PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur le massacre systématique des minorités religieuses par le groupe "État islamique"
27.1.2016 - (2016/2529(RSP))
conformément à l'article 123, paragraphe 2, du règlement
Bodil Valero, Alyn Smith, Bronis Ropė, Igor Šoltes au nom du groupe Verts/ALE
Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B8-0149/2016
B8-0149/2016
Résolution du Parlement européen sur le massacre systématique des minorités religieuses par le groupe "État islamique"
Le Parlement européen,
– vu ses résolutions antérieures sur l'Iraq, la Syrie, la Libye et l'Égypte, notamment celles du 10 octobre 2013 sur les violences et persécutions perpétrées récemment contre des chrétiens, entre autres à Maaloula (Syrie) et à Peshawar (Pakistan), et sur le sort du pasteur Saeed Abedini (Iran)[1], du 18 septembre 2014 sur la situation en Iraq et en Syrie: offensive de l'État islamique et persécution des minorités[2], du 27 novembre 2014 sur l'Iraq: enlèvements et mauvais traitements des femmes[3], du 12 février 2015 sur la crise humanitaire en Iraq et en Syrie, et sur le rôle du groupe "État islamique" en particulier[4], du 12 mars 2015 sur les récents attentats et enlèvements, notamment d'Assyriens, commis par Daech au Proche-Orient[5], et du 30 avril 2015 sur la destruction de sites culturels par le groupe État islamique[6],
– vu les conclusions du Conseil du 16 mars 2015 relatives à la stratégie régionale de l'UE pour la Syrie et l'Iraq, ainsi que pour la menace que constitue l'EIIL/Daech, du 20 octobre 2014 sur la crise provoquée par l'EIIL/Daech en Syrie et en Iraq, du 30 août 2014 sur l'Iraq et la Syrie, du 14 avril 2014 et du 12 octobre 2015 sur la Syrie, ainsi que du 15 août 2014 sur l'Iraq,
– vu les déclarations de la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (VP/HR), sur la situation en Syrie et en Iraq,
– vu les lignes directrices de l'UE concernant le droit humanitaire international, les défenseurs des droits de l'homme et la promotion et la protection de la liberté de religion ou de conviction,
– vu les conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels,
– vu la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948,
– vu la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide,
– vu le statut de Rome de la Cour pénale internationale,
– vu le rapport d'Amnesty International du 20 janvier 2016 intitulé "Banished and dispossessed: Forced displacement and deliberate destruction in northern Iraq" (Bannis et dépossédés: déplacements forcés et destruction délibérée dans le nord de l'Iraq),
– vu l'article 123, paragraphe 2, de son règlement,
A. considérant que l'"EIIL/Daech" continue de prendre pour cibles des groupes ethniques et religieux en Iraq et en Syrie, notamment les Chaldéens, Syriaques et Assyriens, Kurdes Feyli, Kaka'e, Sabéens, Chabaks, Chiites, Turkmènes et Yézidis, dans l'intention de les soumettre à une série d'abus et de violations du droit international des droits de l'homme ou du droit international humanitaire, dont certains constituent, selon des experts des Nations unies, des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité, voire un génocide;
B. considérant que ces actes graves et systématiques contre des groupes ethniques et religieux particuliers comprennent des exécutions massives, des entreprises d'épuration ethnique, des assassinat ciblés, des conversions forcées à l'islam, des enlèvements, des déplacements par la force, des lapidations et des amputations, des disparitions forcées, la torture, la destruction de sites du patrimoine religieux et culturel et le trafic de biens culturels; considérant que les Nations unies ont également fait état de pratiques systématiques de violence sexuelle et physique et de réduction massive en esclavage à l'encontre des femmes et des enfants ainsi que de recrutement d'enfants pour des attentats suicides;
C. considérant que, à ce jour, le groupe "État islamique" a délibérément et systématiquement ciblé et détruit plus de 100 sites religieux et historiques, y compris des églises, mosquées, monuments, sanctuaires et autres lieux de culte, tombeaux et cimetières ainsi que des sites archéologiques et du patrimoine culturel en Syrie et en Iraq;
D. considérant que, selon les Nations unies, ces actes semblent relever d'une politique systématique ou généralisée visant à éliminer, à expulser de manière permanente ou à détruire ces communautés sur les territoires contrôlés par Daech;
E. considérant que le rapport du 16 juin 2015 du rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste fait en substance observer qu'il existe des preuves attestant que l'EIIL a commis de graves violations du droit international, notamment des actes constitutifs d'un génocide, des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre et de graves violations des droits de l'homme (paragraphe 11);
F. considérant que les actes de violence et abus effroyables commis par Daech touchent non seulement les minorités religieuses, mais également d'autres groupes et personnes, tels que les musulmans sunnites, les personnes LGBTI, les athées et tous ceux qui ne se conforment pas à l'idéologie réactionnaire et extrémiste du groupe "État islamique";
