Proposition de résolution - B8-0133/2015Proposition de résolution
B8-0133/2015

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur le rapport du Sénat américain sur l'utilisation de la torture par la CIA

4.2.2015 - (2014/2997(RSP))

déposée à la suite de déclarations du Conseil et de la Commission
conformément à l'article 123, paragraphe 2, du règlement

Monika Hohlmeier, Elmar Brok, Barbara Matera, David McAllister, Daniel Caspary, Monica Macovei, Dubravka Šuica, Andrej Plenković, Cristian Dan Preda, Francisco José Millán Mon, Eduard Kukan, Michael Gahler, Gunnar Hökmark au nom du groupe PPE

Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B8-0123/2015

Procédure : 2014/2997(RSP)
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B8-0133/2015
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B8-0133/2015
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B8-0133/2015

Résolution du Parlement européen sur le rapport du Sénat américain sur l'utilisation de la torture par la CIA

(2014/2997(RSP))

Le Parlement européen,

–       vu le traité sur l'Union européenne (traité UE), et notamment ses articles 2, 3, 4, 6 et 21,

–       vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,

–       vu la convention européenne des droits de l'homme et les protocoles qui l'accompagnent,

–       vu les instruments pertinents des Nations unies en matière de droits de l'homme, et notamment le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 et les protocoles y afférents, et la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées du 20 décembre 2006,

–       vu les orientations pour la politique de l'Union européenne à l'égard des pays tiers en ce qui concerne la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que les orientations de l'Union européenne concernant la peine de mort,

–       vu le rapport du Conseil des droits de l'homme des Nations unies, élaboré par le rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, portant sur les commissions d'enquête en réaction aux méthodes ou pratiques de torture ou d'autres formes de mauvais traitements[1],

–       vu la déclaration conjointe des États-Unis et de l'Union européenne du 15 juin 2009 concernant la fermeture du centre de détention de Guantanamo et la coopération future dans le domaine de la lutte contre le terrorisme,

_       vu les arrêts al-Nashiri c. Pologne, n° 28761/11, du 24 juillet 2014, et Husayn (Abu Zubaydah) c. Pologne, n° 7511/13, du 24 juillet 2014, de la Cour européenne des droits de l'homme,

–       vu la résolution n° 2178 du Conseil de sécurité des Nations unies du 24 septembre 2014 sur les menaces contre la paix et la sécurité internationales résultant d’actes de terrorisme,

–       vu ses résolutions du 14 février 2007[2] et du 19 février 2009[3] sur l'utilisation alléguée de pays européens par la CIA pour le transport et la détention illégale de prisonniers,

–       vu sa résolution du 11 septembre 2012 sur des allégations de transport et de détention illégale de prisonniers par la CIA dans des pays européens: suivi du rapport de la commission TDIP du PE[4],

–       vu le décret n° 13491 du président Obama visant à garantir des interrogatoires conformes au droit, signé le 22 janvier 2009,

–       vu le discours sur l'état de l'Union du président Obama du 20 janvier 2015,

–       vu son débat lors de la séance plénière du 17 décembre 2014 sur le rapport du Sénat américain sur l'utilisation de la torture par la CIA,

–       vu l'article 123, paragraphe 2, de son règlement,

A.     considérant que l'Union européenne est fondée sur un engagement envers la démocratie, l'état de droit, les droits de l'homme et les libertés fondamentales, le respect de la dignité humaine et le droit international, non seulement dans ses politiques internes, mais également dans ses politiques externes; que l'engagement de l'Union envers les droits de l'homme, renforcé par l'entrée en vigueur de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et le processus d'adhésion à la convention européenne des droits de l'homme, doit se refléter dans tous les domaines d'action afin que la politique européenne en matière de droits de l'homme soit efficace;

B.     considérant que le Parlement a demandé à de nombreuses reprises que la lutte contre le terrorisme se fasse dans le respect de la dignité humaine, des droits de l'homme et des libertés fondamentales, y compris dans le cadre de la coopération internationale en la matière, sur la base des traités de l'Union européenne, de la convention européenne des droits de l'homme, des constitutions nationales et de la législation sur les droits fondamentaux;

C.     considérant que, suite aux conclusions de sa commission temporaire sur l'utilisation alléguée de pays européens par la CIA pour le transport et la détention illégale de prisonniers, le Parlement a vivement condamné le programme de restitutions et de détention secrète de la CIA mené par les États-Unis, qui a entraîné des violations multiples des droits de l'homme, et notamment des cas de détention illégale et arbitraire, de torture et d'autres mauvais traitements;

D.     considérant qu'un processus adéquat de responsabilité est essentiel pour préserver la confiance des citoyens dans les institutions démocratiques, pour protéger et promouvoir efficacement les droits de l'homme dans les politiques internes et externes de l'Union et pour garantir l'adoption de politiques de sécurité légitimes et efficaces fondées sur l'état de droit;

E.     considérant que le 11 septembre 2001, les États-Unis ont été victimes d'attentats sans précédent de terroristes d'Al-Qaïda qui ont fait plus de 3 000 morts lorsque des avions ont percuté les tours jumelles du World Trade Centre, le Pentagone et un champ de Pennsylvanie;

F.     considérant que les relations entre l'Union européenne et les États-Unis sont fondées sur une collaboration et une coopération étroites dans de nombreux domaines, sur la base de valeurs communes que sont la démocratie, l'état de droit et les droits fondamentaux; considérant que depuis les attentats terroristes du 11 septembre 2001, l'Union européenne et les États-Unis ont renforcé leur engagement dans la lutte contre le terrorisme, mais qu'il est nécessaire de surmonter les divergences entre les politiques menées par l'Union européenne et les États-Unis dans la lutte contre le terrorisme;

