PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur les attaques commises contre des hôpitaux et des écoles: violations du droit humanitaire international
20.4.2016 - (2016/2662(RSP))
conformément à l'article 128, paragraphe 5, du règlement
Elena Valenciano, Linda McAvan, Enrique Guerrero Salom, Pier Antonio Panzeri, Norbert Neuser, Marlene Mizzi au nom du groupe S&D
Voir aussi la proposition de résolution commune RC-B8-0488/2016
B8-0493/2016
Résolution du Parlement européen sur les attaques commises contre des hôpitaux et des écoles: violations du droit humanitaire international
Le Parlement européen,
– vu la déclaration universelle des droits de l'homme ainsi que les autres instruments des Nations unies en faveur des droits de l'homme,
– vu les conventions de Genève et les autres instruments juridiques concernant la promotion du droit humanitaire international,
– vu le statut de Rome de la Cour pénale internationale,
– vu les conclusions du Conseil des 10 et 11 décembre 2015 sur le processus préparatoire au sommet mondial humanitaire;
– vu les conclusions du Conseil "Affaires étrangères" du 8 décembre 2009 sur la promotion du respect du droit international humanitaire,
– vu les lignes directrices de l'Union européenne mises à jour concernant la promotion du droit humanitaire international[1],
– vu le rapport du Secrétaire général des Nations unies pour le sommet mondial humanitaire, intitulé "Une humanité, une responsabilité partagée", du 2 février 2016,
– vu les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies 1998(2011), adoptée le 12 juillet 2011, et 2143(2014), adoptée le 7 mars 2014, concernant la protection des enfants touchés par des conflits armés,
– vu la résolution de l'Assemblée générale des Nations unies A/RES/64/290 du 9 juillet 2010 sur le droit à l'éducation dans les situations d'urgence,
– vu les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies 1502(2003), adoptée le 26 août 2003, sur la violence contre le personnel humanitaire, et 2175(2014), adoptée le 29 août 2014, sur la protection des civils en période de conflit armé,
– vu la déclaration sur la sécurité des écoles publiée en mai 2015 ainsi que les lignes directrices y afférentes pour la protection des écoles et des universités contre l'utilisation militaire durant les conflits armés;
– vu la résolution de la XXXIIe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge du 10 décembre 2015 sur le renforcement du respect du droit international humanitaire,
– vu le rapport du comité international de la Croix-Rouge sur le projet "Les soins de santé en danger" et son rapport sur les violences contre les infrastructures médicales et leur personnel,
– vu sa résolution du 25 février 2016 sur la situation humanitaire au Yémen[2],
– vu sa résolution du 26 novembre 2015 sur l'éducation des enfants en situation d'urgence et de crises de longue durée[3],
– vu sa résolution du 12 février 2015 sur la crise humanitaire en Iraq et en Syrie, et le rôle de Daech en particulier[4],
– vu sa résolution du 16 décembre 2015 sur la préparation du sommet humanitaire mondial: enjeux et perspectives en matière d'assistance humanitaire[5],
– vu la question au Conseil sur les attaques commises contre des hôpitaux et des écoles: violations du droit humanitaire international (O-000063/2016 – B8-0361/2016),
– vu l'article 128, paragraphe 5, et l'article 123, paragraphe 2, de son règlement,
A. considérant que les agressions contre des travailleurs humanitaires sont désormais "monnaie courante" et ont atteint des niveaux alarmants;
B. considérant que la communauté internationale assiste à une vague dramatique d'attentats contre des hôpitaux et des écoles dans les conflits armés à travers le monde ainsi qu'à une augmentation sans précédent des refus d'aide et d'accès humanitaire, à l'exécution de civils et de personnel humanitaire, à la détention dans des conditions sinistres, à la prise d'otages civils et à la réduction de civils en esclavage;
C. considérant que le Conseil de sécurité des Nations unies a un rôle évident à jouer pour assurer le respect du droit international en ce qui concerne la protection de tous les travailleurs humanitaires;
D. considérant qu'il revient avant tout aux États d'assister et de protéger les personnes qui résident sur leur territoire et qu'ils devraient s'efforcer de renforcer et d'améliorer leur collaboration pour des actions préventives, avant que les violations ne se produisent;
E. considérant qu'il existe une distinction artificielle entre personnel international et local pour ce qui concerne le renforcement de la protection des travailleurs humanitaires; que les travailleurs humanitaires locaux sont rarement couverts par les mêmes dispositifs de sécurité que leurs collègues internationaux;
F. considérant que, selon la définition du statut de Rome, les attaques contre le personnel humanitaire sont des crimes de guerre;