G. considérant que Daech a entrepris l'assassinat systématique de toutes les voix de l'opposition, quelle que soit leur appartenance religieuse, en exécutant par exemple de nombreux journalistes et imams sunnites qui s'opposent à Daech, en exécutant 700 membres d'une tribu sunnite en trois jours en août 2014 à Deir Ezzor et, tout récemment, le 16 janvier 2016, des centaines de civils sunnites;
H. considérant que des crimes de guerre et autres violations du droit humanitaire international et des droits de l'homme par les autres parties au conflit dans la région, notamment le régime d'Assad, continuent à être signalés chaque jour et sur une échelle massive;
I. considérant que les minorités religieuses et ethniques sont également la cible du régime d'Assad et de groupes armés non étatiques autres que le groupe État islamique, notamment Jabhat Al-Nosra en Syrie et les milices chiites en Iraq;
J. considérant que dans certains cas, les raisons des attaques perpétrées contre des communautés religieuses ou ethniques tiennent au fait que les auteurs font l'amalgame entre les origines ethniques ou religieuses d'une communauté et la perception qu'ils ont de son appartenance politique;
K. considérant que le droit international consacre le droit de chacun à vivre selon sa conscience, à entretenir des convictions, religieuses ou non, et à en changer en toute liberté; considérant qu'il est du devoir des dirigeants politiques et religieux, à tous les niveaux, de combattre les extrémismes et d'encourager le respect mutuel entre individus et entre groupes religieux;
L. considérant que, à ce jour, seuls neuf États membres ont ratifié la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, à savoir l'Autriche, la Belgique, la France, l'Allemagne, la Lituanie, les Pays-Bas, le Portugal, la Slovaquie et l'Espagne;
1. condamne fermement les violations graves et multiples du droit international des droits de l'homme et du droit humanitaire international commises par toutes les parties aux conflits actuels en Iraq et en Syrie;
2. réaffirme qu'il condamne fermement les atrocités massives et généralisées commises par Daech, y compris sa volonté délibérée de s'en prendre aux communautés religieuses et ethniques sur les territoires qu'il contrôle;
3. Dénonce avec la plus grande fermeté la destruction des sites et des symboles religieux et culturels par Daech, qui sont autant d'agressions envers le patrimoine culturel de toutes les populations de Syrie et d'Iraq et de l'humanité en général; appelle tous les État à l'intensification de leurs enquêtes pénales et à une coopération judiciaire en vue d'identifier l'ensemble des groupes qui se livrent au trafic illicite de biens culturels et à l'endommagement ou à la destruction d'un patrimoine culturel qui appartient à l'humanité toute entière, en Syrie, en Iraq, ainsi qu'au Moyen-Orient et en Afrique du Nord au sens large;
4. demande aux parties belligérantes de la région de cesser immédiatement toutes les attaques contre les civils, de libérer toutes les personnes détenues de manière arbitraire et de veiller au respect des droits de l'homme dont tout un chacun peut se prévaloir, indépendamment de sa religion ou de son appartenance ethnique ou politique;
5. condamne l'escalade rhétorique des dirigeants religieux influents, dans tout le Moyen-Orient et au-delà, y compris en Russie, en ce qui concerne le conflit en Syrie, qui attise les flammes de la haine et accroît le risque de violence contre les communautés religieuses; demande aux dirigeants religieux du monde entier de s'abstenir de toute forme d'appel à la haine religieuse et d'incitations à la violence;
6. reconnaît, promeut et demande le respect par tous du droit inaliénable, dont peut se prévaloir toute minorité religieuse et ethnique, ou autre, d'Iraq et de Syrie de continuer à vivre sur ses terres d'origine et historique dans la dignité, sur un pied d'égalité et en sécurité, et de pouvoir pratiquer librement sa religion, sans aucune contrainte, violence ou discrimination; souligne la nécessité d'associer les véritables représentants des minorités à un processus visant à déterminer l'avenir politique de leurs terres en Iraq et en Syrie;
7. reconnaît que la violence de Daech est l'un des nombreux facteurs qui contribuent à la crise humanitaire en Syrie, en Iraq et dans l'ensemble de la région; invite l'Union européenne et ses États membres, à cet égard, à œuvrer activement et à prendre des mesures pratiques et politiques, notamment dans le cadre des Nations unies, pour trouver une solution à ces conflits de manière à soulager les souffrances de millions de personnes, appartenant à tous les groupes religieux et ethniques, et à réduire la persécution dont elles sont victimes;
8. réaffirme qu'il soutient activement et sans réserve l'action menée par l'envoyé spécial des Nations unies, M. Staffan de Mistura, afin de lancer dans un avenir proche à Genève les négociations entre toutes les parties syriennes. fait observer qu'il est important de prendre dûment en considération la protection des minorités dans toute discussion relative à une transition politique et à l'avenir de la Syrie; insiste donc sur le fait que les représentants des mouvements basés en Syrie devraient être associés aux pourparlers de paix;
