PROPOSITION DE RÉSOLUTION sur les perturbateurs endocriniens: état des lieux à la suite de l'arrêt de la Cour du 16 décembre 2015
1.6.2016 - (2016/2747(RSP))
conformément à l'article 123, paragraphe 2, du règlement
Sylvie Goddyn au nom du groupe ENF
B8-0737/2016
Résolution du Parlement européen sur les perturbateurs endocriniens: état des lieux à la suite de l'arrêt de la Cour du 16 décembre 2015
Le Parlement européen,
– vu le règlement (UE) n° 528/2012 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l'utilisation des produits biocides[1],
– vu le règlement (CE) nº 1935/2004 du Parlement européen et du Conseil du 27 octobre 2004 concernant les matériaux et objets destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires et abrogeant les directives 80/590/CEE et 89/109/CEE[2],
– vu le règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n° 793/93 du Conseil et le règlement (CE) n° 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission[3],
– vu l'arrêt du Tribunal de la Cour de justice de l'Union européenne du 16 décembre 2015 dans l'affaire T-521/14, Royaume de Suède/Commission européenne[4], dans laquelle le Royaume Suède, soutenu, entre autres, par le Parlement, a engagé une procédure contre la Commission au motif que celle-ci n'a pas adopté d'actes délégués relatifs aux critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien,
– vu l'article 36 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (traité FUE),
– vu l'article 168 du traité FUE,
– vu l'article 17, paragraphe 8, du traité sur l'Union européenne et l'article 234 du traité FUE,
– vu la lettre en date du 22 mars 2016 adressée par Jean-Claude Juncker, président de la Commission, au président du Parlement européen ((2016)1416502),
– vu la proposition de la Commission tendant à l'instauration de nouvelles dispositions concernant le bisphénol A (BPA) dans les matériaux destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires[5],
– vu la déclaration de la Commission du 25 mai 2016 sur les perturbateurs endocriniens: état des lieux à la suite de l'arrêt de la Cour du 16 décembre 2015,
– vu l'article 123, paragraphe 2, de son règlement,
A. considérant que le règlement (UE) nº 528/2012 se fonde sur le principe de précaution et vise à garantir que la fabrication et la mise à disposition sur le marché de substances actives et de produits biocides n’ont pas d’effets nocifs sur la santé humaine ou animale ni d’incidences inacceptables sur l’environnement;
B. considérant qu'en vertu du règlement (UE) nº 528/2012, la Commission était tenue d'adopter, le 13 décembre 2013 au plus tard, des actes délégués tendant à définir des critères scientifiques pour la détermination des propriétés de perturbation endocrinienne des substances actives et des produits biocides;
C. considérant que la Commission n'a pas adopté les actes délégués précités, ni avant ni après le 13 décembre 2013;
D. considérant que le Tribunal a jugé, dans son arrêt du 16 décembre 2015, que la Commission était tenue par une obligation claire, précise et inconditionnelle d'adopter les actes délégués en ce qui concerne la spécification desdits critères scientifiques le 13 décembre 2013 au plus tard;
E. considérant que le Tribunal a rejeté un argument juridique spécifique invoqué par la Commission pour justifier son inaction et qu'il a jugé sans équivoque, au point 74 de son arrêt, qu'aucune disposition du règlement nº 528/2012 n'exige de procéder à une analyse d’impact des critères scientifiques fondés sur le danger;
F. considérant que, lors de la séance plénière du Parlement du 2 février 2016, la Commission, représentée par Vytenis Povilas Andriukaitis, membre de la Commission chargé de la santé et de la sécurité des aliments, a déclaré qu'une analyse d'impact constituait un instrument utile, voire essentiel, pour orienter sa décision à venir sur les critères et, en outre, qu'elle entendait présenter, dans un premier temps, un règlement d'exécution contenant les critères qui seront appliqués aux substances chimiques relevant du règlement sur les produits phytosanitaires et de la procédure de réglementation avec contrôle (PRAC), puis, dans un second temps, un acte délégué contenant les critères applicables au titre du règlement sur les produits biocides;
G. considérant que dans la lettre susmentionnée du 22 mars 2016 qu'il a adressée au président du Parlement européen, le Président Juncker a confirmé l'intention de la Commission de demander d'abord l'avis du Comité d'examen de la réglementation sur l'analyse d'impact, alors même que le Tribunal a établi qu'aucune disposition du règlement (UE) nº 528/2012 n'impose de procéder à une analyse d'impact des critères scientifiques fondés sur le risque;
H. considérant que ces déclarations témoignent d'une infraction continue et répétée au règlement (UE) nº 528/2012 et à l'arrêt du Tribunal du 16 décembre 2015;
I. considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 266 du traité FUE, "[l]'institution, l'organe ou l'organisme dont émane l'acte annulé, ou dont l'abstention a été déclarée contraire aux traités, est tenu de prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne";
J. considérant que, par conséquent, ces manquements répétés constituent une violation manifeste des traités;
