée à la suite des questions avec demande de réponse orale B8‑0044/2014 et B8‑0045/2014
conformément à l'article 128, paragraphe 5, du règlement

Claude Moraes au nom de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures


Procédure : 2014/2918(RSP)
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B8-0350/2014
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B8-0350/2014
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B8‑0350/2014/rév1

Résolution du Parlement européen sur le renouvellement de la stratégie de sécurité intérieure de l'Union européenne

(2014/2918(RSP))

Le Parlement européen,

–       vu les articles 2, 3, 6, 7 et 21 du traité sur l'Union européenne (traité UE) et les articles 4, 16, 20, 67, 68, 70, 71, 72, 75, 82, 83, 84, 85, 86, 87 et 88 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (traité FUE),

–       vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et notamment ses articles 6, 7, 8, son article 10, paragraphe 1, et ses articles 11, 12, 21, 47, 48, 49, 50, 52 et 53,

–       vu la communication de la Commission du 20 juin 2014 intitulée "Rapport final sur la mise en oeuvre de la stratégie de sécurité intérieure de l'UE (2010-2014)"(COM(2014)0365),

–       vu le rapport d'Europol sur la situation et les tendances du terrorisme dans l'UE ("TE-SAT") 2014,

–       vu le rapport d'Europol sur l'évaluation de la menace que représente la criminalité organisée sur l'internet en 2014 ("iOCTA"),

–       vu le rapport d'Europol sur l'évaluation de la menace que représente la grande criminalité organisée dans l'UE ("SOCTA") 2013,

–       vu l'avis 01/2014 adopté par le groupe de travail "Article 29" sur la protection des données en ce qui concerne l'application des notions de nécessité et de proportionnalité et la protection des données dans le secteur répressif,

–       vu la résolution adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies le 24 septembre 2014 sur les menaces contre la paix et la sécurité internationales résultant d'actes de terrorisme (résolution 2178 (2014)),

–       vu sa résolution du 2 avril 2014 sur l'examen à mi-parcours du programme de Stockholm[1],

 

–       vu sa résolution du 12 mars 2014 sur le programme de surveillance de l'agence nationale de sécurité américaine (NSA), les organismes de surveillance de plusieurs États membres et leur impact sur les droits fondamentaux des citoyens de l'Union[2],

–       vu sa résolution du 27 février 2014 sur la situation des droits fondamentaux dans l'Union européenne (2012)[3],

–       vu sa résolution du 12 septembre 2013 sur le second rapport sur la mise en œuvre de la stratégie de sécurité intérieure de l'Union européenne[4],

–       vu la stratégie de sécurité intérieure de l'Union européenne telle qu'adoptée par le Conseil le 25 février 2010,

–       vu les questions posées au Conseil et à la Commission sur le renouvellement de la stratégie de sécurité intérieure de l'Union (O-000089/2014 – B8‑0044/2014 et O‑000090/2014 – B8‑0045/2014),

–       vu l'article 128, paragraphe 5, et l'article 123, paragraphe 2, de son règlement,

 

A.     considérant que le traité de Lisbonne a jeté les bases du développement d'une politique de sécurité de l'Union européenne, à laquelle adhèrent sans réserve l'Union européenne et ses États membres, qui repose sur l'état de droit, le respect des droits fondamentaux et la solidarité, et est soumise à une supervision démocratique au niveau européen et national, dans le respect du principe de subsidiarité; considérant que l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne a fait du Parlement européen un acteur à part entière dans le domaine des politiques de sécurité, et ce dans le but d'assurer un contrôle démocratique, habilitant ainsi le Parlement à participer activement à la définition des priorités en la matière et à nouer le dialogue avec tous les acteurs concernés au niveau de l'Union et à l'échelon national afin de parvenir à une politique de sécurité de l'Union qui soit à la fois globale, ciblée et efficace;

B.     considérant que les conditions de sécurité en Europe ont profondément changé ces dernières années en raison de nouveaux conflits et bouleversements dans des pays du voisinage immédiat de l'Union, du développement rapide des nouvelles technologies, ainsi que de la montée de la radicalisation qui conduit à la violence et au terrorisme; considérant que nombre des problèmes actuels de sécurité ne sont plus limités à un seul pays ou secteur, empêchant un État membre d'y répondre efficacement à titre individuel, et considérant que cette incapacité rend une approche européenne commune nécessaire;

