PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur la situation en Pologne
11.4.2016 - (2015/3031(RSP))
conformément à l'article 123, paragraphe 2, du règlement
Manfred Weber, Esteban González Pons au nom du groupe PPE
Gianni Pittella, Tanja Fajon, Josef Weidenholzer, Péter Niedermüller, Birgit Sippel au nom du groupe S&D
Guy Verhofstadt au nom du groupe ALDE
Barbara Spinelli, Marie-Christine Vergiat, Marisa Matias, Sofia Sakorafa, Kateřina Konečná, Kostas Chrysogonos, Kostadinka Kuneva, Stelios Kouloglou, Lola Sánchez Caldentey, Miguel Urbán Crespo, Tania González Peñas, Xabier Benito Ziluaga, Estefanía Torres Martínez au nom du groupe GUE/NGL
Judith Sargentini, Josep-Maria Terricabras, Benedek Jávor, Helga Trüpel, Monika Vana, Terry Reintke au nom du groupe Verts/ALE
Le Parlement européen,
– vu les traités de l'Union européenne, et notamment les articles 2, 3, 4 et 6 du traité sur l'Union européenne (traité UE),
– vu la communication de la Commission du 19 mars 2014 sur un nouveau cadre de l'UE pour renforcer l'état de droit (COM(2014)0158),
– vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,
– vu la convention européenne des droits de l'homme (CEDH),
– vu son débat du 19 janvier 2016 sur la situation en Pologne,
– vu l'avis de la commission de Venise du 12 mars 2016 sur les amendements du 22 décembre 2015 à la loi du 25 juin 2015 sur le Tribunal constitutionnel de la Pologne,
– vu l'article 123, paragraphe 2, de son règlement,
A. considérant que le respect de l'état de droit, de la démocratie, des droits de l'homme, des libertés fondamentales et des valeurs et principes tels qu'énoncés dans les traités de l'Union européenne et les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme sont des obligations pour l'Union et ses États membres, qui doivent être respectées;
B. considérant que, conformément à l'article 2 du traité UE, l'Union européenne est fondée sur le respect de la dignité humaine, de la liberté, de la démocratie, de l'égalité, de l'État de droit, ainsi que des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités, valeurs communes à tous les États membres qui doivent être respectées par l'Union et par chaque État membre, dans toutes leurs actions;
C. considérant qu'en vertu de l'article 4, paragraphe 2, du traité UE, l'Union doit respecter l'égalité des États membres devant les traités ainsi que leur identité nationale;
D. considérant qu'aux termes de l'article 4, paragraphe 3, du traité UE, en vertu du principe de coopération loyale, l'Union et les États membres se respectent et s'assistent mutuellement dans l'accomplissement des missions découlant des traités;
E. considérant qu'en vertu de l'article 17 du traité UE, la Commission doit veiller à l'application des traités;
F. considérant que l'état de droit est la clé de voûte de la démocratie et l'un des principes fondateurs de l'Union européenne, qui agit sur la base de la présomption de confiance mutuelle que ses États membres respectent la démocratie, l'état de droit et les droits fondamentaux, comme le prévoient la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la CEDH;
G. considérant qu'un système judiciaire efficace, indépendant et impartial est essentiel pour caractériser l'état de droit et pour garantir la protection des droits fondamentaux et des libertés civiles des citoyens européens;
H. considérant que le Tribunal constitutionnel a été établi comme l'un des éléments centraux garantissant l'équilibre des pouvoirs de la démocratie constitutionnelle et l'état de droit en Pologne;
I. considérant que les récents événements en Pologne, en particulier la controverse politique et juridique concernant la composition du Tribunal constitutionnel et les nouvelles règles relatives à son fonctionnement (en ce qui concerne, notamment, l'examen des affaires et l'ordre de celles-ci, l'augmentation du quorum de présences et des majorités nécessaires pour que le Tribunal adopte des décisions), ont suscité des inquiétudes quant à la capacité du Tribunal constitutionnel de faire respecter la Constitution et de garantir le respect de l'état de droit;
J. considérant que la commission de Venise a clairement affirmé que le Tribunal constitutionnel ne peut jouer son rôle de garant de la primauté de la Constitution polonaise étant donné que le verdict du Tribunal du 9 mars 2016 n'a pas été publié et ne peut donc entrer en vigueur, et que cette situation compromet l'état de droit; que la commission de Venise a averti que le fait de paralyser le Tribunal porterait atteinte à la démocratie, aux droits de l'homme et à l'état de droit;
K. considérant que les mesures prises par le gouvernement polonais et le président de la République de Pologne à l'égard du Tribunal constitutionnel représentent un risque pour la démocratie constitutionnelle;
L. considérant que, à la suite du débat d'orientation du 13 janvier 2016, la Commission a décidé d'entamer un dialogue structuré au titre du cadre pour l'état de droit en adressant une lettre au gouvernement polonais en vue de clarifier la situation en Pologne;