K. considérant que le règlement (CE) n° 1935/2004 a pour principe de base que tous les matériaux et objets destinés à entrer en contact, directement ou indirectement, avec des denrées alimentaires doivent être suffisamment inertes pour ne pas céder à ces denrées des constituants en une quantité susceptible de présenter un danger pour la santé humaine, d'entraîner une modification inacceptable de la composition des aliments ou d'altérer leurs caractères organoleptiques;
L. considérant qu'en vertu de l'article 18 du règlement (CE) n° 1935/2004, s'il conclut, sur la base d'une motivation circonstanciée, en raison de nouvelles données ou d'une nouvelle évaluation des données existantes, que l'emploi d'un matériau ou d'un objet présente un danger pour la santé humaine, un État membre peut provisoirement suspendre ou restreindre l'application des dispositions de l'Union qui s'y rapportent spécifiquement, telles les dispositions applicables aux matières plastiques; qu'en vertu du même article, la Commission est alors tenue de déterminer si ces mesures sont nécessaires, le cas échéant après avoir obtenu un avis de l'Autorité européenne de sécurité des aliments, et de prendre des dispositions en vue de les adopter ou de les refuser;
M. considérant que plusieurs États membres ont institué des interdictions nationales concernant l'usage de perturbateurs endocriniens présumés dans les matériaux plastiques destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires, au titre de ces mesures de sauvegarde, ainsi que dans d'autres matériaux tels que les revêtements; que le Danemark et la Belgique ont interdit au niveau national l'usage du BPA dans les matériaux destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires pour les nourrissons et les enfants en bas âge, que la Suède a fait de même pour les seuls revêtements et vernis des matériaux destinés à entrer en contact avec les aliments pour nourrissons et enfants en bas âge et que la France a, quant à elle, interdit l'utilisation du BPA dans tous les conditionnements, contenants et ustensiles à vocation alimentaire;
N. considérant que la Commission est légalement tenue d'agir à l'égard des États membres ayant invoqué des motifs d'application de l'article 18, à savoir la France, le Danemark et la Belgique; que ces États membres et la Suède ont procédé à la notification de leurs dispositions dans la mesure où elles portaient sur des matériaux ne faisant pas l'objet de mesures harmonisées spécifiques au niveau de l'Union, conformément à la "procédure de notification 2015/1535";
O. considérant que le règlement (CE) n° 1907/2006 repose sur le principe consistant à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l'environnement;
1. souligne que la Commission n'a pas assuré un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l'environnement;
2. rappelle que la Commission a manqué à l'obligation qui lui incombe d'adopter des actes délégués en application du règlement (UE) nº 528/2012;
3. rappelle que la Commission était tenue de spécifier les critères scientifiques pour la détermination des propriétés de perturbation endocrinienne des substances actives et des produits biocides tandis que, selon les lignes directrices pour une meilleure réglementation adoptées par la Commission le 19 mai 2015, les analyses d'impact doivent permettre de recueillir des données concrètes afin d'apprécier l'opportunité d'une mesure législative ou non législative envisagée par l'Union et de déterminer comment concevoir au mieux la mesure en question pour atteindre les objectifs fixés;
4. estime qu'il est inadmissible que, même après avoir été condamnée par l'arrêt du Tribunal du 16 décembre 2015, la Commission n'ait pas adopté les actes délégués définissant les critères scientifiques pour la détermination des propriétés de perturbation endocrinienne des substances actives et des produits biocides;
5. dénonce les tentatives fallacieuses et vaines menées par la Commission pour retarder l'action qu'elle est tenue d'engager, ainsi que ses efforts tendant à justifier la nécessité d'adopter une analyse d'impact que la législation n'impose pas, alors qu'il est de notoriété publique que les groupes de pression industriels, l'OMC et les États-Unis d'Amérique jouent de leur influence auprès d'elle afin de l'amener à ne pas publier de critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien;
6. souligne que la Commission a également enfreint les traités dans la mesure où elle n'a pas pris toutes les mesures nécessaires pour exécuter l'arrêt du Tribunal;
7. demande à la Commission de laisser les États membres libres d'interdire l'utilisation et l'importation des produits qu'ils considèrent comme étant des perturbateurs endocriniens;
8. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission, ainsi qu'aux gouvernements et aux parlements des États membres.
- [1] JO L 167 du 27.6.2012, p. 1.
- [2] JO L 338 du 13.11.2004, p. 4.
- [3] JO L 396 du 30.12.2006, p. 1.
- [4] Arrêt du Tribunal du 16 décembre 2015, Royaume de Suède / Commission, affaire T-521/14, ECLI:EU:T:2015:976.
- [5] http://ec.europa.eu/smart-regulation/roadmaps/docs/2015_sante_534_bpa_measure_en.pdf.