C.     considérant qu'il est de la responsabilité commune de l'Union et de ses États membres de garantir la sécurité et la liberté des citoyens européens; considérant que la liberté, la sécurité et la justice sont des objectifs qu'il convient de s'efforcer de réaliser en parallèle, et considérant que, afin d'assurer la liberté et la justice, les mesures de sécurité devraient par conséquent toujours être formulées à partir de données factuelles, conformément aux principes de nécessité, de proportionnalité et de respect des droits fondamentaux ainsi que sur la base d'une surveillance démocratique et d'une obligation de rendre des comptes appropriées;

D.     considérant qu'il convient d'accorder une attention particulière au soutien et à la protection de toutes les victimes de la criminalité sur l'ensemble du territoire de l'Union;

E.     considérant que la stratégie de sécurité intérieure (SSI) pour la période 2010-2014 arrive à son terme et qu'une nouvelle SSI pour la période 2015-2019 est en cours d'élaboration;

1.      se félicite de l'élaboration d'une nouvelle SSI pour les quatre années à venir; souligne que, depuis l'instauration de l'actuelle SSI, de nouvelles menaces sur la sécurité sont apparues et que d'autres appellent une réponse politique différente; réaffirme, en outre, qu'avec l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la charte des droits fondamentaux a été incorporée dans le droit de l'Union; estime par conséquent que l'actuelle SSI doit être entièrement évaluée, actualisée et réorganisée;

2.      estime qu'une analyse approfondie des menaces pour la sécurité qu'il convient de prendre en compte, effectuée par Europol, en étroite coopération avec d'autres organismes ad hoc de l'Union et les États membres, compte parmi les conditions préalables essentielles à la mise en place d'une stratégie de sécurité intérieure efficace;

3.      regrette que la communication de la Commission ne comprenne pas d'analyse des instruments actuels ni d'évaluation correspondante des lacunes à combler; demande instamment à la Commission de dresser un tel bilan et d'axer ses efforts sur une application correcte et un meilleur usage de la législation et des instruments existants avant d'en proposer de nouveaux; invite tout particulièrement le Conseil, en coopération avec la Commission, à évaluer de manière exhaustive l'exécution des mesures adoptées dans le domaine de la sécurité intérieure avant l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, en faisant appel à la procédure prévue à l'article 70 du traité FUE;

4.      demande que la nouvelle SSI soit de nature stratégique, tournée vers l'avenir et capable de s'adapter aisément à de nouvelles situations, en se concentrant non seulement sur les menaces pour la sécurité existantes, mais aussi sur les menaces naissantes, et en adoptant une approche globale, intégrée et exhaustive dans des domaines prioritaires tels que la cybersécurité, la traite des êtres humains ou la lutte contre le terrorisme, et dans des dossiers étroitement liés tels que la criminalité organisée, le blanchiment d'argent et la corruption;

5.      relève, avec inquiétude, l'augmentation rapide du nombre de ressortissants de l'Union qui se rendent dans zones de conflit pour rejoindre des organisations terroristes et retourner, ensuite, dans l'Union, ce qui fait planer de nouveaux types de risques sur la sécurité intérieure de l'Union; entend endiguer cette tendance préoccupante à la faveur d'une approche multidimensionnelle, notamment (i) en s'attaquant globalement aux facteurs sous-jacents tels que la radicalisation, l'intolérance et la discrimination, à travers la promotion de la tolérance politique et religieuse, le renforcement de la cohésion sociale et de l'ouverture à tous, et la simplification des possibilités de réinsertion, (ii) en analysant et en contrant l'incitation à commettre des actes terroristes motivés par l'extrémisme et à partir pour rejoindre des organisations terroristes, (iii) en empêchant et en enrayant le recrutement et l'engagement en vue de la participation à des conflits, y compris le voyage de combattants étrangers dans des zones de conflits, au sein des cadres juridiques appropriés, (iv) en stoppant les flux financiers destinés au soutien des organisations terroristes et des individus aspirant à les rejoindre, et (v) en prévoyant, le cas échéant, des poursuites judiciaires;

6.      observe que les menaces pour la sécurité sont devenues plus variées, plus internationales, plus hétérogènes et plus asymétriques, ce qui requiert une coopération accrue entre les différents pays et agences; demande la mise en place d'une coopération opérationnelle plus efficace entre les États membres par un recours accru aux instruments existants ayant fait leurs preuves, tels que les équipes communes d'enquête, ainsi que par un partage plus rapide et plus efficace des données et informations pertinentes, moyennant des garanties appropriées en matière de protection de la vie privée et des données; souligne, à cet égard, l'extrême importance que revêt l'adoption rapide de la proposition de directive relative à la protection des données de façon à fournir un cadre juridique global pour le partage des données en matière de répression; souligne qu'afin de renforcer la coopération opérationnelle entre les États membres, il est nécessaire d'adopter davantage de mesures visant à instaurer un climat de confiance; soutient par conséquent le renforcement des programmes européens de formation et d'échange pour les praticiens nationaux afin de favoriser l'émergence d'une culture européenne en matière répressive;