G. considérant qu'en mars 2016, 124 États sont parties au statut de la Cour pénale internationale (statut de Rome) mais que 31 pays signataires ne l'ont toujours pas ratifié et que 41 États membres des Nations unies n'ont ni signé le statut, ni adhéré à celui-ci;
H. considérant que trois États signataires – Israël, le Soudan et les États-Unis – ont informé le Secrétaire général des Nations unies qu'ils n'avaient plus l'intention de devenir des États parties et que, dès lors, ils n'avaient pas d'obligations juridiques découlant de la signature du statut par leurs anciens représentants;
I. considérant que les auteurs d'agressions contre des travailleurs humanitaires devraient rendre des comptes;
J. considérant que le premier sommet humanitaire mondial se tiendra à Istanbul les 23 et 24 mai 2016; que, dans son rapport publié en vue du sommet humanitaire mondial intitulé "Une humanité, une responsabilité partagée", le Secrétaire général des Nations unies attire l'attention sur ce qu'il appelle "l'érosion brutale et flagrante du respect des droits de l'homme consacrés au niveau international et du droit international humanitaire" dans les situations de conflit armé, qui risque de nous ramener à une époque où la guerre ne connaissait aucune limite; que, d'après ce rapport, le manquement à exiger et encourager le respect de nos normes communes et l'absence de soutien aux mécanismes existants de contrôle, de suivi et de responsabilisation contribuent à cette érosion;
K. considérant que le droit international humanitaire, ou droit des conflits armés, a pour objet d'atténuer les effets de ces conflits en protégeant ceux qui n'y sont pas, ou n'y sont plus, directement partie et en réglementant les moyens et les méthodes de la guerre;
L. considérant que les hôpitaux et le personnel médical sont expressément protégés en vertu du droit international humanitaire, et que les attaques préméditées contre les civils et les infrastructures civiles sont considérées comme une violation grave du droit humanitaire international;
M. considérant que le statut de Rome souligne que le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des bâtiments consacrés à la religion, à l’enseignement, à l’art, à la science ou à l’action caritative, ou des monuments historiques, est un crime de guerre;
N. considérant que l'inviolabilité des locaux, biens et avoirs des Nations unies, y compris des écoles et des centres médicaux, est protégée par la convention de 1946 sur les privilèges et immunités des Nations unies;
O. considérant que le comité international de la Croix-Rouge a également déclaré que le devoir d'enquêter sur les crimes de guerre présumés est une règle du droit international coutumier, applicable à la fois aux conflits armés internationaux et non internationaux;
P. considérant que le 14 mars 2016, 52 États, dont plusieurs États membres de l'Union, mais pas tous, ont approuvé la déclaration sur la sécurité des écoles publiée à l'issue de la conférence d'Oslo pour des écoles sûres, qui s'est tenue en mai 2015;
Q. considérant que, lorsqu'il a adopté les lignes directrices de l'Union européenne concernant la promotion du droit humanitaire international, le Conseil "Affaires étrangères" a souligné qu'il importait de s'occuper réellement de l'héritage des violations graves en soutenant les mécanismes de responsabilisation appropriés et a mis l'accent sur le rôle important incombant à la Cour pénale internationale (CPI) lorsque le ou les États concernés n'ont pas la capacité ou la volonté d'exercer leur compétence; que les lignes directrices de l'Union chargent les "groupes de travail concernés au sein du Conseil" de suivre les situations où le droit international humanitaire pourrait trouver à s'appliquer et, le cas échéant, de recommander des actions destinées à promouvoir son respect (paragraphe 15, point a));
R. considérant que, de 2012 à 2015, le CICR a organisé une grande consultation sur la manière de renforcer la protection juridique des victimes de conflits armés et sur les moyens d'accroître l'efficacité des mécanismes de contrôle du respect du droit international humanitaire; considérant que l'initiative "Les soins de santé en danger" du CICR cherchait à "combattre le problème de la violence contre les patients, les personnels de santé, les structures médicales et les véhicules sanitaires, et [à] rendre plus sûrs l’accès aux soins de santé et la fourniture des soins dans les conflits armés et autres situations d’urgence"
S. considérant que les États participants à la 32e conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, qui s'est tenue en décembre 2015, ont finalement été incapables de se mettre d'accord sur un nouveau mécanisme proposé par le CICR et le gouvernement suisse afin de renforcer le respect du droit international humanitaire; que le nouveau mécanisme proposé prévoyait l'organisation d'une réunion annuelle des États parties aux conventions de Genève; que les États participants ont décidé d'engager un nouveau processus intergouvernemental dans le but de trouver des moyens d'améliorer la mise en œuvre du droit international humanitaire en se fixant pour objectif de présenter les résultats lors de la prochaine conférence internationale, en 2019;