M. considérant que la Commission, en tant que gardienne des traités, rassemblera et examinera toutes les informations utiles et appréciera s'il existe des indications claires d'une menace systémique envers l'état de droit;
N. considérant que le cadre pour l'état de droit est destiné à faire face à des menaces systémiques envers l'état de droit, en particulier dans des situations auxquelles des procédures d'infraction ne permettent pas de remédier efficacement et au cas où les "mécanismes de protection de l'état de droit" existant au niveau national ne semblent pas en mesure de mettre fin à ces menaces;
O. considérant que la Constitution polonaise actuelle, adoptée en 1997, garantit la séparation des pouvoirs, le pluralisme politique, la liberté de la presse, la liberté d'expression et le droit à l'information;
P. considérant que, outre la crise constitutionnelle, d'autres questions inspirent de vives inquiétudes au Parlement européen dans la mesure où elles pourraient constituer des atteintes au droit européen et aux droits fondamentaux, notamment aux droits de la femme; considérant que ces initiatives du gouvernement polonais doivent être suivies de près par les institutions européennes;
1. juge fondamental de garantir le respect intégral des valeurs européennes communes énoncées à l'article 2 du traité UE;
2. estime que tous les États membres doivent respecter intégralement le droit de l'Union dans leurs pratiques législatives et administratives, et que tout texte législatif, y compris le droit primaire de tout État membre ou pays candidat à l'adhésion, doit correspondre et être conforme aux valeurs fondamentales européennes, à savoir les principes démocratiques, l'état de droit et le respect des droits fondamentaux;
3. est vivement préoccupé par le fait que la paralysie effective du Tribunal constitutionnel en Pologne met en péril la démocratie, les droits de l'homme et l'état de droit;
4. prie instamment le gouvernement polonais de respecter, de publier et d'exécuter intégralement sans plus attendre le jugement du Tribunal constitutionnel du 9 mars 2016 et d'exécuter les jugements des 3 et 9 décembre 2015;
5. demande au gouvernement polonais d'appliquer pleinement les recommandations de la commission de Venise; partage l'avis de la commission de Venise selon lequel la Constitution polonaise et les normes européennes et internationales exigent que les jugements d'une Cour constitutionnelle soient respectés;
6. salue la visite que M. Timmermans, vice-président de la Commission, a récemment effectuée en Pologne et sa déclaration lors de la réunion de la Commission du 6 avril 2016 sur le lancement d'un dialogue destiné à trouver une solution à la situation actuelle, dans le respect intégral du cadre constitutionnel, ce qui suppose la publication et l'exécution des jugements du Tribunal constitutionnel; partage ses inquiétudes quant à la possibilité que deux systèmes juridiques coexistent en parallèle, ce qui entraînerait une insécurité juridique;
7. appuie la décision de la Commission de lancer un dialogue structuré au titre du cadre pour l'état de droit, qui devrait permettre de préciser si une menace systémique pèse sur les valeurs démocratiques et l'état de droit en Pologne; se félicite de l'assurance donnée par la Commission que le dialogue avec les autorités polonaises sera mené de manière impartiale, sur la base d'éléments probants et dans un esprit de coopération, et demande à la Commission, si le gouvernement polonais ne respectait pas les recommandations de la commission de Venise au cours du dialogue structuré, d'engager la deuxième étape de la procédure visant à sauvegarder l'état de droit en formulant une "recommandation sur l'état de droit" et d'apporter son soutien à la Pologne dans l'élaboration de solutions propres à renforcer l'état de droit;
8. souligne cependant que toutes les mesures prises doivent respecter les compétences de l'Union et de ses États membres, conformément aux traités et au principe de subsidiarité;
9. invite la Commission à le tenir régulièrement et étroitement informé de ses évaluations, des progrès accomplis et des mesures prises;
10. espère que le dialogue structuré entre le gouvernement polonais et la Commission donnera également lieu au réexamen d'autres décisions de ce gouvernement qui ont suscité des inquiétudes quant à leur légalité et à leurs éventuelles conséquences sur les droits fondamentaux;
11. attend de la Commission qu'elle assure de même un suivi de la situation dans tous les États membres pour ce qui est du respect de la démocratie, de l'état de droit et des droits fondamentaux, évitant ainsi d'appliquer deux poids, deux mesures, et qu'elle fasse rapport au Parlement;
12. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et aux parlements des États membres ainsi qu'au président de la République de Pologne.