PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur le meurtre d'étudiants au Kenya par le groupe terroriste islamique Al-Chebab
27.4.2015 - (2015/2661(RSP))
déposée conformément à l'article 123, paragraphe 2, du règlement
Maria Heubuch, Heidi Hautala, Judith Sargentini, Michèle Rivasi, Ernest Urtasun, Barbara Lochbihler, Tamás Meszerics, Jordi Sebastià, Davor Škrlec, Bart Staes au nom du groupe Verts/ALE
Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B8-0382/2015
B8‑0383/2015
Résolution du Parlement européen sur le meurtre d'étudiants au Kenya par le groupe terroriste islamique Al-Chebab
(2015/2661(RSP))
Le Parlement européen,
– vu la déclaration du 3 avril 2015 de la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, concernant les attentats terroristes perpétrés contre l'université de Garissa, au Kenya,
– vu la déclaration de l'Assemblée générale des Nations unies du 2 avril 2015,
– vu la déclaration de l'Union africaine du 2 avril 2015,
– vu la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948,
– vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966,
– vu la charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981,
– vu la déclaration des Nations unies de 1981 sur l'élimination de toutes formes d'intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction,
– vu la deuxième révision de l'accord de Cotonou du 11 mai 2010,
– vu l'article 123, paragraphe 2, de son règlement;
A. considérant que l'attentat du 2 avril 2015 perpétré par Al-Chebab à l'encontre de l'université de Garissa, au Kenya, dont le planificateur présumé est le ressortissant kényan, Mohamed Kuno, a causé la mort de 147 étudiants;
B. considérant que ce massacre est l'attentat le plus meurtrier depuis 1998, date à laquelle Al-Qaida avait placé une bombe à l'ambassade des États-Unis à Nairobi, tuant plus de 200 personnes;
C. considérant que le groupe terroriste Al-Chebab, qui a émergé de l'Union des tribunaux islamiques (UTI) en 2007, est principalement actif en Somalie;
D. considérant que la Somalie connaît une instabilité interne depuis vingt ans, depuis le renversement du régime de Siad Barre en 1991; que la guerre civile a coûté d'innombrables vies civiles et que la sécurité de la population demeure un sujet profondément préoccupant; que la complexité de la situation en Somalie est aggravée par des actes de piraterie et des attaques à main armée contre des navires;
E. considérant que le groupe terroriste Al-Chebab a pour objectif de créer un État islamique fondamentaliste en Somalie; qu'il a contrôlé Mogadiscio et de grandes parties de la campagne somalienne;
F. considérant qu'une mission de maintien de la paix de l'Union africaine, la mission de l'Union africaine en Somalie (AMISOM) a, ces dernières années, considérablement affaibli Al-Chebab; que la campagne somalienne, cependant, demeure sous la coupe de militants d'Al-Chebab en faction avec Al-Qaida;
G. considérant que, depuis plusieurs années, le Kenya est militairement engagé dans une lutte contre Al-Chebab en Somalie et accueille un grand nombre de réfugiés somaliens;
H. considérant que, depuis le renforcement de l'engagement militaire kényan en Somalie en 2011 afin de protéger le pays contre les violences perpétrées par Al-Chebab, les attentats se sont multipliés au Kenya, allant de l'attentat de septembre 2013 contre le centre commercial Westgate à Nairobi aux massacres dans des villages et aux assassinats ciblés de policiers et de personnalités religieuses;
I. considérant qu'Al-Chebab a tué plus de 400 personnes sur le territoire kényan ces deux dernières années, dont 67 personnes lors du siège du centre commercial Westgate à Nairobi en 2013;
J. considérant qu'Al-Chebab prétend que l'attentat contre l'université de Garissa était un acte de revanche face à l'engagement militaire et aux atrocités commises par le Kenya en Somalie et face aux atrocités commises par le Kenya, sur son propre territoire, contre ses propres citoyens et réfugiés musulmans; et qu'Al-Chebab a averti que d'autres attentats allaient suivre à moins que le Kenya ne retire ses troupes de Somalie;
K. considérant que depuis 2014, le gouvernement kényan a renforcé ses mesures de sécurité afin de répondre à la menace d'Al-Chebab, notamment en lançant des actions policières dans la plupart des quartiers à majorité somalienne, en renforçant les contrôles administratifs des populations réfugiées, en adoptant de nouvelles lois sur la sécurité et en octroyant une grande liberté à l'Unité policière de lutte contre le terrorisme;
L. considérant qu'en réponse au massacre de l'université de Garissa, le Kenya a mené des attaques aériennes en Somalie, ciblant deux camps d'Al-Chebab dans la région de Gedo, le long de la frontière entre le Kenya et la Somalie;
