PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la situation aux Maldives
27.4.2015 - (2015/2662(RSP))
conformément à l'article 123, paragraphe 2, du règlement
Marie-Christine Vergiat, Patrick Le Hyaric, Kostas Chrysogonos, Younous Omarjee, Malin Björk au nom du groupe GUE/NGL
Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B8-0392/2015
Le Parlement européen,
– vu ses précédentes résolutions sur les Maldives, et notamment celle du 16 septembre 2014 sur la situation politique[1],
– vu la déclaration universelle des droits de l'homme,
– vu la déclaration de la porte-parole de la vice-présidente de la Commission / haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité du 14 mars 2015 sur la condamnation de l'ancien président des Maldives, M. Mohamed Nasheed,
– vu la recommandation du Parlement européen du 13 juin 2013 à l'intention du Conseil sur le projet de lignes directrices de l'Union sur la promotion et la protection de la liberté de religion ou de conviction[2],
– vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques, notamment son article 18 et le second protocole optionnel sur la peine de mort,
– vu le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels,
– vu le traité international sur le commerce des armes,
– vu la convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
– vu les résolutions des Nations unies sur la peine capitale, notamment la résolution 69/186 du 18 décembre 2014,
– vu le communiqué de presse du 14 mars 2015 de la porte-parole du SEAE sur la condamnation de l'ancien président des Maldives, Mohamed Nasheed,
– vu le rapport du 22 mars 2014 de la mission d'observation électorale de l'Union européenne sur les élections parlementaires aux Maldives,
– vu le communiqué commun local de septembre 2014 de l'Union et des ambassades des États membres ainsi que celle de Norvège et de Suisse sur les menaces sur la société civile et les droits de l'homme aux Maldives,
– vu le rapport d'Amnesty International du 23 avril 2015 intitulé "Maldives: Assault on Civil and Political Rights",
– vu le rapport d'Amnesty International du 16 avril 2015 intitulé "Suggested recommendations to States considered in the 22nd round of the Universal Periodic Review, 4-15 May 2015" et son chapitre sur les Maldives,
– vu le communiqué d'Amnesty International du 13 mars 2015 intitulé "Maldives: 13 year sentence for former president "a travesty of justice"",
– vu l'article 123, paragraphe 2, de son règlement,
A. considérant que le premier président démocratiquement élu de la République des Maldives, Mohamed Nasheed, accusé de "terrorisme", a été condamné vendredi 13 mars 2015 à treize ans de prison; considérant également que l'ancien ministre de la défense et un député ont été condamnés dans la même affaire d'arrestation, au cours de son mandat, d'un juge en chef (Chief judge) de la Cour pénale accusé de corruption en 2012; considérant que deux des trois juges de ce cas étaient également témoins contre Mohamed Nasheed pendant l'investigation;
B. considérant que l'ONU et l'Union européenne ont émis de sévères doutes sur l'impartialité de la justice maldivienne dans cette affaire, compte tenu des positions d'ONG sur ce qui s'apparenterait à une mise à l'écart de l'ancien président Mohamed Nasheed, élu en 2008;
C. considérant que le militant des droits de l'homme et opposant politique Mohamed Nasheed a été incarcéré à de multiples reprises durant les 30 années de régime de Maumoon Abdul Gayoom; considérant que quatre ans après son arrivée au pouvoir, il a été poussé à la démission notamment à la suite de mutineries de la police et de l'armée;
D. considérant que les avocats de M. Nasheed ont dénoncé un jugement faussé visant à briser sa carrière politique; considérant que des manifestants contre cette décision de justice ont été arrêtés, y compris des députés de son parti, le Parti démocratique des Maldives (PDM); considérant que les avocats de son parti ont indiqué vouloir faire appel de cette décision à la Haute Cour;
E. considérant que le gouvernement d'Abdulla Yameen a mené des campagnes de répression envers les ONG, les journalistes et les opposants politiques;
F. considérant que les prochaines élections présidentielles se tiendront en 2018;
G. considérant que les premières élections multipartites de 2008 et l'adoption d'une nouvelle constitution représentent un espoir de démocratisation pour en finir avec le passé autoritaire du pays; considérant néanmoins que les élections présidentielles de 2013 et parlementaires de 2014 ont démontré des problèmes persistants d'État de droit et d'indépendance du judicaire, notamment de délimitation précise des compétences de la commission électorale, dont six personnes ont été suspendues et emprisonnées;
H. considérant que les autorités judiciaires maldiviennes ont porté un jugement à l'encontre de la commission des droits de l'homme des Maldives peu après la sortie de son rapport à l'ONU sur la révision périodique 2015 des Maldives en septembre 2014; considérant que ses membres sont accusés de haute trahison;