7.      rappelle au Conseil européen l'obligation qui lui est faite, au titre de l'article 222 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de procéder à une évaluation régulière de la menace au niveau de l'Union, et invite la Commission à présenter des propositions concrètes sur la meilleure manière de donner suite à cette obligation, en esquissant, à l'échelle de l'Union et au niveau national, des évaluations axées sur la menace et le risque, qui sont à l'heure actuelle fragmentées et conçues trop étroitement;

8.      demande qu'un juste équilibre soit trouvé entre politiques de prévention et mesures de répression en vue de préserver la liberté, la sécurité et la justice; souligne en outre que les mesures de sécurité devraient toujours être appliquées dans le respect du principe d'état de droit et de la protection des droits fondamentaux; invite, partant, la Commission à tenir dûment compte, lors de l'élaboration et de la mise en œuvre de la nouvelle SSI, de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne concernant la directive sur la conservation des données, qui impose à tous les instruments de respecter les principes de proportionnalité, de nécessité et de légalité et d'inclure des garanties appropriées de responsabilité et de recours judiciaire;

9.      déplore que la SSI pèche toujours par l'absence d'une véritable "dimension juridique"; rappelle, dans l'esprit du programme de Stockholm, que la confiance mutuelle doit être renforcée grâce au développement progressif d'une culture judiciaire européenne reposant sur la diversité des systèmes et des traditions juridiques, à la faveur de la coopération et de la réglementation européennes dans ce domaine ainsi que, plus particulièrement, du renforcement de la coopération judiciaire en matière pénale;

10.    souligne que la mise en œuvre correcte de la nouvelle SSI est d'une importance capitale, qu'une répartition claire des tâches entre le niveau de l'Union et l'échelon national est indispensable, et qu'aussi bien le Parlement européen que les parlements nationaux doivent prendre part au processus de suivi; prévoit par conséquent d'organiser, en étroite collaboration avec les parlements nationaux, des exercices réguliers de contrôle de la bonne mise en œuvre de la SSI;

11.    souligne l'importance de la cohérence entre les aspects intérieurs et extérieurs de la sécurité; estime qu'il convient d'optimiser les synergies entre les instruments relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et ceux relevant de la justice et des affaires intérieures (JAI), y compris les échanges d'informations et la coopération policière et judiciaire avec des pays tiers, en particulier par le recours aux accords d'entraide judiciaire, dans le respect plein et entier des principes énoncés aux articles 2, 3, 6 et 21 du traité UE; souligne, à cet égard, que tous les acteurs concernés, dont le coordinateur de l'Union pour la lutte contre le terrorisme et le coordinateur de l'Union pour la lutte contre la traite des êtres humains, devraient travailler en étroite coopération et intégrer les aspects tant intérieurs qu'extérieurs;

12.    insiste sur la nécessité de fournir des ressources financières appropriées pour assurer une application correcte des mesures exposées dans la SSI, et en particulier pour faire en sorte que les agences de l'Union telles qu'Europol et Eurojust disposent des moyens suffisants pour s'acquitter des tâches qui leur sont assignées; reconnaît, à ce titre, le rôle essentiel que peuvent jouer la recherche et l'innovation dans l'élaboration des outils permettant de lutter contre le terrorisme ainsi que la grande criminalité et la criminalité organisée;

13.    relève qu'en pratique, la SSI a aussi des répercussions sur la façon dont est établie la liste des priorités concernant les opérations des agences européennes et le financement européen dans le domaine de la justice et des affaires intérieures, le Parlement étant colégislateur à cet égard; prie instamment le Conseil de tenir dûment compte de la contribution du Parlement aux fins de la nouvelle SSI avant d'adopter la nouvelle stratégie;

14.    entend préciser sa position sur les priorités et les mesures relevant de la sécurité intérieure, en s'appuyant notamment sur la communication attendue de la Commission relative à la nouvelle SSI, et engager un dialogue constructif avec le Conseil et la Commission sur cette question, dans l'esprit du traité de Lisbonne;

15.    charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission ainsi qu'aux parlements des États membres.