M. considérant que le Kenya a commencé à construire un mur de 700 km le long de la frontière avec la Somalie afin d'empêcher des membres d'Al-Chebab de pénétrer dans le pays;
N. considérant qu'Al-Chebab a bénéficié de diverses sources de revenus au fil des ans, provenant notamment d'autres groupes terroristes, de commanditaires étatiques, de la diaspora somalienne, de la piraterie, d'enlèvements, de l'extorsion d'entreprises locales, du commerce illicite de charbon, de la contrebande de sucre, etc.;
O. considérant que le Kenya a suspendu une série de comptes bancaires suspectés de contribuer au financement du terrorisme quelques jours après le massacre perpétré à l'université; que des familles somaliennes perdent leur seul canal officiel, transparent et réglementé d'envoi et de réception d'argent; que les agences d'aide qui œuvrent en Somalie risquent également de perdre leur seul moyen de transférer de l'argent afin d'assurer leurs activités humanitaires et de développement quotidiennes;
P. considérant que le Kenya a menacé de fermer les camps de réfugiés de Dabaab et de renvoyer chez eux plus de 360 000 réfugiés somaliens dans un délai de 90 jours, face à la crainte sécuritaire au lendemain du massacre de l'université de Garissa perpétré ce mois-ci; que, cependant, la ministre des affaires étrangères kényane Amina Mohamed a rectifié ces propos en précisant qu'il n'y avait aucun délai pour la fermeture de Dabaab et que le renvoi des réfugiés chez eux "dépendrait des ressources disponibles"; qu'elle a proposé l'organisation d'une conférence des donateurs, lors de laquelle le Kenya solliciterait l'aide financière de bailleurs de fonds internationaux en vue de mener à bien la relocalisation;
Q. considérant que les militants islamistes d'Al-Chebab en Somalie recrutent massivement au nord-est du Kenya; que le recrutement par Al-Chebab de combattants à la porte du Kenya constitue un changement de stratégie pour la branche d'Al-Qaida en Afrique de l'Est;
R. considérant que les injustices sociales, la frustration et le sentiment de marginalisation politique ressentis par nombre de minorités ethniques et de groupes religieux au Kenya ont été exploités par Al-Chebab, notamment dans le cadre de sa campagne de recrutement;
S. considérant que le respect des droits fondamentaux est un facteur essentiel de la réussite des politiques de lutte contre le terrorisme;
1. condamne catégoriquement l'horrible attentat perpétré par le groupe islamiste somalien Al-Chebab contre l'université de Garissa, au nord-est du Kenya, le 2 avril 2015, qui a coûté la vie à 147 jeunes gens et en a blessés bien plus encore;
2. présente ses sincères condoléances aux familles qui ont perdu des êtres chers, ainsi que sa sympathie pour toutes les victimes blessées; invite les autorités kényanes à traduire en justice les auteurs, organisateurs, bailleurs de fonds et commanditaires de ces actes terroristes répréhensibles;
3. condamne fermement toute persécution et violation du droit à la vie et à l'intégrité physique des individus et des communautés sur la base de la religion, de l'ethnie, de la nationalité et de la race, ou autres;
4. réaffirme que le terrorisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations représente l'une des plus graves menaces pour la paix et la sécurité internationales et que tout acte de terrorisme est criminel et injustifiable, quels que soient son motif, le moment et le lieu où il est perpétré et la personne qui le commet;
5. exprime sa solidarité avec le peuple et le gouvernement du Kenya dans la prévention et la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme violent, conformément à leurs obligations en vertu du droit international, en particulier les droits humains internationaux, le droit humanitaire international et le droit des réfugiés;
6. prie instamment, en particulier, le gouvernement de s'efforcer de ne pas utiliser les attentats terroristes comme prétexte pour porter atteinte aux libertés civiles; invite les autorités kényanes à axer leur stratégie de lutte contre le terrorisme sur l'état de droit et le respect des droits fondamentaux; insiste sur la nécessité d'un contrôle démocratique et judiciaire des politiques de lutte contre le terrorisme;
7. rappelle au Service européen pour l'action extérieure et aux États membres qu'ils se sont engagés, dans le plan d'action de l'Union en matière de droits de l'homme et de démocratie adopté en juin 2012, à veiller à ce que les droits de l'homme figurent à l'avant-plan de toutes les formes de dialogue avec les pays tiers dans le cadre de la lutte contre le terrorisme;