I. considérant que le pays est le théâtre de la loi islamique, de lapidations et de flagellations, particulièrement de femmes dans des cas d'adultères, de répression des athées et plus largement de menaces qui pèsent sur la liberté d'expression;
J. considérant que des bandes armées mènent des attaques contre des citoyens, dont certains sont accusés de promouvoir l'athéisme; considérant que ce Parlement œuvre en faveur de la promotion et de la protection des principes de liberté de religion ou de conviction, afin d'assurer la paix entre croyants d'une part et entre non‑croyants et croyants d'autre part; considérant que la recommandation du Parlement européen du 13 juin 2013 à l'intention du Conseil sur le projet de lignes directrices de l'Union sur la promotion et la protection de la liberté de religion ou de conviction "estime que la laïcité [...] implique le rejet de toute ingérence religieuse dans le fonctionnement des institutions publiques, et de toute ingérence publique dans les affaires religieuses";
K. considérant que la peine de mort a été rétablie en avril 2014, y compris pour les mineurs et dans certains cas pour des enfants dès l'âge de 7 ans, et ce, après un moratoire de 60 ans; considérant que la convention sur les droits de l'enfant a été signée et ratifiée par les Maldives, et que cette dernière interdit explicitement l'usage de la peine capitale pour les mineurs de moins de 18 ans;
L. considérant que les efforts de la communauté internationale demeurent insuffisants face au défi du changement climatique qui menace directement les quelque 1 200 îles maldiviennes avec une altitude moyenne de deux mètres au-dessus du niveau de la mer; considérant que le tsunami dévastateur de 2004 a été l'une des plus grandes catastrophes naturelles de l'histoire récente;
1. rappelle à la République des Maldives ses engagements internationaux en matière d'indépendance du judiciaire, de respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment en vue d'assurer en toute circonstance la liberté d'expression et le droit à un procès équitable; juge la promotion de ces éléments essentielle pour le processus de démocratisation du pays;
2. demande que les conditions d'un procès équitable et transparent soient assurées, conformément aux standards internationaux, si un appel de la décision d'emprisonnement de M. Mohamed Nasheed devait avoir lieu;
3. condamne le harcèlement, l'intimidation et les violences dont sont victimes les militants des droits de l'homme, les journalistes et les opposants politiques exprimant pacifiquement leurs opinions; demande aux autorités de libérer immédiatement de prison ou de détention préventive les personnes détenues pour des motifs politiques;
4. souligne la nécessité pour les autorités maldiviennes d'assurer la liberté de réunion et d'association et de prendre toutes les mesures nécessaires pour permettre aux militants des droits de l'homme d'agir en toute liberté et indépendance, et également de mener des enquêtes impartiales sur toutes les allégations d'attaques;
5. appelle le gouvernement maldivien à abolir de toute urgence la peine capitale ou, à défaut, à rétablir le moratoire sur le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit, et ce, quels que soient les actes commis; invite à ce titre les Maldives à ratifier sans réservation le second protocole facultatif du pacte international relatif aux droits civils et politiques; prie également les autorités de mettre en place un moratoire immédiat sur le châtiment corporel, en vue de l'abolir;
6. réaffirme la liberté de pensée, de conscience et de religion, qui comprend les droits de croire et de ne pas croire, de pratiquer la religion de son choix et de changer de religion; condamne toute forme de discrimination et d'intolérance; invite à ce titre les autorités maldiviennes à appliquer l'article 18 du pacte international relatif aux droits civils et politiques et à réviser les articles du droit national restreignant ces droits;
7. invite la République des Maldives à adhérer et à appliquer sans délai le traité sur le commerce des armes; rappelle aux autorités maldiviennes que les lois de lutte contre le terrorisme ne peuvent aucunement se soustraire au respect des droits de l'homme et du droit international; rappelle plus largement que, de par le globe, les musulmans sont les premières victimes, au sens propre comme figuré, de la violence terroriste et du développement d'intégrismes religieux;
8. se déclare préoccupé par le climat de peur et de tensions politiques qui se développe dans le pays; invite les autorités maldiviennes, en vue des élections de 2018, à prendre en compte les recommandations du rapport de la mission d'observation électorale de l'Union européenne notamment sur la clarification des compétences de la commission électorale, le respect du secret du vote, la lutte contre le clientélisme et des financements transparents afin d'assurer une compétition la plus juste possible;
9. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au gouvernement et à l'Assemblée nationale de la République des Maldives.
- [1] Textes adoptés de cette date, P6_TA(2004)0017.
- [2] Textes adoptés de cette date, P7_TA(2013)0279.