1. regrette profondément la perte de respect pour le droit international humanitaire et se déclare choqué et profondément préoccupé par les attaques meurtrières contre des hôpitaux et des écoles commises à un rythme de plus en plus alarmant en temps de conflit armé dans le monde entier, qui prennent pour cible et frappent des patients, des étudiants, du personnel médical, des enseignants, des travailleurs humanitaires et des membres de leurs familles, et déplore que les condamnations internationales donnent rarement lieu à des enquêtes indépendantes et à l'obligation pour leurs auteurs de réellement répondre de leurs actes; invite les États membres, les institutions de l'Union et la vice-présidente/haute représentante à reconnaître la véritable ampleur de cette situation d'urgence et à élaborer sans tarder un plan d'action assorti d'un calendrier concret en vue d'utiliser au maximum l'influence de l'Union et des États membres pour assurer la mise en œuvre de mesures préventives et mettre un terme à ces violations et abus;
2. condamne les attaques perpétrées contre des hôpitaux et des écoles, interdites par le droit international, et reconnaît que de tels actes peuvent constituer des violations graves des conventions de Genève de 1949 et des crimes de guerre en vertu du statut de Rome; est convaincu que la préservation des infrastructures sanitaires et scolaires en tant qu'espaces neutres et protégés dans le contexte de conflits armés dépend de l'issue d'enquêtes transparentes, indépendantes et impartiales sur les attaques sauvages survenues ainsi que de l'application effective de l'obligation, pour les auteurs de crimes, de répondre de leurs actes;
3. demande que l'Union européenne et ses États membres inscrivent à l'ordre du jour des Nations unies et du Conseil de sécurité des Nations unies la suppression de la hiérarchie et de la distinction artificielles entre personnel international et local en ce qui concerne le renforcement de la protection de tous les travailleurs humanitaires;
4. encourage l'Union et ses États membres à soutenir pleinement l'appel du Secrétaire général des Nations unies à ce que tous les États membres des Nations unies profitent de l'occasion offerte par le sommet humanitaire mondial pour réaffirmer leur engagement en faveur de la protection des civils et du respect des droits de l'homme pour tous en respectant, mettant en œuvre et promouvant les règles qu'ils ont déjà adoptées; souligne l'importance donnée par le Secrétaire général des Nations unies au renforcement des systèmes judiciaires et d'enquête internationaux, dont la CPI, en complément des cadres nationaux, afin de mettre un terme à l'impunité en ce qui concerne les violations du droit international humanitaire;
5. demande à l'Union européenne, à ses États membres et aux autres donateurs internationaux de se consacrer pleinement, lors du sommet humanitaire mondial, à l'ensemble des engagements fondamentaux figurant dans l'Agenda pour l'humanité, qui vise essentiellement à réduire l'impact humanitaire du déroulement des hostilités et permettre l'action humanitaire;
6. demande à l'Union européenne et à ses États membres de presser le Conseil de sécurité des Nations unies d'utiliser tous les outils dont il dispose, par exemple les mesures ciblées, la mise en place de missions d'information ou de commissions d'enquête, ou les mécanismes judiciaires, tels que le renvoi devant la Cour pénale internationale, de s'abstenir de recourir au veto lorsque des décisions sont prises au Conseil de sécurité sur des questions relatives à l'action humanitaire, de renforcer le respect des normes de droit international qui prévoient la protection des travailleurs humanitaires, et de veiller à ce que les actions qui pourraient constituer des violations de ces normes fassent l'objet d'enquêtes systématiques et à ce que les personnes soupçonnées d'être responsables de tels actes soient traduites en justice;
7. invite l'Union européenne et ses États membres à demander que le Conseil de sécurité des Nations unies rappelle aux parties qu'elles doivent se conformer à leurs obligations légales et condamne celles qui ne le font pas, en imposant des mesures ciblées contre les récidivistes, tout en s'assurant que les lignes de démarcation entre objectifs politiques, militaires et humanitaires ne se trouvent pas estompées lors des négociations de paix et dans le cadre des mandats de maintien de la paix;
8. reconnaît l'importance et le caractère unique des lignes directrices de l'Union concernant la promotion du respect du droit humanitaire international dès lors qu'aucun autre pays ou organisation n'a adopté d'acte équivalent; s'inquiète, cependant, de l'efficacité de la mise en œuvre des lignes directrices de l'Union européenne par les institutions et les États membres de l'Union;