G.     considérant que le 15 juin 2009, l'Union européenne et de ses États membres et les États-Unis d'Amérique ont signé une déclaration conjointe concernant la fermeture du centre de détention de Guantanamo et la coopération future dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, fondée sur les valeurs communes, le droit international et le respect de l'état de droit et des droits de l'homme;

H.     considérant que l'assistance apportée par les États membres de l'Union européenne pour la réinstallation d'une partie des détenus a été lente et limitée;

I.      considérant que le 3 décembre 2014, après six années d'enquête, la commission spéciale du Sénat américain sur le renseignement a publié un résumé de l'étude sur le programme de détention et d'interrogatoire de l'Agence centrale de renseignement;

J.      considérant que le rapport de la commission spéciale du Sénat américain compte plus de 6 000 pages, mais qu'il reste classifié, et qu'un résumé de 525 pages a été publié, lequel confirme qu'une directive présidentielle (Memorandum of Notification) autorisant le directeur des services de renseignement (DCI) à "entreprendre des opérations destinées à capturer et à détenir les personnes qui constituent une menace grave et permanente de violence ou de mort pour les personnes ou les intérêts des États-Unis ou qui projettent des actions terroristes" a été signée six jours après les attentats du 11 septembre 2001;

K.     considérant que le rapport conclut que la CIA a eu recours à des techniques avancées d'interrogatoire interdites par les États-Unis et les traités internationaux interdisant l'usage de la torture, dont les États-Unis sont signataires;

1.      souligne que la coopération transatlantique fondée sur des valeurs communes telles que la mise en avant de la liberté et de la sécurité, de la démocratie et des droits de l'homme est et doit être une priorité absolue des relations extérieures de l'Union européenne; rappelle la position sans équivoque énoncée dans la déclaration des États-Unis et de l'Union européenne de 2009 selon laquelle les actions communes de lutte contre le terrorisme doivent être conformes aux obligations qui nous incombent en vertu du droit international, en particulier les droits de l'homme et le droit humanitaire, ce qui rendra nos pays plus forts et accroîtra notre sécurité;

2.      salue le rapport de la commission spéciale du Sénat américain, qui constitue une avancée positive dans l'opposition publique et critique au programme de détention et d'interrogatoire de l'Agence centrale de renseignement et qui démontre la volonté des milieux politiques américains, avec le soutien de députés des deux partis représentés au Congrès, de rendre des comptes à la population sur le programme de la CIA;

3.      réaffirme son engagement ferme à coopérer avec les États-Unis dans la lutte contre le terrorisme à l'échelon mondial tout en veillant au respect strict et intégral des droits fondamentaux et des obligations qui découlent de l'état de droit, et rappelle par ailleurs que la lutte efficace contre le terrorisme et le respect des droits de l'homme sont des objectifs non pas incompatibles, mais complémentaires et qui se renforcent mutuellement; rappelle que le respect des droits fondamentaux est une composante essentielle de la réussite des politiques de lutte contre le terrorisme; rappelle que la lutte contre le terrorisme passe par une approche multilatérale et encourage par conséquent la constitution, au sein des Nations unies, d'une alliance mondiale contre le terrorisme associant l'ensemble des acteurs internationaux;

4.      réitère sa vive condamnation de l'usage de techniques avancées d'interrogatoire, qui sont interdites par le droit américain et international et qui constituent des infractions, notamment, au droit à la liberté, au droit à la sécurité, au droit à un traitement humain, au droit de ne pas être soumis à la torture, au droit à la présomption d'innocence, au droit à un procès équitable, au droit de se faire assister par un avocat et au droit à une protection égale devant la loi; salue, à cet égard, les décrets du président Obama qui interdisent la torture, encouragent le traitement humain des détenus et veillent à ce que les États-Unis respectent leur droit national et le droit international qui interdit la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants;

5.      salue les mesures positives récentes adoptées par le président Obama pour poursuivre son action inlassable en vue de la fermeture du centre de détention de la base militaire américaine de Guantanamo, à Cuba, et de la libération des détenus qui n'ont pas fait l'objet d'une inculpation; souligne que, dans son discours sur l'état de l'Union du 20 janvier 2015, le président Obama s'est à nouveau dit déterminé à concrétiser l'engagement pris lors de sa campagne de 2008 en vue de la fermeture de la prison de Guantanamo;

6.      estime que les États membres ont affirmé leur volonté de respecter le droit international; souligne par conséquent que les États membres qui mènent des enquêtes efficaces et indépendantes sur les violations des droits de l'homme liées au programme de la CIA doivent fonder ces enquêtes sur des preuves judiciaires solides ainsi que sur le respect des systèmes judiciaires nationaux et du droit de l'Union, et non sur les simples suppositions des médias ou de l'opinion publique;

7.      demande aux États membres, dans le cadre du renforcement de la coopération et de l'échange d'informations entre leurs services secrets de renseignement et de sécurité, de veiller à ce que ces services et leurs activités fassent l'objet d'un contrôle démocratique complet sous la forme d'un contrôle interne, d'un contrôle effectué par l'exécutif, d'un contrôle judiciaire et d'un contrôle parlementaire indépendant;

8.      charge son Président de transmettre la présente résolution à la Commission et au Conseil ainsi qu'aux parlements nationaux.