8. insiste pour adopter une approche globale dans le cadre de la lutte contre la radicalisation et le terrorisme, focalisée sur le renforcement de la cohésion sociale et de la prévention des crimes; invite les autorités kényanes à redoubler d'efforts afin de réduire la pauvreté, de proposer des perspectives d'emploi, en particulier pour les jeunes, et d'émanciper et de respecter les individus, afin de mettre un terme à leurs doléances et frustrations, lesquelles peuvent être exploitées par des extrémistes violents;
9. salue la détermination de l'Union africaine à redoubler d'efforts dans la prévention et la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme violent, dans le cadre des instruments continentaux et internationaux pertinents;
10. remarque cependant avec inquiétude qu'alors que la Mission de l'Union africaine en Somalie (AMISOM) a sans aucun doute gagné beaucoup de terrain sur les moudjahidines d'Al-Chebab, l'organisation islamique demeure, malgré ses défaites, une force puissante et dangereuse;
11. remarque qu'Al-Chebab a fait preuve de flexibilité et de réactivité en se réinventant et en exploitant les injustices historiques, les abus économiques et sociaux et la marginalisation politique des populations musulmanes défavorisées des provinces du nord-est et côtières du Kenya;
12. invite les autorités kényanes à lutter contre les racines de la radicalisation et de l'extrémisme; estime que la sécurité ne peut être assurée qu'en s'attaquant, comme il se doit, aux divisions au sein des sociétés politiques et civiles du Kenya, ainsi qu'à ses déséquilibres régionaux en matière de développement; invite dès lors le gouvernement du Kenya à mettre fin aux discrimination à l'encontre des Somaliens et des musulmans du pays, à lutter contre la corruption, à mettre en œuvre des réformes en matière de sécurité et de police et à promouvoir le dialogue entre les religions et les cultures afin de trouver des solutions ambitieuses et durables face à la violence;
13. invite le Kenya, alors que l'effondrement de l'État en cours de longue date en Somalie et les répercussions du conflit affectent sa propre paix et sa propre stabilité, à renforcer sa coopération avec ses voisins dans la région afin de construire la paix et la sécurité; prie dès lors instamment l'Union européenne de maintenir sa coopération diplomatique et sa coopération au développement à long terme dans la région et sur le continent;
14. salue le fait que le Kenya accueille des réfugiés et les protège de la violence et de la persécution dans la Somalie voisine depuis plus de vingt ans; reconnaît que, face à la situation actuelle de la région en matière de sécurité et face à la gravité des menaces auxquelles le Kenya est confronté, il est essentiel de protéger tant les réfugiés que les Kényans d'une possible intrusion des terroristes d'Al-Chebab par la frontière; prie toutefois instamment le gouvernement de respecter son obligation d'assurer la sécurité de ses citoyens et des autres personnes qui vivent au Kenya, notamment les réfugiés;
15. souligne en particulier qu'alors que le gouvernement somalien soutenu par les Nations unies a repris le contrôle de la plupart des villes ces dernières années, la campagne demeure en majorité sous la coupe d'insurgés d'Al-Chebab en faction avec Al-Qaida, ce qui rend le retour des réfugiés somaliens peu sûr; rappelle en outre qu'en vertu du droit international, le retour des réfugiés doit être volontaire et non forcé; prie donc instamment le gouvernement kényan de ne pas fermer les camps de réfugiés de Dadaab, une décision qui aurait des implications humanitaires extrêmes et qui irait à l'encontre des obligations internationales du Kenya en vertu du droit international;
16. rappelle que la Somalie est l'un des pays les plus pauvres du monde; souligne cependant avec inquiétude qu'au lendemain de l'attentat de Garissa, le gouvernement a suspendu les systèmes de transfert de fonds, dont les communautés pauvres, rurales et réfugiées dépendent en l'absence de perspectives de développement ou d'emploi dans la région;
17. craint que la suspension des transferts de fonds nuise aux familles en difficulté et aux opérations d'aide en Somalie; prie dès lors instamment les autorités kényanes d'autoriser la reprise de ces transferts, cet argent faisant vivre des millions de personnes dans un pays en reconstruction, en dépit du soulèvement des militants islamistes, de la famine généralisée et des sécheresses récurrentes;
18. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au gouvernement du Kenya, aux institutions de l'Union africaine, au Secrétaire général des Nations unies, à l'Assemblée générale des Nations unies, aux coprésidents de l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE et au Parlement panafricain.