9. rappelle que Daech est bien plus une conséquence qu'une cause des convulsions qui secouent actuellement le Moyen-Orient et d'autres pays; rappelle que Daech a émergé dans un contexte prolongé de violations des droits de l'homme et d'impunité, de capitalisme corrompu, de corruption généralisée, de tensions interconfessionnelles, de marginalisation et de discrimination de groupes entiers, y compris de sunnites, et s'inscrit dans une longue histoire de manipulation et d'intervention externes d'acteurs régionaux et occidentaux; estime donc que toute riposte efficace de la communauté internationale face aux actes odieux et au caractère ignoble de Daech nécessite un plan d'action réfléchi, global et stratégique, ancré dans la légalité internationale;
10. souligne que l'émergence de Daech en tant qu'acteur régional majeur et principal centre de l'attention internationale depuis l'été 2014 ne devrait pas faire oublier la responsabilité que d'autres acteurs continuent à avoir dans la catastrophe humanitaire actuelle, y compris, avant tout, le régime d'Assad, mais également le précédent gouvernement iraquien, ainsi que les dirigeants d'autres milices locales et les parties belligérantes non djihadistes, notamment en Libye;
11. répète sa condamnation, dans les termes les plus vifs, des crimes perpétrés par le régime d'Assad à l'encontre de sa population, notamment le recours aux armes chimiques et incendiaires, aux bombes à fragmentation et aux barils remplis d'explosifs, et les sièges imposés actuellement à des milliers de civils dans toute la Syrie;
12. souligne qu'il est important de traduire en justice, conformément aux normes internationales, toutes les parties en Syrie et en Iraq responsables de violations du droit international des droits de l'homme et du droit international humanitaire, notamment de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre; renouvelle son appel au renvoi devant la Cour pénale internationale de la situation en Syrie et en Iraq et soutient toutes les initiatives qui vont dans ce sens;
13. exprime sa très vive inquiétude devant le fait que, selon plusieurs rapporteurs spéciaux des Nations unies, les crimes commis par Daech à l'encontre de minorités religieuses en Syrie pourraient constituer un génocide; souligne dès lors qu'il relève de la responsabilité historique de la communauté internationale de veiller à ce qu'une juridiction faisant autorité statuent sur ces crimes;
14. demande au gouvernement régional kurde du nord de l'Iraq d'enquêter sur les allégations de violations graves des droits de l'homme par sa branche militaire, les Peshmerga, et de poursuivre les responsables des crimes qui auraient été commis;
15. demeure alarmé face à des besoins humanitaires des populations en Iraq, en Syrie et en Libye qui continuent à dépasser la réponse internationale; prie instamment tous les donateurs, y compris l'Union européenne et ses États membres, de tenir leurs engagements et d'apporter rapidement une assistance, notamment à travers les groupes de la société civile au niveau local et les organisations caritatives des minorités de façon à toucher au mieux les groupes vulnérables et dans le besoin; demande à la Turquie et au gouvernement régional kurde d'ouvrir sans plus attendre leurs frontières au nord de la Syrie et de lever les restrictions visant l'aide humanitaire, les activités de reconstruction, les médias et les échanges de la société civile et politique;
16. constate que la persécution incessante des groupes religieux et ethniques au Moyen-Orient est une des causes de la migration de masse et des déplacements internes; demande aux États membres de tenir compte de l'appel du Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés à un engagement bien plus grand en faveur du partage de la responsabilité, en permettant aux réfugiés de fuir les zones de guerre, notamment en raison de la persécution pour des motifs religieux ou ethniques, afin de trouver une protection au-delà de la région directement voisine grâce à des programmes de réinstallation et d'accueil humanitaire, à une simplification du regroupement familial ou à des réglementations plus souples en matière de visas; souligne qu'il est particulièrement nécessaire de remédier à la situation des personnes touchées par des vulnérabilités spécifiques telles que les besoins médicaux importants et le handicap, et à la situation des personnes visées en raison de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur genre;
17. prie instamment tous les États membres de ratifier d'urgence la convention des Nations unies pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées; demande au service européen pour l'action extérieure et aux États membres de promouvoir la ratification par tous et l'application de cet instrument essentiel des droits de l'homme, et de soutenir le travail du comité des disparitions forcées créé sous l'égide des Nations unies en vertu de cette convention;
18. charge son Président de transmettre la présente résolution à la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au Conseil, à la Commission, au représentant spécial de l'Union pour les droits de l'homme, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au secrétaire général de l'Organisation des Nations unies, au Conseil des droits de l'homme des Nations unies et à toutes les parties au conflit en Syrie, en Iraq et en Libye.
- [1] Textes adoptés de cette date, P7_TA(2013)0422.
- [2] Textes adoptés de cette date, P8_TA(2014)0027.
- [3] Textes adoptés de cette date, P8_TA(2014)0066.
- [4] Textes adoptés de cette date, P8_TA(2015)0040.
- [5] Textes adoptés de cette date, P8_TA(2015)0071.
- [6] Textes adoptés de cette date, P8_TA(2015)0179.