Proposition de résolution - B8-0688/2015Proposition de résolution
B8-0688/2015

PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la situation au Yémen

6.7.2015 - (2015/2760(RSP))

déposée à la suite d'une déclaration de la vice-présidente de la Commission / haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
conformément à l'article 123, paragraphe 2, du règlement

Fabio Massimo Castaldo, Ignazio Corrao au nom du groupe EFDD

Procédure : 2015/2760(RSP)
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B8-0688/2015
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B8-0688/2015

Résolution du Parlement européen sur la situation au Yémen

(2015/2760(RSP))

Le Parlement européen,

–       vu la déclaration de la porte-parole du SEAE du 14 juin 2015 sur la possible reprise à Genève le 14 juin des pourparlers sur le Yémen menés sous l'égide des Nations unies,

–       vu la déclaration commune du 11 mai 2015 de Federica Mogherini, haute représentante/vice-présidente, et Christos Stylianides, commissaire chargé de l'aide humanitaire et de la gestion des crises, sur la proposition de trêve au Yémen,

–       vu la déclaration commune du 1er avril 2015 de Federica Mogherini, haute représentante/vice-présidente, et Christos Stylianides, commissaire chargé de l'aide humanitaire et de la gestion des crises, sur les conséquences des combats au Yémen,

–       vu ses précédentes résolutions sur le Yémen,

–       vu les conclusions du Conseil du 21 avril 2015 sur le Yémen,

–       vu les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies 2014 (2011), 2051 (2012), 2140 (2014), 2201 (2015) et 2216 (2015),

–       vu l'accord de paix et de partenariat national du 21 septembre 2014,

–       vu la déclaration du 24 mai 2015 des coprésidents de la 24e session du Conseil conjoint et de la réunion ministérielle du Conseil de coopération du Golfe et de l'Union européenne,

–       vu l'accord de transition pour le Yémen de 2011,

–       vu le communiqué de presse du Conseil de sécurité des Nations unies du 25 juin 2015 sur la situation au Yémen,

–       vu l'article 123, paragraphe 2, de son règlement,

A.     considérant qu'une guerre civile se déroule actuellement au Yémen, impliquant un grand nombre de belligérants: les forces houtistes qui ont renversé l'ancien président Ali Abdallah Saleh, les forces restées fidèles à l'ancien gouvernement et les séparatistes du sud du pays, concentrés autour d'Aden, au sud et dans le gouvernorat d'Ad Dali; considérant que les groupes terroristes islamistes - Al-Qaida dans la péninsule arabique et les milices ayant prêté allégeance à l'État islamique - tirent également parti de la crise; considérant que les forces de sécurité du Yémen n'ont pas toutes prêté allégeance aux mêmes belligérants;

B.     considérant que le président du Yémen, Abd Rabbouh Mansour Hadi, a été contraint de fuir le 25 mars 2015 après que des rebelles et leurs alliés ont pénétré dans son refuge du sud du pays, pris le contrôle de son aéroport et mis sa tête à prix; considérant que Hadi et le gouvernement se trouvent maintenant en exil en Arabie saoudite;

C.     considérant qu'en mars 2015, le sommet de la Ligue arabe a approuvé une opération militaire dirigée par l'Arabie saoudite contre les insurgés houtistes; considérant que la coalition menée par l'Arabie saoudite et soutenue par les États-Unis a commencé à lancer des attaques aériennes contre les rebelles le 26 mars et qu'un quasi-blocus des ports du Yémen a rendu très difficile l'acheminement de l'aide humanitaire;

D.     considérant que le mercredi 1er juillet, les Nations unies ont placé ce pays déchiré par le conflit au niveau 3 (le plus élevé) d'urgence humanitaire et les responsables des Nations unies ont déclaré que le Yémen se trouvait à deux doigts de la famine; considérant que l'OMS a prévenu que le système de santé du Yémen est au bord de l'effondrement;

E.     considérant que le conflit au Yémen a conduit à ce qu'environ 21 millions de personnes (soit 80 % de la population), nécessitent, à des degrés divers, une aide humanitaire; considérant que les derniers chiffres fournis par les Nations unies indiquent que la moitié de la population du pays se trouve maintenant en situation d'insécurité alimentaire à la suite du blocus naval imposé par la coalition dirigée par l'Arabie saoudite;

F.     considérant que le nombre de personnes mourant des suites de maladie ou de malnutrition devrait bientôt dépasser celui des victimes directes du conflit, et qu'à Aden 8 000 cas de dengue ont été recensés, qui ont entraîné 590 décès; considérant que d'autres maladies telles que la malaria et des maladies transmises par l'eau sont également en augmentation, alors que les infrastructures sanitaires ont extrêmement de mal à continuer à fonctionner;