9. invite le Conseil "Affaires étrangères" et la vice-présidente/haute représentante à demander que les chefs de mission de l'Union européenne et les représentants qualifiés de l'UE (chef d'opérations civiles, commandants d'opérations militaires et représentants spéciaux) dressent une liste des cas de violations graves du droit international humanitaire;
10. invite le Conseil "Affaires étrangères" et la vice-présidente/haute représentante à revoir la répartition actuelle des responsabilités, en vertu de laquelle la mise en œuvre des lignes directrices concernant la promotion du droit international humanitaire relève avant tout de la compétence du groupe de travail du Conseil sur le droit international public, présidé par la présidence du Conseil, afin de veiller à ce que les politiques et actions de l'Union relatives au droit international humanitaire soient élaborées de manière cohérente et efficace; souligne dans ce contexte que les lignes directrices de l'Union chargent les "groupes de travail concernés au sein du Conseil" de suivre les situations où le droit international humanitaire pourrait trouver à s'appliquer et, en pareil cas, de recommander des actions destinées à promouvoir son respect (paragraphe 15, point a)); invite les groupes de travail concernés au sein du Conseil à utiliser ce mandat pour résoudre d'urgence la crise actuelle du non-respect des règles applicables;
11. demande à tous les États membres des Nations unies qui sont signataires du statut de Rome de signer et/ou ratifier ce statut pour veiller à ce que le droit pénal international devienne réellement mondial et universel;
12. rappelle la position exprimée dans les lignes directrices de l'Union selon laquelle il sera envisagé, s'il y a lieu, de s'appuyer sur les services de la Commission internationale humanitaire d'établissement des faits (CIHEF), constituée en vertu du protocole additionnel I aux conventions de Genève de 1949, laquelle peut contribuer à promouvoir le respect du droit international humanitaire grâce à ses compétences en matière d'établissement des faits et à sa fonction de conciliation; relève qu'il n'a jamais été fait appel aux services de la CIHEF et presse le Conseil, les États membres de l'Union ainsi que le Service européen pour l'action extérieure de parrainer une enquête en demandant de traiter les attaques menées contre des hôpitaux et des écoles en tant que situation de crise urgente concernant le respect des normes du droit international humanitaire;
13. encourage les États membres de l'Union européenne et la communauté internationale à renforcer le rôle de la CIHEF en facilitant son action concernant à la fois les conflits armés internationaux et non internationaux grâce à l'élargissement de sa capacité juridictionnelle ad hoc; rappelle que la CIHEF a officiellement proposé ses bons offices à l'Afghanistan et aux États-Unis après l'attaque contre l'hôpital de Kunduz en octobre 2015;
14. s'alarme de l'espace institutionnel actuellement limité dont dispose la communauté internationale pour aborder des préoccupations communes concernant l'application du droit international humanitaire; déplore, à cet égard, que les États participants à la 32e conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge organisée en décembre 2015 ne soient pas parvenus à se mettre d'accord sur un nouveau mécanisme qui aurait renforcé le système de gouvernance du droit international humanitaire par l'organisation d'une réunion annuelle entre les États afin d'intensifier le dialogue et par l'introduction de rapports périodiques sur le respect du droit international humanitaire à l'échelle nationale; invite l'Union européenne et ses États membres à s'efforcer de parvenir à un meilleur résultat dans le cadre du prochain processus intergouvernemental;
15. invite le Secrétaire général des Nations unies à promouvoir des campagnes pour veiller à ce que tous les acteurs, y compris les groupes armés non étatiques, soient conscients de leurs obligations au titre du droit international, satisfassent à leurs obligations de faciliter l'assistance et la protection humanitaires pour les personnes qui sont sous leur contrôle, par exemple en émettant des directives à l'intention de leurs combattants, et promulguent des codes de conduite et des ordres permanents qui tiennent compte de leurs obligations au titre du droit international humanitaire;
16. charge son Président de transmettre la présente résolution à la vice-présidente de la Commission et haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au Conseil, à la Commission, au représentant spécial de l'Union européenne pour les droits de l'homme, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au Secrétaire général des Nation unies, au président de l'Assemblée générale des Nations unies et aux gouvernements des États membres des Nations unies.
- [1] JO C 303 du 15.12.2009, p. 12.
- [2] Textes adoptés de cette date, P8_TA(2016)0066.
- [3] Textes adoptés de cette date, P8_TA(2015)0418.
- [4] Textes adoptés de cette date, P8_TA(2015)0040.
- [5] Textes adoptés de cette date, P8_TA(2015)0459.