G.     considérant que 70 % de la population du Yémen a moins de 30 ans et est dans sa grande majorité non éduquée; considérant que les jeunes ont l'impression de n'avoir pas d'autre choix que de s'enrôler pour survivre;

H.     considérant que le Yémen est un fief d'Al-Qaida dans la péninsule arabique et que l'État islamique est également en train de gagner du terrain; considérant que le 29 juin, une voiture piégée a explosé dans la capitale Sanaa, dont la cible était une foule rassemblée pour rendre hommage aux morts victimes de l'explosion d'une autre voiture piégée la semaine précédente (qui avait également blessé au moins 28 personnes); considérant que les deux attaques ont été revendiquées par l'État islamique au Yémen;

I.      considérant que la résolution 2216 (2015) du Conseil de sécurité des Nations unies a imposé un embargo sur les armes et d'autres sanctions ciblées à l'encontre du dirigeant houtiste et d'autres personnes dont les actes menacent la paix et la stabilité du Yémen;

J.      considérant que des négociations sur la crise au Yémen se sont tenues sous l'égide des Nations unies en juin 2015 à Genève mais que les pourparlers de paix entre les belligérants n'ont pas débouché sur un accord de cessez-le-feu; considérant que le porte-parole des Nations unies, Stéphane Dujarric, a indiqué qu'aucune date n'avait été fixée pour un deuxième cycle de négociations;

K.     considérant que la coalition menée par l'Arabie saoudite et soutenue par les États-Unis bombarde les Houtis et leurs alliés depuis le mois de mars; considérant que les Nations unies ont indiqué que depuis le début de la campagne de bombardements, plus de 3 000 personnes ont été tuées et plus de 14 000 personnes ont été blessées;

L.     considérant que le droit international humanitaire énonce clairement que les belligérants doivent prendre toutes les mesures possibles pour empêcher les victimes civiles ou s'efforcer de réduire leur nombre au minimum; considérant que rien n'indique que la coalition menée par l'Arabie saoudite a pris de quelconques mesures pour empêcher ou réparer ces violations;

M.    considérant que le 28 juin, une frappe aérienne a atteint le bâtiment accueillant le PNUD à Aden, entraînant des dommages et la mort d'un garde de sécurité; considérant que les parties au conflit ciblent régulièrement des zones résidentielles et des infrastructures civiles, soit directement soit de façon collatérale, depuis le début du conflit;

N.     considérant que la campagne aérienne menée par l'Arabie saoudite n'a pas réussi à repousser les Houtis, comme cela était prévu, et que le conflit se déroule maintenant sur au moins six fronts dans tout le pays;

O.     considérant que le nombre total de personnes civiles décédées dans le pays dépasse maintenant 1 400; considérant que le nombre total de personnes déplacées à l'intérieur du pays est estimé à plus de 300 000;

P.     considérant que le Yémen est également directement affecté par la crise humanitaire dans la Corne de l'Afrique, puisque plus de 250 000 réfugiés, principalement originaires de Somalie, sont coincés dans le pays et vivent dans des conditions précaires; considérant en outre que le Yémen accueille environ un million de migrants éthiopiens, selon les estimations du gouvernement;

Q.     considérant que le Yémen, en particulier au sud, est un pays riche en pétrole et que le détroit de Bab-el-Mandeb est un goulet d'étranglement qui relie les voies maritimes les plus importantes du monde, y compris pour le transport d'environ 4 % de l'approvisionnement mondial en pétrole;

R.     considérant que l'important patrimoine archéologique et historique du pays est de plus en plus menacé en raison de l'intensification des bombardements aériens sur la vieille ville de Sanaa;

1.      se déclare vivement préoccupé par la rapide détérioration de la situation sécuritaire et humanitaire au Yémen, qui a un effet déstabilisateur sur l'ensemble de la région; présente ses condoléances aux familles des victimes et à toute la population du Yémen;

2.      condamne les actions déstabilisatrices menées par les Houthis et les unités militaires fidèles à l'ancien président Saleh ainsi que tous les actes de violence perpétrés par toutes les parties au conflit; demande à toutes les parties de mettre un terme immédiat au recours à la violence et demande une trêve humanitaire de façon à permettre l'acheminement de l'aide aux personnes se trouvant en situation d'extrême nécessité;

3.      condamne fermement les attaques d'Al-Qaida et de l'État islamique, qui ont lieu dans une situation déjà dramatique; se déclare extrêmement préoccupé par le fait que ces organisations terroristes puissent tirer profit de la situation actuelle et salue le fait que l'Union européenne ait réaffirmé avec fermeté son engagement et sa détermination à lutter contre la menace des groupes extrémistes et terroristes;

4.      s'inquiète du fait que le conflit au Yémen doive s'interpréter dans le contexte d'une lutte pour le pouvoir dans la région; appelle l'Iran et l'Arabie saoudite à soutenir les mesures de confiance qui pourraient désamorcer la situation et à agir de manière constructive et à soutenir un retour des belligérants à la table des négociations, tout en envisageant la possibilité d'un règlement pacifique viable à long terme qui ne se baserait pas nécessairement sur le maintien de l'unité du Yémen dans ses frontières actuelles;

5.      considère que seule une solution politique mutuellement acceptable peut permettre de sortir de l'impasse; estime que cette solution pourrait se baser sur l'initiative du CCG et l'accord de paix et de partenariat national lequel, même s'il n'a pas réussi à stabiliser le pays, reste la seule option valable;

6.      se déclare convaincu que c'est uniquement par un large consensus politique et des négociations pacifiques entre les principaux groupes politiques, avec des délégués représentant véritablement les organisations politiques et bénéficiant de leur soutien, dans une atmosphère exempte de peur, que l'on pourra obtenir une solution durable, faire cesser la violence, rétablir la paix et préserver l'unité, la souveraineté, l'indépendance et l'intégrité territoriale du Yémen;

7.      soutient avec vigueur l'appel lancé par l'envoyé spécial des Nations unies au Yémen, Ismail Ould Cheikh Ahmed, à toutes les parties au conflit, de s'accorder sur une trêve humanitaire pendant le mois sacré du Ramadan, de façon à permettre l'acheminement d'une aide cruellement nécessaire à tous les camps, sur une base équitable, par les ports d'Aden et d'Hodeida;

8.      salue l'allocation par la Commission, pour 2015, de 25 millions d'euros pour le financement de l'aide humanitaire destinée à soutenir les populations de l'ensemble du pays qui sont affectées par une malnutrition extrême, la poursuite du conflit et les déplacements forcés, mais estime qu'il convient de faire plus encore; demande que des fonds supplémentaires soient mis à disposition, en coordination avec d'autres donateurs internationaux afin d'empêcher une crise humanitaire et de fournir une aide essentielle aux personnes dans le besoin;

9.      salue la contribution précieuse des organisations de la société civile qui réalisent l'essentiel du travail de terrain au Yémen, depuis la distribution d'eau et de nourriture aux villages isolés à la mise en place de cliniques dans des zones reculées, et ce avec des financements limités;

10.    ne soutient pas les frappes aériennes opérées par la coalition menée par l'Arabie saoudite dans le pays, qui ont provoqué la mort de nombreux civils et ont fait de nombreux blessés, et estime que ces frappes sont contraires au droit international humanitaire, puisque les attaques qui ne distinguent pas entre les civils et les combattants ou causent des dommages disproportionnés aux civils sont interdites; appelle l'Arabie saoudite et ses partenaires de coalition à respecter le droit international humanitaire, à enquêter rapidement sur les violations présumées et à dédommager les victimes civiles;

11.    se déclare réellement préoccupé par le blocus maritime et aérien de fait imposé par la coalition menée par l'Arabie saoudite, qui est contraire au droit de la guerre, puisqu'il fait peser une menace directe sur la survie de la population; s'inquiète particulièrement du manque de carburant, qui implique que la nourriture, l'eau et les fournitures médicales ne peuvent pas être transportées et que les pompes à eau et les générateurs ne peuvent pas fonctionner, ce qui crée le risque d'une paralysie complète de la fourniture des services de base à la population;

12.    exprime sa profonde inquiétude quant au fait qu'à moins que l'on parvienne à un cessez-le-feu et à une solution politique, la poursuite du conflit et le blocus terrien, maritime et aérien risquent d'avoir des conséquences dramatiques sur la situation humanitaire, avec un impact à long terme sur les moyens de subsistance de la population, la sécurité alimentaire et la nutrition infantile;

13.    appelle la coalition à mettre en œuvre des mesures qui permettraient l'entrée rapide de tanks pour fournir du carburant à la population civile, en particulier pour les hôpitaux et les pompes à eau; demande dans le même temps aux Houtis et aux autres groupes armés de permettre le transfert de ce carburant à la population civile ainsi qu'aux agences des Nations unies et aux organisations humanitaires;

14.    souligne la nécessité de coordonner l'action humanitaire sous l'égide des Nations unies; appelle la communauté internationale à s'engager en faveur d'une augmentation considérable de l'aide humanitaire;

15.    charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux parlements et aux gouvernements des États membres, au Secrétaire général des Nations unies, au Secrétaire général du CCG, au Secrétaire général de la Ligue des États arabes et au gouvernement du Yémen.